Le 4 février 1875, la princesse Louise de Belgique, fille aînée du roi Léopold II et de la reine Marie Henriette épousait à Bruxelles le prince Philippe de Saxe-Cobourg-Gotha, fils aîné du prince August de Saxe-Cobourg-Gotha et de la princesse Clémentine d’Orléans, fille du roi Louis-Philippe et de la reine Marie Amélie.
De cette union naîtront deux enfants : le prince Léopold en 1878 et la princesse Dorothea dite Dora en 1881. Les époux que 14 ans séparent, ne formeront pas un couple heureux. La princesse Louise jettera son intérêt sur des achats frénétiques de vêtements et des voyages à répétition, jusqu’à accumuler des dettes presque jusqu’au bout épongées par son époux. Le prince Philippe qui était à la tête d’une des plus importantes fortunes de son époque à Vienne est décédé en 1921 à Cobourg. Louise s’est éteinte seule et dans la ruine à Wiesbaden en 1924.
Revenons sur leur fils le prince Leopold, Clemens, Philipp, August, Maria né le 19 juillet 1878 à Szent-Antal. Fils unique du prince Philippe de Saxe-Cobourg, petit-fils du roi des Belges et arrière-petit-fils du roi des Français, neveu du roi de Bulgarie, il est apparenté à tout le Gotha et est considéré comme l’un des plus beaux partis de son époque.
Il étudie sous la conduite de précepteurs particuliers au Palais Cobourg de Vienne et décroche avec brio son baccalauréat. Polyglotte, il parle l’allemand, le français, l’anglais et le hongrois, il effectue un tour du monde, ce qui est significatif de l’imposante fortune familiale.
Le prince est destiné à mener une carrière militaire. C’est ainsi qu’après avoir obtenu son diplôme à l’Ecole militaire de Vienne, il intègre l’armée impériale. Le prince Léopold voue une grande admiration à l’empereur François Joseph. Son père le prince Philippe était un ami intime du défunt archiduc héritier Rodolphe d’Autriche, marié à la tante de Léopold, la princesse Stéphanie de Belgique.
Un jour à la tête d’une importante fortune, militaire estimé et jeune homme brillant, Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha présente en effet tous les atouts pour un mariage princier. Mais Léopold a fait la connaissance en 1907 à Marienbad de Mila Rybiczka.
Née en 1886 à Prague, elle a ensuite vécu avec sa famille à Vienne. Elle joue au théâtre et connaît un succès grandissant des planches de Meran, à Ischl puis à Ratisbonne et enfin à Marienbad où elle fait la connaissance du prince Léopold. Elle poursuit sa carrière à Berlin puis s’installe à Vienne.
Ayant vent de cette relation qui est au départ clandestine, le prince Philippe de Saxe-Cobourg-Gotha lui propose la somme de 500.000 couronnes (une somme confortable pour cette époque) afin qu’elle mette un terme à sa relation avec le prince Léopold mais le jeune femme refuse.
Léopold refuse également de rompre et subvient d’ailleurs aux besoins de son amie en payant notamment le loyer de son appartement viennois situé à la Marokkanergasse dans le quartier des ambassades.
Les jeunes gens décident de ne plus se cacher et effectuent ensemble des voyages à Paris, Londres, Budapest et même en Egypte. Toutefois, Léopold ne manifeste pas l’intention d’épouser Mila Rybiczka, se réfugiant derrière le fait qu’il n’a pas l’autorisation de son père.
L’actrice met la pression, persuadée que malgré le fait qu’elle n’appartient pas à la noblesse, elle pourra malgré tout infléchir le prince Philippe, père de Léopold.
Le couple séjourne à Paris lorsque l’archiduc héritier François Ferdinand et son épouse la duchesse de Hohenberg sont assassinés à Sarajevo. On prêtait alors l’intention à Léopold et Mila de se rendre à Londres pour se marier secrètement et mettre le prince Philippe devant le fait accompli. Cet attentat avec toutes ses répercussions familiales et politiques, change la donne. Léopold se doit de rentrer à Vienne pour assister aux funérailles. Pressé par sa compagne, il rédige un document dans lequel il s’engage à l’épouser dans les 6 mois, la désigne légataire universelle de sa fortune personnelle.
Les mois passent et la situation demeure inchangée. Mila en perd patience. Le prince Léopold se rend bien compte qu’une union avec l’actrice est totalement inenvisageable au vu de son rang. Il lui propose un dédommagement de 500.000 couronnes, ce qu’elle refuse vexée et blessée. Le prince Philippe a plusieurs prétendantes en vue pour son fils : une princesse de Bulgarie, une princesse de Roumanie, des archiduchesses d’Autriche,…
Le 17 octobre 1915, Léopold accepte de se rendre au domicile viennois de Mila Rybiczka pour une dernière explication. Lorsque comme convenu son chauffeur vient le rechercher, on découvre le drame qui vient de se jouer. Le prince Léopold gît, touché de 4 balles dont une au poumon, il se tord de douleur ayant été vitriolé au visage. Dans un fauteuil Mila Rybiczka est morte, une balle dans le cœur. On imagine que la jeune femme n’a pas supporté de perdre à jamais le prince.
Transporté à l’hôpital où l’on fait venir les meilleurs spécialistes, Léopold perd un œil. Les médecins tentent de sauver l’autre mais sans grand espoir. Pendant des semaines, il subit plusieurs opérations esthétiques.
Ce drame amoureux que l’on appelle le « Petit Mayerling » est vécu très douloureusement par le prince Philippe. Le prince et sa fille la princesse Dora se relayent à son chevet. Cette dernière raconte dans ses lettres que si au moins son frère avait été blessé au combat… Le 27 avril 1916, Léopold âgé de 37 ans, décède lors d’une enième opération d’un arrêt cardiaque. Il est inhumé en la crypte de l’église Saint Augustin de Cobourg. Ainsi s’achevait la vie de Léopold de Saxe-Cobourg, un prince oublié de l’Histoire. (Merci à Damien B. Pour son aide)
Source : La fortune de Dora. Une petite-fille de Léopold II chez les nazis », Olivier Defrance et Joseph Van Loon, Editions Racine, 2013 pp. 119-126
jul
3 avril 2014 @ 06:02
Merci Damien B. !
J’ignorais cette histoire du Prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha !
Effroyable !
Régine
3 avril 2014 @ 06:06
Grâce à Damien, j’ai pu illustrer cet article par un portrait du prince mais les photos sont rares. Il y en a quelques unes dans l’ouvrage d’Olivier Defrance ici référencé.
jul
3 avril 2014 @ 11:04
Merci Régine !
On pourrait faire un film avec cette histoire !
Damien B.
3 avril 2014 @ 06:39
Bonjour Jul en fait j’ai seulement envoyé une photographie à Régine car les documents concernant ce prince sont assez inaccessibles.
Bien amicalement,
Damien
septentrion
3 avril 2014 @ 06:04
Bonjour,
Très intéressant, je ne connaissais pas du tout.
Livia
3 avril 2014 @ 06:23
Terrifiante histoire…
Philibert
3 avril 2014 @ 12:02
Mila Rybiczka aurait mieux fait d’accepter les 500.000 couronnes proposées. Ça n’aurait pas fait deux morts tragiques sans bénéfice pour personne…
Severina
3 avril 2014 @ 06:28
Merci Régine et Damien,
Une histoire vraiment tragique qui c’est passe’ dans un moment historique tragique et peut être pour ça méconnue.
marianne
3 avril 2014 @ 06:49
Moi non plus je ne connaissais pas cette histoire .
Merci Régine .
martine arnold
3 avril 2014 @ 07:18
merci d nous faire decouvrir des histoires inconnues ; continuez ; je n’avais jamais entendu parler du » petit mayerling » ; tres interessant d’en apprendre tous les jours
bonne journee et bravo pour tout ce travail
martine arnold
LPJ
3 avril 2014 @ 07:53
Léopold II, roi des Belges eut deux petits fils aux parcours bien différents : le Prince Léopold de Saxe Cobourg et le Prince Napoléon. L’un est mort en 1916 alors que l’autre était né deux ans plus tôt.
Sylvie-Laure
3 avril 2014 @ 07:57
Merci pour cet article, qui nous fait révélation de ce prince. La vie était dure pour les jeunes femmes de cette époque. Les conditions de différences Sociales ne permettaient pas que l’on plaisante avec le Protocole et les Maisons Royales et Princières. Du concubinage, oui, des maitresses oui, mais de mariage, point.
Palatine
3 avril 2014 @ 20:27
il y a des romans et des films que les jeunes d’aujourd’hui ne pourraient comprendre à cause de ces codes sociaux. Dans « Yvette » de Maupassant, une jeune fille qui sort de son couvent est courtisée par un jeune aristocrate qui fréquente le salon de sa mère. Yvette dit au jeune homme qu’il n’y a pas de problème : il n’a qu’à demander sa main à sa mère. Elle ne comprend pas qu’elle est « immariable », car sa mere est une demi-mondaine, aucune jeune homme de bonne famille ne peut l’épouser. A la fin du livre, voyant son avenir bouché, elle accepte de devenir la maitresse du jeune homme. Les temps ont (heureusement ) bien changé.
June
3 avril 2014 @ 07:59
Une histoire tragique en effet, oubliée pour cause de « grande guerre » ?
agnes
3 avril 2014 @ 08:05
Histoire passionnante.
Une triste fin.
Incroyable geste de son amante., elle avait surement un grain.
Heureusement que les femmes ont maintenant d’autres perspectives que de se faire épouser en ayant une éducation, des études et un travail.
agnes
3 avril 2014 @ 08:07
je suis suis que lady chatthurlante aurait réussi à se faire épouser en douceur.
Dame Tartine
3 avril 2014 @ 12:36
c’est évident.
bernou1960
3 avril 2014 @ 08:18
Encore une histoire d’amour qui finit en tragédie dans le Gotha européen !
mary71
3 avril 2014 @ 09:22
très intéressant. Cet article vient compléter les recherches que je fais actuellement (à titre personnel) sur la descendance de Louis-Philippe, rois des Français.
Beaucoup de vos articles m’aident ainsi et j’apprécie beaucoup
Sophie
3 avril 2014 @ 09:33
Merci beaucoup pour cet article qui nous a en effet permis de découvrir un prince fort peu connu. Est-ce dû aussi au fait que sa mort est intervenue en plein conflit mondial à la veille des grands bouleversements de l’Historie ?
La crypte de la famille princière à Cobourg est évoquée. Est-ce que l’un des lecteurs de Noblesse et Royautés l’a déjà visitée ? Comment est-elle ? Jul une idée de prochain sujet ;-)
Anais
3 avril 2014 @ 09:33
Merci Régine pour cet intéressant sujet. C’est vrai que nous ne connaissons pas grand-chose de la descendance de la princesse Louise de Belgique. Je vais me procurer l’ouvrage sur Dora car lorsque vous en aviez parlé sur le site, je ne l’avais finalement pas acheté.
LPJ
3 avril 2014 @ 17:57
La Princesse Louise eut deux enfants, mort tous deux sans postérité. Le garçon est resté célibataire et la fille, mariée, n »eut pas d’enfant. Avec elle s’éteignit donc la descendance de la fille ainée du roi des Belges Léopold II.
patricio
3 avril 2014 @ 10:00
Merci Damien, je ne connaissais pas ce prince au destin tragique. Comme toujours cette rubrique est très intéressante.
amitiés
patricio.
Mary
3 avril 2014 @ 10:19
J’ai trouvé chez un bouquiniste,les mémoires de la princesse Louise,mère du prince Léopold.Elle raconte que son mari était un débauché et qu’elle a été fort malheureuse avec lui.
Damien B.
3 avril 2014 @ 11:58
Les mémoires de la princesse Louise sont à lire avec beaucoup de circonspection.
Pour en savoir davantage sur la fille aînée de Léopold II rien ne vaut la biographie qu’ Olivier Defrance lui a dédiée il y a quelques années.
Wendy
3 avril 2014 @ 12:37
Effectivement, il me semble que le mariage n’a guère été harmonieux et ce, dès le tout début de leur mariage…Louise raconte s’être enfuie de la chambre nuptiale en larmes!
Mary
3 avril 2014 @ 19:09
S’il est toujours édité,je le lirai avec grand intérêt,merci Damien.
Damien B.
4 avril 2014 @ 20:35
Mary,
La biographie de la princesse Louise parue chez Racine en 2004 n’est malheureusement plus en stock. On peut le commander sur Amazon et cela en vaut vraiment la peine.
Bien à vous,
Damien
Corsica
3 avril 2014 @ 12:54
Merci Damien B pour cette histoire inédite d’une passion amoureuse qui se transforme en crime passionnel doublé d’un suicide. Les balles auraient pu suffire mais en « diluant » le visage de l’être aimé, Mila Rybiczka exprime toute sa déception, sa rage et son humiliation . Moral de l’histoire : il ne faut pas croire au prince charmant !
Mayg
3 avril 2014 @ 13:18
Merci à Damien B pour m’avoir fait découvrir ce prince que je ne connaissait pas. Très beau reportage.
COLETTE C.
3 avril 2014 @ 14:04
J’ai lu le livre sur Dora, très intéressant !
JAusten
3 avril 2014 @ 16:51
Triste histoire d’amour que vous nous conter là Damien B.
La jeune femme n’était visiblement pas intéressé par l’argent.
Il y a toutefois un point que je ne comprends pas : le prince l’a désignée légataire universelle de sa fortune puis après le propose 500 000 couronne : une chose annule l’autre ?
Caroline
3 avril 2014 @ 21:21
Un grand merci à notre Régine et à Damien B. pour cet article tragique sur l’amour impossible de Léopold de Saxe-Cobourg et de sa Mila!J’ai essayé de trouver les sources de l’histoire du prince Léopold,mais en vain!
J’ai failli confondre ce prince avec l’autre Léopold de Saxe-Cobourg [1790-1865] bien marié avec la princesse Charlotte de Galles,mais c’est une autre histoire!
Damien B.
4 avril 2014 @ 20:40
Bonjour Caroline,
C’est à Régine que revient tout le mérite de cet article.
Si vous voulez en savoir davantage, je vous conseille la dernière biographie d’Olivier Defrance consacrée à Dora, la sœur du prince Léopold, qui donne à connaître l’univers si particulier de ces petites cours allemandes souvent méconnues par les francophones.
Bien à vous,
Damien
Mélusine
4 avril 2014 @ 22:48
Merci, Damien B, pour ce passionnant récit du « petit Mayerling ».
Après cette lecture, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle entre la princesse Louise, son addiction aux folles dépenses, mariage malheureux, voyages à répétition, dettes épongées par son époux le prince Philippe et le couple Sissi-François Joseph d’Autriche. Que de similitudes dans ces destins !