La reine Margrethe du Danemark a assisté à la célébration « Oktober 43 », qui a eu lieu au Théâtre Royal de Copenhague. Cette représentation exceptionnelle, mêlant musique classique et lecture de textes comme ceux de Primo Levi ou le résistant Morten Nielsen, a commémoré le 70ème anniversaire du sauvetage des Juifs au Danemark.

Au début de l’occupation allemande en avril 1940, la population juive était d’environ 7500 personnes, soit 6000 concitoyens danois et 1500 réfugiés. La plupart d’entre eux vivaient dans la capitale, Copenhague.

Jusqu’en août 1943, l’occupation allemande fut relativement souple. Les Allemands voulaient cultiver de bonnes relations avec une population dont les membres étaient considérés comme des « frères aryens ». Le gouvernement danois continua à diriger le pays mais l’Allemagne dominait le politique étrangère et n’accordait pas trop d’importance à la « question juive » car les Juifs n’étaient pas nombreux et appuyés par les Danois.

Au cours de la « Conférence de Wannsee » en janvier 1942, un officiel allemand avait préconisé d’attendre la totale victoire finale pour « s’occuper » des juifs des pays scandinaves.

Un mythe veut que le roi Christian X ait porté l’étoile jaune en solidarité avec les juifs. Il n’eut pas à le faire puisque cet insigne ne fut jamais imposé à ce pays. En revanche, il nargua Hitler en répondant par un laconique « Mes meilleurs remerciements » au très long télégramme d’anniversaire que lui avait envoyé Adolf Hitler en 1942. Le Führer fou de rage rappela immédiatement son ambassadeur et expulsa l’ambassadeur danois d’Allemagne.

Un article du Point du 1er octobre 2013 cite des historiens rappelant que le Danemark a bénéficié d’une certaine autonomie en contrepartie d’une collaboration avec l’Allemagne. Le Danemark a pu exporter ses produits agricoles vers l’Allemagne, et les diplomates danois ne firent rien pour aider les Juifs ailleurs. L’article cite également le 1er ministre danois Anders Fogh Rasmussen qui, en 2003, pour alors justifier l’engagement du Danemark dans l’invasion de l’Irak , avait déclaré « si toute l’Europe avait réfléchi de la même manière que les parlementaires danois, Hitler aurait gagné la guerre ».

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Cette situation changea au début de l’année 1943. La résistance, peu active les premières années de l’occupation, s’intensifia avec des grèves et des actes de sabotage car les victoires alliées laissaient l’espoir aux danois de voir le IIIème Reich vaincu.

Le gouvernement danois démissionna à la fin août 1943 plutôt que de satisfaire les nouvelles exigences des occupants. Le commandant militaire allemand proclama l´état d’urgence dans la nuit du 29 août.

Le Danemark était sous la coupe du général SS Wermer Best, qui pour se ménager les bonnes grâces du Führer proposa dans un télégramme adressé à Berlin de faire déporter dans un camp d’extermination de Pologne 8000 juifs danois, il demandait aussi des renforts logistiques.

Le diplomate allemand Georg Ferdinand Duckwitz, qui connaissait bien le Danemark pour y avoir travaillé avant guerre, se démena pour contrecarrer ce projet.

Une fois l’accord d’Hitler arrivé le 17 septembre 1943, le diplomate se rendit à Stockholm pour en informer le premier ministre suédois Per Albin Hansson et lui demander d’intervenir auprès de Berlin. Une intervention sans effet. Il tenta aussi auprès d’amis allemands haut placés, mais peine perdue.

Il prit alors le risque d’en parler à Wermer Best. Celui ci était lucide car il sentait le vent tourner depuis le défaite des armées allemandes devant Stalingrad et il assura à Duckwitz qu’en cas de départ illégal des juifs, il n’aurait pas les moyens de les en empêcher.

Duckwitz obtint alors le concours du chef des transports maritimes à Aarhus qui prétexta que ses navires étaient en mauvais état pour demander de faire venir 2 bateaux de Pologne pour transporter les juifs.

Duckwitz utilisa ce répit pour monter une opération avec la Résistance et l’influent parti social démocrate danois. Une action d’envergure fut mise sur pied, le diplomate allemand envoya même un émissaire en Suède pour prévenir les autorités suédoises de se préparer à accueillir les milliers de réfugiés juifs danois.

L’information fut massivement diffusée, notamment lors des offices de la fête juive « Rosh Hashanah », le 29 septembre.

On cacha les juifs avant de les exfiltrer. Toutes les catégories de la population passèrent à l’action pour sauver les Juifs. Des dizaines de protestations arrivèrent dans les bureaux des autorités allemandes, émanant des organisations économiques et sociales. Le roi Christian X exprima fermement son opposition au plan allemand.

Les chefs des Eglises incitèrent la population à aider les juifs. L’évêque de Copenhague, Hans Fuglsand-Damgaard, fit lire en chaire dans toutes les églises du pays une déclaration hostile aux mesures allemandes.

Les universités fermèrent pendant une semaine et les étudiants apportèrent leur aide pour les opérations de secours.

La police danoise décréta que la police allemande n’avait pas le droit d’entrer dans les appartement pour arrêter les Juifs.

Dès la veille du jour qui devait marquer le début des déportations et pendant 3 semaines, des capitaines et de pêcheurs danois transportèrent jusqu’en Suède, pays neutre. Une quinzaine de kilomètres séparent l’île de Seeland, où se situe Copenhague, de la Suède.

Toutes sortes d’embarcations furent utilisées, depuis les gros bateaux de pêche de 20 tonnes jusqu’aux bateaux utilisés pur les compétitions d’aviron, Certains juifs prirent aussi place sur les ferries qui assuraient le service de frêt entre les 2 pays.

Curieusement la marine allemande ne remarqua rien : le commandant du Port était un ancien collègue et ami du diplomate Duckwitz.

5919 Juifs, 1301 personnes en partie juives et 686 chrétiens mariés à des Juifs furent ainsi évacués vers la Suède. Au final, les Allemands se saisirent d’environ 500 juifs et les déportèrent dans le ghetto de Theresienstadt. Les Danois exigèrent des informations sur leur sort et des officiels du gouvernement danois leur rendirent visite en été 1944. La vigueur des protestations danoises empêcha leur déportation vers les camps d’extermination en Pologne.

Au total, 100 Juifs danois moururent pendant la Shoah, soit dans les camps nazis, soit pendant les combats au Danemark. Grâce à ses amis, le diplomate Duckwitz échappa ensuite à la Gestapo.

Il revint en 1955 à Copenhague, comme ambassadeur de la République Fédérale allemande. Il fut accueilli en ami par les plus hautes autorités du pays. (Merci à Agnès pour les 2 premières photos de cet article et ses recherches sur le sujet – 2 dernières photos : Zhong, Dk Royalpress – Sources : Site de le Maisons des Justes, Site du Memorial de la Shoah et Site Le Point)