Il était l’usage que les grands feudataires, les archevêques, les abbés des importantes abbayes du royaume de France eussent à Paris leur hôtel.
Dès le XIIIe siècle, les comtes d’Artois y avaient le leur, situé entre la rue Mauconseil et la Rue Montorgueil, tout près des murs de l’enceinte de Philippe Auguste.
Marguerite, comtesse d’Artois et de Flandre, en transmit la possession au duché de Bourgogne par son mariage avec Philippe le Hardi.
Jean sans Peur en fit plus tard sa résidence favorite. L’Hôtel de Bourgogne, avec la célèbre Tour Jean sans Peurétait la demeure parisienne des grands ducs de Bourgogne au cours du XVe siècle .
Entre 1409 et 1411, le duc Jean 1er de Bourgogne, dit Jean sans Peur, fait construire cette tour afin de se protéger. La tour communique avec la muraille de Philippe-Auguste et son chemin de ronde : c’est là une issue pratique pour pouvoir s’échapper . Nous sommes en pleine guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons.
En 1548, les hôtels de Bourgogne, Artois, Flandres et Etampes sont vendus par François 1er. Ainsi, à cette date, l’Hôtel de Bourgogne fut partiellement démoli, à l’exception de sa tour quadrangulaire, et est reconverti en théâtre.
Il accueille alors la Confrèrie de la Passion. C’est pendant longtemps la seule véritable salle de théâtre de Paris, avec ses deux galeries de loges superposées entourant le parterre central et un amphithéâtre en gradins au fond. Ce théâtre avait pour particularité à Paris d’être le seul à avoir une mise en scène. En effet, les autres troupes étaient nomades et de fait pas attachées à une salle. Aussi, elles se devaient de limiter leur matériel.
A cette époque, on ne jouait pas alors à heure fixe, dans cette salle. Les comédiens, en effet, attendaient que la foule des spectateurs soit suffisamment nombreuse pour démarrer. Ils commençaient par des petits tours, semblable à ceux des foires. Ensuite, les farces amusaient la salle. Il arrivait également que la famille royale se joigne aux spectateurs. Ainsi, le 26 janvier 1607, Henri IV et Marie de Médicis qui y assistèrent en compagnie de la Cour, à une farce.
C’est en quelque sorte le théâtre officiel, temple du genre sérieux quand Molière revient à Paris, et ce dernier ne manque pas de railler la diction et la manière de jouer de ces comédiens dans L’Impromptu de Versailles.
« Les Grands Comédiens », comme on les appelle, sont alors dirigés par Bellerose, acteur médiocre, mais personnage actif, entreprenant, pour ne pas dire intriguant dans les âpres luttes qui l’opposent aux troupes rivales. C’est sous son impulsion que la Troupe royale de l’Hôtel de Bourgogne se consacre progressivement au théâtre littéraire.
Cependant, au fur et à mesure que le XVIe siècle avance, l’Hôtel de Bourgogne se dégrade, n’attirant qu’un public turbulent. Les confrères de la Passion cédèrent par bail leur salle en 1578 à diverses troupes, tout en continuant à jouer. En effet, ils durent à cette date, accepter la concurrences des comédiens venus de l’extérieur de Paris et qui voulaient depuis longtemps se produire dans la ville.
En 1680, Louis XIV décide de fusionner la troupe des anciens Confrères avec celle du Théâtre du Marais : il lance alors la Comédie Française qui s’installa dans l’Hôtel Guénégaud, rue des Archives.
Le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne est alors attribué à la Comédie Italienne. Toutefois, les comédiens italiens furent chassés en 1697, après s’être moqués de Madame de Maintenon. La troupe trouva ensuite une protection avec le Régent en 1716 et s’y produit jusqu’à son départ en 1783.
L’Hôtel de Bourgogne servit un temps de Halle aux grains. Il fut ensuite rasé en 1877 pour permettre le passage des rues Etienne Marcel et Turbigo. Seule la Tour Jean sans Peur subsiste de nos jours, la plus haute tour civile médiévale de la capitale.
Aujourd’hui encore debout, elle est enclose dans les bâtiments d’un groupe scolaire, rue Etienne-Marcel, presque à l’intersection de la rue Turbigo. C’est un échantillon des plus intéressants de l’architecture du XVe siècle.
L’intérieur du monument concentre quant à lui des éléments d’architecture d’exception, dont un fabuleux escalier à vis surplombé par une voute au décor végétal. sans doute inspiré de la grande vis du Louvre de Charles V, ses baies ogivales et ses mâchicoulis.
Coiffée d’un haut comble, la tour de Jean sans Peur se décompose en deux parties. Au sud, vers la rue Etienne Marcel, on distingue trois pièces basses superposées, dont la plus élevée est voûtée d’ogives : ces pièces permettaient d’accéder à la muraille de Philippe-Auguste.
Au nord, un escalier à vis dessert une deuxième partie : les étages supérieurs qui occupent toute la superficie de la tour. La voûte de cette vis est tout à fait exceptionnelle : d’un pot central partent des branches de chêne sur lesquelles grimpent du houblon, rejointes par des branches d’aubépine ayant pour origine les murs.
Au sommet de la Tour se trouvent deux pièces résidentielles servant de lieu de réunion privée. Ces deux pièces équipées d’un confort remarquable possèdent des latrines à fossé, les plus anciennes de Paris, qui sont installées derrière les cheminées, chauffées par le revers de la cheminée. Le conduit des latrines placé dans l’épaisseur du mur débouche dans une fosse.
On termine la visite par le dernier niveau, celui des combles. Unique vestige intact du palais parisien des ducs de Bourgogne, la Tour Jean sans peur devint la propriété de la Ville de Paris en 1874. Classée Monument Historique en 1884, consolidée en 1893, puis restaurée en 1991, elle est ouverte au public depuis octobre 1999.
Elle présente des expositions sur le moyen-âge qui se renouvellent plusieurs fois par an. Les thèmes sont variés et couvrent des sujets allant de la mode au moyen-âge à la cuisine en passant par l’éducation. Des conférences autour de chaque exposition ont lieu en cours d’année. (Merci à Guizmo)
Anna H
1 janvier 2021 @ 02:10
La visite de cette tour est très intéressante.
Actarus
1 janvier 2021 @ 03:52
Très intéressant, merci beaucoup !
Philibert
1 janvier 2021 @ 06:11
Très intéressant reportage d’un monument de Paris dont j’ignorais tout.
Merci Régine et bonne année à vous i
Lorelei
1 janvier 2021 @ 13:58
Très intéressant, merci!
marianne
1 janvier 2021 @ 06:36
Merci infiniment pour cet article détaillé .
Je ne connaissais ce rare bâtiment parisien du moyen âge que par son aspect extérieur .
Les voûtes sculptées sont remarquables .
Pierre-Yves
1 janvier 2021 @ 09:51
Guizmo commence l’année comme il l’a achevée, avec de beaux reportages historiques sur des lieux de Paris pas forcément très connus.
Merci à lui, c’est toujours aussi passionnant de le suivre dans ses escapades !
Jean Pierre
1 janvier 2021 @ 10:16
Merci Guizmo.
Je connaissais l’histoire de ce théâtre mais n’avais aucune idée de l’endroit où il avait bien pu se situer.
Robespierre
1 janvier 2021 @ 10:18
merci Guizmo, c’était très intéressant. On parle de cet Hôtel de Bourgogne, je crois, dans Cyrano de Bergerac. Voici une pièce qui aurait été agréable à regarder ce 1er janvier froid et humide, bien au chaud chez soi.
Kalistéa
2 janvier 2021 @ 14:23
Robespierre « duel qu’en l’hôtel Bourguignon , monsieur de Bergerac eût avec un bélitre »..;
Claudia
1 janvier 2021 @ 10:30
Merci pour ce reportage intéressant Guizmo, cette tour fait partie des monuments que je veux visiter, et ce sera fait dès que possible.
aubepine
1 janvier 2021 @ 10:33
Magnifiques plafonds ouvragés et parfait état de conservation !
Gérard
1 janvier 2021 @ 10:56
Énormément nous devons énormément à Guizmo qu’il en soit remercié et qu’il reçoive nos vœux les plus sincères d’une bonne année 2021.
Menthe
1 janvier 2021 @ 11:04
Cette voûte au décor végétal me plaît particulièrement, merci Guizmo de nous faire découvrir de telles merveilles qui sans vous resteraient inconnues pour un grand nombre.
Très belle année 2021 à vous !
Pastelin
1 janvier 2021 @ 11:08
Guizmo, avec vous l’année démarre superbement!!!
Merci beaucoup pour votre article instructif et complet, comme toujours.J’apprecie énormément l’histoire médiévale, alors je suis ravi!
Bon premier de l’An Guizmo!🥂
Galetoun
1 janvier 2021 @ 11:27
Histoire formidable – magnifique !! Je pense qu’elle l’a échappé belle en 1877……
Phil de Sarthe
1 janvier 2021 @ 12:32
L’année commence fort! Merci Guizmo pour cette belle découverte, en ce qui me concerne..
Karabakh
1 janvier 2021 @ 12:55
Je recommande la visite, qui permettra à ceux que cela intéresse, d’en savoir encore plus sur cette tour médiévale. Le dépaysement est garanti.
aggie
1 janvier 2021 @ 14:39
Merci Guizmo ; j’ai habité non loin de cette tour mais ne me souviens pas l’avoir remarquée ; j’avais lu un article la concernant il y a environ 2 ans et avait projeté de la visiter mais…. je ne l’ai pas fait ; dès que possible je répare l’oubli c’est grâce à vous.
Baboula
1 janvier 2021 @ 16:55
Rue du Louvre à 200m il y avait une empreinte convexe de la muraille de Paris datant de Phillipe Auguste,elle a été longtemps cachée par des bureaux de l’Indicateur Bertrand, ensuite mise en valeur pendant une vingtaine d’années ,elle est à présent masquée par de la publicité .Ce quartier était la limite nord de Paris . Impossible de ne pas voir cette tour si on demeure dans le quartier et moins encore la Tour de Jean Sans Peur en bordure de trottoir.
Beaucoup de Parisiens ont des oeillères les richesses de leur ville leur sont étrangères .
Heureusement nous avons Guizmo qui les réveille .Merci .
Ciboulette
1 janvier 2021 @ 19:52
Merci , Guizmo . Tous mes voeux de bonne et heureuse année à vous qui faites tant pour nous . Et aussi à Actarus , Jean pierre , Pierre Yves , Robespierre , et tous ceux qui figurent sur cette page !
Robespierre
2 janvier 2021 @ 17:18
Le bisou que je vous avais promis, il est là.
Ciboulette
3 janvier 2021 @ 14:42
😊😊😊
Olivier Kell
1 janvier 2021 @ 18:23
Tour assez méconnue malheureusement
Teresa2424
1 janvier 2021 @ 20:30
EXCELENTE comienzo de año GUIZMO !¡no podía ser menos,MUCHAS GRACIAS
tristan
2 janvier 2021 @ 02:01
Super intéressant, merci à Guizmo qui me permet de voyager sans quitter mon bureau, enneigé, confiné et… passionné de vieilles pierres. Bonne année, Guizmo, prenez bien soin de vous !
Ciboulette
4 janvier 2021 @ 17:17
Je me trompe , ou quelqu’un a été assassiné là au XVI ème s. , au moment de la Guerre entre Armagnacs et Bourguignons ? Jean sans Peur ? Je ne sais plus . . .
Et bien sûr , au XVII ème s. , la troupe théâtrale de l’Hôtel de Bourgogne .
Merci infiniment à Guizmo , qui mérite une médaille !