Retenus aux Tuileries, le roi et la reine décident de quitter Paris et de gagner Montmedy (à quelques kilomètres de l’actuelle Belgique) où le marquis de Bouillé, général en chef des troupes Meuse, Sarre et Moselle, les attendra et d’où ils pourront pénétrer en territoire autrichien.
A l’époque, ce n’est pas un petit voyage : 70 lieues, soit 286 kms et une quinzaine d’heures de route compte tenu des arrêts aux 19 relais pour changer les chevaux. Le départ s’est effectué le 21 juin 1791.
Tout a été dit sur l’arrestation du Roi à Varennes mais, quand on visite la ville, on découvre que le drame s’est joué (si l’on peut employer ce verbe) à 200 mètres près. Cependant, on peut penser qu’étant donné le retard pris par la berline royale (4 heures) et le fait que le roi s’opposait à tout bain de sang, la famille royale n’aurait pu être sauvée.
La ville de Varennes-en-Argonne (Meuse) a été quasi détruite pendant la première guerre mondiale mais plusieurs plaques ont été apposées sur différents édifices.
« Le roi et la famille royale sont arrêtés à Varennes-en-Argonne le 21 juin 1791 » d’après Jean-Louis Prieur.
On peut voir l’ancienne église Saint Gengoult avant sa destruction avec la voûte sous laquelle la berline a été arrêtée.
De l’église ne subsiste que la tour transformée en beffroi.
Plaque commémorative sur le beffroi.
L’auberge du « Bras d’or » située en avant de la voûte de l’église a été détruite mais une plaque sur le côté du beffroi indique son emplacement.
La maison Sauce a disparu sous les bombardements de la guerre de 14.
Jean-Baptiste Sauce, épicier et procureur-syndic, réveillé par Drouet et, sous la pression des « patriotes » qui se trouvaient au « Bras d’or », oblige la famille royale et sa suite, vers 23 h, à entrer dans sa maison, à quelques pas de là, où ils vont passer la nuit.
Plusieurs historiens s’accordent pour dire que Drouet, maître de poste à Sainte-Menehould, occupé à des travaux des champs à ce moment-là, n’aurait pas vu la berline mais aurait été averti de la fuite du roi à son retour par des employés qui reconduisaient les chevaux de la berline, ceux-ci ayant appris la nouvelle par des courriers de La Fayette (prévenu dès 11 h). C’est alors qu’il prend, vers 21 h, un raccourci pour arriver à Varennes, distante de 24 kms, où il parvient avant la famille royale.
Vue, depuis le beffroi, de la ville basse où attendaient les chevaux du marquis de Bouillé.
Photo du beffroi de la ville haute prise du pont sur l’Aire. L’étroit pont de bois a été remplacé.
Ces deux photos permettent de réaliser que les chevaux attendant la famille royale se trouvaient à 200 mètres de distance.
Le garde du corps Valory devait retrouver Choiseul, colonel du Royal Dragons et ses 40 hussards mais celui-ci, après avoir attendu 3 heures, avait pensé que la fuite du roi avait été remise et avait levé le camp.
Il avait aussi fait prévenir les détachements suivants du contre-ordre, privant la berline du secours de 175 dragons. Arrivé à Varennes, Valory avait désespérément cherché les chevaux promis par Bouillé.
Etant donné le retard pris par la berline, l’officier de cavalerie le baron Goguelat avait eu l’idée de les dissimuler un peu plus loin dans la ville basse près de l’auberge du « Grand Monarque » sans en prévenir Valory ni le roi.
Carte de la ville de Varennes en 1791 (d’après « La chevauchée de Varennes » par Georges Robert, Etudes Touloises)
Plaque en émail précisant les événements de Varennes
Le nouvel « Hôtel du Grand Monarque ». Il a été reconstruit dans les années 20.
Que sont devenus les acteurs du drame de Varennes ? Le procureur-syndic Sauce émigre à Saint Mihiel où il devient greffier du tribunal. Il meurt en 1825.
Jean-Baptiste Drouet devient député de la Convention et vote la mort du Roi. Engagé dans l’armée du Nord, il est fait prisonnier par les Autrichiens. Après une tentative d’évasion, il est échangé, en 1795, ainsi que Pierre Riel de Beurnonville, Hugues-Bernard Maret, Armand-Gaston Camus, Nicolas-Marie Quinette et Charles-Louis Huguet de Sémonville, contre Madame Royale.
Napoléon le nomme sous-préfet de Sainte-Menehould. A la Restauration, il se cache et meurt sous une fausse identité à Mâcon, en 1824.
Etienne Radet participe à la bataille de Valmy. Bonaparte le nomme général à l’Armée du Nord puis l’envoie à Rome où il lui demande d’enlever le Pape Pie VII au Quirinal, en 1809. Il participe à l’aventure des Cent-Jours. Napoléon le charge d’arrêter le duc d’Angoulême à Pont Saint-Esprit. Entre 1816 et 1819, il est emprisonné à la citadelle de Besançon. Il meurt en 1825.
Après l’arrestation de Louis XVI, ses trois gardes du corps, François-Melchior de Moustier, François-Florent de Valory et Jean-François de Malden sont ligotés et soumis à la vindicte populaire.
Moustier est incarcéré à la prison de l’Abbaye. Il rejoint le comte de Provence à Mitau, puis l’armée de Condé. Il participe côté russe aux batailles d’Austerlitz et de la Moskova. Il est reçu bourgeois de Bure (Suisse) en 1820 et meurt en 1828.
Valory émigre fin 1792 et sert à l’armée de Condé. Il est Chevalier de Saint-Lazare et du Mont-Carmel, Chevalier de l’Ordre militaire et du mérite de Prusse. Il émigre en Angleterre et ne rentre en France qu’en 1814. Il se retire à Toul, en 1816, et meurt en 1832.
Malden rejoint l’Armée des Princes à Coblence et sert les Princes comme Garde du corps en 1792 et 1794. Il est nommé lieutenant de Grenadiers au Régiment de Bethisy (à la solde de l’Angleterre). Il accompagne Louis XVIII à Mitau, à Varsovie, en Angleterre et ne revient en France qu’à la Restauration. Garde du Corps de Louis XVIII, il meurt en 1815 des blessures reçues en défendant le Roi pendant sa retraite à Gand.
Par ailleurs, François Claude de Bouillé se réfugie à Coblence. Il fait des démarches auprès des différentes cours pour obtenir la délivrance du Roi. Il se retire en Grande-Bretagne où il meurt en 1800. Son fils Louis est aide de camp de Gustave III de Suède, puis colonel-propriétaire des Uhlans britanniques. Il prend du service en France en 1806. (Merci à Passiflore)
Pascal Hervé
28 février 2024 @ 06:30
Un moment bien triste.
Ces promotions faites par Napoléon prouvent qu’il n’avait jamais hélas renoncé à ses idées révolutionnaires.
Catherine
28 février 2024 @ 14:12
Ou tout simplement à des bons fonctionnaires.
Robespierre
28 février 2024 @ 16:25
Il a surtout voulu récompenser ceux qui lui ont aplani le chemin.
C’était sans doute avant son second mariage. Après celui-ci, il parlait de Louis XVI comme de son « arrière-grand-oncle ». Ou grand-oncle.
Aramis
29 février 2024 @ 08:12
Heureusement !
Pascal Hervé
29 février 2024 @ 09:55
Bon je retire le ”hélas” .
Mon commentaire visait plutôt ceux qui veulent opposer Bonaparte à Napoléon.
Aramis
29 février 2024 @ 13:14
Ah merci Pascal !
Elisabeth-Louise
28 février 2024 @ 08:51
Merci Passiflore pour cet article passionnant qui émeut toujours ! il s’en est fallu de si peu…..
jocelyne D
28 février 2024 @ 08:53
Très intéressant
Claudia
28 février 2024 @ 09:01
Un moment de l’histoire de France que tous les écoliers connaissent (enfin je l’espère…), heureusement qu’il reste des plaques pour commémorer ce triste épisode, la ville a vraiment beaucoup souffert.
😀Pistounette
28 février 2024 @ 09:04
Reportage sortant de l’ordinaire et toujours très bien documenté, venant de votre part. Bien sûr très intéressdant.
Merci Passiflore.
Passiflore
29 février 2024 @ 12:18
Pistounette, vous nous informez toujours d’événements que nous ne connaissions pas.
Kardaillac
28 février 2024 @ 09:14
La marquise de La Tour du Pin (Lucie Dillon), experte en chevaux et contemporaine de l’événement, a soutenu que le retard fatal tenait au choix de l’équipage tiré d’un corps de cavalerie, alors qu’il aurait fallu prendre des cochers de la Poste, capables d’abattre de longues étapes en ménageant leurs chevaux.
kalistéa
28 février 2024 @ 09:39
Grand merci chère Passiflore pour ce très intéressant article fort détaillé et bien illustré; Personnellement je ne suis jamais passée par Varennes et n’avais qu’une vague idée de l’endroit.
Il est intéressant aussi au passage , même si on sait qu’on ne le retiendra pas , de savoir ce que sont devenus les protagoniste s de ce drame historique aux conséquences extraordinaires.
Passiflore
29 février 2024 @ 10:57
Chère Kalistea, je ne sais pas si je vais vous faire rire (je me méfie, désormais !) mais, avant Varennes nous étions passés, évidemment, à Sainte Menehould. Or la spécialité de la ville est les pieds de cochon. Mes amis se régalaient à l’avance mais ont été très déçus par la présentation du mets avec plein de petits os dans l’assiette. Au secours !
Je n’ai pas vu de plaques sur des maisons à Sainte-Menehould. C’est le restaurateur qui nous a dit que nous en verrions à Varennes.
C’est un pélerinage émouvant que nous avons fait et la découverte de ce pont, à 200 m, nous a laissés sans voix, si je puis dire.
Leonor
28 février 2024 @ 10:50
Bel article.
Merci, Passiflore.
Antoine 1
28 février 2024 @ 11:32
Article très intéressant. Merci ! Comme évoqué, il est vrai que l’échec du voyage est le résultat de l’inconséquence du roi et de la reine. Se croyant en voyage d’agrément, ils n’ont eu de cesse de trainailler, de pique-niquer, de siester, d’où un retard considérable dans le chronométrage qui leur avait été remis. Ces souverains n’ont jamais été à la hauteur, sauf dans leur mort héroïque.
Calliopé
29 février 2024 @ 16:27
L’équipée avait pris du retard dès le départ, lorsque Marie Antoinette avait eu grand peine à quitter les Tuileries, puis s’était égarée du côté du Carrousel en essayant de rejoindre le reste de sa famille qui l’attendait. Près d’1h30 avait été perdue sur l’horaire initialement prévu. Certes, le roi et la reine s’étaient trop rapidement sentis en sécurité et n’avaient pas cru nécessaires de se hâter. Mais ils ont aussi été victimes des aléas de la route, fréquents à cette époque : ressorts brisés, chevaux qui s’empêtrent dans les harnais, traits
rompus… ont contribué à accroître le retard. Que Choiseul ait abandonné sa position au bout de 3h, sans laisser personne à l’arrière à tout hasard, et alors qu’un si long retard n’avait rien d’exceptionnel à l’époque pour un tel voyage, demeure pour moi une décision incompréhensible.
Brigitte Anne
28 février 2024 @ 11:52
Merci Passiflore. Au fur et à mesure de la lecture de votre publication, on a envie, on espère une autre fin !
Actarus
28 février 2024 @ 12:07
La conjugaison des verbes au présent (ou pire, au futur simple) pour évoquer le passé me chiffonnera toujours.
Tant qu’à faire, autant dire qu’avec un bon GPS l’issue de cette histoire eut été bien différente !
Naucratis
28 février 2024 @ 13:28
Petite précision, on ne met pas de « s » à km. C’est le symbole d’une une unité de mesure et il reste invariable.
Passiflore
29 février 2024 @ 10:59
Naucratis, je retiens la leçon
Naucratis
3 mars 2024 @ 22:42
Je vous en prie. Et cela n’enlève évidemment rien à la qualité de votre article.
Baboula.
28 février 2024 @ 20:01
Bravo pour vos recherches et pour vos talents de copiste .
Passiflore
29 février 2024 @ 09:55
J’imagine que « copiste » est ironique. Quand on fait des recherches (dans diverses directions) et qu’on assiste à des conférences sur un sujet, qu’en fait-on ? On essaye d’en faire une synthèse.
Robespierre
29 février 2024 @ 10:59
Ne confondez pas Passiflore avec le sieur Volto, chère Baboula. Chez Passiflore, on voit la culture générale, les lectures, et la synthèse des gens cultivés.
😀Pistounette
2 mars 2024 @ 14:14
Excellente réponse, Robespierre, que je rejoins en tous points !
Guizmo
5 mars 2024 @ 07:12
Je suis tout à fait d’accord avec vous. Les articles de passiflore sont toujours très intéressants et bien documentés . Je sais que cela représente beaucoup de travail et je l’en remercie.
Passiflore
5 mars 2024 @ 18:53
Merci, infiniment, Guizmo. Je découvre votre réponse. Soyez sûre que je pense la même chose de vous : vos articles sont toujours originaux et nous font découvrir des lieux que nous ignorions et que nous programmons de visiter ensuite.
Lili3
29 février 2024 @ 00:11
Quelle tragédie
Guizmo
29 février 2024 @ 09:21
Effectivement tout le monde connaît l’épisode de la fuite à Varenne, cependant j’ignorais totalement le rôle joué par les protagonistes et leur destin. Merci beaucoup passiflore.
Passiflore
29 février 2024 @ 09:57
Merci, Guizmo, j’ai inversé par mégarde les légendes des photos 6 et 7 avec des vues de la ville.
Lunaforever
1 mars 2024 @ 08:32
Quand ça veut pas, ça veut pas. C’est triste, mais c’était leur destin…