L’Abbaye de Saint Germain d’Auxerre fut fondé par la reine Clotilde, épouse de Clovis, au Ve siècle. Nécropole des évêques d’Auxerre, l’abbaye connut son heure de gloire au IXe siècle en abritant la prestigieuse école d’Auxerre, qui fut l’un des centres de la Renaissance carolingienne.
La vénérable abbaye Saint-Germain a été longtemps le centre de la vie monastique de la ville d’Auxerre, capitale de la Basse-Bourgogne et préfecture de l’Yonne.
Un petit oratoire dédié à Saint-Maurice-d’Agaune aurait été fondé au 5e siècle par Saint-Germain, illustre évêque auxerrois.
Saint Germain meurt à Ravenne en 448. Sa dépouille, revenue à Auxerre, est ensevelie dans la petite église Saint-Maurice que le saint avait lui-même fait construire à cet effet.
Clotilde, épouse de Clovis, la remplaça par une basilique plus vaste, dédiée à Saint Germain. Sa mémoire (il reste comme l’un des plus grands saints d’Occident) attirait les foules, et la basilique finit par être desservie par des moines bénédictins.
Elle fut agrandie au IXe siècle par Conrad Ier, comte d’Argovie. Ces extensions, à l’est et à l’ouest, étaient surtout des «cryptes», c’est-à-dire, à l’époque carolingienne, des constructions voûtées, souterraines ou non. L’édifice mesurait plus de cent mètres de long. Il reste de cette époque, une crypte regardée comme l’ensemble carolingien le plus important de France.
Quatre siècles plus tard, les «cryptes» orientales menaçaient ruine. En 1277, l’abbé Jean de Joceval se lança dans une reconstruction hardie : destruction de la partie est, nouvelles fondations, construction de deux cryptes souterraines et, dans la partie supérieure, nouveau chœur (qui vint se caler sur le dessin des cryptes du dessous) avec déambulatoire, chapelle d’axe et transept. Après une interruption, c’est l’abbé Gaucher Dignon de Chéu qui poursuivit les travaux durant son abbatiat (1313-1334) et fit achever les parties hautes. Dans les années 1360, la partie de la nef préromane qui jouxtait le nouveau transept s’écroula. On reconstruisit grâce aux subsides du pape Urbain V.
L’abbaye finit par péricliter. En 1618, la congrégation de Saint-Maur voit le jour. L’un de ses objectifs est de restaurer et réformer les anciens monastères bénédictins de France. Elle arrive à Auxerre en 1629 et prend connaissance du piteux état des bâtiments abbatiaux. Sous la houlette des mauristes, la règle de Saint-Benoît est restaurée et les réfections se succèdent. Elles ne cesseront qu’en 1779.
À la Révolution, les mauristes quittent l’abbaye qui est vendue comme bien national. Elle devient hôpital militaire, puis civil. Pour assurer sa nouvelle fonction, elle subit, dès 1812, des travaux d’adaptation. Ce qui restait de la partie préromane de la nef, menaçant ruine, est démoli. Entre 1962 et 1984, l’hôpital déménage dans de nouveaux locaux plus adaptés. À partir de 1988, commencent une importante restauration ainsi que la transformation des bâtiments abbatiaux en musée.
Néanmoins, la tour Saint-Jean, érigée vers 1150-1170 et qui flanquait la façade occidentale, échappe à la destruction. La tour, de style roman, se distingue par une base haute et massive, décorée d’une simple arcature aveugle, puis, au-dessus, par un étage servant de beffroi, ouvert de deux baies cintrées de chaque côté.
Le niveau au-dessus du beffroi est occupé par un octogone, ouvert d’une seule baie à chaque face, lui-même renforcé par quatre clochetons pleins dans les angles. Le clocher se termine par une pyramide à huit pans.
La tour Saint-Maurice, moins imposante, s’élevait du côté nord. elle fut détruite en 1820.Ces deux éléments encadraient la façade de l’avant-nef.
L’église abbatiale est de style gothique : dans son avant-nef ont été retrouvés des vestiges tels que des sarcophages datant du VIème au IXe siècle.
L’initiateur de la reconstruction de l’église, en 1277, fut Jean de Joceval, abbé de 1252 à 1278. Ce fut la première phase des travaux. On bâtit, à l’est, les deux chapelles semi-souterraines superposées, la chapelle d’axe – soutenue par ces deux mêmes chapelles- , le rez-de-chaussée du chœur avec ses piles et ses grandes arcades, et enfin le déambulatoire avec ses voûtes.
La deuxième phase des travaux intervint alors que Gaucher Dignon de Chéu était abbé de Saint-Germain (1313-1334). Furent élevés : les parties hautes du chœur, le triforium ainsi que le transept et ses voûtes.
L’architecture est classique du gothique rayonnant : élévation à trois étages, grandes arcades, triforium et fenêtres hautes. On note la présence d’une belle rosace sur cette façade, de colonnettes à chapiteaux ornées de masques (Une paire de jumelles est indispensable pour les observer).
Par une supplique adressée au pape Urbain V en 1363, on sait que l’église fut victime d’une catastrophe : la partie de la nef préromane touchant le nouveau transept s’était effondrée. Grâce aux subsides du pape en 1366 et 1369 (pape qui lui-même avait été abbé de Saint-Germain), on put lancer la troisième et dernière tranche des travaux. La construction de la nouvelle église s’est donc étalée sur plus d’un siècle : commencée en 1277, elle s’est achevée sous l’abbatiat de Hugues V de Barlore (1381-1408) qui monta les voûtes avant 1398 avec les subsides du Vatican. La majeure partie de l’église Saint-Germain actuelle est donc du XIVe siècle.
Les huguenots ont détruit des verrières lors du saccage des guerres de Religion, mais on n’a aucun dessin de ces vitraux. Les verrières cassées furent, faute de ressources, remplacées par des vitreries incolores. Seule la baie axiale du chevet conserve, dans sa partie supérieure, des fragments de vitraux Renaissance. À part ces fragments, on ne voit qu’une seule verrière historiée : elle représente des scènes de la vie de saint Pierre. Réalisée en 1863 par J. Veissière, on peut la voir dans le déambulatoire nord.
La crypte archéologique se situe sous l’ancienne nef, détruite au début du XIXe siècle parce qu’elle menaçait ruine. Elles découlent des recherches menées de 1989 à 1998 et a bien sûr permis aux archéologues et aux historiens de mieux embrasser l’histoire de la construction de l’abbaye.
Ce sont les plus importants vestiges carolingiens en Bourgogne. Elles se composent d’une confession centrale entourée d’un couloir de circulation rectangulaire et de plusieurs oratoires, et d’une rotonde orientale à deux étages superposés, reconstruite au 13e siècle.
Ces cryptes carolingiennes sont décorées de peintures murales remarquables de par leur conservation et de par leur ancienneté puisque ce sont les plus anciennes de France. Elles représentent notamment L’Extase et La lapidation de saint Étienne. Quelques pièces ornementales sont exposées à l’entrée de la crypte.
L’abbaye Saint-Germain abrite le musée Saint-Germain, musée d’art et d’histoire classé musées de France, qui propose la découverte d’un ensemble d’objets aux visiteurs :
– l’ancienne sacristie : datant du XIIe siècle, elle permettait aux célébrants de revêtir les ornements et vêtements liturgiques avant les différents offices. On y rangeait aussi les objets nécessaires au culte.
– Situés dans l’aile Est, au contact de l’église, les anciens dortoirs des moines, reconstruits au XVIIe siècle, accueillent aujourd’hui les collections des musées d’Auxerre qui permettent de découvrir la vie des gallo-romains au travers de thématiques consacrées à la religion, aux rites funéraires, et à la vie quotidienne. Les deux pièces maîtresses de ses collections sont le Suaire de Saint-Germain, tissu byzantin exceptionnel datant de l’an mille et le Cheval de Guerchy.
– le scriptorium, vaste pièce datant du XIIe siècle et reconstruite au XVIIe siècle, éclairée par de larges baies, accueillaient les moines pour des travaux de lecture et de copie. Aujourd’hui, il abrite des collections médiévales. Dans le prolongement du scriptorium, une salle est consacrée à la numismatique de l’époque gallo romaine au XIXe siècle.
Différents espaces sont consacrés à des expositions temporaires et des conférences selon calendrier :
– Le cellier, vaste espace gothique du XIVe siècle, et ancien lieu de conservation des denrées,
– Le logis de l’abbé, ancienne maison de l’abbé, construit au XVIIIe siècle, alors seul espace accessible aux laïcs puisque située avant la clôture,
– La salle de conférence, ancien réfectoire datant du XVe siècle, remanié au XVIIIe siècle, accueille aujourd’hui des rencontres et conférences tout au long de l’année.
L’école d’Auxerre : Quatre maîtres se sont succédés à la tête de l’école monastique de Saint-Germain entre 835/840 et 893, chacun ayant d’abord été élève de l’école avant d’en devenir le maître :
- Murethach, premier des maîtres auxerrois est Irlandais. Grammairien, il dispense son enseignement à Saint-Germain dans les années 835 – 840/845. Il quitte alors Auxerre pour Metz où il s’installe dans l’entourage de l’évêque Drogon, fils bâtard de Charlemagne. Il subsiste une vingtaine de manuscrits de son oeuvre. Datés des IXe et Xe siècles, ils proviennent de Champagne, Lorraine et Limousin comme des vallées du Rhône, de la Loire ou de la Seine.
- Haymon, est élève de Murethach. Il devient maître à son tour dans les années 840/845-860. Il termine sa carrière à Saint-Germain en devenant abbé de la dépendance monastique auxerroise de Cessy-les-Bois (Nièvre). L’œuvre d’Haymon, a été utilisée jusqu’au XVIe siècle notamment dans les milieux clunisiens, cisterciens et séculiers.
- Heiric, successeur d’Haymon est un peu mieux connu. Il est né en 841, peut-être à Auxerre ou dans sa région car ses parents l’offre à Saint-Germain comme oblat vers 848 – un laïc qui est donné ou se donne à un monastère qui l’accueille pour lui permettre de vivre certains aspects de la vie et de la spiritualité – . Il suit alors les enseignements d’Haymon puis ceux de Loup de Ferrières et de l’école de Soissons jusqu’à son ordination à la prêtrise en 865. Revenu à Saint-Germain pour y exercer les fonctions de maître, il y rédige notamment une Vie de saint Germain complétée par le récit de ses miracles. Il meurt vers 875-885.
- Remi, remplaça Heiric à la tête de l’école après la mort de celui-ci. Sa renommée l’appela ensuite à Reims puis à Paris où il eut comme disciple le future abbé de Cluny, Odon. Il mourut vers 908. Son œuvre s’attache à la fois au domaine du religieux avec des commentaires théologiques et au domaine du profane avec des commentaires grammaticaux ou d’auteurs antiques. (Merci à Guizmo)
Abbaye Saint-Germain 2 place Saint-Germain 89000 Auxerre – Visite guidée toute les heures sur réservation.
cerodo
27 septembre 2021 @ 00:48
merci Guizmo. Il y a si longtemps que j’ai visité l’abbaye St-Germain. Je ne me souvenais plus que de la partie carolingienne et des expos qu’y tenait un peintre/sculpteur cher à mon coeur, François Brochet.
framboiz 07
27 septembre 2021 @ 04:10
Auxerre ,ville à visiter !
Beque
27 septembre 2021 @ 09:07
Saint Maurice (d’Agaune) était le chef de la légion thébaine (6.000 hommes) recrutée en Haute-Egypte. Appelée pour combattre au nord des Alpes, la Légion prit ses cantonnements à Agaune, en Valais. Saint Maurice et ses soldats, chrétiens d’Egypte, reçurent en 277 un ordre de l’empereur (Dioclétien) qu’ils refusèrent d’exécuter : sacrifier aux idoles et s’unir par un serment contre tous les rebelles à l’empire, en particulier les chrétiens. L’empereur les fit donc d’abord décimer, puis massacrer entièrement, les soldats thébains ayant de nouveau refusé d’obéir. Les ossements de Saint Maurice et de ses compagnons furent ramenés dans un ossuaire, près du rocher où se trouvait une nécropole romaine et Sigismond, le roi des Burgondes, fonda l’abbaye Saint Maurice d’Agaune.
Beque
27 septembre 2021 @ 09:41
Saint Germain naît à Auxerre de parents fortunés, vers 378. Après de solides études à Rome, il devient avocat. Nommé gouverneur et duc de la Marche armorique, alors qu’il n’a pas 30 ans, il lutte contre les barbares qui envahissent l’Europe. Germain, devenu prêtre, puis évêque, distribue ses biens et commence une vie austère, consacrée à la prière et l’apostolat. Il combat l’hérésie pélagienne en Grande-Bretagne et réorganise l’église bretonne. Il joue, surtout, un rôle très important en consacrant Sainte Geneviève, alors petite fille, rencontrée lors d’une halte sur les rives de la Seine, à Nanterre.
Danielle
27 septembre 2021 @ 10:54
Une belle église que j’ai visitée il y a 25 ans, merci Guizmo pour ce rappel.
Martine
27 septembre 2021 @ 19:05
Dans les années 60 je passais mes vacances très près. Maintenant l’église de ma ville s’appelle S’ Germain-d’Auxerre https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-Germain-d%27Auxerre_de_Dourdan