Ami intime et proche collaborateur du duc d’Orléans (1869-1926), Alfred de Gramont donne ici à lire une masse considérables d’informations sur le prétendant à la Couronne de France et sur le parti royaliste. Tout y est décrit : qu’il s’agisse de la lignepolitique suivie par le prince, des divisions du parti royaliste, qu’entravent rivalités et jalousies, ou encore des intrigues qui se nouent et s’agitent autour des princes en exil. Mais l’intérêt de ce journal est aussi culturel. En effet, le rayonnement social et mondain de la famille place Alfred de Gramont par sa naissance et sa culture, au coeur de la « haute société ».
Les personnalités les plus en vue du Tout-Paris fréquentent le comte. Celui-ci livre ainsi de multiples informations sur ce monde des salons décrit par Marcel Proust qui justement trouva dans le duc de Guiche, neveu d’Alfred et gendre de la comtesse Greffulhe, l’un des modèles qui inspirèrent les Guermantes. Entièrement inédit, annoté et commenté avec précision, ce journal, truffé de confidences, de portraits et d’anecdotes en tout genre, est un formidable outil littéraire et historique de la Belle Epoque.
« L’ami du prince. Journal inédit d’Alfred de Gramont (1892-1915) », texte édité et présenté par Eric Mension-Rigau, Fayard, 2011, 720 p.
chicarde
22 février 2011 @ 06:40
Une peinture par Degas sur la couverture, je suppose ? Ah, Degas !
Sigismond
22 février 2011 @ 08:32
Ce prince (avec un p minuscule, car il n’était pas l’aîné des Capétiens) qui, c’est à souligner, portait son vrai titre (duc d’Orléans), aurait paraît-il « conféré » en 1921 son faux « ordre du Saint-Esprit » au maréchal Lyautey, qui l’aurait accepté ? Difficile à croire, quand on sait que Lyautey était légitimiste, et qu’il assista en octobre 1931 à Paris, en l’église Saint-Philippe-du-Roule, aux obsèques de Monseigneur le duc d’Anjou et de Madrid, chef des Maisons royales de France et d’Espagne.
neoclassique
22 février 2011 @ 09:04
j’ai lu ce journal, remarquablement écrit et annoté avec rigueur et précision par l’auteur.
Gramont fut un observateur avisé et pertinent de la haute société parisienne sur laquelle il livre un regard sans concession.
Les confidences qu’il livre sont édifiantes sur les coteries qui entouraient le duc d’Orléans et sur la légereté pour ne pas dire l’inconsistance du prince.
Voilà qui devrait faire déchanter les orléanôlatres de tout poil.
Gilles B.
22 février 2011 @ 09:14
Proust n’a pas « décrit » ce monde de salon, il a utilisé ce milieu de la haute aristocratie qu’il a fréquenté pour dénoncer l’inanité de cette vie d’apparence et de mondanité qui n’est que faux semblants : les duchesses vues de près sont couperosées comme des concierges, elles sont sottes, égoïstes (le célèbre épisode des souliers rouges de la duchesse de Guermantes alors que celui qu’elle dit son ami, Swann, essaie de lui dire qu’il est perdu et qu’elle n’a de préoccupation que pour ses chaussures). Au final (voir le Temps Retrouvé), la mystification de ce monde est dévoilée : les duchesses et princesses qui peuvent faire rêver dans l’enfance ne sont en fait que d’anciennes roturières (Mme Verdurin devient Princesse de Guermantes, et la Marquise de St Loup en Bray n’est autre que Gilberte Swann, la fille d’Odette, ancienne cocotte) (cela fait étrangement penser à bien des mariages de Princes actuels) et les hommes si arrogants et si fiers sont des homosexuels qui se livrent à leurs vraies passions nuitamment (voir le passage du Paris abyssal dans le Temps Retrouvé). Il faut bien-sûr lire cette homosexualité masculine quasi-généralisée comme la métaphore de tout ce qu’il y a souvent d’obscur derrière cette vie en apparence brillante et exemplaire : n’oublions pas par exemple qu’un certain nombre de familles princières sur lesquelles certains lecteurs ici s’extasient, ne doivent leur train de vie qu’aux immenses sommes d’argent cachées dans les paradis fiscaux à la tête desquels ils sont, sommes sur lesquelles ils prélèvent leurs dîmes alors que cet argent fait défaut pour financer le développement des pays dont il provient.
Proust nous délivre ainsi un message salutaire : la mondanité et les salons ne sont rien, seul l’art et la vie intellectuelle apportent le vrai sens de la vie. Un message que bien des lecteurs ici pourraient méditer. Il n’est jamais trop tard pour lire ou relire Proust et comprendre que rêver aux princesses est tout de même assez enfantin dans un monde où les inégalités explosent, notamment en raison de la prédation des richesses opérées par cette classe d’oisifs (ce que Proust d’ailleurs souligne dans le Temps Retrouvé où en pleine guerre mondiale, alors que les troufions se font tuer dans une guerre imbécile, Mme Verdurin, future princesse de Guermantes, se fait livrer des croissants pour combattre ses migraines).
Certains trouveront ce post agressif mais l’ouverture d’un site à des commentaires doit aussi être l’occasion de pouvoir exprimer un avis qui dépasse la simple glose extatique.
Caroline
22 février 2011 @ 10:00
Ce livre ,traite d’histoire de la Belle Epoque nous plaira beaucoup! A lire!
Louise.k.De France
22 février 2011 @ 11:57
Gilles, merci.
Palatine
22 février 2011 @ 13:06
Merci pour votre post Gille B, que j’ai bcp aimé. Mais qui lit encore Proust aujourd ‘hui ? Il faut en avoir le temps et l’envie. Moi je continuerai toujours à citer, comme vous, le passage où Swann dit qu’il est perdu, comme exemple de l’égoïsme. Cet égoïsme ne concerne pas seulement les hautes sphères, mais toute notre société, peu concernée par la compassion et surtout l’écoute. Oui, l’écoute.
Proust et Balzac sont éternels.
Colette C.
22 février 2011 @ 13:51
J’aime beaucoup ces » journaux! »
pierre-yves
22 février 2011 @ 14:36
Gilles B, msg 4
Vous ne serez pas blâmé de chercher à secouer les habitudes des commentateurs de N&R qui, en effet, oscillent souvent entre admiration: « ah, qu’elle est belle », et critique: « la vilaine, elle profite de sa position sans en assumer les devoirs » , tout cela assez premier degré.
Vous serez davantage contesté d’utiliser votre interprétation de Proust pour fustiger hypocrisie, cupidité, indifférence aux souffrances du monde et turpitudes en tout genre qui gouvernent selon vous le comportement des familles royales et aristocratiques.
Que cherchez-vous à nous dire, en réalité ?
Que nous nous intéressons (et parfois, pour certains, admirons) à des gens qui ne sont pas dignes d’intérêt ?
Que le mérite propre est bien supérieur aux privilèges que confèrent la naissance ?
Je vous répondrais que s’intéresser n’est pas forcément révérer, mais plutot observer et chercher à comprendre (ce que fait Proust, mais avec une finesse et une langue que nous ne possédons pas).
Ces gens que nous regardons vivre sur ce site ont tous des qualités et des défauts, mais le particularisme de leur position les rend peut-être plus captivants que d’autres à observer.
La plupart d’entre nous ne se fait pas d’illusions démesurées sur la valeur intellectuelle des rois et des princes. Dans l’ensemble, elle est d’un niveau commun, guère plus.
Nous ne nous trompons pas non plus sur leurs faibles mérites personnels et savons qu’ils se contentent d’être là où le sort les a placés.
Dans le panthéon de nos admirations, croyez -le bien, le chirurgien qui réussit une transplantation capable de sauver la vie d’un de nos proches sera toujours plus haut que la plus vertueuse et la plus jolie des princesses.
Pour autant, regarder vivre le monde (même frelaté, d’après vous) des familles princières ne signifie pas qu’on se confond avec lui, ni qu’on vit par procuration à travers lui, ni qu’on rêve d’en faire partie.
On le contemple avec curiosité.
Parce qu’il vient du fond des siècles, qu’il est relié à l’Histoire, et que ceux à qui revient la tâche de l’incarner apportent, si imparfaits soient-ils, une touche différente, indéfinissable et presque romanesque aux évolutions souvent chaotiques de notre monde.
Lord Mickaël
22 février 2011 @ 14:57
Du même auteur, j’ai lu les mémoires de la marquise de Breteuil : passionnant ! et aussi différents livres sur les ethnies bizarres que sont l’aristocratie, et la haute bourgeoisie : croustillant !
Je recommande vivement la lecture de cet écrivain-historien-sociologue unique.
Alexis R
22 février 2011 @ 16:14
Sigismond (2)
Ah bon, prince ne prend la majuscule que pour l’aîné d’une maison? Où avez-vous trouvé cette règle?
Alexis R
Alexis R
22 février 2011 @ 16:24
Gilles B (4),
Votre commentaire peut paraître extrême, et je ne partage pas toutes les idées que vous avez énoncées.
Néanmoins, vos considérations sur la vanité sont parfaitement exactes.
Alexis R
shandila
22 février 2011 @ 20:03
Gilles B. je rejoins Louise.k De France : Un grand merci pour votre commentaire.
Personnellement, j’ai toujours aimé l’histoire – la petite et la grande – et j’avoue que j’apprécie ce site car j’apprends beaucoup de chose, je rêve aux princes et princesses, charmants(es) – passe temps des plus agréables. Mais je n’oublie pas les cruautés et injustices de notre temps. Des maux qui n’ont rien à envier à ceux des temps jadis.
Gilles B.
23 février 2011 @ 09:49
Je ne sais pas si ce deuxième post sera lu car les lecteurs ne reviennent pas toujours sur un article déjà abordé mais je tiens à remercier les personnes qui ont prêté attention à ce que j’ai écrit, Louise.k De France, Pierre-Yves, Alexis R et Shandila.
Ce post n’était que mon deuxième sur N&R car en général je communique peu ainsi mais là, il se trouvait que le sujet me faisait réagir. J’ai en effet une double formation en sciences sociales (économie, sociologie et histoire économique et sociale) et en littérature. J’ai la chance de pouvoir enseigner dans ces différentes disciplines qui m’ont toujours paru très complémentaires. Les formes d’art sont en effet à la fois le « produit » et le « moteur » (au sens où ils les font évoluer par leur pouvoir de dénonciation) des structures économiques et sociales d’une période donnée.
Je suis heureux d’ailleurs d’avoir suscité la réaction et j’ai apprécié tout particulièrement votre commentaire Pierre-Yves et je partage aussi votre point de vue selon lequel les altesses royales et leur mode de vie sont aussi des « passeurs d’histoire ». En revanche, ayant eu le bonheur d’approfondir Proust et plus particulièrement Le Temps retrouvé lors de mes études, je maintiens l’interprétation qu’on peut faire de cette oeuvre comme dénonciation de la vanité du Monde.
J’ai par ailleurs conscience que mon post ait pu heurter certains ici et je leur présente mes excuses.
Enfin je tiens aussi à dire que je viens régulièrement sur ce site car, si je ne suis pas féru des faits et gestes quotidiens des altesses, j’apprécie la qualité des articles historiques qui me permettent d’enrichir ma culture. Je vous en remercie chaleureusement Régine – je ne voudrais pas en effet que vous pensiez que je dénigrais votre travail, bien au contraire – ainsi que les personnes qui régulièrement collaborent avec vous pour nous proposer des articles vraiment dignes d’intérêt.
Palatine
23 février 2011 @ 14:07
Gilles B, j’ai tout de suite reagi à votre post, mais mon commentaire est resté dans les limbes de « la moderation » . Je suis sûre qu’il sera libéré à un moment où l’autre.
A mon avis « La Recherche du Temps Perdu » s’inscrit très bien dans les rubriques de N&R et vous aviez raison de faire un post à ce sujet, et aussi un deuxième.
Un commentaire comme le vôtre ne peux qu’encourager ceux et celles qui n’ont pas encore osé s’aventurer dans l’oeuvre de Proust .
Sigismond
23 février 2011 @ 19:46
Alexis R (10)
Il ne s’agit pas d’une règle de la langue française, mais d’une simple marque de déférence, donnée par les légitimistes au successeur des rois de France. Depuis la chute de la monarchie, l’aîné des Capétiens est appelé le Prince (avec une majuscule) ou Monseigneur. De la même manière, son épouse (ou sa veuve) est appelée la Princesse (avec une majuscule) ou Madame. Sous la monarchie, les usages étaient différents (puisque le couple royal avait la qualification de Majestés) : c’était le dauphin qui était Monseigneur, et c’était la belle-sœur du roi qui était Madame (le frère du roi étant Monsieur), ou à défaut de belle-sœur c’était la fille aînée du roi.
Damien B.
23 février 2011 @ 20:40
Chère Palatine (7) ah je suis ravi – mais pas vraiment étonné – que Proust figure dans votre panthéon personnel des écrivains français !
Gilles B. (4), j’ai lu votre très intéressante analyse de la Recherche.
Je partage assez votre point de vue. La matinée chez la Princesse de Guermantes à la fin du Temps Retrouvé donne en effet les clefs que vous exprimez avec intelligence.
Pour ma part, j’ai une prédilection pour » Combray » dans du » Côté de chez Swann » et également pour » Nom de Pays » lorsque le narrateur se rend à Balbec.
Proust a en effet ceci de particulier que le lecteur construit son propre roman au contact de l’oeuvre.
Damien B.
Juliette
23 février 2011 @ 21:14
Je pense que cet ouvrage sera mon prochain livre de chevet, même si je trouve que l’auteur a souvent un style assez sec.
Gilles B,
votre analyse est très intéressante.
Vous dites enseigner diverses disciplines, pourriez-vous nous dire dans quel cadre: secondaire ou universitaire?
Bonne soirée.
Gilles B.
23 février 2011 @ 21:32
A Palatine,
Je vous remercie pour vos commentaires et j’avoue que c’est avec un certain plaisir que je vous vois unir les noms de Balzac et de Proust, mes deux écrivains français préférés. En tant qu’enseignant en sociologie, je vois Balzac comme un des tout premiers sociologues français, faisant de la sociologie sans le savoir.
Gilles B.
23 février 2011 @ 21:35
A Damien B.
Je vous remercie également pour votre commentaire. Je suis toujours heureux de croiser au hasard de sites des « proustiens ». J’ose espérer que nous ne sommes pas une espèce en voie de disparition mais force m’est de constater, par mon métier, que pour bien des jeunes, Proust n’est plus qu’une onomatopée dont ils ne perçoivent pas le sens :)
Alexis R
24 février 2011 @ 10:11
Sigismond (16),
Merci de me confimer le caractère légitimiste de cette règle du P majuscule. Je comprends donc que sa portée soit réduite au seul parti légitimiste.
Bien à vous,
Alexis R
marie-françois
24 février 2011 @ 16:05
Je ne sais si beaucoup, à part Neoclassique, ont lu ce journal d’Alfred de Gramont, tres bien annoté par Eric Mension Rigau.
C’est en effet la chronique des préoccupations de l’aristocratie parisienne de l’époque.
Mais c’est surtout un témoignage sur les milieux monarchistes au tournant du siecle puisque l’auteur appartenait au service d’honneur du duc d’Orleans, ce qui permet à l’auteur de nous livrer ses impressions sur la famille du prétendant.
Il accompagne, notamment, ce dernier, à Schwarzau, chez le duc Robert de Parme qui le reçoit fort aimablement au pied de l’escalier, indiquant qu’il s’agit d’un réconciliation aprés le froid qui avait suivi les obséques du comte de Chambord.
Bien qu’ami du prince il ne se prive pas de le critiquer dans sa façon de conduire sa vie privée comme son action politique. Il en est de méme pour la duchesse d’Orléans.Mais il ne fait la que confirmer ce que l’on sait.
Parmi les autres personnages de la famille, seul trouve grace à ses yeux la reine Amélie, la duchesse d’Aoste et peut etre les Vendome.Il reconnait les talents du comte de Paris mort trop jeune mais pas de son épouse qui » n’a fait pour ses enfants que les mettre au monde et qui ne fait rien pour essayer de bien marier ses filles « . Ces dernieres se sont pourtant bien mariées, nonobstant le « femenfichisme » de leur mere.
Si l’auteur est critique vis à vis des Orléans,il l’est en général vis à vis de ses contemporains et marque parfois de vision lorsqu’il écrit que la monarchie britannique court à sa perte et que le couronnement d’Edouard VII est peut etre le dernier.
Ouvrage d’un gand interet car inédit.
Sigismond
24 février 2011 @ 19:14
Alexis R (21)
Il ne s’agit pas d’une règle :-)
Tout ce que j’ai voulu dire, c’est que je n’aurais pas mis de majuscule, contrairement à ce qui a été fait sur cette illustration.
Sigismond
25 février 2011 @ 20:03
neoclassique (3)
marie-françois (22)
L’allégation selon laquelle le maréchal Lyautey aurait reçu l’« ordre du Saint-Esprit » du duc d’Orléans, vient de ce livre (page 216) :
http://pmcdn.priceminister.com/photo/673293081_L.jpg
Charlanges
28 février 2011 @ 15:42
Ce livre est tout à fait passionnant et il est heureux que ce journal inédit ait pu être sauvé de l’oubli.
Dans sa présentation, Eric Mension-Rigau écrit qu’il a été retrouvé à Bidache et l’on peut se demander comment il a pu y atterrir. Peut-être à la mort sans postérité en 1942 à Ustaritz de la fille d’Alfred, la princesse Marc Gagarine, les papiers de famille ont-ils été remis au chef de famille, le duc de Gramont ? Ce n’est toutefois qu’une supposition.
Je suis d’accord avec ce qu’écrit Marie-François (22). Alfred de Gramont nourrissait une profonde estime pour la reine Amélie mais aussi pour son fils le roi Manoel et il présente la duchesse d’Aoste comme une femme intelligente et intéressante. Il n’évoque pratiquement pas le duc et la duchesse de Guise mais le couple vivait alors très en retrait.
Le lecteur trouvera foule d’anecdotes sur l’aristocratie française. Certains membres sont évoqués avec tendresse, d’autres reçoivent une volée de bois vert (le clan Radziwill-La Rochefoucauld-Doudeauville notamment mais Alfred de Gramont avait des raisons personnelles de lui en vouloir).
marie-françois
28 février 2011 @ 19:54
Charlanges
Ustaritz n’est pas loin de Bidache.
Michael
2 mars 2011 @ 20:33
Dans tous les cas, on voit bien dans ce journal une réconciliation et une reconnaissance des ducs de Parme envers le prétendant au trône de France dès les premières pages.
marie-françois
3 mars 2011 @ 19:12
Michael
Vous avez bien lu comme moi.