Le village de Bourron-Marlotte est situé à 75 km de Paris, au sud de la forêt de Fontainebleau. Le nom de Bourron aurait une origine celtique et désignerait une source jaillissante ( Borro). Le site ayant été envahit et occupé par les celtes. Cette source existe toujours aujourd’hui, sous le nom de Saint-Sévère.
C’est au Moyen Age, probablement dès le 10ème siècle, que furent construits l’église et son château-forteresse, domaine des seigneurs Robert de Borron et Adam de Borron.
L’histoire du château nous dit que Robert de Borron réunit les récits de tradition orale celte, le cycle arthurien de la Table Ronde, en les ordonnant et en remontant à leurs origines chrétiennes : avec la trilogie Joseph d’Arimathie, Merlin et Perceval, il écrivit ainsi, à l’extrême fin du XIIe siècle, le premier roman en prose française, le Roman du Saint-Graal, qui eut un grand retentissement.
À partir de 1150, les actes officiels et les donations envers les congrégations religieuses de la région apportent quelques renseignements sur les premiers seigneurs de Bourron qui servirent le roi à une époque où le royaume de France se confondait encore avec l’Ile-de-France.
En 1234, Berruyer de Bourron reçoit en son château le roi Louis IX, futur Saint-Louis. Berruyer siégera au conseil du jeune monarque et le servira fidèlement comme il avait déjà servi Philippe-Auguste et Louis VIII. Nommé Bailli, il se vit confier plusieurs enquêtes délicates et effectuera avec succès des missions sensibles.
Les Archives Nationales de Paris possèdent une belle charte manuscrite de Philippe le Bel relative à Jehan de Bourron, écuyer, et à ses biens, datée de décembre 1311.
Avec l’écu « à trois fusées en fasce », ils durent posséder dès l’origine une demeure seigneuriale, preuve de leur noblesse et lieu où ils rendaient la justice, même si celle-ci n’est décrite qu’en 1367 lors d’une inspection royale : Bourron était alors une forteresse « close de murs et entourée de fossés à eau ».
Après une soixantaine d’années passée dans la famille Villiers de l’Isle-Adam, le domaine revint, de 1445 environ à 1465, à un parent, Denis de Chailly, de la grande famille des vicomtes de Melun, le plus important des capitaines d’armes de la Brie qui participa de ce fait, et à la suite de Jeanne d’Arc, à la reconquête du sol français contre les anglais.
En 1502, Olivier de Sallard devenait seul propriétaire de Bourron. D’une famille brabançonne spécialisée dans le dressage des faucons au service des ducs de Bourgogne.
Olivier Salaert de Doncker devient alors fauconnier de Louis XI et ses successeurs Charles VIII et Louis XII le confirmèrent dans ses fonctions de grand fauconnier de France. De plus, Charles VIII lui accorda ses lettres de naturalisation, lui permettant ainsi de devenir propriétaire et de faire souche à Bourron pour deux siècles et demi.
Le château actuel fut construit sur les fondations de la forteresse féodale à la fin du 16ème et au début du 17ème siècle à la demande de François de Sallard en remplacement, de l’antique et inconfortable forteresse médiévale, pour un château plus adapté aux canons de la mode du temps. François de Sallard était le gendre de Cosme Clausse, secrétaire du roi, propriétaire des châteaux de Courances et de Fleury-en-Bière.
Son style brique et pierre imite la cour du Cheval Blanc du château de Fontainebleau (aile nord). Il possède deux escaliers en fer à cheval sur les façades nord et sud Cette élégante construction en transparence est un bel exemple de style Henri IV- Louis XIII.
Les anciennes douves ont imposé le plan du château constitué d’un corps de logis à trois niveaux et de deux ailes en retour d’équerre. Le portail d’entrée donnait sur le pont d’accès détruit. On accède au rez-de-chaussée surélevé par un escalier de grès en fer à cheval.
Les trois niveaux de fenêtres sont surmontés de toits à la française percés de lucarnes.
A l’extrémité Sud de la cour d’honneur, deux pavillons à base carrée abritaient les anciens corps de garde et encadraient un portail détruit à la Révolution.
Le grès d’Apremont est omniprésent : apparent dans les soubassements et les chaînages verticaux harpés et protégé par un crépis pour les façades en élévation dont les linteaux et tableaux de baies ont été cependant rehaussés de brique.
En 1708, à la mort du dernier des Sallard à la bataille d’Audenarde, le domaine est transmis à son beau-père, Frédéric de Beringhen, officier de souche Hollandaise qui recevra, en 1725, Stanislas Leczinski et son épouse à l’occasion du mariage de leur fille Marie Leczinska avec le jeune roi Louis XV, qui rencontrera son beau-père Stanislas Leczinski à l’occasion d’une chasse.
Vers 1792, le château de Bourron n’est naturellement pas épargné par les révolutionnaires : le pigeonnier et le portail furent arasés. Le château connût encore quelques vicissitudes. Il fut mis en vente par trois fois : d’abord par les Montgon en 1849 qui l’avaient racheté au fils de Madame de Varennes-Bourron, puis les Brandoix en 1862, enfin les Piollenc.
Durant la guerre de 1870, l’occupation allemande du château et l’installation d’une « ambulance » prussienne occasionnent de nombreuses dégradations. Le château est même à deux doigts d’être incendié par représailles
En 1878, le château est acheté par la famille Montesquiou-Fezensac qui l’occupe toujours actuellement. D’une famille d’ancienne noblesse du Gers, ils comptent, parmi leurs ancêtres, le célèbre d’Artagnan, les ministres de Louis XIV, ainsi que Le Tellier de Louvois, Madame de Montesquiou, gouvernante du petit Roi de Rome que l’enfant appelait affectueusement « Maman Quiou ». Pendant un siècle, ils se sont attachés à restaurer le château et à le remeubler, à l’aide de leurs souvenirs familiaux, et à reconstituer, surtout après les bombardements de la dernière guerre.
Le château fut classé au titre des Monuments historiques par arrêté du 18 mars 1926.
Aujourd’hui vous pouvez, si vous le souhaitez passer une nuit au Château de Bourron dans l’une des très belles chambres réaménagées et vous promener dans le parc de 40 hectares.
Je vous recommande un petit tour dans le village de Bourron-Marlotte qui connu son heure de gloire artistique au XIXème siècle. Vers 1830, Caruelle d’Aligny et Jean-Baptiste Corot, son ami, s’installent à Marlotte où un grand nombre d’artistes de Barbizon leur rendront visite : Harpignies, Daubigny, Diaz de la Pena, Olivier de Penne, Celestin Nanteuil.
En 1850, Henri Murger vient de publier « Scènes de la vie de bohème ». Il découvre à son tour Marlotte et y entraine tous ses amis parisiens comme les écrivains Théophile Gautier, Alfred et Paul de Musset, Théodore de Bainville.
A partir de 1860, Sisley, Renoir, Monet, Cézanne, Pissarro, Bazille.. les rejoindront. Tous se retrouvent dans les deux auberges du village, l’auberge Saccault et l’auberge de la mère Antony. C’est l’esprit de bohème qui règne.
N’oubliez pas son église Saint-Sévère doté d’un orgue construit par le facteur d’orgues Yves Fossaert. (Merci à Guizmo)
Bambou
28 mars 2022 @ 06:14
Quel joli petit château qui semble magnifiquement entretenu.
Pastelin
28 mars 2022 @ 07:08
Merci Guizmo pour cette découverte ! Un très joli « petit » château.
plume
28 mars 2022 @ 09:00
Très belle demeure à visiter.
Ghislaine
28 mars 2022 @ 09:16
Un peu étonnée par le terme Borro mais il est incontestable que dans la mythologie celte la source est primordiale , comme le sont les arbres . On lui donne le sens de sacré (divo ) , divin que l’on retrouve dans des lieux où l’eau a été un bienfait .
, ++++
devonna
, appliqué à des noms
de rivières, ruisseaux et sources. Le sens de « div
in » qu’il avait dans la langue celtique
l’on peut retrouver cette spécificité dans des noms encore connus comme Divonne-les-Bains – la rivière Dee en Ecosse etc…
Les fontaines en Bretagne sont nombreuses avec toutes des spécialités bien définies !En général , ce sont des monuments élaborés en pierres de granit et très respectés.
Il y aurait tellement à dire sur ce « divo » mais je m’arrêterai là.
MlleGiuliana
28 mars 2022 @ 12:02
Vous connaissez un peu Divonne-les-Bains ? 🙂
Ghislaine
29 mars 2022 @ 10:12
Oui et même bien !
Charlotte (de Brie)
29 mars 2022 @ 22:00
Oui, je vous comprends Ghislaine, mais le terme Borro est issu de la mythologie celtique gauloise : Borro dieu guérisseur associé à l’eau. Eau bouillante, souvent associé à l’Apollon grec.On trouve par exemple la dédicace » Appoloni Borroni et Damonea » à Bourbon Lancy en Bourgogne ou à Bourbonne les Bains en Haute Marne. Sans parler de Barbotan. Alors Damonea ou Borbana ? déesse gauloise de l’eau d’où Daemona, Divona, déesse des sources, Divonne les Bains… on la trouve aussi à Cahors : »divona cardicorum »
Bref ma culture vient d’un album d’Asterix : » Le bouclier Arverne » une partie de l’action se situant à Borvo, les thermes, le druide Pronostix etc
Ciboulette
30 mars 2022 @ 20:20
C’est un régal de vous lire , Charlotte , ces merveilleuses explications linguistiques et l’incomparable rappel de vos sources . . .je vais relire le bouclier arverne !
Beque
28 mars 2022 @ 09:36
Merci, Guizmo, vous ne manquez pas d’idées !
Caroline
28 mars 2022 @ 09:40
Merci à Guizmo pour son article historique fort intéressant ! 👍
Encore un château- hôtel à visiter dans la région parisienne !
Menthe
28 mars 2022 @ 09:42
Il est ravissant ce château. Est-il toujours habité ?
Baboula
28 mars 2022 @ 14:01
Au moins par la domesticité,pour faire les lits …
Kalistéa
28 mars 2022 @ 10:08
Bourron est à rapprocher de Bourbon qui veut dire source également (Bourbon l’Archambeau , Bourbonne -les- bains , la Bourboule et coetera) plusieurs villages de France portent le nom de Bourbon et ont donné ce nom à des familles souvent très modestes , mais qui de nos jours ,s’imaginent qu’elles étaient apparentées jadis aux rois de France! La famille des rois est originaire de Bourbon l’Archambeau .
JAusten
28 mars 2022 @ 10:30
Oh comme ce château est beau ! Il rappelle un peu dans son ensemble à celui du Jonchet de H.de Givenchy.
C’est un château-hôtel aujourd’hui il me semble et tout l’intérieur est vraiment très charmant. Un charmant petit endroit pour une escapade verte le temps d’un weekend.
HRC
28 mars 2022 @ 12:11
Peut être est ce le nom de la divinité de la source, et non pas le mot source.
HRC
28 mars 2022 @ 15:32
Tello a donné Toulon par exemple.
Charlotte (de Brie)
28 mars 2022 @ 12:30
Merci Guizmo d’avoir permis de découvrir ce petit château méconnu et d’avoir parlé des artistes qui à partir du milieu du 19è sont venus chercher l’inspiration dans de petit morceau de la Forêt de Fontainebleau.
Justement à quelques kilomètres à peine un charmant endroit a attiré nombre de peintres romantiques : la Mare aux Fées !
Elle a la particularité de ne jamais être asséchée et ses berges sont verdoyantes et fleuries en particulier d’iris jaunes que le peintre Armand Charnay planta en 1896 pour les besoins de sa peinture.
Alors pourquoi la Mare aux Fées ? Avant le 19è elle s’appelait la grande mare, pas de quoi faire rêver ! Et puis la proximité de Bourron Marlotte faisant venir des artistes écrivains, poètes, peintres, on chercha à les attirer jusque là et la grande mare devint : la Mare aux Fées, car on avait découvert à proximité une grotte dont les parois étaient lacérées de griffures, on imagina donc que des fées s’y réfugiaient le jour et qu’elles laissaient ainsi trace de leur passage, il est bien connu que les fées ne sortent que la nuit…
Et si d’aventure vous vous rendez à la Mare aux Fées : « A l’aube, à l’heure où blanchit la campagne » vous y verrez des biches qui viennent de la grotte et s’abreuvent dans la mare avant de s’évaporer dans la forêt.
Ciboulette
30 mars 2022 @ 20:22
Oh ! Pourquoi dévoiler cet endroit magique ? La Fée , c’est moi ! Personne ne le savait . . .
lila🌷la vraie
28 mars 2022 @ 13:04
Moi Châtelaine dans mes rêves …ce château me conviendrais par sa beauté et sa taille .👸
lila🌷la vraie
28 mars 2022 @ 13:05
Kali …merci pour vos précisions 😉
Kalistéa
30 mars 2022 @ 11:08
Merci à vous, Lila -vraie pour votre petit signe d’amitié .
Danielle
28 mars 2022 @ 13:13
Merci Guizmo pour cette belle découverte et Kalistea pour l’origine de Bourbon.
aubepine
28 mars 2022 @ 13:25
Très joli chateau bâti dans un superbe village !
Mayg
28 mars 2022 @ 13:48
Merci Guizmo pour cette belle découverte.
HRC
28 mars 2022 @ 15:38
La version auvergnate de Borro serait Borvo.
Aldona
28 mars 2022 @ 16:14
Merci Guizmo, le château et son environnement sont magnifiques, connaître la vie de château pour une nuit et profiter du beau parc, j’aimerais !
Kalistéa
30 mars 2022 @ 11:11
Je crois me souvenir que la princesse Claude de France , lors de son mariage avec le duc Amédéo de Savoie s’était installée dans un beau domaine en Toscane , qui portait le nom de » Borro » , c’est à dire « la source » .
Karabakh
31 mars 2022 @ 00:19
Cela me rappelle un petit jeu de mot, constitué sur trois noms de villes franciliennes, dont Bourron-Marlotte en dernier ; mais la bienséance m’interdit de m’amuser ainsi, en public.
Bourron-Marlotte est un bel endroit, château compris.
Charlotte (de Brie)
31 mars 2022 @ 21:22
Oh Karabakh, j’ai fait preuve de chauvinisme en citant des lieux Seine et Marnais, je crois que vous faisiez allusion à des villes plus « royales »…
Les jeux de mots sont fréquents notamment en ce qui concerne le latin et le grec.
Nous, étudiants, potaches, las de chercher dans le grand Bailly ou le Gaffiot, étions à l’affut de concordances qui faute d’être de temps, nous amusaient bêtement.
Ainsi « Ouk Elabon Polin, Elpis ephe Kacha » : Xenophon, traduction : » Ils ne prirent pas la ville, car attendre et espérer sont toujours de mauvais conseil » mais à la lecture à haute voix …
Pour les gourmands, en latin : « sumpti dum est hic apportavit legato alacrem eorum (que Caesarum) » le que Caesarum, nous gênait donc on le gommait.
J’en ai une autre, un peu plus coquine, que la décence m’interdit de citer ici.
Karabakh
11 avril 2022 @ 17:03
Une ville des Hauts-de-Seine, une autre du Val-de-Marne (pas si éloignée de la première) et la dernière, sujet du présent article, en Seine-et-Marne. 🙃
Charlotte (de Brie)
31 mars 2022 @ 12:21
Combs la Ville, Couilly Pont aux Dames, Rebetz en Brie…