En 1715, moins de vingt ans après la construction de Flaugergues, l’architecte Jean Giral donne les plans du château de la Mogère qui présente les traits distinctifs de ce que sera la folie montpelliéraine jusqu’à la Révolution française.
La famille Giral est une dynastie d’architectes montpelliérains, particulièrement attaché à ce type de construction. Auteurs à Montpellier, pendant trois générations, de nombreux bâtiments publics, privés et religieux, les Giral se retrouvent régulièrement dans le dessin, les plans et la maîtrise d’œuvre des maisons de plaisance environnantes. Du fait de leur production abondante, ils exercent une grande influence sur le modèle architectural des folies montpelliéraines.
Le domaine de la Mogère a été acheté en 1707 par Fulcran Limozin secrétaire du Roi et contrôleur de la Chancellerie de Montpellier. Il restera dans cette famille et sera transmis de façon directe jusqu’à nos jours. Il a appartenu entre autres à Jacques-Joseph de Boussairolles (1741-1814) qui fut conseiller à la Cour des Comptes, puis Président de la cour Impériale et Baron d’Empire en 1813. Il est maintenant géré par le Vicomte Gaston de Saporta qui est la neuvième génération de la famille à habiter les lieux.
La Mogère était à l’origine un domaine agricole. Le château est situé sur une petite éminence au centre du domaine, permettant de dominer les terroirs qu’il gérait. Il se trouvait à l’intersection de quatre allées de platanes orientées selon les points cardinaux et permettant d’accéder aux différentes parties du domaine. Seule l’allée de l’ouest existe encore partiellement aujourd’hui car elle est coupée par l’autoroute A9. Elle sert d’entrée principale au château alors que jadis, l’entrée se faisait par l’allée du nord.
Le château présente une façade rectiligne à un étage, précédée d’un avant-corps à fronton, sous un toit bas à quatre pentes. Les matériaux utilisés sont locaux : pierre venue des carrières environnantes, sol de tomette. La forte luminosité accentuant les ombres, les reliefs comme celui de l’avant-corps sont à peine esquissés.
Les sculptures sont peu nombreuses mais, lorsqu’elles existent, sont de grande qualité. L’entrée principale est surmonté d’un mascaron à la riante figure féminine. Du vase qui la surmonte, s’échappe une délicate guirlande de fleurs, annonçant le caractère champêtre de la demeure.
Des communs à destination agricole encadrent la cour d’entrée. Ils sont réunis par un élégant pigeonnier central sous lequel s’ouvre le porche d’accès au château et marquant par là même, la limite entre la fonction agricole du domaine et sa fonction résidentielle. Daté de 1712, il est couvert d’un toit pyramidal et porte un cadran solaire.
C’était l’entrée principale du domaine au XVIIIe siècle: on traversait le domaine agricole avant d’atteindre la cour du château, son parc et ses jardins.
Les jardins qui entourent le château sont aussi soignés que l’intérieur. Ils se caractérisent par la présence de fontaines, de bassins, de statues et par la diversité végétale d’arbres et d’arbustes méditerranéens.
Dominant l’ancien potager du domaine, le magnifique buffet d’eau témoigne d’une influence italienne. C’est le trésor des jardins de la Mogère, un exemple survenu jusqu’à nous de toutes ces grottes et rocailles qui agrémentent les jardins au XVIIIe siècle. Il est adossée à un mur et pourvu d’un bassin en demi-lune construit avec des matériaux locaux.
Au centre, se trouvait jadis une statue de Neptune entouré de nymphes, dans un amoncellement savamment agencé de galets et de coquillages.
Cette grande fontaine de style rocaille présente une décoration polychrome: bouquets en coquillages, mosaïques de coquillages et de galets sur fond orange et rouge….
Classée monument historique depuis 1945, elle est alimentée par un aqueduc intérieur au domaine d’une longueur de 55 mètres.
L’ensemble est surmonté de vases et de statues de putti qui entourent un cheval marin ou tiennent des instruments de navigation, un thème décoratif très en vogue au XVIIIe siècle.
Les salons conservent le mobilier accumulé ici par les générations qui ont enrichi La Mogère jusqu’à nos jours. Le thème des quatre saisons est très présent dans la décoration intérieure: des peintures sur ce thème ornent les panneaux du grand salon.
La salle à manger expose une belle collection de portraits de famille parmi lesquels on reconnaît celui de Jacques-Joseph de Boussairolles, l’un des tous premiers propriétaires du domaine.
Mais le plus extraordinaire des pièces de réception est le salon aux gypseries. C’est l’autre trésor du château. Il nous replonge en plein XVIIIe siècle avec son beau mobilier Louis XVI et directoire.
Les quatre saisons sont ici évoquées par des putti se chauffant au coin du feu pour évoquer l’hiver ou gardant les moutons dans les champs pour l’été.
Les stucs aux bouquets généreux, aux délicates guirlandes de fleurs où s’entremêlent des outils agricoles évoquent le caractère de la demeure: entre terres agricoles, parc et jardins. Il s’agit de l’un des derniers domaines de Montpellier ayant conservé un château au sein de son environnement rural.
De toutes les folies, c’est celle qui reflète le mieux son existence passée, mais pour combien de temps ?
La quiétude des lieux est de plus en plus menacée. La zone où se situe le domaine est un secteur en pleine mutation: l’autoroute A9 passe déjà à proximité immédiate, des projets de contournement et de voies de circulations ont été décidés dans le secteur et la future gare TGV doit être construite à moins de 300 mètres du château. La folie sous les feuillages risque bel et bien d’être victime de l’urbanisation galopante et de la bétonisation à outrance dont est victime la métropole languedocienne… (Merci à Francky pour ce reportage – Copyright photos : Francky – Source: Site internet du château de la Mogère)
June
26 mai 2014 @ 07:11
Merci Francky pour la belle visite très documentée de ce magnifique domaine !
Votre dernier paragraphe est bien inquiétant…
patricio
26 mai 2014 @ 08:10
Merci Francky pour ce beau reportage
je ne connais pas ce château, et j’espère qu’il pourra être sauvé par tout ce betonage que connait Montpellier
amitiés
patricio
Pierre-Yves
26 mai 2014 @ 10:15
Reportage très détaillé de Francky que je remercie de ce travail.
On ne pense pas forcément à aller visiter des chateaux quand on se trouve dans le Midi, mais le preuve est ici faite qu’on a bien tort.
Je connais un Saporta dont la famille possède un château qui n’est pas celui-ci mais se trouve près d’Aix en Provence (et qui vient d’ailleurs d’être mis en vente, à la suite de la mort, l’an dernier, de sa propriétaire, la marquise de Saporta).
agnes
26 mai 2014 @ 10:30
passionnant.
Menace de l’urbanisation galopante oui, mais aussi des héritages qui font exploser une propriété, même si je ne sais rien sur ce château.
Marcel
29 mai 2014 @ 09:11
Le château qui a été vendu est celui de Fonscolombe à Puy-Sainte-Réparade (13) construit par les Saporta en 1720.
Cosmo
26 mai 2014 @ 10:48
Quelle demeure splendide où il doit faire bon d’y vivre ! Quel dommage qu’elle soit victime d’une urbanisation galopante !
Merci et bravo à Francky pour ce beau reportage !
Caroline
26 mai 2014 @ 11:18
Francky,j’adore vos reportages-photos toujours bien documentés!
La quatrième photo me rappelle un peu le film ‘ Le chateau de ma mère’ tiré du célèbre livre de Marcel Pagnol!
Mayg
26 mai 2014 @ 11:40
Merci à Francky pour ce beau reportage.
C’est bien dommage que l’urbanisation menace la quiétude de cette magnifique propriété.
flabemont8
26 mai 2014 @ 11:41
Merci , Francky, pour ce très beau reportage et les photos tout aussi intéressantes.
Je suis navrée par ce passage de l’autoroute A9 et par les autres menaces que vous redoutez. Ma famille a été victime, il y a une cinquantaine d’années , d’un tel désastre…Puisque certains aspects de la demeure et de ses jardins sont classés, ne peut-on en appeler aux monuments historiques, à la Culture, aux Beaux-Atrs, à la Région , puisqu’il s’agit d’une pièce unique ? Tous mes encouragements !
Francky
26 mai 2014 @ 21:59
Flabemont,
La région est la 1ère à vouloir doubler l’A9…
Les travaux ont commencé et la Mogère va se trouver entre l’actuelle A9 d’un côté et le nouveau contournement de l’A9 de l’autre. Sans oublier la ligne LGV et la 4 voies desservant les plages qui borde la propriété au Nord…
Francky
26 mai 2014 @ 22:11
Les travaux en cours ont été déclarés « d’utilité publique » et peuvent à ce titre, s’affranchir du périmètre de protection qui protège habituellement tout monument historique classé.
Les élus locaux ont décidé, en outre, de construire une douzaine de « folies » architecturales du XXIe siècle réalisées par de grands architectes de renom international. Ceci dans l’idée des folies du XVIIIe siècle, mais sans se soucier de la préservation et de la sauvegarde de ces dernières…
Corsica
26 mai 2014 @ 15:20
Merci Francky pour cet autre magnifique reportage . Après vos photos et votre description qui nous charment, on est brutalement ramené à la dure réalité du monde d’aujourd’hui où la priorité est malheureusement donnée au béton et aux voies de communication rapides . Si tous ces projets d’urbanisation sont mis à exécution et que, par miracle, cette folie reste debout, je n’ose l’imaginer au milieu de cet univers de bruit et de béton . Il n’est déjà pas facile de conserver dans la même famille de telles propriétés mais dans ces conditions, cela relèvera de l’abnégation pour le vicomte de Saporta .
JAusten
26 mai 2014 @ 17:43
Jolies comme tout ces photos Francky ! J’aime beaucoup l’intérieur qui est très cosy. Malheureusement cela fait bien des années que ce château semble, vu de l’exterieur, comme abandonné ! Sa situation géographique est bien désolante en regard du trafic sur les routes qui l’entourent de face et de côté, …. et du voisinage.
Je me demande aussi ce qu’il va devenir dans quelques mois.
Francky, je me pose toujours la même question chaque fois que je passe devant : les terres qui entourent le château lui appartiennent il ?
beji
26 mai 2014 @ 18:36
Voilà une vraie folie;le château de Flaugergues présenté il y a quelques temps n’en n’est pas une.
Francky
26 mai 2014 @ 22:01
JAusten,
Je pense que certaines terre appartiennent toujours au domaine, mais pour combien de temps… Vous connaissez, je pense, les projets pharaoniques mis en chantier dans cette zone et le territoire non construit va se réduire comme peau de chagrin…
JAusten
27 mai 2014 @ 16:47
oh oui Francky ! malheureusement pour ce bel endroit, je connais bien les projets : je passe sur la nouvelle portion (portion donnant une belle vue sur la tranchée gigantesque) de la voie rapide tous les matins pour aller travailler dans la zone de la Banquières à savoir 1 encablure du chantier … qui me semble d’ailleurs, si j’ai bien compris les journaux gratuits distribué dans les boites aux lettres, mis un peu en attente par le nouveau maire, il souhaitait revoir les comptes : nous sommes depuis quelques temps beaucoup moins voire pas du tout ennuyés par les camions.
Francky
28 mai 2014 @ 23:34
Jausten,
Je ne sais pas si, vu l’avancement du projet, la nouvelle municipalité pourra changer grand chose… Les expropriations sont faites, les contrats signés avec les entreprises… Mais souhaitons au moins que la « bétonnisation » s’arrête un peu…
Francky
26 mai 2014 @ 22:06
beji,
Excusez-moi, j’ai répondu à Jausten au mauvais endroit.
Le château de Flaugergues est malgré tout considéré comme une folie, même s’il est plus ancien et ne fut pas construit par les Giral.
Je l’avais considéré pour ma part comme une « villa » italienne, ce dont elle s’inspire en partie…
Mimine
26 mai 2014 @ 18:44
Mon oncle habite à La Mogère
D E B
26 mai 2014 @ 19:20
J’ai lu avec attention et admiré les très belles photos.
Si j’ai bien compris, la ville a glissé jusqu’aux portes de ce magnifique domaine.
Félicitations à cette famille qui ne cède pas et essaie de préserver le souvenir de la grandeur de ce lieu.
Sylvie-Laure
27 mai 2014 @ 06:45
Les élus de la métropole Languedocienne qui ont fait projet de toutes ces métamorphoses béton autour de la demeure présentée ici, savent que la Région est avant tout stratégique pour les axes Sud-Est de la France —Espagne, et pour la région Centre –Midi Pyrénéen. Il y a déjà dans cette région, le fameux Canal du Midi très fréquenté, il y a les vignobles, l’accès au golf du Lion, etc , et tout ceci est enregistré par de savants calculs de profits économiques pour la Région, et les Elus Locaux.
Quand on sait comment les régions actuelles (ne parlons pas ici des futures régions envisagées très bientôt) se débattent avec leurs finances, l’Etat les abandonnant quelque peu, il ne faut pas s’étonner. Mais celà me laisse nostalgique et inquiète, car ce qui sera détruit sera irrémédiablement perdu.
je peux comprendre l’angoisse et l’inquiétude des propriétaires de demeures comme celles-ci (classées mais qui hélas ne sont d’aucune protection suffisante, et rassurante) et celles aussi bien sûr des propriétaires simples particuliers de terrains et maisons appelés à être convoités…
Bien triste, tout cela !! Francky je vous félicite pour la qualité de vos photos, textes, et je ne me lasse pas de vos reportages. Merci à vous.
Claude Patricia
27 mai 2014 @ 18:14
Bonsoir à tous,
Merci Francky!! Tout ceci est très joli!
de Gourcy Pierre
27 mai 2014 @ 21:04
Pour répondre à certaines questions posées: oui la Mogère est toujours habitée même si les volets ne sont pas toujours ouverts… Nous avons fait un gros travail de restauration du jardin (plus de 1000 buis replantés) et des bâtiments (une salle de réception). Concernant les terres tout autour, beaucoup ont été expropriées… A l’heure actuelle, notre activité est principalement tournée vers les visites, les séminaires et les mariages; elle est gérée par la Comtesse Clotilde de Gourcy, fille du Vicomte Gaston de Saporta. Plus de renseignements sur http://www.lamogere.fr
JAusten
28 mai 2014 @ 17:03
Merci pour vos précisions monsieur de Gourcy. Je souhaite une bonne continuation aux activités de cette bien jolie demeure dont on peut voir une partie des jardins à travers la grille.