Situé dans le prolongement du Château de la Malmaison, résidence de l’impératrice Joséphine entre 1800 et 1814, le château de Vert-Mont est un lieu hors du temps caché dans un magnifique écrin de verdure.
Le domaine de Vert-Mont, faisait partie à l’origine du domaine de la Malmaison mais l’immense propriété ne survivra pas à l’ex-impératrice. En 1824, à la mort du Prince Eugène, fils de Joséphine de Beauharnais, il est vendu en plusieurs lots dans un profond état de délabrement, et les subdivisions se poursuivent tout au long du XIXe siècle. Certains achètent pour revendre, d’autres pour lotir, d’autres encore pour agrandir leurs domaines ou en constituer de nouveaux.
C’est ainsi qu’une riche veuve, Catherine Maurel, achète un lot qui correspond à l’ancien domaine de Bois-Préau, et l’agrandit de parcelles qu’elle revendra en 1833, notamment à Gustave d’Eichthal. Premier disciple d’Auguste Comte, saint-simonien engagé, né juif, devenu catholique, fils de banquier il préfère les sciences humaines et la philosophie au monde des affaires.
Le futur domaine de Vert-Mont naîtra de ces terres restées vierges de toute construction. Bientôt, un élégant pavillon à l’italienne domine le vallon, aménagé en parc à l’anglaise. En 1862, Gustave d’Eichthal décide d’aménager la façade sur parc en ajoutant un vaste perron formant terrasse. Pourtant, moins de dix ans après avoir créé le domaine, il décide de s’en séparer, pour des raisons à la fois financières et familiales.
Une page se tourne lors de la vente aux enchères de 1867. C’est alors un homme riche qui arrive à Vert-Mont. Victor-Paul Delacroix a quarante-quatre ans, il assure la co-gérance depuis presque vingt ans d’un des très renommés magasins de nouveautés de Paris, À la ville de Saint-Denis, qui ne cesse de se développer à force de succès.
A cet époque l’engouement pour les demeures de campagne amène à Rueil et dans les villages environnants la riche bourgeoisie du Second Empire. Rueil est maintenant à 26 minutes de Paris par le tout nouveau chemin de fer, et il n’est pas rare de croiser Napoléon III à Malmaison.
Des propriétaires qui s’y succéderont jusqu’à la Fondation Tuck aujourd’hui, deux d’entre eux vont profondément marquer son histoire : Edward Tuck et Madeleine Eristov. A la différence de bien des domaines, Vert-Mont n’est pas le fief originel d’une grande famille, mais une construction progressive. Quarante ans après la construction du château de Vert-Mont, Edward et Julia Tuck acquièrent ce domaine champêtre en novembre 1898.
Edward Tuck est né le 24 août 1842 à Exeter dans le Massachusetts aux États-Unis. Il est le fils d’Amos Tuck, figure politique républicaine du New Hampshire. Après ses études, il entre au consulat américain à Paris, puis dans une banque américaine, la Munroe & Company. Il en devient associé puis la quitte vers 1880 pour s’installer à son propre compte. Il investit ensuite dans le domaine ferroviaire, en acquérant une partie de la compagnie Northern Pacific Railway. Il choisit de venir s’installer en Europe dès 1865, et épouse en 1872, Julia Stell, une riche héritière américaine rencontrée à Paris.
En 1898, M. et Mme Tuck se portent acquéreurs du domaine de Vert-Mont pour en faire leur résidence d’été. C’est à partir de ce moment là que le couple va véritablement se consacrer à la philanthropie et au mécénat.
Il devient alors le mécène de Rueil-Malmaison mais aussi de la ville de Paris. En 1903, il fait construire un hôpital (l’actuel hôpital Stell) dont il fera don à l’État en 1916 ; en 1906, il finance la création d‘une école ménagère ; en 1920, il offre à la municipalité un terrain pour y construire une école (l’actuelle école Tuck-Stell) et rachète la propriété de Bois Préau, dont il fera don aux Musées de France, dans l’idée de reconstituer le domaine de Joséphine.
Cette donation est accompagnée de 500 000 francs destinés à y aménager un musée napoléonien. Il apporte également son soutien financier à l’achat de diverses oeuvres pour le château de la Malmaison.
Grand amateur d’art, il décide aussi de faire donation de sa collection, estimée à l’époque à 5 millions de dollars, à la ville de Paris. En 1930, la galerie Tuck sera inaugurée au Petit Palais, où l’on peut retrouver, encore aujourd’hui, les nombreuses pièces de sa collection : tapisseries, porcelaines de Sèvres et de Chine, émaux, mobilier, tableaux…
Outre les apports mobiliers et immobiliers pour le domaine de Malmaison, Edward Tuck va aussi s’attacher à reconstituer le domaine de Vert-Mont en rachetant plusieurs parcelles entre 1898 et 1904.
La maison a subi un incendie par les Prussiens lors de la guerre de 70, le garage a servi aux ambulances à la guerre de 14-18, et les années 1939 à 1953 sont certainement les années les plus sombres de l’histoire de Vert-Mont. Le domaine est occupé successivement de 1940 à 1947 par les troupes allemandes, américaines et anglaises, subissant de nombreux pillages et détériorations, la plupart irrémédiables..
Le 30 avril 1938, Edward Tuck meurt à Monte-Carlo. Il est inhumé au cimetière de Saint-Germain-en-Laye, auprès de son épouse, décédée avant lui en 1928. Le domaine reviendra alors à sa nièce, Dorothy Hall.
Ils firent de cette demeure un antre de modernité 100% câblé à l’électricité et autonome avec leur propre centrale à charbon dans le parc. Toujours visible de nos jours au coin de la rue Charles Floquet et Avenue Tuck Stell, avec sa cheminée déguisée en faux arbre mort, bel ouvrage de « rocaille » d’époque (le béton armé gravé façon bois).
La demeure comptait aussi 30 serres dont 20 chauffées, un garage somptueux, une salle de bain hyper moderne pour l’époque et … le premier ascenseur privé de la marque Otis !
En 1992, après de longues années d’inhabitation, les décors peints du château de Vert-Mont avaient été laissés à l’abandon. Il fut possible de récupérer l’ensemble du décor par un travail de restauration long et minutieux, en respectant la dimension historique du décor en fonction de l’état de conservation.
De plus, des traitements spécifiques ont été mis en œuvre afin d’assainir les surfaces corrompues par la mérule. A l’été 2008, le château, de style Art Nouveau, retrouve ainsi l’aspect que lui connaissent ses précédents et prestigieux propriétaires.
Le domaine actuel de 6 hectares permet de découvrir une parcelle de ce qui fût un immense parc de plus de 300 hectares à l’époque de sa splendeur au XIXème siècle.
Entouré d’un parc paysager comprenant un plan d’eau et des essences variées, le domaine fait l’objet d’une inscription au titre des Monuments Historiques depuis novembre 1994. L’entretien général du domaine et des jardins, vergers, potagers, etc. nécessite une équipe de jardiniers : une photo datant des années 1910 ou 1920 en montre 22 à Vert-Mont ! Il y aura toujours une quinzaine de jardiniers pour s’occuper du domaine.
Le Domaine de Vert-Mont, géré par la Fondation Tuck, propose aujourd’hui des séminaires.. Des meubles d’exception (canapé Louis XV, table ronde sculptée…) habillent les pièces grâce à un partenariat avec le Mobilier National et organise des festival de jazz et des animations. (Merci à Guizmo)
Baboula
28 septembre 2020 @ 06:17
L’exploratrice Guizmo a de nouveau découvert une belle histoire à nous conter .Merci Madame .
Annmaule
28 septembre 2020 @ 12:32
Quel plaisir de vous lire…tout est clair,precis,bien documente…merci..merci..
Guizmo vous etes notre meilleur guide pour un petit tour a Rueil le long des jolies rues pavees et bordees d arbres aux couleurs de l automne…
Karabakh
29 septembre 2020 @ 18:41
Il y a longtemps que vous êtes allée à Rueil-Malmaison?
Benoite
28 septembre 2020 @ 08:10
Toujours très intéressant, les Français ont encore à apprendre de leurs patrimoines : Arts, Cultures et Patrimoines ne sont que partiellement connus. Guizmo nous ouvre des portes inconnues, et des histoires d’hommes et de femmes « riches » (il faut l’être pour faire revivre ces propriétés et domaines), force détails, et illustrations nous font voyager dans le temps, et nous évader dans le passé Français et dans notre Histoire. Merci Guizmo de votre passion pour les Monuments, et nous la faire partager.
Pierre-Yves
28 septembre 2020 @ 08:13
Guizmo a le chic pour dénicher des endroits un peu cachés et méconnus, et sa curiosité nous vaut des reportages aussi plaisants qu’intéressants. Merci à lui !
Robespierre
28 septembre 2020 @ 08:34
Super intéressant. Je ne connaissais pas. Ce monsieur Tuck a été d’une générosité extrême envers la France. Mais c’est le cas lorsque des gens immensément riches n’ont pas d’enfants. Ils lèguent tout au pays qu’il aiment.
Sur la première photo, je ne trouve pas heureuse l’adjonction d’une annexe. C’est boiteux. Ca dépare la façade, mais bon… Le perron, pourquoi pas.
Gauthier
28 septembre 2020 @ 13:10
Mon cher Robespierre, j’ai répondu avec quelque retard (dont je vous prie de bien vouloir m’excuser) à votre commentaire sur le sujet du livre « The Windsor Diaries ».
Robespierre
29 septembre 2020 @ 12:23
Vos commentaires sont toujours les bienvenus.
Gauthier
30 septembre 2020 @ 13:34
Tout comme les vôtres.
Gwyllianne
28 septembre 2020 @ 08:45
Merci Guizmo c’est vraiment bien présenté .
Je regrette juste que l’on n’ait pas une vue du parc depuis la terrasse du premier étage . C’est un lieu somptueux surtout en automne .
Vieillebranche
28 septembre 2020 @ 09:01
Extraordinaire récit!! Ce lieu en devient vivant avec ses résurrection successives …dommage qu’il ne soit pas ouvert au public –
Mary
28 septembre 2020 @ 09:53
Guizmo,
Ouvrez une agence de voyages : vous êtes formidable ! Vous nous dénichez toujours de petites merveilles !
Iankal21
28 septembre 2020 @ 09:59
Magnifique presentation d’un lieu dont j’ignorais…tout!
Merci Guizmo !
Vitabel
28 septembre 2020 @ 10:12
Encore une belle découverte.
Muscate-Valeska de Lisabé
28 septembre 2020 @ 15:32
Un endroit magnifique.
Danielle
28 septembre 2020 @ 10:25
Une très belle demeure, merci Guizmo pour ce beau reportage.
Lorsque j’irai au Petit Palais, je regarderai les meubles provenant de ce lieu.
septentrion
28 septembre 2020 @ 11:01
Article intéressant, je ne connaissais pas du tout l’endroit. Je ne peux pas dire que j’aime bien la bâtisse mais le cadre est superbe et sans doute préservé d’éventuels promoteurs.
J’adore le plafond de la salle de bal (ou salon).
Phil de Sarthe
28 septembre 2020 @ 11:31
Merci de cette découverte, et de toute l’histoire qui va avec.😉
ciboulette
28 septembre 2020 @ 16:34
Merci , guizmo , pour ce reportage . . .encore un lieu que je ne connaissais pas !
Si j’étais riche , voilà le genre de château que je voudrais habiter . . .une merveille ! Merci aux mécènes qui l’ont habité et surtout à ceux qui ont permis sa remise en état .
Pastelin
28 septembre 2020 @ 12:27
Un régal!!! Merci pour cette découverte. J’ignorais totalement l’existence de ce lieu. Quel bonheur que la découverte !!! Avec en plus toutes les explications qui vont avec. Encore merci.
Annmaule
28 septembre 2020 @ 12:32
Quel plaisir de vous lire…tout est clair,precis,bien documente…merci..merci..
Guizmo vous etes notre meilleur guide pour un petit tour a Rueil le long des jolies rues pavees et bordees d arbres aux couleurs de l automne…
Mayg
28 septembre 2020 @ 13:16
Merci à Guizmo pour ce reportage.
Marie DM
28 septembre 2020 @ 13:31
Merci Guizmo de nous faire connaître ces merveilles. Pouvez vous me dire si
la Petite Malmaison fait partie de cet ensemble ?
bételgeuse70
28 septembre 2020 @ 14:29
Décidément, nous sommes gâtés, ces temps-ci.
Brigitte - Anne
28 septembre 2020 @ 14:53
Merci beaucoup Guizmo. Je ne connaissais pas. C est toujours un plaisir de vous lire tant les sujets sont intéressants.
Muscate-Valeska de Lisabé
28 septembre 2020 @ 15:32
C’est tellement bien raconté et documenté…merci infiniment Guizmo pour la découverte de l’histoire douloureuse de ce beau château,qui finit bien.J’ai vraiment aimé 😘.
Cosmo
28 septembre 2020 @ 15:44
Guizmo, merci pour cet article passionnant.
Outre l’intérêt de l’édifice, il montre bien l’investissement, financier et affectif, des américains fortunés pour aider à la sauvegarde du patrimoine français.
luigi
28 septembre 2020 @ 18:05
Guizmo vos articles sont tjours passionnants. Merci !
caroline23
28 septembre 2020 @ 18:15
Merci pour cette belle découverte et son histoire
Naucratis
28 septembre 2020 @ 18:35
Voilà un article comme je les aime et qui donne de la plus-value à N&R !
Cela change des faits et gestes de la famille Orleans à Dreux et hors de Dreux…
Teresa2424
28 septembre 2020 @ 21:55
Gracias Guizmo precioso lugar y de época que rica es Francia en inmuebles jardines von mucha historia y cerca de Paris
Leonor
28 septembre 2020 @ 22:03
Qu’est-ce qu’on dit, tous ensemble, à Guizmo ?
Naucratis
29 septembre 2020 @ 13:31
Un énorme merci !!!
ciboulette
29 septembre 2020 @ 15:18
UN GRAND MERCI ET UN GRAND BRAVO !!!😊😊😊
Robespierre
30 septembre 2020 @ 11:04
OUI
beji
28 septembre 2020 @ 23:06
Sujet très intéressant ;merci Guizmo
Anto
29 septembre 2020 @ 11:37
Merci Guizmo (Guillaume?)! Les photos sont magnifiques! Tu devrais être dtre rétribué par le ministère du Tourisme hexagonal! Merci Régine de me faire voyager tt les jrs!
Anto de Mtl
Karabakh
29 septembre 2020 @ 18:42
Merci Guizmo. 🥰
Maria
30 septembre 2020 @ 23:19
Interessante,merci Guizmo