L’Artiste du Grand Siècle voit le jour à Saint-Mihiel le 4 juin 1640 dans une Lorraine ravagée par la guerre de trente ans. Appartenant à une famille de maîtres arquebusiers, son avenir est tout tracé. Le destin farceur va en décider autrement. Jean Berain puisqu’il s’agit de lui, se rend à Paris afin d’échapper aux ravages de la guerre et pour apprendre son métier. Il a une solide formation d’aquafortiste spécialisé dans le décor des armes.
En 1659, il publie un recueil de gravures d’ornements qui suscite un grand intérêt.
Quinze ans plus tard, une rencontre va bouleverser son existence. Le grand Charles Lebrun lui confie la décoration en arabesques de la galerie d’Apollon au Louvre. Le premier peintre du roi sensible au talent de son jeune disciple, n’hésite pas à le charger des études d’architectures éphémères que sont les carrousels, entrées triomphales, mascarades et autres feux d’artifice.
Le début de la consécration, le décor à la Berain est né. La diffusion de ses spicilèges suscite un véritable engouement. Loin des frivolités de la cour, cette notoriété lui ouvre de nouvelles perspectives, entrainant une dynamique picturale et économique inattendue : les faïenciers de Moustiers, s’approprient son célèbre décor aux grotesques.
Sarabande endiablée de mascarons, de rinceaux, de lambrequins et de palmettes issus de son imaginaire fécond.
Les manufactures de Beauvais, s’emparent de ses dessins ou plus exactement de ses cartons, qui sont à l’origine des belles tapisseries à fond, ocre, jaune, tabac et plus rarement bleu.
Tapisserie de la Manufacture Royale de Beauvais « L’Eléphant » faisant partie de la tenture des Grotesques à fond jaune. Carton par Jean-Baptiste Monnoyer (1634 -1699)- Modèle inspiré de Jean Bérain (1640-1711) – Époque Louis XIV, début du XVIIIe siècle. 3,05 x 4,20 m Gazette Drouot
Les ébénistes des Gobelins, s’inspirent de son graphisme aussi onirique que précis, qu’il doit à sa formation d’aquafortiste.
Les beaux meubles Louis XIV se parent d’écailles de tortue blondes ou rouges, s’illuminent de filets de cuivre tout en volutes et en arabesques, faisant oublier la sévérité du noir ébène.
En bois sculpté et doré, et verre églomisé, le fronton surmonté d’un masque féminin inscrit dans un cartouche décor de coquilles et volutes de feuillage, le fond et les bordures à décor ornés de chinoiseries or, rouge et bleu sur fond noir, les écoinçons garnis de rinceaux de feuillage, une inscription à l’encre se trouve au dos du miroir,« Joannes ou Joanez…gardien/ à Paris.
Atelier de Marqueterie Boulle, premier salon de Fretay (Annuaire officiel des Métiers d’Art en France)
En 1674, Berain rencontre Lully à qui il voue une admiration sans borne. Le génial florentin lui confie la lourde tâche de dessiner les décors et les costumes de ses opéras.
Si l’artiste s’inspire de la mythologie grecque et romaine très en vogue à l’époque, il n’en conserve pas moins cette originalité de trait qui le rend unique.
Les costumes tissés de fils d’or et d’argent sont somptueux, ostentatoires.
Sous sa très pointilleuse férule, rien n’est laissé au hasard. Du ruban de soie à la minuscule feuille d’or d’un phaéton, des fontaines bruissant à l’unisson, au souffle d’un Eole suspendu à des cintres ennuagés, tout se doit de n’être que perfection et enchantement.
A priori, on ne peut que s’interroger sur la futilité de ces représentations à une période où la France exsangue, terrassée par les guerres voit son patrimoine artistique quasi réduit à néant.
La réalité est tout autre, derrière cette excentricité se cache une manne providentielle pour les artisans. Les représentations faites pour divertir le roi et sa cour à Versailles, Fontainebleau ou Saint Germain en Lay, sont également offertes avec un faste à l’identique au Palais Royal, Palais ouvert à tous ses sujets.
Berain est un artiste éclectique, qui a de nombreux autres thèmes de prédilection, les romans chevaleresques moyenâgeux ou de la Renaissance sont aussi sources d’inspiration.
Il imagine un environnement plus proche de la nature, orné de jardins, de paysages sauvages d’où jaillissent des cascades, des palais et les temples comme celui d’Apollon, érigé pour accueillir en 1687 Achille et Polyxène, opéra dont Lully ne composera que l’ouverture et le premier acte.
Il collaborera à la mise en scène de nombreux opéras ballets, opéra-ballet dont l’aixois André Campra est le véritable créateur.
Poupe du Vaisseau Soleil Royal (1670)
Avant-gardiste, il intègre dans sa scénographie, les personnages de la comedia dell’arte, des chinoiseries et des turqueries.
Le XVIIIe siècle est plus intimiste, marquis, marquises, bergères et blancs moutons succèdent aux chimères. Dieux et déesses regagnent l’Olympe, enchanteurs et magiciennes s’en retournent au fond des lacs et des bois.
Si le grand Berain meurt en 1711, son génie perdure. (merci à Hélène R)
eee
Benoite
21 octobre 2020 @ 05:06
Eh bien, quel bien beau matin, à cette heure de lecture.. Un article éblouissant, fabuleux, cet homme était un génie (un peu à la Léonard de Vinci), un touche-à-tout, un domaine bien maîtrisé, en entrainant un nouveau, et ainsi de suite. (en ricochets) Quel art, tout lui passait dans les mains, et cérébralement aussi.
Je pense en voyant ses capacités, et ses réalisations à Margrethe II de Danemark, qui enfant était malade, et à qui sa soeur Anne Marie avait amené des revues mode de l’époque à sa soeur alitée, (pour qu’elle en fasse de la lecture) et celle-ci en fit des découpages qu’elle accumulait pour des albums de collections.. et par la suite s’en servit.
Quand à la découverte de l’origine des Faïences de Moustiers, j’en ai ici l’explication, et l’origine des motifs Moustiers.Je remercie Hélène R, et Régine de nous avoir donné à connaître Mr Berain, et ses talents artistiques merveilleux. Encore quel magnifique article ce matin, un vrai plaisir.
Baboula
21 octobre 2020 @ 06:14
Pas facile de cacher un éléphant ,et pourtant .
Nivolet
21 octobre 2020 @ 12:27
?????????????????,
Nivolet
21 octobre 2020 @ 13:12
Ayé, j’ai compris chère Baboula! Vous savez un 🐘 cela trompe énormément… 👉OK, je sors 🤪
Teresa2424
21 octobre 2020 @ 22:46
Excelente artículo,un genio,gracias HELENA Y REGINE
Pierre-Yves
21 octobre 2020 @ 08:28
Sujet interéssant sur un artiste remarquable et méconnu (en tout cas de moi). Merci à son autrice.
Muscate-Valeska de Lisabé
21 octobre 2020 @ 16:35
Quand l’homme touche au génie,c’est beau.
Mais c’est rare.
Piapias
21 octobre 2020 @ 10:09
Merci Madame Hélène R pour ce bel article consacré aux talents multiples de Jean Bérain père
Menthe
21 octobre 2020 @ 10:25
Superbe reportage, et, une fois de plus, bien instructif.
Merci à Hélène R. 👏👏👏
Gwyllianne
21 octobre 2020 @ 10:26
très intéressant merci à Hélène
(St Germain en Laye)
septentrion
21 octobre 2020 @ 11:03
Merci pour cet article dont je me réserve la lecture pour le week-end prochain.
Roxane
21 octobre 2020 @ 11:37
Très intéressant ! Grand merci pour cet article !
ciboulette
22 octobre 2020 @ 10:48
Merci à Hélène R de nous faire découvrir ou redécouvrir ce grand artiste . Je suis impressionnée par toutes ces oeuvres présentées , mais la première photo qui montre un ingénieux emploi , me donne presque le vertige ! Quel talent ! ( je vous le murmure à l’oreille : il est lorrain ! )
Leonor
21 octobre 2020 @ 13:07
A vue de nez, fort bel article . Merci. A lire ce soir tranquillement .
Phil de Sarthe
21 octobre 2020 @ 13:20
Merci beaucoup Hélène pour ce bel article complet et très instructif!
Vitabel
21 octobre 2020 @ 14:09
Un grand merci pour cet article très intéressant.
Cosmo
21 octobre 2020 @ 15:16
Merci pour cet article passionnant et instructif !
Pascal
23 octobre 2020 @ 09:09
Je me devais de lire cet article in extenso qui promettait beaucoup à la lecture en diagonale
avant de vous remercier , Hélène R , et de vous féliciter aussi bien pour l’originalité du sujet que le soin avec lequel vous l’avez traité.
Et puis je me devais de chercher la définition de » spicilèges » .
septentrion
26 octobre 2020 @ 11:55
Merci beaucoup Hélène R., pour cet article très intéressant.
J’ai découvert que la technique du verre églomisé existait depuis l’Antiquité.
Avoir été copié ou avoir inspiré notamment les faïenciers démontre le talent de Jean Berain.
Nivolet
27 octobre 2020 @ 10:03
Oui, ce sont les Egytiens qui ont maîtrisé cette technique, je crois.