Goodnestone Park est une demeure seigneuriale (Stately Home, en anglais) dans la partie sud du village de Goodnestone, Douvres, Kent. Ici peu après sa construction avec son parc à la française.
Il se trouve à environ 11 km de Cantorbéry. La maison palladienne a été construite en 1704 par Sir Brook Bridges (1679-1728), 1er baronnet. La fille de Sir Brook (1733-1791), 3ème baronet, et lady Fanny Bridges, Elizabeth, a épousé le frère de Jane Austen, et Austen leur a rendu visite régulièrement sur le domaine.
Les jardins de 6 hectares sont considérés comme parmi les plus beaux du sud-est de l’Angleterre.
Le domaine existait déjà à l’époque des Tudor. En 1560, Sir Thomas Engeham a acheté le domaine et a vécu dans un manoir sur la propriété.
Le manoir a été abandonné par ses descendants sous le règne d’Anne, reine de Grande-Bretagne, et le domaine a été vendu à la famille Bridges qui avait quitté sa propriété précédente à Grove House à Fulham, Middlesex.
Brook Bridges, 1er baronnet démolit évidemment le manoir d’origine et ordonna la construction d’une nouvelle maison palladienne. La date de la maison est gravée sur une brique de la façade principale.
Sir Brook Bridges ((1733-1791), 3ème baronnet
Peu de temps après la construction de la maison, de vastes jardins à la française se sont développés autour de la maison, une idée originale de William Harris. Cependant, Sir Brook Bridges, 3e baronnet (le petit-fils de Brook Bridges, 1er baronnet) a remplacé les jardins à la fin du XVIIIe siècle par un parc paysager et a apporté plusieurs modifications à la maison.
Godmersham Park était à proximité de Goodnestone, une vingtaine de kilomètres. Jane y fut une invitée régulière. C’est après avoir séjourné à Rowling House en 1796 qu’elle a commencé à écrire “Pride and Prejudice”, initialement nommé “First Impressions.”
Fanny Fowler, lady Bridges (1746-1825)
Dans les années 1840, Sir Brook Bridges, 5e baronnet, a apporté des modifications à la maison, ajoutant un grand portique et une nouvelle allée d’approche avec une série de pelouses en terrasses avec des marches centrales. Il terrasse les pelouses et construit un mur entre la maison et le parc.
Goodnestone Park au XVIIIe
Goodnestone est passé à la famille Plumptre lorsque Eleanor Bridges, sœur des 5e et 6e baronnets, et petite-nièce de James et Elizabeth Knight, a épousé Henry Western Plumptre en 1828.
Goodnestone Park aujourd’hui façade sur le parc
Les liens avec la famille FitzWalter ont été rétablis lorsque leur petit-fils, Henry, a revendiqué la baronnie Fitzwalter en 1924.
En fait, Henry Plumtre a fait jouer le fait que son ancêtre, Fanny Fowler, lady Bridges, était l’arrière-arrière-arrière petite-fille de Henry Mildmay (1585-1654) 15ème baron Fitzwalter, et donc l’arrière-arrière petite-nièce du 19ème baron FitzWalter et 1er et dernier comte FitzWalter, Benjamin ( 1672-1756). Il a fallu une décision de la Chambre des Lords pour permettre de relever ce titre en attente, qui en réalité était éteint.
Goodnestone Park – Intérieur
Le domaine Goodnestone a également joué un rôle durant la Seconde Guerre mondiale lorsqu’il a été réquisitionné par le Ministère de la Guerre. C’était une pratique courante de réaffecter les demeures seigneuriales à l’effort de guerre. Goodnestone n’a pas fait exception et a été repris par l’armée britannique. Certaines modifications ont été nécessaires pour accueillir les réservoirs, comme la pose de la surface en béton sur la North Drive et l’avenue.
Goodnestone Park, sur la cheminée le portrait de Fanny Knight
Après la guerre, Brook Plumtre (1914-2004), 21ème lord FitzWalter et son épouse Margaret (1923-2015) ont entrepris l’énorme tâche de restaurer la maison et les jardins dans leur ancienne gloire.
Dîner à Goodnestone Park
En 1955, les jardins étaient tombés dans un état de négligence totale. Ajoutant à la dégradation, en 1959, un incendie a détruit le toit et les deux étages supérieurs de la maison.
Arrivée à Goodnestone Park
L’agent de Lord FitzWalter lui avait conseillé d’opter pour une maison moderne, mais les FitzWalter insistèrent pour qu’elle retrouve son ancienne gloire. Ce n’est qu’au milieu des années 1960 que lady FitzWalter finit de restaurer les jardins.
Goodnestone Park – Jardins
En 2015, après sa mort, le nouveau propriétaire, Julian Brook Plumtre, 22ème lord FitzWalter et lady Fitzwalter, son épouse, ont rénové la maison, classée en Grade II, transformé en chambres d’hôtes, et emménagé l’ensemble des jardins. L’entreprise est dirigée par eux et leur fils Ed Plumptre.
Goodnestone Park – Luxe, élégance et volupté
Goodnestone Park – Splendeur retrouvée
https://goodnestonepark.co.uk/stay/goodnestone-house/
Stoneleigh Abbey
L’abbaye de Stoneleigh est une ancienne abbaye cistercienne située dans le Warwickshire au cœur de l’Angleterre. Comme la plupart des abbayes britanniques, elle a été fermée par Henri VIII le 4 septembre 1536, durant la campagne de dissolution des monastères, à la suite de la rupture entre le roi et l’Église catholique.
L’abbaye est attribuée en 1538 à Charles Brandon, duc de Suffolk qui la vendit en 1561 à Thomas Leigh (1498-1571), lord-maire de Londres, dans la famille duquel elle est toujours. À cette époque, l’abbaye est décrite comme une « ruine sans toit ». De nombreux ajouts et réparations seront effectués par la famille Leigh. L’aide apportée par les Leigh à Charles Ier, lors de la guerre civile, leur valut le titre de baronnet.
Partie la plus ancienne de Stoneleigh- aile nord et est
Une maison a été construite (qui forme aujourd’hui les ailes nord et est de la maison actuelle) à l’emplacement des bâtiments monastiques. C’était la maison de famille des Leigh de 1561 à 1990. Ils furent les plus grands propriétaires fonciers du Warwickshire.
Sir Thomas Leigh est l’ancêtre de Casandra Leigh, la mère de Jane Austen à la sixième génération. Cette demeure donne une idée de l’importance sociale de sa famille, et de sa richesse.
Le Révérend Thomas Leigh (1764-1813) fils de William Leigh et Mary Lord, a hérité de Stoneleigh d’un très lointain cousin, Edward 5ème lord Leigh, décédé en 1786, mais il ne put en prendre possession qu’après le décès de la sœur de celui-ci, Mary, survenue en 1806.
Lord Leigh descendait du deuxième fils de Sir Thomas Leigh, à la cinquième génération, alors que le Révérend Thomas Leigh descendait également de Sir Thomas Leigh à la cinquième génération également, par son fils aîné Rowland Leigh (1530-1570), ancêtre également de Cassandra Leigh et donc de Jane.
La parenté entre le Rvd Thomas Leigh et Cassandra Leigh-Austen
Entre 1714 et 1726, une nouvelle aile somptueuse de trois étages, sur sous-sol élevé, à quinze fenêtres par étage, plus a été construite selon les plans de l’architecte Francis Smith de Warwick. Le résultat fut une impressionnante aile ouest baroque, construite en pierre argentée, qui était à la mode à cette époque. La pièce la plus caractéristique de l’abbaye est le grand salon Salon, l’un des plus beaux de l’Angleterre géorgienne.
En 1806 donc, le domaine passa au révérend Thomas Leigh, cousin germain de Cassandra, sans respecter la primogéniture mâle à partir de leur ancêtre commun. En effet le Rvd Thomas avait un frère aîné James Henry Leigh ( 1765-1823) qui lui même avait un fils Chandos (1791-1850) futur lord Leigh.
Stoneleigh lors de la première visite en 1806
C’est avec sa cousine Cassandra Austen et ses deux filles, Cassandra et Jane que le révérend vint voir la propriété pour la première fois. En fait, il vint en prendre possession avant même d’en être déclaré propriétaire.. Le frère de Cassandra, James Leigh-Perrot, aurait pu aussi bien en hériter, mais plus justement encore, James, le frère aîné du révérend.
Il est étonnant que ce dernier n’ait pas contesté le testament. Un procès fut toutefois intenté par Leigh-Perrot mais il fut débouté. Le testament de Lord Leigh disait qu’après sa sœur Mary, la propriété devait revenir au plus proche de ses parents mâles…
Or ce n’était pas Thomas mais Henry James. Captation d’héritage, meurtres? En 2016, Judy Stove, une chercheuse australienne sur la vie et l’époque de Jane Austen, a publié un livre (“The Missing Monument Murders”) qui enquête sur une série de scandales à l’abbaye de Stoneleigh dans la première moitié du XIXe siècle.
Des événements bizarres ont attiré l’attention sur l’héritage : enlèvement et destruction de monuments dans l’église du village, tricherie, chantage et expulsion de locataires qui osent parler d’événements étranges. Il serait même allégué que la famille a commis des meurtres pour protéger son héritage.
Elle conclut aux meurtres de témoins entre 1812 et 1815. En 1848, Lord Leigh, le cousin de Jane, bien que siégeant à la Chambres des Lords aurait été accusé de deux meurtres d’ouvriers.
L’histoire de Stoneleigh fait beaucoup plus penser à Northanger Abbey, avec ses mystères, qu’à Mansfield Park dont on dit que son architecture a été inspirée par Stoneleigh. Mais Goodnestone Park semble plus près de Mansfield Park que Stoneleigh.
Thomas Leigh n’ayant pas eu d’enfants avec son épouse et cousine Mary, décédée en 1806, Stoneleigh revint donc à son frère aîné James Henry, décédé en 1823, puis à son fils Chandos. Les choses revinrent à leur état normal. L’aîné héritait.
Parmi les grands visiteurs de la maison, avant Jane, il y eut lord Byron, un ami de Chandos Leigh, avec qui il était en pension à Harrow. Cela signifie que James Henry y avait séjourné avant d’être évincé par son cadet ou y séjournait invité par son cadet.
Il n’est pas interdit de les imaginer et de les suivre dans cette demeure splendide.
Le hall d’entrée
Une fois celui-ci traversé, passons au salon où une brillante société devait se réunir.
Le grand salon
Pour les moments d’intimité, une société plus restreinte pouvait se réfugier dans un petit salon pour y jouer aux cartes.
Les petits salons
Les après-midi Jane pouvait se retirer dans la bibliothèque et en jouir en toute tranquillité.
La bibliothèque
Et enfin chacun pouvait prendre ses quartiers pour la nuit.
L’escalier
Une chambre
La vie s’écoulait paisiblement dans cette superbe demeure à travers laquelle on peut imaginer le Pemberley de Mr Darcy ou bien le Northanger Abbey du général Tilney.
La reine Victoria passa deux jours à Stoneleigh en 1858. On avait attribué cinq pièces à la reine dont les meubles en acajou ont été peints en blanc et or, suivant son goût.
En 1946, Stoneleigh fut l’une des premières grandes demeures seigneuriales à ouvrir ses portes au public. En 1960, un incendie catastrophique causant d’importants dommages à l’aile ouest.
En 1996, Lord Leigh a transféré la propriété de Stoneleigh Abbey et de ses 279 ha à un fonds caritatif, le Stoneleigh Abbey Preservation Trust, dont il était lui-même l’administrateur bénéficiaire. Entre 1996 et 2000, les bâtiments ont été entièrement rénovés grâce à des subventions, dont 7,3 millions de livres sterling du Heritage Lottery Fund et plus de 3 millions de livres sterling du fonds English Heritage et de l’Union européenne.
Une partie des fonds de la loterie servit en fait à couvrir d’autres dettes du trust et à développer une partie privée. A la suite de ce scandale lord Leigh démissionna de son poste et une nouvelle administration fut mise en place.
Stoneleigh dans sa splendeur actuelle
La propriété reste ouverte au public. L’ancienne Orangerie abrite aujourd’hui un salon de thé.
Le voyage, bien bref, dans le monde enchanté de Jane Austen est terminé.
https://www.stoneleighabbey.org/
(Merci à Patrick Germain pour cette quatrième et dernière partie)
Le voyage, bien bref, dans le monde enchanté de Jane Austen est terminé.
tristan
10 novembre 2022 @ 03:33
Superbe voyage dans l’Angleterre immortelle qui a su garder tant de traditions qui nous enchantent. Merci à Patrick Germain.
Pelikan du Danube
10 novembre 2022 @ 06:45
Voyage bien bref mais très intéressant qui nous prouve que Patrick Germain est, aussi , un lecteur exigeant et passionné.
Je n’ai lu qu’”orgueil et préjugés ” mais cela donne envie de lire les autres romans et peut être de m’intéresser également à Trollope comme l’ont suggéré certains commentaires.
Merci Patrick .
Robespierre
10 novembre 2022 @ 07:52
My goodness ! quelle somptueuse demeure que Goodnestone Park.
Rossella
10 novembre 2022 @ 08:02
Grazie!
😀Pistounette
10 novembre 2022 @ 08:35
Un seul mot : passionnant !
J’ai lu et relu les quatre volets de votre récit pour bien les savourer.
Merci, cher Cosmo.
Severina
10 novembre 2022 @ 08:48
Merci, une lecture vraiment à la fois instructive et très agréable. J’adore Jane Austen et chaque année ou dans des moments douloureux je me régale la relecture de un de ses romans. Je les connais presque par cœur!
louisa scotte
10 novembre 2022 @ 08:51
un vrai regal cet article, merci à m.Patrick Germain et à Regien qui nous en a fait profite
plume
10 novembre 2022 @ 09:17
Ma préférence va vers Goodnestone sans à en avoir la charge. Toutefois j’y ferais bien un petit séjour. Merci pour ce reportage.
Jean Pierre
10 novembre 2022 @ 12:19
Plume, pour moi chest exactement le contraire. J’apprécie ce style inimitable comme visiteur mais ne pourrais pas supporter d’y passer une nuit.
Beque
10 novembre 2022 @ 10:12
Cosmo, vous avez pu visiter tous les lieux dont vous nous parlez ?
Cosmo
10 novembre 2022 @ 14:20
Hélas non. Je n’ai visité que Chawton cottage. A vrai dire, l’idée des articles m’est venue il y a un mois et je ne suis plus retourné en Angleterre depuis trois ans. Mais je ne manquerai pas d’y aller si l’occasion se présente.
Aldona
10 novembre 2022 @ 10:48
Quel beau voyage ! avec de belles photos de Goodnestone Park , j’apprécie fortement la salle à manger dans ces tons de blanc et vert.
Antoine1
10 novembre 2022 @ 11:03
Passionnant ! Des demeures qui font rêver, quoique à mon avis beaucoup trop grandes. Ce que je retiens surtout, c’est que Jane Austen a eu accès à toutes ces merveilles comme invitée des frères ou arrières-cousins. Mais que ses propres maisons successives étaient beaucoup plus modestes, ce qui fait d’ailleurs leur charme.
Jean Pierre
10 novembre 2022 @ 11:08
Ce style georgien, vraiment « the spirit of Old England » mais aussi of New England, est donc une excroissance du style palladien.
Robespierre
10 novembre 2022 @ 18:56
Je suis fan de Palladio. J’avais dans mon salon un poster sur ses oeuvres imaginées mais jamais réalisées, et comme un jeune voisin me l’admirait bcp, je le lui ai donné quand j’ai refait la déco. En Italie, la petite ville de Vicenza a plusieurs bâtiments de style palladien, et aussi dans toute la Venétie on voit des demeures patriciennes palladiennes. .
Il y a plusieurs années Vicenza avait fait une expo sur Palladio, mais ce n’était pas exceptionnel et la preuve c’est que je ne me souviens de rien.
JAusten
10 novembre 2022 @ 11:25
Ce fut un très beau voyage merci Cosmo.
J’aime beaucoup ce que Goodnestone est devenu, rendu à une certaine splendeur du passé pour les visiteurs de présents. Quant à Stoneleigh, la bâtisse est superbe on la croirait de nacre. Mais l’intérieur manque cruellement d’entretien et de goût. Mais peut être que ce sont d’anciennes photos.
Erato deux
10 novembre 2022 @ 11:48
Merci beaucoup pour ce récit istructif qui sous-tend un gran travaile documentaire de qualité .
Erato deux
10 novembre 2022 @ 13:14
Instructif!
Guizmo
10 novembre 2022 @ 12:21
Merci beaucoup pour ces quatre volets. Une lecture intéressante et passionnante.
Baia
10 novembre 2022 @ 14:15
Mille mercis Cosmo pour ce passionnant et superbe article.
Christ
10 novembre 2022 @ 15:49
Une tres belle idee de voyage : faire un circuit intitule » sur les pas de Jane Austen…. »
En prenant ces 4 volets pour guide !
Merci encore
Vitabel
10 novembre 2022 @ 18:11
Merci pour ce moment.
kalistéa
10 novembre 2022 @ 18:19
Ainsi J Austen que romans traduits et surtout films fameux nous ont fait connaitre ces dernières décennies en France , est plus proche de nous. nous pouvons mieux imaginer quelle fut sa vie bien représentative d’une époque donnée .Merci pour ce travail cher Cosmo .
Menthe allo
10 novembre 2022 @ 18:43
P a s s i o n n a n t ! Grand merci.
Maria
11 novembre 2022 @ 01:53
Molto interessante come al solito merci! T.G.:Très intéressant comme d’habitude merci !
Mary🐇
11 novembre 2022 @ 11:56
J’ai adoré cette plongée dans l’univers de Jane Austen ! Merci Patrick Germain…
Je trouve que son prétendant n’était pas si mal, à moins que le portrait ne soit flatté ?
Moi, j’aurais dit oui…mais si elle avait dit oui, aurions- nous eu autant de livres ?
creusoise
11 novembre 2022 @ 20:08
Merci beaucoup pour ces 4 reportages fort bien illustrés
Je me suis replongée dans la vie de Jane Austen avec grand plaisir !
YOM
13 novembre 2022 @ 01:07
Très intéressant ,merci