Installé dans les anciennes écuries du château (qui figurent parmi les rares vestiges de l’ancien palais royal de Saint-Cloud), dans lequel se trouvaient les appartements de Richard Mique, architecte de Marie-Antoinette, le musée historique du domaine de Saint Cloud fait revivre les grandes heures du Château de Saint-Cloud aujourd’hui disparu.
À travers des tableaux, sculptures, porcelaines, photographies et documents divers, le musée raconte l’histoire du château et du domaine.
Au 16ème siècle, Catherine de Médicis fait l’acquisition de l’Hôtel d’Aulnay sur les hauteurs de Saint-Cloud et l’offre à son écuyer, Jérôme de Gondi, banquier italien issu, tout comme elle, d’une grande famille de Florence arrivée en France en 1543 .
Il est le premier introducteur des ambassadeurs à la cour du roi, tout comme son fils, Jean-Baptiste II de Gondi, qui hérite du domaine à sa mort. Ce dernier y fait bâtir une maison en s’inspirant de la Renaissance italienne, entourée de terrasses. La principale façade regarde le sud et l’aile s’achève par un pavillon d’où l’on embrasse une vue sur la Seine.
Le roi Henri III s’y installe en 1589 durant les guerres de religion, opposant catholiques et protestants, afin de préparer le siège de Paris, alors occupé par la Ligue catholique.
Touché par une crise financière, les Gondi sont contraint de vendre une partie de leurs biens dont la résidence de Saint-Cloud. Ils vendent la propriété à Jean VII de Bueil, comte de Sancerre. Mais ce dernier meurt peu après, en 1625, et Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, rachète le domaine et y fait faire des embellissements, notamment par Thomas Francine, qui travaille dans les jardins.
À la mort de l’archevêque en 1654, ses héritiers vendent le domaine à Barthélemy Hervart, banquier d’origine allemande Conseiller d’État et Intendant des Finances de France, bien que protestant.
Hervart agrandit la maison et développe les jeux d’eau en améliorant le réseau hydraulique du domaine.
Après l’arrestation de Fouquet, le roi lui retire sa charge mais il ne sera pas inquiété plus avant. Le 8 octobre 1658, Hervart organisa à Saint-Cloud une fête somptueuse en l’honneur du jeune Louis XIV. Peu après, le roi avec l’aide de son premier ministre, le Cardinal Mazarin, contraint Hervat à lui vendre le domaine de Saint-Cloud.
Louis XIV acheta cette maison pour son frère Philippe, futur duc d’Orléans. Entre 1660 et 1690, la demeure fut transformée en château par Antoine Le Pautre et Jules-Hardouin Mansart tandis que Lenôtre dessinait un parc de 460 hectares dont le principal ornement est encore aujourd’hui la Grande Cascade, un des ouvrages hydrauliques les plus remarquables du XVIIe siècle. Cette propriété va, au fil des années, devenir un domaine de plus de 400 hectares.
C’est au château de Saint-Cloud que meurt en 1670 la première femme de Monsieur, Henriette d’Angleterre, dont Bossuet a prononcé la très célèbre oraison funèbre (« Madame se meurt, Madame est morte. »).
En 1743, Louis d’Orléans fait bâtir une salle de spectacle, transforme le Trianon surnommé en 1785 pavillon de Breteuil. Son fils Louis Philippe d’Orléans réaménage les jardins, le parterre de la lyre, le violon de la Brosse, la Gayette, le fer à cheval, le bosquet de la Félicité.
Occupé par la famille d’Orléans durant tout le XVIIIe, le domaine fut acquis en 1785 par Louis XVI qui l’offrit à Marie-Antoinette. Celle-ci était persuadée que l’air de Saint-Cloud serait bon pour ses enfants.
Richard Mique, l’architecte du hameau de Versailles élargit le corps de logis et la moitié adjacente de l’aile gauche et refait les façades côté jardin de ces parties. Il fait démolir l’escalier construit par Hardouin-Mansart.
Il construit un nouvel escalier en pierre pour accéder aux appartements de parade et fit remeubler le château mais la Révolution entraîna la dispersion du mobilier même si le château de Saint-Cloud échappa au démantèlement réservé aux propriétés de la couronne, et ce grâce à un décret de la Convention stipulant que « parc et château seront conservés et entretenus aux dépens de la République pour servir aux jouissances du peuple ». Au XVIIIème siècle, le domaine est ouvert au public et la mode devient générale de venir s’y promener depuis Paris.
C’est dans l’Orangerie du château de Saint-Cloud que le coup d’Etat du 18-Brumaire (9 novembre 1799) se déroule . En octobre 1801, un décret du Premier Consul ordonna la remise en état du château. Le palais, remanié et redécoré par les architectes Charles Percier et Pierre Fontaine, devint alors le centre officiel du pouvoir consulaire puis impérial.
Napoléon Ier fait transformer en salle du trône, le salon de Vénus, décoré par Lemoyne et Nocre . Il y installa aussi un manège avec abreuvoir.
Saint-Cloud fut ainsi le témoin de nombreux événements politiques et familiaux : proclamation de l’Empire en 1804 dans la galerie d’Apollon, baptême de Napoléon-Louis par le pape Pie VII en 1805, mariage civil de Napoléon et de Marie-Louise en 1810, célébrations pour le baptême du Roi de Rome en 1811…
Après la chute de l’Empire, les abeilles et l’aigle impérial disparaissent des décors du château pour laisser de nouveau place aux fleurs de lys.
En 1827, le domaine est le théâtre de la présentation à la famille royale de Zarafa, la girafe offerte par Méhémet Ali à Charles X.
Le Second Empire redonna tout son faste à Saint-Cloud. Après sa proclamation comme empereur, Napoléon III fit du château une des résidences de la cour impériale et un lieu d’exercice du pouvoir.
Comme aux Tuileries, il y était le chef de l’État, tenant conseil ou donnant des grandes réceptions officielles en l’honneur des ambassadeurs et des princes étrangers : la reine Victoria en 1855, Charles XV de Suède en 1861, le khédive Ismaël en 1869, etc. Napoléon III fait démolir l’Orangerie et la salle de Théâtre en 1862.
L’impératrice fait transformer en un salon de style Louis XVI l’ancienne chambre d’Henriette d’Angleterre. L’ébéniste Henri-Léonard Wassmus livre de magnifiques pièces de marqueterie tels que des bureaux ou encore des tables comme cette table de salon en bois de rose, marqueterie de bois de couleur et bronze doré.
Le couple impérial fait venir à Saint-Cloud des tableaux provenant de grands musées comme le Louvre ou des tableaux présentés lors des Salons.
Le Zouave trappiste d’Horace Vernet, exposé au Salon de 1857 à Paris, est remarqué par Napoléon III et Eugénie qui l’achètent sur les crédits de la Liste civile.
Placé dans le salon vert, le tableau de Vernet côtoie deux grands paysages d’Alexandre Calame et de Hans Frederik Guise et une scène historique d’Eugène Caraud représentant Marie-Antoinette assise dans les jardins du Petit Trianon.
En 1864, le Château, ses dépendances et son parc sont décrits ainsi : « Le parc contient 392 hectares. Le Château et ses dépendances renferment en outre les appartements de l’Empereur et de l’Impératrice, 45 appartements de maître, 600 logements de suite, des écuries pour 232 chevaux, remise pour 20 voitures, corps de garde pour 180 hommes d’infanterie et 34 de cavalerie, non compris la caserne des gardes du corps qui contient 1500 hommes d’infanterie et 150 de cavalerie »
Saint-Cloud a été durant la guerre franco-prussienne le théâtre de sombres événements. C’est du Palais impérial de Saint-Cloud, que Napoléon III part pour la bataille de Sedan le 28 juillet 1870. Sous l’impulsion de l’impératrice Eugénie, de nombreuses richesses du château sont mises à l’abri avec le soutien du commandant Armand Schneider, régisseur du palais. Meubles, objets, tapisseries et tableaux furent accumulés et envoyés au garde-meuble et au Louvre.
Beaucoup ont servi ensuite au palais de l’Elysée. Certains ont rejoint le château de Versailles, le château de Fontainebleau, celui de Compiègne ou sont devenus propriété de particulier.
Au mois d’octobre 1870, des obus tirés du Mont Valérien par les troupes françaises visent les batteries prussiennes installées dans le parc de Saint-Cloud, devenu quartier-général de l’armée allemande. Le château est touché à plusieurs reprises avant d’être ravagé par un terrible incendie.
Les Prussiens détruisent la lanterne de Démosthène et ne font rien pour arrêter le feu qui embrase le palais deux jours durant. La ville de Saint Cloud est presque totalement détruite. Après la bataille de Buzenval et animés très certainement d’un désir de vengeance, du 22 au 27 janvier, les Allemands entreprennent la destruction systématique de la ville de Saint-Cloud. Des incendies allumés chaque jour transforment les quartiers en décombres.
21 ans après son incendie, la IIIème République met un point final à l’histoire du château. Par soucis d’économie et pour faire table rase d’un passé royaliste et impérial encore trop présent pour cette république naissante, le gouvernement ordonne la démolition des ruines en 1891 et les pierres vendues à l’encan.
Le tsar Ferdinand de Bulgarie acheta pour sa demeure d’Euxinograd un fronton de l’aile droite du château, un fronton de l’aile gauche est au château de Jeurre près d’Étampes, un autre à Preux, la grille d’honneur se trouve au château de la Punta à Ajaccio et les bas-reliefs de l’escalier de la Reine sont au château de Laeken en Belgique. Du château, seuls subsistent les communs occupés actuellement par l’École Normale Supérieure.
Durant la Seconde Guerre mondiale sous l’Occupation allemande, Saint-Cloud devient une place stratégique pour la Wehrmacht. En raison de sa position élevée en surplomb de la capitale, les allemands font construire des miradors sur le Rond de la Balustrade, des batteries anti-aériennes sur le plateau de la Brosse et plusieurs bunkers et fortifications autour du jardin du Trocadéro…
Dans la Grande salle on peut voir notamment deux grands portraits de groupe de l’atelier de Jean Nocret qui montrent Louis XIV, Monsieur et leur famille sous les traits de divinités de la mythologie antique.
Le tableau original de Nocret, qui faisait partie du décor primitif du château, est aujourd’hui conservé au château de Versailles. La mort de Madame, tableau d’Auguste Vinchon peint en 1842, illustre l’un des épisodes historiques les plus célèbres de l’histoire de Saint-Cloud, la mort en 1670, à l’âge de vingt-six ans, d’Henriette d’Angleterre, première épouse de Monsieur, en présence de son confesseur, l’abbé Bossuet.
Plusieurs portraits mettent en scène les autres membres de la famille d’Orléans, comme le Régent – fils de Monsieur et de sa seconde épouse, Elisabeth-Charlotte de Bavière – et ses enfants, Louis d’Orléans et Louise-Adélaïde d’Orléans, abbesse de Chelles. La « grande salle » nous présente aussi des meubles provenant du palais.
La salle de la maquette restitue l’état du palais sous le Second Empire, vers 1860.
La galerie de photographies présente des tirages modernes, réalisés à partir des fonds photographiques anciens de la Bibliothèque nationale et de la Médiathèque du patrimoine. Elles donnent un aperçu de l’architecture et du décor fastueux des intérieurs sous le Second-Empire, depuis l’escalier d’honneur et les salons de réception donnant sur la cour, jusqu’à la Galerie d’Apollon dans l’aile droite, ou les appartements de l’impératrice Eugénie s’ouvrant sur le jardin .
Pour ceux que çà, intéresse je vous communique le lien d’une conférence virtuelle que j’ai suivie le samedi 20 février 2021 à 15:00 : le château de Saint-Cloud. Philippe Le Pareux, professeur d’histoire de l’art, proposait de découvrir l’héritage de Napoléon Ier et le souvenir du Premier Empire au cours d’une visite du château disparu à l’époque de Napoléon III, avec d’impressionnantes vues en 360°. Cliquez ici. (Merci à Guizmo)
Pistounette
26 avril 2021 @ 05:08
Toujours très instructif. Merci Guizmo
Baboula
26 avril 2021 @ 08:33
Merci Guizmo de nous révéler ces grandes heures .
Robespierre
26 avril 2021 @ 10:03
Merci Guizmo, c’était passionnant. IL est bon que quelqu’un rappelle et explique pourquoi nous ne pouvons plus visiter ce château dont parlent tant de mémoires. Il avait pourtant réchappé à la Révolution française.
BEQUE
26 avril 2021 @ 10:20
Le soir du samedi, nous nous rendions tous à Saint-Cloud. Nous étions réunis dans la grande salle, Cardinaux, premiers dignitaires de l’Empire, souverains, princes du sang, ministres, etc… et nous attendions l’arrivée de l’Empereur et de la nouvelle Impératrice.
Fouché s’approche de moi, puis il me conduit dans un coin du salon. Il me dit alors avec cordialité et intérêt : « Est-il vrai qu’il y a plusieurs Cardinaux qui refusent d’assister au mariage de l’Empereur ? L’Empereur m’en a parlé ce matin, et il vous a nommé dans sa colère ; mais je lui ai affirmé que, quant à vous, il n’était pas à présumer que ce fût vraisemblable. » Je lui répétai que c’était vrai, et très vrai. Il me plaça aussitôt sous les yeux les dangereuses conséquences d’une telle action, qui intéressait l’Etat, la personne même de l’Empereur, ainsi que la succession au trône. Je lui communiquai notre demande afin de ne pas être invités, demande restée sans effet. Il mit fin à l’entretien en affirmant qu’il fallait absolument nous rendre au mariage ecclésiastique [aux Tuileries] si nous ne cherchions pas à pousser les choses à la dernière ruine, puis il me supplia d’en aviser mes collègues.
Sources : Extraits des « Mémoires du Cardinal Consalvi, Secrétaire d’Etat du Pape Pie VII), 1864
BEQUE
26 avril 2021 @ 10:54
Extraits du compte-rendu de séance du Conseil des Cinq Cents, le 19 brumaire an VIII (12 novembre 1799) à Saint-Cloud (Moniteur n° 29)
Interventions de Grandmaison, Bigonnet, Arena, Darrracq, Bertrand (du Calvados), Duplantier, Delbrel qui demandent que tous les membres renouvellent le serment de fidélité à la Constitution de l’an III et s’opposent à toute sorte de tyrannie. Un mouvement se manifeste. Tous les regards se portent vers l’entrée principale. Le général Bonaparte apparait, il entre. Quatre grenadiers de la représentation nationale le suivent ; quelques autres et des officiers généraux paraissent à la porte… L’assemblée entière est à l’instant debout. Une foule de membres s’écrient : « Qu’est-ce que cela ? Des sabres ici ?… Des hommes armés ? »
Beaucoup de membres se précipitent au milieu de la salle. Le général Bonaparte est entouré de membres qui le tiennent au collet (dont Grandmaison) et le repoussent …Une foule de membres levés de leurs sièges s’écrient : « Hors la loi ! Hors la loi ! A bas le dictateur ! » Les grenadiers crient « Sauvons notre général ! » Bonaparte est entraîné hors la salle. (…) Lucien Bonaparte réclame le silence ; il est entendu. Un membre : « Bonaparte s’est conduit en roi »… Un autre membre : « Je demande que le gal Bonaparte soit traduit à la barre pour y rendre compte de sa conduite » On connaît la suite.
Michelle M
26 avril 2021 @ 14:52
Merci Guizmo j’ai pris plaisir a vous lire et a apprendre quelque chose aujourd’hui.
Henri III
26 avril 2021 @ 15:38
Henri III a été assassiné dans le premier « château » de Saint-Cloud dit maison de Gondi le 1er août 1589.
Danielle
26 avril 2021 @ 16:28
Un très beau château parti en fumée, ainsi que toute son histoire !!
Les photos nous montrent un bel intérieur.
Il me semblait avoir lu qu’une reconstruction pourrait être envisagée ?
Merci Guizmo.
Caroline
26 avril 2021 @ 22:21
Danielle,
Oui, il existe déjà un projet grandiose ‘ Reconstruisons Saint- Cloud ‘ depuis plus de dix ans.
Karabakh
27 avril 2021 @ 14:18
Une reconstruction est envisagée par un groupe d’associations (dont une qui s’est constituée à cette seule fin), des fonds ont été collectés et plusieurs mécénats sont promis mais l’État ne semble pas disposé à ouvrir cette voie. Il y a pourtant la place puisque les bâtiments ont été « matérialisés » par des espaces verts, sans aucune personnalité.
BEQUE
26 avril 2021 @ 17:02
A l’Hôtel de Salm (Palais de la Légion d’Honneur) on peut voir, dans le Salon de l’Aurore, un tapis et une table qui viennent de Saint-Cloud et, dans la salle à manger, la table sur laquelle Napoléon III, l’impératrice Eugénie et le Prince Impérial ont pris leur dernier repas, le 28 juin 1870, à Saint-Cloud.
BEQUE
27 avril 2021 @ 07:59
Comment peut-on faire la visite du château (en cliquant) quand on ne fréquente pas les réseaux sociaux dont Facebook ?
Karabakh
27 avril 2021 @ 14:18
En effet. Il faut sans doute pratiquer la magie.