Situé le long de la Neva, en face de la Forteresse Pierre-et-Paul, de forme trapézoïdale, le Palais de Marbre est l’un des plus remarquables bâtiments de Saint-Pétersbourg.
Il est le premier en Russie à utiliser plus de 30 sortes différentes de marbre et de granite, tant pour les façades extérieures qu’intérieures. Ces pierres furent transportées depuis des carrières découvertes au milieu du 18è siècle dans des villages de Carélie (Tivdia et Ruskeala, près du Lac Ladoga) et d’autres de l’Oural, de Sibérie et de toute l’Europe… d’où son nom « palais de Marbre ».
Le palais fut dessiné par l’architecte italien Antonio Rinaldi (1710-1794) d’après des esquisses de Catherine II : la construction commença en 1768 et dura 17 ans.
Catherine voulait l’offrir à son amant le comte Grigori Orlov, en reconnaissance de ses services (entre autres la « mise à l’écart » de Pierre III, avec son frère Alexis !), comme le révèle l’inscription au-dessus de l’entrée principale du bâtiment « Edifice de gratitude« . Mais il ne put en profiter car il mourut en 1783, avant l’achèvement de l’édifice.
Grigori Orlov (1734-1783)
Après la mort d‘Orlov, Catherine racheta le palais à ses frères pour 200.000 roubles.
En 1796, elle le donna à son second petit-fils le grand-duc Constantin Pavlovitch, pour y résider avec sa future famille.
En 1832, l’empereur Nicolas Ier l’acheta pour le donner à son fils Constantin Nikolayevich, et il demanda à l’architecte Alexandre Brioullov (1798-1877) de modifier l’intérieur vers 1840, après l’incendie de 1837, tout en gardant intacts les principaux trésors que sont l’escalier d’honneur et la salle de marbre.
Escalier d’honneur, dont la décoration artistique intérieure est, selon l’idée de Rinaldi, le prolongement de celle des façades du bâtiment.
Il est construit avec du marbre argenté de couleur bleue et grise, deux couleurs qui se marient à la perfection.
Au mur du 3è étage, quatre statues féminines symbolisent quatre vertus : Modération, Courage, Prudence et Equité
Au rez-de-chaussée, quatre statues en marbre italien, créées par Fedot Shubin (1740-1805), représentent Matin, Jour, Soir et Nuit et symbolisent l’enfance, la jeunesse, la maturité et la vieillesse.
Les fenêtres sur trois côtés de la pièce et les rayons de la lumière mettent en valeur la polychromie des marbres. Les architectes ont (avec virtuosité) combiné le rose et le rouge-cerise du marbre de Tivdia, le jaune-gris du marbre de l’Oural et la pierre verte et jaune d’Italie.
La pièce a été reconstruite au milieu du 19è siècle, sa hauteur augmentée et une seconde rangée de fenêtres créée.
Le parquet a été recréé en 2010 en accord avec les esquisses d’origine
La salle blanche, ici en 2007 après 5 années de restauration
Alexandre Brioullov voulut créer à la « Salle blanche » une atmosphère triomphale et romantique. Elle servit de salle de conférence puis de salle de cinéma après la Révolution.
Dans le petit square attenant au palais se trouve la statue d’Alexandre III, due en 1909 à Paul Troubetzkoy (1866-1936) surnommé le « Rodin russe ». En 1937 les Soviétiques descendirent la statue dans les sous-sols du palais, d’où elle ne ressortit qu’en 1994.
Le Palais de Marbre resta dans la famille de Constantin jusqu’à la Révolution d’Octobre.
Après la Révolution, le palais fut occupé par différentes organisations gouvernementales, qui y logèrent notamment leurs employés.
En 1937 une branche du Musée Vladimir Lénine fut ouverte au palais, avec Nikolaï Lancerey (1879-1942) comme architecte.
En 1991, quand le Musée d’Etat russe devint propriétaire du palais, les décorations intérieures avaient été considérablement dégradées… d’où un très important travail de restauration.
Le Peter et Irène Ludwig musée d’Art Moderne
En 1995, de célèbres collectionneurs allemands, les époux Peter et Irène Ludwig ont fait un don au Musée Russe, se composant d’une collection de 118 oeuvres d’artistes contemporains d’Europe, d’Amérique et de Russie, à la base desquelles cette exposition a été formée dans le palais de marbre. C’est la seule collection d’art contemporain international avec une exposition permanente en Russie.
Le palais de marbre est donc à présent une annexe du Musée Russe. (Merci à Pistounette)
Bambou
5 mars 2021 @ 06:58
Quelle merveille….mais quelle merveille….
Comment des hommes ont ils pû bàtir de tels chefs-d’œuvre ?
Pistounette
5 mars 2021 @ 14:21
@ aparté 😉
Merci à Régine de publier mes petits articles que je concocte avec plaisir chaque soir… de 23h à 2h du matin ! Et merci à vous, dont les commentaires bienveillants complètent souvent mes (petites) connaissances. OUI, j’aime cette ville…
Petite anecdote… une fois que j’étais dans un magasin de cadeaux pour touristes, une jeune vendeuse essaie de me faire acheter des articles que je ne trouvais pas beaux. Elle me dit « c’est ce qu’achètent les touristes » et je lui réponds « je ne suis pas une touriste, je suis une LOVER de Saint-Pétersbourg »… nous avons ri toutes les deux !
Pour « Guerre et Paix », je crois bien que vous avez raison, mais je n’ai pas retrouvé l’info.
Pour Orlov, vous avez raison… Catherine était déjà passée dans les bras de Potemkine, mais Orlov savait se rendre indispensable… il connaissait trop de secrets !
Une anecdote…
Dans la soirée du 4 février 1774, Potemkine fut présenté au Palais d’Hiver et elle chargea son ex-amant volage Orlov, de l’introduire chez elle. Orlov ne s’était d’abord pas rendu compte de la perfidie de Catherine, mais il comprit en voyant son rival monter vivement l’escalier de marbre blanc
– Quoi de neuf au palais ? demanda Potemkine
– Rien, je descends… vous montez, répondit Orlov, magnanime
Phil de Sarthe
5 mars 2021 @ 14:31
Merci Pistounette…
Il me semble qu’on a également mis ce dialogue dans les bouches de Mesdames de Montespan et de Maintenon!
agnes
5 mars 2021 @ 07:48
Superbe, merci Pistounette.
Guizmo
5 mars 2021 @ 08:19
Le palais de Marbre (ou palais Constantin) est l’un des premiers palais de style néoclassique de Saint-Pétersbourg. Ce palais a été appelé de Marbre parce qu’a l’extérieur comme à l’intérieur tout l’édifice,est revêtu de plusieurs variétés de marbre, dont les tons ont été assortis avec beaucoup de gout . Ce parement constitue une des particularités les plus intéressantes du palais.Le marbre, qui a servi à la construction venait de Finlande, de l’Oural, d’Italie et d’autres régions distantes de milliers de kilomètres, fait de ce palais, à mon sens, un de plus somptueux édifices de la ville.
Pistounette
5 mars 2021 @ 13:50
@ Guizmo
Pas de Finlande, mais de Carélie (voir mon commentaire…que vous reprenez). Ancienne province passée sous contrôle russe après le traité de Nystad, qui termine en 1721 la « grande guerre du Nord » gagnée par Pierre Ier (sauf erreur de ma part)
miloumilou
5 mars 2021 @ 08:35
Splendeur!
Claudia
5 mars 2021 @ 09:16
Ouh là là qu’elle est bleue la Neva ! vraiment la première photo est trop retouchée. Sinon c’est un très intéressant reportage.
Peeters
5 mars 2021 @ 09:43
Magnifique palais, imposant à découvrir absolument, on s’y croirait revenir à l’époque .Atmosphère prenant
Avis d’un amoureux de cette ville mystérieuse
Leonor
5 mars 2021 @ 10:01
Dans l’article, j’aime bien – entre autres naturellement – la phrase » Catherine voulait l’offrir à son amant le comte Grigori Orlov, en reconnaissance de ses services » … Services en tous genres, bien sûr, et si j’ose dire . ;-) Pour servir la Grande Catherine, il fallait être prêt à payer de sa personne, corps et âme, n’est-ce pas Orlov, Potemkine et tutti quanti ?
Allez, on va mettre ça ( quoi, ça … ? ) en musique :
https://www.youtube.com/watch?v=-a0kGp-9kgs&ab_channel=KuhlauDilfeng3
Musique de Manfredini, l’un des nombreux musiciens que la tsarine avait fait venir d’Italie à Saint-Petersbourg. L’Italie était alors LE pays de la musique ; en tout cas le pays à la mode, disons plutôt ainsi.
Ici, extrait du disque que Cecilia Bartoli avait consacré à la musique à la cour de la Grande Catherine, avec l’ensemble I Barocchisti. C. Bartoli est non seulement une grande musicienne , mais aussi une grande musicologue, une fana des archives musicales , où elle sait déterrer des merveilles.
Bonne journée !
G de G
5 mars 2021 @ 16:49
Que c’est beau ! Merci !!
Caroline
5 mars 2021 @ 10:03
N’ a- t- on pas tourné des scènes du film ‘ Guerre et Paix ‘ dans ce château ?
Vu les très belles illustrations dans cet article agréable à lire, je ne suis pas ‘ restée de marbre ‘ devant ce beau château russe ! 😉
Charlotte (de Brie)
5 mars 2021 @ 10:55
Ce palais est une merveille et la description qui en est faite ici ainsi que l’iconographie sont remarquables.
Comme le souligne Pistounette, le comte Orlov ne put jamais en profiter car mort avant son achèvement, mais n’était-il pas à cette époque tombé en disgrâce ?
Si les révolutionnaires l’ont dégradé pendant une longue période, la Russie « d’après » a eu l’intelligence de le restaurer et d’en faire cette annexe du Musée Russe, consacrée à l’Art Contemporain.
Pistounette vous nous faites partager votre amour pour Saint Petersbourg, et c’est avec plaisir, et je ne suis pas la seule, que je vous lis et apprécie vos récits ( sauf le Medovic… mais c’est très personnel )
luigi
5 mars 2021 @ 12:04
Très bel article Pistounette, merci !
Ciboulette
5 mars 2021 @ 13:51
Merci , Pistounette , retrouver Saint Petersbourg est pour moi un rêve enfin réalisé grâce à vous ! Ce palais est splendide , à l’intérieur comme à l’extérieur . Dommage pour Orlov !
Baboula
5 mars 2021 @ 16:43
Oui Pistounette , je confirme vous n’êtes pas une touriste. Vous savez partager vos amours ,quelle belle qualité .
Danielle
5 mars 2021 @ 17:05
Merci Pistounette de m’avoir rappelé cette vue depuis la forteresse Pierre et Paul.
Vos récits sont très intéressants.
Ahmad
5 mars 2021 @ 17:36
Vous me faites rappeler ma vie étudiant que j’ai passé à Saint-Pétersbourg.Ahhhhh ces merveilleux jours inoubliables.(Dvordtsovi ploshad=place du palais)(zimnii dvorets=palais d’hiver)(Nevskii Prpspekt)(Reka Fontanka=rivière de la fontaine)(Musé de l’Hérmirage)….ect.j’ai les larmes aux yeux chaque fois je regarde les photos et les vidéos de cette ville magique.Elle me manque énormément😔
Framboise
5 mars 2021 @ 18:14
Cette présentation amuse la guide d’accueil lausannoise que je suis. C’est à l’intérieur de notre cathédrale que se trouve le tombeau de la Comtesse Orlov, la jeune épouse de l’amant de l’impératrice décédée de tuberculose à 23 ans. « Expédiée » par son époux à Lausanne pour l’éloigner de st Petersbourg afin de soit disant s’y faire soigner par le célèbre docteur Samuel-Auguste Tissot elle y mourut. Elle eut droit à l’honneur d’un tombeau somptueux en marbre dans la cathédrale où on n’enterrait plus sauf..probable forte somme d’argent versée à l’administration bernoise qui gouvernait alors. Nos écoliers adorent l’histoire du « tombeau de la princesse » qu’on ne manque pas de leur conter!
BEQUE
6 mars 2021 @ 20:37
Bonjour, Framboise. Je lis votre post et me souviens du livre qu’avait écrit mon cousin éloigné Bernard Secrétan : « Eglise et vie catholique à Lausanne ». Je n’ai pas le livre à proximité mais j’imagine qu’il a parlé de ce tombeau ?
Trianon
5 mars 2021 @ 19:12
Mille mercis Pistounette ! Vraiment plaisant à lire !!
Mary
5 mars 2021 @ 19:22
Palais de rêve…merci Pistounette !
Gatsby
6 mars 2021 @ 00:23
Merci pour ce trés interessant article.
Pouvez vous me dire depuis quand ce musée d’art contemporain est ouvert au public.
Je n’ai pas eu la chance de visiter ce magnifique palais lors de mon séjour en 2003 à l’occasion du tricentenaire de la fondation de Saint Petersbourg.
Pistounette
6 mars 2021 @ 11:25
@ Gatsby
Depuis 1995
tristan
6 mars 2021 @ 15:11
Passionnant, merci de nous permettre de voyager vers des contrées que nous n’aurons jamais l’occasion de visiter (en tous cas pour ma part). C’est infiniment plaisant.