Voici le récit du petit château de Neuilly par Benoît-Henri. « C’était le 17 février 2010, une éternité ! Charles évoquait l’histoire du château de Neuilly. Nous savons que plusieurs vestiges du château, incendié en février 1848, sont intégrés désormais à la maison des religieuses hospitalières de Saint-Thomas-de-Villeneuve.
Il s’agit de l’aile droite, occupée sous la monarchie de Juillet par la Grande salle du conseil et la Petite salle du conseil, le long de l’actuel boulevard d’Argenson, et l’aile en retour sur le boulevard de La Saussaye où se trouvait l’appartement de Madame Adélaïde.
Bien moins connu, le « petit château » est incorporé au domaine de Neuilly par Louis-Philippe, duc d’Orléans, en 1821.
Ce dessin de la fin du XVIIIe siècle nous montre, depuis les berges de la Seine, l’ancien château de la famille d’Argenson à gauche et un bâtiment d’une élévation fort simple, à deux niveaux et sept travées de fenêtres, la « maison Isnard », à droite.
La demeure, désormais désignée sous le nom de « petit château », constitue une merveilleuse « salle de jeux », réservée aux enfants du duc et de la duchesse d’Orléans lors de leurs séjours à Neuilly.
Le catalogue d’exposition consacré à la princesse Marie d’Orléans (Louvre, 2008) nous apprend que la petite princesse, d’une nature vive et enjouée, a inventé un jeu charmant : « Louise, Nemours, Clémentine et Joinville, une ficelle autour du corps, jouent les chevaux tandis que Marie, qui tient le rôle du charretier, fait faire à cet attelage le tour de l’île de la Jatte avant d’entrer triomphalement au petit château ».
On décide en 1825 que la maison sera mise à la disposition exclusive des garçons. La Seine est toute proche : les princes y apprennent la natation et le canotage.
L’aspect du petit château nous est connu par cette précieuse photographie de la façade du côté du jardin.
Une autre photo, fort émouvante, nous montre le grand salon, dans son ameublement de la fin du XIXe s. Visiblement, la pièce a été épargnée par l’incendie allumé au pied du petit château, le 26 février 1848, au lendemain de l’anéantissement du château de Louis-Philippe.
L’architecte Pierre-Léonard Fontaine, qui a connu son heure de gloire sous l’Empire, dirige alors les travaux du domaine de Neuilly. Il est probablement le concepteur du grand salon. Ces colonnes et ces arcades, ces rinceaux et ces médaillons d’un néoclassicisme tardif révèlent sans nul doute le décor dans lequel les jeunes princes puis, à partir de 1837, Ferdinand-Philippe, duc d’Orléans, et son épouse Hélène de Mecklembourg ont passé des heures heureuses … jusqu’au terrible accident de 1842.
Restauré après 1848, le petit château connaît divers propriétaires soucieux de son entretien et de la qualité de son mobilier.
Malheureusement, le destin du petit château rejoindra celui de bon nombre de belles propriétés neuilléennes : vendu, démoli et remplacé, entre les deux guerres, par un grand immeuble, boulevard de La Saussaye, au débouché de l’avenue de Sainte-Foy. Sic transit… » (merci à Benoît-Henri)
DEB
22 février 2021 @ 07:30
Merci à Benoît-Henri.
J’espère que le mobilier a pu être sauvé .
Leonor
22 février 2021 @ 09:43
On ne peut pas tout garder, certes, dans aucun domaine.
Cependant, tout ce qu’on détruit, tout ce qu’on jette, au nom de la modernité – quelle modernité ? – , au nom de la rentabilité …
Guizmo
22 février 2021 @ 10:01
Hélas nombre de petit bijoux ont été sacrifiés à l’urbanisation galopante et à la circulation automobile . Ce fut aussi le cas du palais Rose de l’avenue Foch à Paris. Pour ceux que ça intéresse je vous suggère l’ouvrage : » A la recherche des châteaux disparus d’Ile-de-France » – Demeures royales, princières et privées de Jean-Marc Hofman et Paul Ph. Voegele .
Une centaine de gravures des XVII et XVIIIe siècles permettent de découvrir les maisons royales, demeures princières et châteaux privés en Ile-de-France, richesse du patrimoine architectural aujourd’hui disparu.
Karabakh
22 février 2021 @ 14:49
Un excellent livre que je recommande également.
Carolibri
23 février 2021 @ 21:10
Merci pour la référence du livre et pour ce reportage
Charles
22 février 2021 @ 10:57
Merci Benoît-Henri pour ce très intéressant sujet sur le petit château de Neuilly
Rose
22 février 2021 @ 11:05
Article très intéressant et bien illustré. Merci beaucoup Benoit-Henri.
On a du mal aujourd’hui à s’imaginer qu’une grande partie de Neuilly appartenait à la famille d’Orleans et était en quelque sorte le parc de leur château. Très intéressant de voir à quoi ressemblaient les châteaux.
Ce n’était qu’un parmi leurs innombrables biens, les fortunes ( sans revenir sur les histoires du comte de Paris..) s’effondrent finalement en peu de temps.
framboiz07
22 février 2021 @ 21:56
Point de Vue a consacré un article à la plainte de Jean contrela Fondation, à ce sujet .Michel de France critique son neveu ,j’ai trouvé qu’il eût pu s’en abstenir …
J’ai l’impression ,après lecture de l’article , que Jean aura du mal à obtenir gain de cause …
Rose
23 février 2021 @ 12:51
J’ai aussi eu l’impression que sa plainte n’avait pas beaucoup de chance d’aboutir…
Caroline
22 février 2021 @ 11:41
Très dommage pour la démolition de ce petit château de Neuilly !
Carolus
22 février 2021 @ 12:20
J’ai résidé plus de vingt ans à quelques centaines de mètres.
Merci pour ces précisions Benoît-Henri.
Pierre-Yves
22 février 2021 @ 12:24
Une autre duchesse d’Orléans, vers le milieu du XVIIIème, avait acquis le chateau de Bagnolet (aujourd’hui dans Paris Intra-muros) qu’elle agrandit et dont elle fit une très belle demeure dotée d’un joli parc. Il fut par la suite vendu par lots, dont la plupart ont été détruits entre la Révolution et le XIXème siècle.
Il subsiste un petit pavillon, appelé Pavillon de l’Ermitage, niché dans un quartier très populaire de l’Est de la Capitale. Comme quoi tout ne disparait pas toujours !
Laure-Marie Sabre
22 février 2021 @ 21:01
Rue de Bagnolet, je me suis toujours demandé d’où sortait ce pavillon ravissant au milieu de constructions récentes et de piètre qualité. Histoire étonnante.
Loffy
22 février 2021 @ 13:21
Merci beaucoup pour cette histoire malheureuse de ce château que j’ignorais. On détruit beaucoup pour moderniser mais souvent les nouvelles constructions ne valent pas les anciennes.
ciboulette
22 février 2021 @ 19:32
Merci , Benoît-Henri , pour ce récit intéressant et ces photos émouvantes ! C’était un bien joli château , quel dommage que cette destruction , pour faire de l’argent , évidemment , et en bien moins joli !
framboiz07
22 février 2021 @ 22:01
Parfois, on rénove aussi ! A Reims, face à la maison Pommery , superbe villa ,rénovée par les Vranken , créée en 1890 , la villa Demoiselle, qu’on peut visiter , meublée en Art Nouveau .C’est incroyable , l’intérieur était en épave et c’est maintenant un joyau ! Merci aux Vranken ! Si vous êtes « dans l’esprit Stephane Bern, patrimoine, rénovation » , allez-y et en plus, on peut y déguster le divin nectar !
Danielle
22 février 2021 @ 13:46
Merci Benoît Henri pour l’histoire de ce château dont la vente me révolte une fois de plus.
Le grand salon était superbe.
marie francois
22 février 2021 @ 13:49
Tres bon reportage.
La 3 ieme photo coté Seine et jardin , ne semble pas etre celle du petit chateau car comportant plus de 7 travées.
Benoit-Henri
23 février 2021 @ 16:32
Excellente remarque ! Et pourtant l’analyse de la modénature (moulurations) et des ordres superposés, ainsi que le traitement des lucarnes, ne laisse guère de doute. J’en déduis qu’entre le moment où la vignette « publicitaire » a été imprimée et la photo réalisée, l’édifice a été augmenté, de chaque côté, de travées supplémentaires, prenant appui sur des corps bas à un seul niveau qu’on devine côté cour. Merci Marie François, je ne m’en étais pas rendu compte.
marie francois
24 février 2021 @ 14:59
Autre remarque le corps central n’a que 2 fenetres cintrées alors que le salon en a 3 ( 2 visibles et une que l’on devine) . Le salon ne peut etre sur la cour d’entrée.
Benoit-Henri
24 février 2021 @ 18:48
Absolument. Le salon donnait sur le jardin. Si Régine le permet, voici un lien vers Gallica où l’on trouve le plan du domaine levé par Fontaine. On distingue nettement (en haut du plan) le salon central côté jardin ainsi que l’implantation des colonnes du salon : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10566845/f37.item
Doutriaux
22 février 2021 @ 15:08
Merci pour cette présentation du château de Neuilly. Celle-ci est très détaillée et enrichissante. Bravo !
Benoit-Henri
23 février 2021 @ 16:17
Merci chers amis, Benoît-Henri
Muscate-Valeska de Lisabé
22 février 2021 @ 17:17
Une ravissante demeure
luigi
22 février 2021 @ 18:22
Merci pour cet article, très intéressant !
Guy Coquille
23 février 2021 @ 17:25
A quelle époque détruisit-on le château édifié par François I° à Neuilly? Il existe toujours un édifice de style Renaissance, mais visiblement XIX°, loti en appartements, que l’on appelle le « château de Neuilly »; Fut-il construit à son emplacement?
Gérard
24 février 2021 @ 16:59
François Ier, à son retour de captivité espagnole, fit construire le château de Boulogne, en bordure de la forêt de Rouvray (dont reste le bois de Boulogne), entre le port de Neuilly et l’abbaye de Longchamp, et sous Louis XIII, il prit le nom de château de Madrid.
François trouvait le Louvre inconfortable et ordonna cette construction en 1527 et par lettres patentes du 28 juillet 1528.
Le château de Boulogne, fut appelé château de Madrid, d’après dit-on l’Alcazar royal de Madrid, lui aussi à la lisière d’une forêt près d’une grande ville, et tous deux constitués d’un long corps de logis central avec des loggias sur deux étages et un pavillon cubique à chaque extrémité. Mais la reconstruction du palais madrilène par Charles Quint (1537) fut postérieure à la construction du château du bois de Boulogne. Le nom de Madrid pourrait cependant avoir une autre origine : le roi François Ier s’éclipsant discrètement au château de Boulogne, les courtisans prirent l’habitude, par dérision, de dire, quand ils ne voyaient plus le souverain, qu’il était à Madrid. Peu à peu le château de Boulogne prit donc le nom de Madrid, comme l’indique Androuet du Cerceau sur ses élévations : Boulongne dit Madril.
Les travaux de construction ont d’abord été dirigés par les tourangeaux Pierre Gadier et Gatien François (fils de Bastien, et petit-fils de Guillaume Regnault). On pense que François Ier prit personnellement part à la conception de ce chef-d’œuvre. À partir de 1548, l’architecte Philibert Delorme dirigea les travaux. Il fut remplacé par Le Primatice en 1559, qui rappela le florentin Girolamo della Robbia, auquel on dût un décor de majolique, puis par des architectes français, Philibert Delorme et le jeune Jacques Ier Androuet du Cerceau (1510-1584) et le palais fut achevé sous Henri II vers 1552 outre des embellissements entre 1568 et 1570.
Le château fut aimé par Charles IX et sa mère mais délaissé par Henri III.
Henri IV aima y venir avec Mlle d’Entragues, la belle Gabrielle d’Estrée ou une autre favorite, puis il s’en lassa et fit installer une magnanerie et planter 15 000 mûriers dans le bois pour nourrir les vers à soie ; par la suite il la supprima et donna Madrid à sa première femme Marguerite de Valois qui y demeura plusieurs années avec son aumônier saint Vincent de Paul. Louis XIII vint souvent y chasser pendant sa jeunesse, puis il y vint peu sauf en 1636 où, pour éviter une épidémie, il s’y réfugia avec Anne d’Autriche. En 1656, on installa à Madrid une manufacture de bas de soie qui comptera 79 compagnons en 1672. Louis XIV n’y vint pas mais y logea des personnes de marque notamment Joseph Fleuriau d’Armenonville, capitaine des gardes de la garenne du bois puis garde des sceaux. Il y mourut le 27 novembre 1728.
Pendant la minorité de Louis XV, Marie Louise Élisabeth d’Orléans, duchesse de Berry, fille du régent, a vécu au château qui fut abandonné en 1719 après sa mort. Quant à Louis XVI, il n’aimait pas Madrid et songea à le vendre.
En 1787, un arrêt du Conseil de Louis XVI ordonna cette vente en vue de la démolition.
Le bâtiment était en ruine quand il fut acheté le 27 mars 1792 par M. Leroy, entrepreneur en démolition, qui payait avec des billets d’assignats émis par le gouvernement révolutionnaire. Leroy en vendit les boiseries, les plombs et les terres cuites de Della Robbia mais ne parvint pas à l’abattre. Il abandonna alors l’entreprise et le 27 juillet 1792 le remit en vente pour 34 000 livres et, avec les dépendances, 42 400 livres. Il ne trouva aucun acquéreur.
Le bâtiment fut détruit petit à petit jusque sous la Restauration. Mais Madrid était si solidement construit que les frais de démolition dépassèrent la valeur des matériaux. Le site a été construit par la suite avec une clinique qui fit faillite puis un haras et un restaurant.
Aujourd’hui il n’en subsiste plus semble-t-il qu’un chapiteau de pierre exposé au château d’Écouen et des fragments du décor de céramique émaillée (blanc, violet et vert) de Della Robbia conservés pour trente d’entre eux dans les réserves du musée Carnavalet et pour 3 au Musée national de céramique à Sèvres.
Les fondations avaient été détruites par les bulldozers.
Le château se situait autour de l’actuel 31, boulevard du Commandant-Charcot. Seules quelques voies de circulation en conservent le nom, comme l’allée, la villa ou l’avenue de Madrid.
Il faut lire le travail d’enquête de Monique Châtenet : Le Château de Madrid au bois de Boulogne, Paris, Éditions Picard, 1987, Collection De Architectura, 268 pages.