A Coventry, le prince William s’est rendu en compagnie de jeunes enfants au monument de la guerre pour commémorer les 100 ans de la Première Guerre Mondiale. (Copyright photos : getty images)
Je « migre » sur le site en même temps que Régine nous met de nouvelles photos.
La foule britannique
De mémoire de Londonien, pareille foule n’a envahi la ville. Malgré les passes de police de toute les couleurs dont je suis abondamment pourvu-on ne saurait trop louer et remercier les autorités anglaises et plus spécialement le Foreign Office, d’une courtoisie parfaite à l’égard des journalistes étranger-ce n’est pas chose facile que de s’ouvrir un chemin, même avec l’aide des policemen , surmenés mais toujours d’humeur égale et souriante, à travers les flots pressés de l’océan humain qui, depuis deux jours, déferle gaîment, indifférent aux rigueurs d’un temps exécrable, sur le parcours du cortège royal et monte à l’assaut des parcs, des avenues des rues situées dans le périmètre colossal de l’enceinte réservée aux évolutions de la procession du sacre et de tout ce qui y prendra part directement ou indirectement, piétons, véhicules, troupes à pied et à cheval. La province a envahi la métropole.
Des trains spéciaux ont emmené d’heure en heure des centaines de milliers, on peut même dire des millions de curieux, accourus d’Ecosse, des Midlands, du pays de Galles et des coins les moins connus et les plus éloignés des Iles Britanniques. Ces masses, pétries de bonnes intentions, ne redoutent ni la pluie, ni le brouillard. Elles roulent ici et là, amorphes mais dangereuses par leur immensité. Où couchent-elles? où dorment-elles? Quand et comment mangent-elles? Par quel miracle peuvent-elles endurer les cataractes d’eau que, depuis dimanche, le ciel déverse sans pitié, jour et nuit, sur le sud de l’Angleterre? Le couronnement de Georges VI détiendra sans effort le record de la pluie, du vent et de l’humidité. Et les fêtes officielles ne font que commencer! Je ne puis m’empêcher de songer avec stupeur aux milliers d’individus qui ont passé la nuit sur les banquettes trempées des tribunes (dont les places coûtent de 2 à 20 guinées! )ou dans les rues, sans craindre la fatale pneumonie.
« Il en mourra probablement quelques uns, me disait une aimable étudiante d’Oxford, mais surtout nobody minds »-personne ne s’en soucie. Surtout ceux qui seront partis!
Cette foule britannique, et plus particulièrement londonienne, est pour moi un mystère que je renonce à élucider. Il me suffit de constater qu’elle est là, en permanence, véritable force de la nature, et qu’i faut la fuir! Je suis donc aller demander l’hospitalité pour la veille du 12 fatidique, à des amis qui habitent une ancienne et charmante maison, datant des cavaliers et de Cromwell, nichées en un recoin de Great Collège Street, la plus pittoresque des petites rues qui serpentent à l’ombre du cloître et de l’Ecole de Westminster. A deux pas de cette vieille demeure, au bout de Millbank, une galerie couverte, temporaire-aimable attention-permet de gagner le chevet de l’abbaye de Westminster sans se soucier de la rigueur des éléments. Mais d’ailleurs, vers la fin de la journée de mardi, le ciel se nettoie; les rayons d’un pâle soleil dissipent les nuées et, comme je me rendais à mon logis proche du cloître de Westminster, je constate avec joie que les tours de l’abbaye, tout comme le palais du parlement, semble dorées par une chaude lumière qui promet merveille pour le lendemain.
Levé à cinq heures, je me rends dès avant sept heures au chevet de l’abbaye.
Sur la vaste place de l’Old Palace Yard, quelle agitation ordonnée! Les autos se succèdent, rapides; elles déversent leur cargaison humaine avec une vélocité déconcertante. Tout autour de moi, quel grouillement de robes écarlates ou pourpres, avec leurs hermines éclatantes de blancheur; beaucoup de court-dresses-habits de velours, culottes, bas, souliers à boucle d’argent, épées au côté- d’uniformes de conseillers privés. Un certain nombre de pairs et de pairesses sont venus par la Tamise, sur leur yacht ont débarqué sur le quai privé de la Chambre des Lord, d’où il leur est facile de gagner l’abbaye. Les membres du parlement, eux aussi, sont chez eux dans ces parages. Après la cérémonie, pairs et pairesses, députés et leurs femmes iront luncher dans leurs palais respectifs, dès le départ des souverains, tandis que le reste des mortels demeureront sous clé, sagement assis à leur place, en attendant les instructions des Gold Sticks Officers.
De la très bonne place qui m’a été donnée, dans le haut de la tribune réservée aux membres du parlement, dans le transept sud, je vois, en face de moi, les fauteuils disposés en gradins où viennent s’assoir, avec une grâce et une majesté qui indiquent une longue habitude des cérémonies de cour, les pairesses, aux merveilleuses traînes de velours écarlates. Mais, au fur et à mesure que leurs rangs se forment, le rouge éclatant disparaît, et l’on ne voit plus que la blancheur des hermines, l’éclat des diamants, le scintillement des tiares. Les couronnes qu’elles ont posées sur leurs genoux jettent dans cette symphonie de blanche lumière une note cramoisie.
Au-dessus s’étagent les uniformes sombres, rehaussés d’or ou d’argent, des membres du parlement à qui ces tribunes ont été assignées, et des hauts fonctionnaires du Civil Service.
Plus haut, la grande rosace du transept nord jette tous les feux de sa verrière.
de part et d’autre, chaque arcade du triforium est remplie de spectateurs. Quelle animation! Quelle vie! Quelle orgie de couleurs! Ici les juges en perruques blanches et en robes écarlates. Plus loin, les lords-lieutenants du roi dans les comtés, aux uniformes brodés d’argent. Là-bas, d’autres uniformes, ceux du corps diplomatique, ruisselants d’or. Parmi les chaudes couleurs, rouges, livrée royale, se mêlent à l’éblouissement des costumes et des turbans diamantés des maharadjahs, des princes hindous, à la blancheur liliale des surplis des choristes, à l’éclat des parures qu’adoucissent les teintes les moins vives des étoles et des capes d’hermine.
Sous nos yeux, à la croisée des transepts et de la nef, entre le chœur, où s’allonge la ligne sombre des stalles, et le sanctuaire, où se dresse le maître autel, sur une plate-forme qu’on appelle le théâtre, voici les deux trônes, rouges, surélevés, l’un, celui du roi, de cinq gradins, l’autre celui de la reine, de trois gradins seulement et sur lesquels prendront place les souverains quand ils auront été oints et couronnés.
Devant l’autel, où resplendissent de grands plats d’or, un merveilleux tapis d’orient
se détache sur la moelleuse carpette beige qui recouvre tout le sol de l’église. Au pied de l’autel, sur la première marche, les deux prie-Dieu sur lesquels s’agenouilleront les souverains lorsqu’ils communieront.
Dans la partie du sanctuaire qui se trouve entre le maître-autel et la croisée des transepts, le trône d’Edouard sur lequel les rois d’Angleterre doivent s’assoir pour être couronnés-tradition vieille d’un millier d’années-et qui a pour siège la pierre de Scone qui, de temps immémorial servit au couronnement des rois d’Ecosse, jusqu’à ce qu’Edouard I la rapportât avec lui, en 1297, comme preuve irréfutable de la conquête définitive de ces souverains écossais dont descend, en ligne directe, par les femmes, la gracieuse et charmante reine Elizabeth. Revanche aussi inattendue qu’heureuse et opportune.
A droite, les deux fauteuils dénommés recognition chairs, sur lesquels s’assoiront le roi et la reine durant la première partie de la cérémonie. C’est de ce premier siège que se lèvera le roi lorsque l’archevêque de Canterbury le fera reconnaître (recognition) par son peuple. Derrière ces fauteuils, une vaste loge drapée de velours crème bordé d’or, sommée des armes du roi. Là se tiendront la reine Mary, la princesse royale, les princesses de la famille royale et les princesses royales Elizabeth et Margareth, filles des souverains.
De ma tribune élevée, je contemple avec ravissement le miracle de pierre qu’est la vénérable abbaye. Elle n’est jamais si belle qu’en cette cérémonie du couronnement, et je retrouve les impressions ineffaçables que j’avais déjà ressenties en 1911 lorsque, du haut du triforium longeant le transept nord, j’assistait au couronnement de Georges V. On ne peut se lasser d’admirer la sveltesse aérienne de la nef, dont les lignes hardies et d’une légère et ravissante sont un véritable enchantement. Cette vieille abbaye aux murs patinés par les siècles est un des plus beau poème de pierre que l’on puisse souhaiter pour cadre idéal au sacre millénaire de la plus ancienne dynastie d’Europe.
Le sacre est une cérémonie mise en scène avec un soin infini. Elle comporte une succession de tableaux réglés avec une minutie qui dépasse ce que l’on fait de mieux au théâtre.
L’arrivée des invités et des personnages qui prennent une part active à ce drame tout à la fois religieux et profane fait songer à de colossales entrées de ballets, avec cette différence que le cadre impressionnant de ces murailles et de ces piliers , baignés d’une lumière très douce et mystérieuse, donne un aspect solennel à toutes les évolutions rythmées de ces masses de figurants silencieux, discrets, qui osent à peine chuchoter, de temps à autre, pour demander une indication ou un renseignement. Un calme infini, impressionnant enveloppe choses et gens. On se sent en compagnie, et quelle compagnie! L’élite de la nation la plus aristocratique, la plus maîtresse d’elle-même, la mieux élevée qui soit encore sur notre planète en pleine folie. Le problème qu’ont dû résoudre le Earl Marshall, le duc de Norfolk, et ses collaborateurs, les hérauts du Collège royal d’armes, était de faire entrer et d’installer à leurs places numérotées près de 8000 personnes en l’espace de cinq heures. Le jeune duc a réussi, comme par miracle, le tour de force qui lui incombait héréditairement. La cérémonie s’est déroulée du commencement à la fin, dans un ordre parfait. Le mérite lui en revient entièrement, car je sais de bonne source, que depuis huit mois il a tout organisé, décidé, surveillé, contrôlé lui-même. Entre-temps il s’est marié, ce qui n’a nullement dérangé la routine presque féroce de ses occupations de chaque jour. La Jarretière, qui lui a été conférée hier, est la juste récompense d’un succès éclatant. Du reste, dans ce pays traditionnaliste, on se soumet de bon cœur à la loi, aux instructions officielles. Chacun accepte de prendre sa place, suivant un plan déterminé par des règles de préséance combinées avec l’emploi de l’ordre alphabétique. Chaque bloc d’invités, ainsi hiérarchisé, doit se placer de quart d’heure en quart d’heure, à partir de six heures du matin. Je connais des grands-croix d’ordres illustres, des pairs et des pairesses, et de simples « commoners », qui ont trouvé plus naturel de s’installer sur leurs petits tabourets ou dans leurs fauteuils plus ou moins confortables bien avant 7 heures et d’attendre paisiblement, et presque silencieusement, jusqu’à 11h l’arrivée des souverains.
Merci Claude-Patricia, à lire ces descriptions (velours, hermines, or, argent, etc.) on peut presque ressentir l’atmosphère dans l’abbaye. Vivement la suite! FdC
MoniqueDN
17 juillet 2014 @ 09:27
Bravo William ! Le devoir de mémoire lui tient à coeur. C’est bien de le transmettre à de si jeunes enfants.
MoniqueDN
17 juillet 2014 @ 09:45
Régine, si vous le permettez, voici un lien se rapportant à une vidéo de la BBC que j’ai oublié dans mon post précédent.
http://www.bbc.com/news/uk-england-coventry-warwickshire-28336129
Merci d’avance Régine !
Caroline
17 juillet 2014 @ 19:11
Monique DN,merci pour cette mini-vidéo!Le prince William est bien mignon!Bravo pour sa mission ‘éducative’ envers la nouvelle génération!
Claude-Patricia
17 juillet 2014 @ 10:17
Bonjour à tous,
La suite de mon texte n’est pas encore validée sous la photo de la princesse de Galles. Je ne le vois pas apparaître.
Francine du Canada
17 juillet 2014 @ 13:01
Mais si… il est bien là! Bonne journée, FdC
Gibbs
17 juillet 2014 @ 12:03
Beau geste de William.
flabemont8
17 juillet 2014 @ 14:07
William honore le sacrifice des soldats et le transmet aux plus jeunes , c’est bien .
Claude-Patricia
18 juillet 2014 @ 16:05
Bonjour à tous,
Je « migre » sur le site en même temps que Régine nous met de nouvelles photos.
La foule britannique
De mémoire de Londonien, pareille foule n’a envahi la ville. Malgré les passes de police de toute les couleurs dont je suis abondamment pourvu-on ne saurait trop louer et remercier les autorités anglaises et plus spécialement le Foreign Office, d’une courtoisie parfaite à l’égard des journalistes étranger-ce n’est pas chose facile que de s’ouvrir un chemin, même avec l’aide des policemen , surmenés mais toujours d’humeur égale et souriante, à travers les flots pressés de l’océan humain qui, depuis deux jours, déferle gaîment, indifférent aux rigueurs d’un temps exécrable, sur le parcours du cortège royal et monte à l’assaut des parcs, des avenues des rues situées dans le périmètre colossal de l’enceinte réservée aux évolutions de la procession du sacre et de tout ce qui y prendra part directement ou indirectement, piétons, véhicules, troupes à pied et à cheval. La province a envahi la métropole.
Des trains spéciaux ont emmené d’heure en heure des centaines de milliers, on peut même dire des millions de curieux, accourus d’Ecosse, des Midlands, du pays de Galles et des coins les moins connus et les plus éloignés des Iles Britanniques. Ces masses, pétries de bonnes intentions, ne redoutent ni la pluie, ni le brouillard. Elles roulent ici et là, amorphes mais dangereuses par leur immensité. Où couchent-elles? où dorment-elles? Quand et comment mangent-elles? Par quel miracle peuvent-elles endurer les cataractes d’eau que, depuis dimanche, le ciel déverse sans pitié, jour et nuit, sur le sud de l’Angleterre? Le couronnement de Georges VI détiendra sans effort le record de la pluie, du vent et de l’humidité. Et les fêtes officielles ne font que commencer! Je ne puis m’empêcher de songer avec stupeur aux milliers d’individus qui ont passé la nuit sur les banquettes trempées des tribunes (dont les places coûtent de 2 à 20 guinées! )ou dans les rues, sans craindre la fatale pneumonie.
« Il en mourra probablement quelques uns, me disait une aimable étudiante d’Oxford, mais surtout nobody minds »-personne ne s’en soucie. Surtout ceux qui seront partis!
Cette foule britannique, et plus particulièrement londonienne, est pour moi un mystère que je renonce à élucider. Il me suffit de constater qu’elle est là, en permanence, véritable force de la nature, et qu’i faut la fuir! Je suis donc aller demander l’hospitalité pour la veille du 12 fatidique, à des amis qui habitent une ancienne et charmante maison, datant des cavaliers et de Cromwell, nichées en un recoin de Great Collège Street, la plus pittoresque des petites rues qui serpentent à l’ombre du cloître et de l’Ecole de Westminster. A deux pas de cette vieille demeure, au bout de Millbank, une galerie couverte, temporaire-aimable attention-permet de gagner le chevet de l’abbaye de Westminster sans se soucier de la rigueur des éléments. Mais d’ailleurs, vers la fin de la journée de mardi, le ciel se nettoie; les rayons d’un pâle soleil dissipent les nuées et, comme je me rendais à mon logis proche du cloître de Westminster, je constate avec joie que les tours de l’abbaye, tout comme le palais du parlement, semble dorées par une chaude lumière qui promet merveille pour le lendemain.
Levé à cinq heures, je me rends dès avant sept heures au chevet de l’abbaye.
Sur la vaste place de l’Old Palace Yard, quelle agitation ordonnée! Les autos se succèdent, rapides; elles déversent leur cargaison humaine avec une vélocité déconcertante. Tout autour de moi, quel grouillement de robes écarlates ou pourpres, avec leurs hermines éclatantes de blancheur; beaucoup de court-dresses-habits de velours, culottes, bas, souliers à boucle d’argent, épées au côté- d’uniformes de conseillers privés. Un certain nombre de pairs et de pairesses sont venus par la Tamise, sur leur yacht ont débarqué sur le quai privé de la Chambre des Lord, d’où il leur est facile de gagner l’abbaye. Les membres du parlement, eux aussi, sont chez eux dans ces parages. Après la cérémonie, pairs et pairesses, députés et leurs femmes iront luncher dans leurs palais respectifs, dès le départ des souverains, tandis que le reste des mortels demeureront sous clé, sagement assis à leur place, en attendant les instructions des Gold Sticks Officers.
Francine du Canada
19 juillet 2014 @ 12:30
Merci Claude-Patricia; j’attendrai la suite… Bonne journée, FdC
Claude-Patricia
20 juillet 2014 @ 14:25
Le spectacle dans l’abbaye
De la très bonne place qui m’a été donnée, dans le haut de la tribune réservée aux membres du parlement, dans le transept sud, je vois, en face de moi, les fauteuils disposés en gradins où viennent s’assoir, avec une grâce et une majesté qui indiquent une longue habitude des cérémonies de cour, les pairesses, aux merveilleuses traînes de velours écarlates. Mais, au fur et à mesure que leurs rangs se forment, le rouge éclatant disparaît, et l’on ne voit plus que la blancheur des hermines, l’éclat des diamants, le scintillement des tiares. Les couronnes qu’elles ont posées sur leurs genoux jettent dans cette symphonie de blanche lumière une note cramoisie.
Au-dessus s’étagent les uniformes sombres, rehaussés d’or ou d’argent, des membres du parlement à qui ces tribunes ont été assignées, et des hauts fonctionnaires du Civil Service.
Plus haut, la grande rosace du transept nord jette tous les feux de sa verrière.
de part et d’autre, chaque arcade du triforium est remplie de spectateurs. Quelle animation! Quelle vie! Quelle orgie de couleurs! Ici les juges en perruques blanches et en robes écarlates. Plus loin, les lords-lieutenants du roi dans les comtés, aux uniformes brodés d’argent. Là-bas, d’autres uniformes, ceux du corps diplomatique, ruisselants d’or. Parmi les chaudes couleurs, rouges, livrée royale, se mêlent à l’éblouissement des costumes et des turbans diamantés des maharadjahs, des princes hindous, à la blancheur liliale des surplis des choristes, à l’éclat des parures qu’adoucissent les teintes les moins vives des étoles et des capes d’hermine.
Sous nos yeux, à la croisée des transepts et de la nef, entre le chœur, où s’allonge la ligne sombre des stalles, et le sanctuaire, où se dresse le maître autel, sur une plate-forme qu’on appelle le théâtre, voici les deux trônes, rouges, surélevés, l’un, celui du roi, de cinq gradins, l’autre celui de la reine, de trois gradins seulement et sur lesquels prendront place les souverains quand ils auront été oints et couronnés.
Devant l’autel, où resplendissent de grands plats d’or, un merveilleux tapis d’orient
se détache sur la moelleuse carpette beige qui recouvre tout le sol de l’église. Au pied de l’autel, sur la première marche, les deux prie-Dieu sur lesquels s’agenouilleront les souverains lorsqu’ils communieront.
Dans la partie du sanctuaire qui se trouve entre le maître-autel et la croisée des transepts, le trône d’Edouard sur lequel les rois d’Angleterre doivent s’assoir pour être couronnés-tradition vieille d’un millier d’années-et qui a pour siège la pierre de Scone qui, de temps immémorial servit au couronnement des rois d’Ecosse, jusqu’à ce qu’Edouard I la rapportât avec lui, en 1297, comme preuve irréfutable de la conquête définitive de ces souverains écossais dont descend, en ligne directe, par les femmes, la gracieuse et charmante reine Elizabeth. Revanche aussi inattendue qu’heureuse et opportune.
A droite, les deux fauteuils dénommés recognition chairs, sur lesquels s’assoiront le roi et la reine durant la première partie de la cérémonie. C’est de ce premier siège que se lèvera le roi lorsque l’archevêque de Canterbury le fera reconnaître (recognition) par son peuple. Derrière ces fauteuils, une vaste loge drapée de velours crème bordé d’or, sommée des armes du roi. Là se tiendront la reine Mary, la princesse royale, les princesses de la famille royale et les princesses royales Elizabeth et Margareth, filles des souverains.
De ma tribune élevée, je contemple avec ravissement le miracle de pierre qu’est la vénérable abbaye. Elle n’est jamais si belle qu’en cette cérémonie du couronnement, et je retrouve les impressions ineffaçables que j’avais déjà ressenties en 1911 lorsque, du haut du triforium longeant le transept nord, j’assistait au couronnement de Georges V. On ne peut se lasser d’admirer la sveltesse aérienne de la nef, dont les lignes hardies et d’une légère et ravissante sont un véritable enchantement. Cette vieille abbaye aux murs patinés par les siècles est un des plus beau poème de pierre que l’on puisse souhaiter pour cadre idéal au sacre millénaire de la plus ancienne dynastie d’Europe.
Le sacre est une cérémonie mise en scène avec un soin infini. Elle comporte une succession de tableaux réglés avec une minutie qui dépasse ce que l’on fait de mieux au théâtre.
L’arrivée des invités et des personnages qui prennent une part active à ce drame tout à la fois religieux et profane fait songer à de colossales entrées de ballets, avec cette différence que le cadre impressionnant de ces murailles et de ces piliers , baignés d’une lumière très douce et mystérieuse, donne un aspect solennel à toutes les évolutions rythmées de ces masses de figurants silencieux, discrets, qui osent à peine chuchoter, de temps à autre, pour demander une indication ou un renseignement. Un calme infini, impressionnant enveloppe choses et gens. On se sent en compagnie, et quelle compagnie! L’élite de la nation la plus aristocratique, la plus maîtresse d’elle-même, la mieux élevée qui soit encore sur notre planète en pleine folie. Le problème qu’ont dû résoudre le Earl Marshall, le duc de Norfolk, et ses collaborateurs, les hérauts du Collège royal d’armes, était de faire entrer et d’installer à leurs places numérotées près de 8000 personnes en l’espace de cinq heures. Le jeune duc a réussi, comme par miracle, le tour de force qui lui incombait héréditairement. La cérémonie s’est déroulée du commencement à la fin, dans un ordre parfait. Le mérite lui en revient entièrement, car je sais de bonne source, que depuis huit mois il a tout organisé, décidé, surveillé, contrôlé lui-même. Entre-temps il s’est marié, ce qui n’a nullement dérangé la routine presque féroce de ses occupations de chaque jour. La Jarretière, qui lui a été conférée hier, est la juste récompense d’un succès éclatant. Du reste, dans ce pays traditionnaliste, on se soumet de bon cœur à la loi, aux instructions officielles. Chacun accepte de prendre sa place, suivant un plan déterminé par des règles de préséance combinées avec l’emploi de l’ordre alphabétique. Chaque bloc d’invités, ainsi hiérarchisé, doit se placer de quart d’heure en quart d’heure, à partir de six heures du matin. Je connais des grands-croix d’ordres illustres, des pairs et des pairesses, et de simples « commoners », qui ont trouvé plus naturel de s’installer sur leurs petits tabourets ou dans leurs fauteuils plus ou moins confortables bien avant 7 heures et d’attendre paisiblement, et presque silencieusement, jusqu’à 11h l’arrivée des souverains.
A suivre…to be continued.
Francine du Canada
21 juillet 2014 @ 10:05
Merci Claude-Patricia, à lire ces descriptions (velours, hermines, or, argent, etc.) on peut presque ressentir l’atmosphère dans l’abbaye. Vivement la suite! FdC