Particulièrement visible des parisiens et réputée pour son allure lorsqu’elle met en scène le protocole militaire de l’État et la grande escorte présidentielle sur les Champs-Elysées, la Garde Républicaine consacre pourtant l’essentiel de ses moyens à des missions de sécurité.
Intégrée à la gendarmerie en 1849, la Garde Républicaine comprend deux régiments d’infanterie, un régiment de cavalerie, un état-major et des formations musicales (orchestre et chœur de l’armée française.
Dans le Paris du 13e siècle, il n’y a pas encore de rue ici… mais le Couvent des Célestins de Paris. Créé en 1352, le couvent des Célestins est un couvent renommé situé à proximité de l’hôtel Saint-Pol, résidence royale.
En 1365 fut posée la première pierre de leur église consacrée à l’Annonciation. Il abritait de nombreuses tombes d’illustres personnages (Jeanne de Bourbon, Louis d’Orléans…), qui en faisaient la plus grande nécropole royale après la Basilique Saint-Denis.
Leur domaine était très vaste, s’étendant de la rue du Petit-Musc à la Bastille et à la Seine. Au milieu du XVIe siècle, le roi reprit aux religieux une partie des terrains pour y installer l’Arsenal. Le cloître fut reconstruit sous François Ier, et les autres bâtiments conventuels furent refaits au XVIIe siècle.
En 1789, lors de la Révolution Française, le Couvent des Célestins est particulièrement exposé, car il se situe littéralement à côté de la prison de la Bastille (on voit même encore de petits fragments des fondations de la prison dans le square Henri-Galli). Il est profané.
Quelques pierres tombales sont sauvées par l’archéologue Alexandre Lenoir. Le bâtiment est occupé et perd alors définitivement sa fonction religieuse. Transformée en dépôt de bois durant la Révolution, l’église gothique fut ravagée par un incendie en 1795. Il accueille les gardes nationaux, puis des institutions pour sourds-muets et aveugles, avant d’être converti en caserne au tout début du 19e siècle.
Au 19e siècle, le baron Haussmann est en train de transformer Paris. Il décide de créer un axe pour relier la Seine à la place de la Bastille. Le tracé passe au beau milieu de l’ancien Couvent des Célestins.
Un tiers du bâtiment est détruit pour construire ce qui deviendra le boulevard Henri IV. Entre 1895 et 1901, les derniers vestiges du cloître sont abattus lors de la construction d’une nouvelle caserne, la caserne des Célestins. L’architecte Jacques Hermant (1855-1930), lauréat du concours, donne les plans des nouveaux bâtiments.
Jacques Hermant est encore jeune architecte à cette époque et ce projet important va lui apporter une certaine notoriété. Il réussit à tirer partie d’un terrain peu commode, formé d’un triangle imbriqué dans un trapèze. Il choisit la bissectrice de la partie triangulaire comme axe de symétrie. La pointe du triangle, donnant sur le boulevard Henri IV et la rue Sully, est la partie noble réservée à l’Etat-Major. Les bâtiments à trois étages sont les plus richement traités, comme en témoignent les façades brique et pierre ornées d’un décor sculpté.
Situé dans l’axe de la bissectrice, le manège est le second point fort du parti choisi. Séparé de la pointe du triangle par une vaste cour d’honneur entourée d’une piste pour les chevaux, il sert de contrepoint au bâtiment de l’Etat-Major. Enfin, les bâtiments secondaires, voués aux services, sont relégués à l’arrière.
Marqué par des préoccupations hygiénistes, l’architecte a pris le parti de fractionner le programme en disséminant les pavillons pour faire circuler l’air.
Pionnier du béton armé, Hermant n’hésite pas à recourir à ce matériau : le béton est utilisé pour les planchers portant les poteaux de chaque étage, mais il n’est pas laissé apparent. Inspirés des palais florentins, les bossages en pierre du premier niveau expriment un sentiment de « puissance calme ». Au-dessus, les façades de brique ocrée et les chaînages de pierre font directement référence à l’architecture française du début du XVIIe siècle.
Des écuries pouvant accueillir près de 500 chevaux sont construites autour d’une piste de 250 mètres destinée à la détente des équidés. Un manège rectangulaire d’une surface intérieure au sol de 53×22 m est construit, il porte le nom de Battesti, ancien officier de la Garde Républicaine, tué à l’ennemi en 1914. Cet espace est coiffé d’une structure métallique « Eiffel » et permet le travail des chevaux à l’abri des intempéries. Sur son fronton situé au-dessus de son entrée principale, un bas-relief signé Allard représente symboliquement un homme maîtrisant des chevaux en liberté, dans un style imitant le bas-relief de Robert Lorrain à l‘hôtel de Rohan (1736).
La Garde Républicaine découle des corps royaux ayant assuré la protection de Paris et de ses institutions depuis les rois francs. L’histoire de la France ayant connu plusieurs rebondissements et retournements, ceux-ci n’ont pas épargné la garde qui a été dissoute, recrée et renommée à plusieurs reprises.
Sous Napoléon Ier elle se nommait Garde Municipale. Actuellement, la Garde Républicaine fait partie de la gendarmerie nationale qui est un corps de police militaire. La Garde Républicaine, telle que nous la connaissons, a été créée par Napoléon en 1849 et ses membres sont des gendarmes, c’est-à-dire des militaires. Le concours est donc celui de la gendarmerie (concours de sous-officier) et pour intégrer la cavalerie, il faut détenir au moins un galop 5. Aujourd’hui, la Garde Républicaine est ouverte aux femmes et n’impose plus de stricts critères de taille (pendant longtemps, il fallait mesurer au moins 1m70). Il. Les femmes ne représentent encore que 10% des effectifs.
Il y a environ 500 missions d’honneur par an : accompagnement du président de la République, des dignitaires étrangers invités en France, défilé du 14 juillet…La Garde Républicaine contribue aussi au rayonnement de la France.
Mais la vraie mission qui occupe 80% du temps de la Garde Républicaine, c’est la sécurité ! Les patrouilles sont partout…Dans les rues de Paris, autour des lieux où se tiennent des concerts, des festivals ou de grands événements sportifs, comme au Stade de France par exemple, près des palais nationaux.
Il y a aussi des missions plus inattendues ! Par exemple, des cavaliers de la Garde Républicaine sont réquisitionnés chaque année pour surveiller les vendanges en Champagne, afin d’éviter le vol des (précieuses) grappes de raisin. Je suis une grande amatrice de champagne et je l’ignorais totalement ! Un peu plus tard dans l’année, ils vont surveiller les parcs à huîtres pour limiter les vols avant la période si stratégique des fêtes de fin d’année pour les ostréiculteurs ou surveiller les littoraux pendant la saison touristique.
Chaque cavalier a son cheval attitré, choisi par affinité. Point de palefrenier, chaque cavalier entretient son cheval. Jusqu’à ses 16 ans au moins, le cheval va tout partager avec son humain, les patrouilles comme les heures d’entraînement quotidiennes. Toutefois, le cheval est aussi monté par d’autres cavaliers afin qu’il reste docile avec tout le monde !
La plupart des chevaux sont de la race « Selle Français ». La couleur de la robe dépend de la caserne où l’on se trouve car chaque escadron a sa couleur : la fanfare et le 1er escadron, qui sont basés dans le quartier des Célestins, sont ainsi des alezans (brun roux, sans poils noirs).
Les 2e et 3e escadrons ont respectivement des chevaux en bais et bais brun. Achetés tout jeunes à des haras, les poulains commencent leur formation (le « débourrage ») à 3 ans à Saint-Germain-en-Laye. Vers l’âge de 4 ans, ils arrivent au sein de la Garde Républicaine où ils vont s’accoutumer à l’environnement militaire et à leurs futures missions de surveillance, avant d’être envoyés sur le terrain.
En général, le cheval travaille jusqu’à l’âge de 16 ans (sauf problème particulier). Il passe ensuite des visites vétérinaires régulières, permettant parfois de prolonger son service jusqu’à 18 ans s’il est en très bonne santé. Ensuite, c’est l’heure de la retraite !
Le cavalier peut acheter son cheval pour 1€ symbolique s’il prouve – par un solide dossier – qu’il pourra lui offrir une belle vie (un cheval vit en moyenne une trentaine d’années). Sinon, le cheval est vendu à un autre acquéreur qui, là encore, n’aura pas le droit de l’exploiter à des fins commerciales et devra prouver qu’il lui assurera une qualité de vie digne.
Ils sont répartis dans plusieurs écuries où ils disposent de boxes confortables, avec foin et pierre de sel, à leur nom, avec des petits écriteaux indiquant leur régime alimentaire.
Les chevaux sont ferrés tous les 45 jours (le fer protège le pied du cheval) par le maréchal-ferrant. Les chevaux disposent aussi d’un excellent suivi médical, avec 6 vétérinaires qui interviennent au quartier des Célestins.
Celui-ci dispose d’une salle d’opération dernier cri, permettant de prendre en charge les chevaux en souffrance si nécessaire. Le crottin est « recyclé » comme engrais et fourni aux agriculteurs qui gèrent les champignonnières de Paris.
La caserne des Célestins possède aussi son propre petit musée, quelques allées bordées de vitrines qui retracent l’histoire et montrent les uniformes de la Garde Républicaine au fil du temps. Il y a aussi une salle réservée à tous les métiers (exercés par des gendarmes) liés à la Garde Républicaine, du plumacier au palefrenier en passant par le bourrelier.
Visite guidée effectuée avec « Cultival ». Je tiens à remercier les gendarmes présents sur le site lors de notre visite pour leur accueil et leur gentillesse. (Merci à Guizmo)
🇨🇦 Mer Limpide 🌊
30 août 2021 @ 01:59
👍⚘
Vitabel
30 août 2021 @ 06:51
Merci Guizmo pour cet intéressant reportage.
DEB
30 août 2021 @ 08:09
1352 le roi est Jean II et c’est la fin de la peste noire.
Juste pour situer.
Claude patricia
30 août 2021 @ 08:22
Merci beaucoup pour ce reportage.
Leonor
30 août 2021 @ 09:01
Guizmo , vous êtes irremplaçable. Votre article est un bijou . Merci.
Gilles de Bise
30 août 2021 @ 09:16
Merci Guizmo de ce reportage particulièrement intéressant sur ce corps prestigieux qu’est la Garde républicaine! J’ai eu l’honneur d’être invité à la caserne Célestin pour assister à une cérémonie en 2005 et j’en garde un souvenir marquant. En outre, je ne manque pas de voir passer les motocyclistes lors des Tours de France!
Karabakh
30 août 2021 @ 20:46
Les motocyclistes sont à la caserne de Rose, à Dugny (Seine-Saint-Denis). Aux Célestins, il n’y a que des cavaliers. 😉
Pascal M
30 août 2021 @ 10:18
Guizmo, votre très interressant reportage me donne envie de visiter le quartier des Celestins!
Aldona
30 août 2021 @ 10:19
Merci Guizmo , très instructif
Beque
30 août 2021 @ 11:16
Merci, Guizmo, article passionnant comme tout ce que vous écrivez. J’ai lu qu’à la Révolution les tombeaux du couvent avaient été transportés au Musée des Monuments français, installé, en 1795, par Lenoir dans le couvent des Petits Augustins (actuelle Ecole des Beaux-Arts). Il y avait aussi fait transporter quelques vitraux qui représentaient, dans le choeur, Charles V et, dans la chapelle d’Orléans, François 1er et divers princes.
Lunaforever
30 août 2021 @ 11:58
Tant qu’on n’envoie pas les chevaux à la boucherie,c’est ok pour moi.👏👏👏
Karabakh
30 août 2021 @ 20:49
Cela tombe bien, puisqu’au terme de leur carrière, ils sont confiés à des particuliers (souvent d’anciens gardes ou leur dernier cavalier) ou des associations. J’en connais un qui fait le bonheur de jeunes personnes schizophrènes, et sert leur inclusion, voire leur insertion professionnelle. 😉
Marie-Saintonge
30 août 2021 @ 12:24
Passionnant merci infiniment Guizmo.
Vraiment chouette d’être cheval à la Garde Républicaine !
Claudia
30 août 2021 @ 14:51
Je connais plutôt mal ce quartier, et ce reportage bien complet me donne envie d’aller m’y promener.
Michelle
30 août 2021 @ 15:38
Mon grand- père était forgeron et je me rappelle tres bien de l odeur de sa forge et pour une filette de 5 ans l énormité et la noblesse des chevaux, que de beaux souvenirs vous me remémorer ce matin.
Merci Guizmo pour tous ces détails, j ignorais que chaque caserne avait une couleur particulière.
Ciboulette
30 août 2021 @ 17:14
Vous en avez de la chance , Guizmo ! Merci de nous faire partager vos connaissances , l’intérieur des Célestins , le plan extrêmement intéressant et , bien sûr , la vie des chevaux .C’est passionnant !
Gérald
30 août 2021 @ 17:27
@Michelle
Mon grand-père m’emmenait chez le maréchal-ferrand quand il allait faire ferrer ses chevaux. Et ce dont je me souviens le plus, c’est l’odeur de corne brûlée quand le fer rougi au feu était appliqué sur le sabot. J’étais persuadé que cela lui faisait mal, malgré les assurances contraires du maréchal-ferrant !
Gérald
30 août 2021 @ 17:28
(que ça faisait mal au cheval en cours de ferrage, pas au maréchal-ferrant ni à mon grand-père !)
Leonor
30 août 2021 @ 17:03
Regardez cela ! Une charge de la Garde, sabre au clair.
https://www.youtube.com/watch?v=jaWCgdD7jlg&ab_channel=sulkytv
Des moments pareils, ça doit les dédommager de leurs innombfrables heures de travail ingrat, de maîtrise, ou d’immobilisme.
J’admire tout particulièrement celui qui sonne la charge tout en galopant. Idem pour le cheval, qui en prend plein les oreilles !
Allez ! Z’êtes beaux ! OU belles, d’ailleurs.
Ciboulette
31 août 2021 @ 15:50
Merci , leonor , j’en ai la chair de poule !
Danielle
30 août 2021 @ 17:11
J’ai visité ce très beau lieu lors d’une journée portes ouvertes et assisté à des représentations, quel plaisir !
J’ai également acheté le livre qui est consacré à cette institution et qui avait été recommandé sur ce site l’année dernière, un régal.
Merci Guizmo.
Leonor
30 août 2021 @ 17:16
Et puis, écoutez et regardez cela : la Musique de la Garde, qui enregistre pendant le confinement, càd. chacun des musiciens chez lui at home .
C’est archi-difficile à faire, on l’a fait dans mon choeur : de quoi s’arracher les cheveux.
Et puis, imaginez les voisins 😣😡🤬 !
JAusten
30 août 2021 @ 17:32
je vais faire un collector de vos articles Guizmo et la prochaine fois que je vais à Paris, cela me servira de guide.
Merci
Hervé J. VOLTO
30 août 2021 @ 18:07
Dans les coulisses de la Garde Républicaine
https://www.youtube.com/watch?v=YbHV40fiAAA
HRC
30 août 2021 @ 18:29
Merci Guizmo.
Le manège fait rêver.
Pistounette
30 août 2021 @ 20:24
Merci Guizmo, très intéressant !
Phil de Sarthe
31 août 2021 @ 20:46
Innombfrables? Vous pouvez traduire svp? Chère Léonor….