L’église Saint-Étienne-du-Mont est située dans le Quartier latin de Paris, sur la montagne Sainte-Geneviève, à deux pas du Panthéon.
L’église Saint-Étienne-du-Mont est étroitement liée à l’histoire de l’abbaye Sainte-Geneviève (aujourd’hui le lycée Henri IV). En 510, Clovis fit construire à l’emplacement de l’actuelle rue Clovis (qui borde l’église Saint-Étienne-du-Mont) une basilique dédiée aux apôtres Pierre et Paul. Sainte Geneviève y fut inhumée. De nombreux religieux vinrent s’établir autour de l’église où reposait la sainte, qui devint au 12e siècle une importante abbaye.
Au début du XIIIe siècle, Philippe Auguste fait entreprendre la construction d’une nouvelle muraille pour ceinturer Paris. Le quartier de l’abbaye, qui s’étend justement près de la muraille, en est sécurisé ; sa population s’accroît. Conséquence : l’église abbatiale, qui sert aussi pour les paroissiens, ne suffit plus. Une église paroissiale est alors construite, dédiée à saint Étienne. Elle est intégrée dans le cloître et les moines conservent la haute main sur sa gestion.
À la fin du XVe siècle, devenue à son tour insuffisante, elle est remplacée par un édifice plus vaste. En 1492, les moines génovéfains (chanoines de l’abbaye Sainte Geneviève) font don d’une partie de leurs terres pour la construction de la nouvelle église. Les travaux, menés sous la direction de Jean de Turbillon, commencent par le chœur. Puis ce chœur s’étoffe de sept chapelles rayonnantes que de riches familles du quartier se font bâtir. La construction complète de l’église va s’échelonner sur plus d’un siècle (de 1492 à 1626) et traverser les guerres de Religion, d’où une évolution des styles, passant du gothique à la Renaissance.
Les maîtres maçons Nicolas Beaucorps, son fils Antoine, puis Pierre Nicolle se succèdent à la tête du chantier. La nouvelle église, qui abrite des reliques de saint Étienne, est accolée à l’abbatiale. Au début du XVIIe siècle, est construit, au chevet de l’église, le cloître des Charniers.
Dans les premières décennies de son existence, l’église va s’embellir grâce au mécénat privé et aux dons des confréries : chapelles, tableaux, vitraux et autels se multiplient. Pour ce qui est de la luminosité, les baies de l’étage médian sont en verre blanc. Et ce choix est une réussite : en dépit de nombreuses verrières historiées et colorées, Saint-Étienne-du-Mont baigne dans la lumière.
Le XVIIIe siècle et ses grands programmes architecturaux ne modifient pas l’église : son aménagement peu commun la protège et le quartier n’est guère dynamique.
La Révolution dépouille entièrement l’édifice. Ne restent que le jubé, l’orgue de tribune et la chaire à prêcher. L’église devient temple de la Piété filiale, à l’usage d’un nouveau culte : la théophilanthropie. Cependant, dès juillet 1795, les prêtres catholiques reviennent et partagent l’église avec les théophilanthropes.
En 1807, l’église abbatiale Sainte-Geneviève, dévastée par le pillage, est détruite. Seul subsiste son clocher (actuellement tour Clovis). Les bâtiments du monastère vont devenir le lycée Henri IV. Quant au Panthéon, bâti sous Louis XV pour remplacer l’église abbatiale, la Révolution en avait fait un édifice consacré aux gloires de la France.
Sous le Premier Empire, l’ameublement va s’enrichir ; des tableaux anciens décorent les chapelles et au cours du XIXe siècle, les dons des paroissiens redonnent vie à son ornementation. Restaurées sous le Second Empire par Baltard, toutes les statues et sculptures de la façade datent de 1862. Celle-ci reste néanmoins un superbe exemple de décor Renaissance intégré à une structure du Moyen-âge. Il construira aussi la chapelle des catéchismes (1857).
L’intérieur, long de 68 mètres (223 pieds), comporte une nef à cinq travées avec bas-côtés très élevés et chapelles latérales, lesquelles se poursuivent devant les façades d’un transept non saillant, et un chœur entouré d’un déambulatoire et de chapelles. Les piliers séparant la nef des collatéraux sont ceinturés à mi-hauteur par une audacieuse coursière
Le chœur de l’église, achevé en 1540, appartient au style gothique flamboyant. La nef, d’époque Renaissance, n’est pas voûtée avant 1584. La première pierre de la façade est posée en 1610 par Marguerite de Valois, qui a consenti à cet effet un don personnel de 3000 livres. L’église possède également la particularité d’avoir l’axe du chœur incliné par rapport à celui de la nef et de ce fait de ne pas avoir de symétrie axiale.(sans doute en raison de la forme du terrain).
Un magnifique jubé coupe l’édifice en deux et en fait son principal atout artistique. Elément remarquable de l’église, le jubé construit au début du XVIème siècle, est le seul subsistant à Paris. Au Moyen Age, le jubé est à la fois une barrière séparant le chœur, où se tiennent les religieux et les chanoines, de la nef où sont les simples laïcs, et une tribune d’où est proclamée la Sainte Parole . Avec la volonté de rendre le déroulement des cérémonies de la messe visible pour tous, la plupart des jubés disparaissent au XVIIIème siècle.
Ce jubé allie une structure gothique interne et une ornementation pleinement Renaissance. La balustrade est un entrelac de dentelle de pierre, sculpté dans du calcaire de Saint-Leu. Deux escaliers à claire voie s’enroulent autour des piliers, desservant à la fois le jubé et la coursive, dont la fonction exacte, autre que décorative, n’est pas bien établie.
Alors que les noms de la plupart des artisans ayant participé à la construction de l’église sont connus, curieusement on ignore l’auteur de ce chef-d’œuvre.
Le beau Christ en croix qui surmonte le jubé, œuvre de Ulrich de Grienewald, provient de la chapelle de l’Ecole polytechnique, supprimée en 1830.L’ensemble du jubé et de la clé de voûte constitue un magnifique cadre pour l’autel moderne de la maison Cheret.
Le buffet du grand orgue fut construit et sculpté en 1631 par Jehan Buron, maître menuisier. C’est le plus ancien de Paris et, de plus, il nous est parvenu dans son état d’origine. Seule une partie des 7.000 tuyaux, allant de 3 mm à 5,5 m de haut, est visible. Répartis en 90 jeux, ils placent cet orgue au 5ème rang parisien.
Parmi les facteurs d’orgue ayant travaillé à Saint-Etienne du Mont citons : Pierre Pescheur, auteur de l’instrument d’origine (1636) dont il ne reste rien, François-Henri Cliquot (1772), et Cavaillé Coll (1863).
L’instrument a eu des titulaires célèbres parmi lesquels Maurice Duruflé. Né en 1902, il en fut titulaire de l’âge de 28 ans jusqu’à sa mort en 1986.
Actuellement, il est tenu par Thierry Escaich, victoire de la musique en 2002 et 2006, et Vincent Warnier.
La chaire, datée de 1651, qui remplaça le jubé pour la prédication, est un bel exemple de l’art baroque avec l’emphase qui le caractérise. Les sculptures sont de Lestocard (élève de Sarazin) qui travailla sur des dessins de La Hire.
La cuve est soutenue par une puissante représentation de Samson ; les sept statues féminines autour de la cuve, inspirées de la sculpture classique, représentent les vertus cardinales et théologales. Les panneaux qui entourent la chaire racontent l’histoire de saint Etienne, alternant avec des ovales représentant les évangélistes et deux grands Docteurs de l’Eglise, saint Jérôme et saint Augustin.
La galerie des vitraux des Charniers qui comptent , après la Sainte-Chapelle, le plus vaste ensemble de vitraux des XVIe et XVIIe siècles à Paris. Une vingtaine de verrières, qui sont un témoignage unique de l’art de la vitrerie émaillée, qui fut florissant à Paris dans le premier tiers du XVIIe siècle. Les vitraux sont exceptionnels à plus d’un titre :
- Leur technique, l’émail peint, est à la fois rare et précieuse ; elle permet une grande subtilité dans les nuances de couleur.
- La complexité et la cohérence du programme iconographique, destiné à promouvoir les dogmes catholiques pour lutter contre la Réforme protestante, sont également remarquables.
- La profusion et le raffinement des détails, qui viennent enrichir chacune des scènes représentées.
Depuis le début du 19e siècle, l’église Saint-Étienne-du-Mont accueille les reliques de sainte Geneviève. La châsse d’origine, qui se trouvait dans l’ancienne église Sainte-Geneviève (devenue le Panthéon), était recouverte d’or, d’argent, de diamants et de pierreries. En 1793, les matières précieuses furent fondues, les pierres récupérées, et les restes de la sainte brûlés par les révolutionnaires place de Grève
En 1803, le curé de l’église Saint-Etienne-du-Mont retrouva dans la crypte de l’église Sainte-Geneviève un fragment de l’ancien sarcophage où Geneviève avait reposé jusqu’au 9e siècle. Il est aujourd’hui enfermé dans le reliquaire en cuivre doré à l’intérieur de l’église.
Aux XVIIe et XVIIIe siècle, l’église Saint-Étienne-du-Mont jouit d’un grand prestige. Elle est le théâtre de grandes processions où la châsse de Sainte-Geneviève se rend à Notre-Dame pour revenir ensuite dans son église.
L’église accueille également les dépouilles de Pierre Perrault, père de l’auteur des Contes Charles Perrault, du peintre Eustache Le Sueur et de Pascal, mort sur le territoire de la paroisse,. Celles de Racine et d’Isaac Lemaistre de Sacy sont également transférées en 1711 de Port-Royal à Saint-Étienne. Des plaques commémoratives sont visibles de part et d’autre de la chapelle de la Vierge.
Enfin, l’imposante façade est exécutée de 1610 à 1622 dans le style Renaissance. C’est la plus belle façade d’église réalisée dans le style Renaissance à Paris.
Saint Etienne du Mont est classée Monument historique depuis 1862. Ma visite guidée a été effectuée avec « de mots et des arts ». (merci à Guzmo)
Claudia
11 octobre 2021 @ 07:43
Cette église est absolument remarquable, rien qu’avec son jubé intact, et la la galerie des vitraux vaut vraiment d’y faire un tour. Merci pour ce beau reportage.
Beque
11 octobre 2021 @ 08:31
La confrérie des porteurs de la châsse de Sainte Geneviève est très ancienne. Il y eut, d’abord, les porteurs de la châsse de Saint Marcel qui venaient en procession chercher la châsse de Sainte-Geneviève, le clergé étant en tête du cortège. Ils empruntaient la rue Saint-Jacques, puis le Petit Pont et entraient dans l’église Saint Étienne du Mont. Les rues avaient été nettoyées et les maisons tapissées. La procession se rendait jusqu’à Notre-Dame de Paris.
De nos jours, le premier dimanche qui suit la fête de Sainte Geneviève (le 3 janvier), a lieu une bénédiction de Paris par l’évêque aux Armées sur le parvis de Saint Etienne du Mont, suivie d’une procession jusqu’au pont de la Tournelle et non plus, provisoirement, espère-t-on, jusqu’à Notre-Dame de Paris, une croisière fluviale acheminant les paroissiens de Nanterre (ville de naissance de Sainte Geneviève) jusqu’à Paris. Les confréries des Porteurs de la Châsse et des Dames de Sainte Geneviève défilent en tête.
L’abbaye Sainte Geneviève fut supprimée en 1790 et la prestigieuse bibliothèque – créée par son abbé, le cardinal de La Rochefoucauld en 1619 – devint propriété de l’Etat. Elle renfermait alors 58.107 volumes et 2.013 manuscrits. Sous l’Empire, le lycée Napoléon hérita des bâtiments de l’abbaye et, pendant plusieurs décennies, utilisa à son profit cette bibliothèque exceptionnelle avant son transfert à la Bibliothèque Nationale, puis dans les locaux de la Bibliothèque Sainte Geneviève (en 1842). Au-dessus du cellier de l’abbaye, une magnifique salle gothique transformée en chapelle pour le nouveau lycée abritait, à l’origine, le réfectoire des religieux. L’oratoire avec ses pilastres corinthiens et ses chapiteaux fut converti en laboratoire et classe de physique. Le lycée devint Collège royal Henri IV en 1815, Lycée Napoléon en 1849, lycée Corneille en 1870, Lycée Henri IV depuis 1873.
Evelyne B
11 octobre 2021 @ 10:47
L’église de Paris que je préfère !
Ciboulette
11 octobre 2021 @ 14:56
Merci , Guizmo , pour cet article qui me fait découvrir cette église que je ne connaissais que de nom .Le jubé à lui seul est une splendeur .
Teddy
13 octobre 2021 @ 01:16
Les sarcophages de Clovis et clothilde avant son elevation en reliques sont au milieu de la rue clove
Caroline
11 octobre 2021 @ 15:30
Merci à Guizmo pour cet article très bien documenté jusqu’ au dernier détail !!! 👏👍
Pistounette
11 octobre 2021 @ 18:47
Guizmo, votre reportage complète l’article que j’avais fait le 7 mai 2021 avec « Tout Paris en vidéo », indiquant (entre autres) que c’était la dernière église parisienne où l’on peut voir un jubé
C’est très bien 😊😊😊
Beque
12 octobre 2021 @ 09:34
Oui, je m’en souviens très bien, Pistounette, et, depuis j’ai découvert, à Troyes, le jubé de l’église Sainte-Madeleine, une merveille de dentelle !
Danielle
11 octobre 2021 @ 19:50
Je connais cette belle église dont le jubé est splendide.
Merci Guizmo pour ce rappel.
Alice
12 octobre 2021 @ 02:03
Merci pour cet article sur une des plus belles églises de Paris.
Beque
12 octobre 2021 @ 13:00
Louis XV, à l’article de la mort pendant le siège de Metz, en 1744, avait promis à Sainte Geneviève, patronne de Paris, qu’il ferait reconstruire une basilique en son honneur à la place de la Basilique Sainte Geneviève, en très mauvais état (donc l’actuel Panthéon). Il avait reçu l’Extrême-Onction des mains de Mgr de Fitz-James, évêque de Soissons, Grand Aumonier du Roi, fils du duc de Berwick, fils illégitime du roi Jacques II de sa liaison avec Arabella Churchill.
Il me semble que c’est lors du percement de la rue Clovis que fut éventrée l’église abbatiale Sainte Geneviève dont il ne reste que la Tour Clovis. Il paraît que les meilleurs élèves d' »Henri IV » ont le droit de monter en haut de la tour.