L’ensemble Smolny à Saint Petersbourg est un chef-d’œuvre du style baroque élisabethain. Smolnaya était un village dans une boucle de la Neva où l’on calfeutrait les bateaux construits à l’amirauté.
A l’emplacement où, du temps de Pierre le Grand, se trouvait la cour des Poix (Smolianoï ou Smolny Dvor) lieu où l’on distillait et conservait le goudron (smola) indispensable à la construction des navires. Pierre le Grand y avait une petite résidence d’été, qui sera remplacée par le palais Smolny en 1720.
Au départ, en 1723, les lieux furent dédiés à une résidence d’été de la fille de Pierre le Grand, Elisabeth Petrovna (1709-1761). Cette dernière fut écartée du trône en 1725 (mort de Pierre Ier), mais une période d’intrigues l’amena finalement au pouvoir en 1741.
Très pieuse, elle décida immédiatement de transformer le lieu en un couvent pour les veuves de la noblesse où elle se retirerait une fois âgée. C’est pourquoi ce couvent fut conçu comme un véritable palais, à l’emplacement de celui où elle avait passé son enfance.
Elle en confia en 1748 la réalisation à Bartolomeo Rastrelli (1700-1771), architecte par ailleurs du palais Catherine à Pouchkine et du palais de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Celui-ci édifia un ensemble de bâtiments dont le coeur est la cathédrale de la Transfiguration.
L’aspect extérieur de la cathédrale qui mélange les baroques italien et russe est très gracieux avec ses deux couleurs bleue et blanche, ses dômes à bulbes, ses multiples colonnes et pilastres légers et ses nombreuses ouvertures. L’intérieur est en forme de croix grecque et d’une grande simplicité.
La tsarine avait ordonné que l’église du couvent fût construite sur le modèle de la cathédrale de l’Assomption au Kremlin de Moscou, avec un campanile comme le clocher d’Ivan le Grand.
Sous la direction de Rastrelli, on commença par construire une maquette, avec un campanile géant a l’entrée, dont la hauteur devait dépasser les 140 mètres. Cette maquette, qui existe toujours, se trouve au Musée de l’Académie des Beaux-Arts, à Saint-Pétersbourg mais on ne put réaliser entièrement le projet. Du vivant de Rastrelli, l’aménagement des autres bâtiments du couvent resta inachevé.
Aujourd’hui encore, on est surpris par la différence entre l’extérieur, d’un baroque plutôt chargé, et l’intérieur de la cathédrale, d’un blanc presque virginal (pour un couvent…).
Catherine II (1729-1796) n’aimant pas le style baroque du couvent de Smolny, elle fit interrompre les travaux en 1762 !
Ce n’est que bien plus tard, après 1830, que Vassili Stassov (1769-1848) mena à terme ces travaux, tout en respectant soigneusement le style et surtout la composition de l’auteur. L’intérieur de l’édifice ne sera achevé qu’en 1835 dans un style néoclassique. L’ensemble n’en dégage pas moins une réelle harmonie.
La cathédrale est l’édifice central de l’ensemble environnant du couvent de Smolny. Comme tant d’autres, à l’époque soviétique elle fut partiellement pillée et subit des pertes, alors que le couvent fut fermé. La cathédrale servit longtemps d’entrepôt, puis de salle de concert à partir des années 1980. Depuis 2009, on y célèbre le culte.
Institut Smolny, qui jouxte directement le couvent
Cet institut a été fondé par décret signé de Catherine II le 7 mai 1764. Le but est de donner une bonne éducation à des « jeunes filles de familles nobles« , à l’initiative d’Ivan Betski, figure de proue du règne de Catherine II, amoureux de la pédagogie.
L’institut (photo de 1912) est dirigé pendant plus de trente ans par Madame de Lafont à l’image des demoiselles de Saint-Cyr en France.
Situé initialement dans les locaux du monastère édifié par l’architecte Rastrelli, il se révèle peu adapté à l’enseignement. En 1806-1808, un nouveau bâtiment est donc construit par Giacomo Quarenghi (1744-1817), maître de l’architecture classique.
Sa façade jaune et blanche, dont les retours d’ailes donnent au plan la forme d’un « U », semble particulièrement austère par comparaison aux pittoresques édifices de Rastrelli. Quarenghi avait disposé son édifice de manière que le regard pût embrasser de loin l’ensemble ponctué en son centre d’un portique octostyle.
Les locaux intérieurs, comme toujours chez Quarenghi, étaient vastes et commodes. Tous se distinguaient par leur grande simplicité, à part la salle des fêtes aux colonnes blanches, située dans l’aile du Sud.
Jury de fin d’année, composé de personnalités religieuses, militaires et civiles.
Environ 200 jeunes filles de la noblesse et pupilles de 6 à 18 ans y ont reçu une éducation stricte par promotion. Les cours duraient 12 ans, divisés en 4 cycles de 3 ans chacun.
C’est lors d’une cérémonie de fin d’année scolaire, toujours sous le patronage du couple impérial, que le tsar Alexandre II remarqua Catherine Dolgouriki, qui transforma sa vie sous le nom de… Katia.
Pendant la Révolution de 1917, le bâtiment est devenu le quartier général des bolchéviks, et c’est de là que partit l’insurrection du 25 octobre. Résidence de Lénine pendant quelque temps, avant qu’il ne retourne au Kremlin de Moscou, puis le siège de la section locale du parti communiste. En 1927 un monument à Lénine est érigé devant l’Institut.
Après 1991, c’est la résidence du maire de la ville (gouverneur après 1996). Vladimir Poutine y a travaillé de 1991 à 1997 dans l’administration de Anatoli Sobtchak. (Merci à Pistounette)
Clara
9 mars 2021 @ 04:44
Merci ! Enfin j’en sais un peu plus sur Smolny.
Philibert
18 mars 2021 @ 23:26
Mais il y a quand même une erreur au début de l’article, quand il est dit : « Smolnaya était un village dans une boucle de la Neva où l’on calfeutrait les bateaux construits à l’amirauté ».
On ne calfeutre pas des bateaux, mais on les CALFATE, c’est-à-dire qu’on rend leur coque en bois étanche à l’eau.
Ciboulette
9 mars 2021 @ 05:12
Grand merci à Pistounette . Le contraste entre l’architecture de la cathédrale et celle de l’Institut est remarquable . On pense effectivement au modèle de Saint-Cyr voulu par Madame de Maintenon .
Bambou
9 mars 2021 @ 06:32
Que des chefs-d’œuvre à St Pétersbourg…!
Pascal
9 mars 2021 @ 06:52
Magnifique !
Phil de Sarthe
9 mars 2021 @ 06:56
Vous nous régalez Pistounette….Quel est votre secret? Y êtes vous née?
Pistounette
9 mars 2021 @ 12:38
@ Phil de Sarte
Non, je n’y suis pas née… mais c’est une ville qui me fascine depuis très longtemps. En outre j’ai la chance, au fil des ans, d’y avoir deux amies russes qui me font voir plein de beautés « hors touristes »
BEQUE
9 mars 2021 @ 17:43
Pistounette, j’élargis un peu le sujet Saint Petersbourg en lisant les Mémoires de Wladimir d’Ormesson, « De Saint Petersbourg à Rome » (publiées en 1969) dédiées entre autres à son père Olivier, conseiller à l’ambassade de France à Saint-Petersbourg en 1886. Il écrit que ses parents habitaient quai des Anglais, au-dessus de l’ambassade d’Espagne et c’est là qu’il est né le 2 août 1888. Il ajoute : « Mes parents se plaisaient beaucoup à Saint-Petersbourg où ils menaient la vie d’un autre âge. Ma mère me racontait souvent les fêtes des « Mille et Une Nuits » auxquelles elle avait assisté à la Cour de Russie, ces soupers pantagruéliques, ces ballets de féerie, ces feux d’artifice, ces uniformes, ces pierreries, ce déploiement de splendeurs orientales. Elle avait conservé les menus des repas officiels auxquels elle avait pris part. On croit rêver en énumérant cette litanie d’entrées, de rôtis, d’entremets, de volailles et de sucreries ».
Ciboulette
9 mars 2021 @ 17:00
On ne peut pas , à mon avis , se rendre à Saint-Pétersbourg sans en tomber amoureux !
agnes
9 mars 2021 @ 07:42
Magnifique, merci.
G de G
9 mars 2021 @ 09:06
Vous vouliez écrire « calfatait » je pense au lieu de « calfeutrait »…
Pistounette
9 mars 2021 @ 12:33
@ GdeG
Non non , je voulais bien écrire Calfeutrer = Boucher des fentes avec un bourrelet (pour empêcher l’air et le froid de pénétrer).
Calfeutrer les fentes des coques de navire avec du goudron (smola), ce dernier étant un scellant
Si aujourd’hui le vocable « calfeutrage » évoque l’action de sceller les portes et les fenêtres, historiquement le terme s’est d’abord appliqué à la fabrication et réparation de bateaux, puis en chaudronnerie…
Vous pouvez voir cela dans « Historique et évolution du mot calfeutrage » sur Internet
HRC
9 mars 2021 @ 13:46
Donc calfeutrer vient de calfater qui est plus ancien.
Je vais vérifier. Si je me suis trompée, je le dirai.
HRC
9 mars 2021 @ 14:01
Je confirme (j’aime tester ma mémoire vieillissante..)
Calfater vient de l’arabe par le grec.
Calfeutrage dérivé par le provençal ou génois de calfater. Au XIII e les 2.
Se calfeutrer 2 siècle plus tard.
Dictionnaire historique de la langue française. Alain Rey.
HRC
9 mars 2021 @ 15:50
s.. siècles
Ciboulette
10 mars 2021 @ 15:28
Bravo , HRC , de rajeunir nos souvenirs de vocabulaire .
Antoine
9 mars 2021 @ 11:19
Très intéressant reportage. La couleur des façades des palais russes me fascine. Chez nous, sauf dans le midi, c’est plus morne.
Kardaillac
9 mars 2021 @ 11:48
Le reportage de Pistounette (décliné en plusieurs billets) nous fait comprendre que la beauté de Saint-Petersbourg est inépuisable.
Bravo et merci, les photos sont très réussies.
Guizmo
9 mars 2021 @ 12:20
La cathédrale de la Résurrection est la pièce maîtresse de l’ensemble monastique de la Vierge-et-de-la-Résurrection communément appelé Smolny du fait de la proximité de la cour du même nom. Ensemble investi par les apparatchiks pendant la période soviétique la cathédrale fut restituée au clergé orthodoxe en 2009. Merci beaucoup Pistounette de nous en parler.
Pistounette
9 mars 2021 @ 15:48
@ Guizmo
Je suis amusée à chaque petit article que je fais, lorsque vous ajoutez votre commentaire. Vous reprenez la plupart du temps une partie de mon texte, en ajoutant votre « grain de sel ». Bien sûr ma remarque n’est en rien un reproche, car vous êtes toujours intéresssant 😊😉
Marie Saintonge
9 mars 2021 @ 13:44
Merci de ce très beau reportage.
J’aimerais tant y aller ! Mais pour le moment avec ce fichu virus, pas facile.
Danielle
9 mars 2021 @ 16:24
Superbe lieu, merci Pistounette.
Pastelin
9 mars 2021 @ 16:31
Merci beaucoup Pistounette. Ces visites virtuelles sont super!!! Et ne donnent qu’une envie, aller admirer sur place!!!
PATRICIA
9 mars 2021 @ 21:36
Il me semble que la Cathédrale est la cathédrale St Nicolas des Marins. Si je me souviens bien, ce n’est pas très loin du Théâtre Marinsky.
Pistounette
10 mars 2021 @ 13:16
@ Patricia
Non, Patricia… la cathédrale Saint-Nicolas des Marins n’est pas du tout la même… bien qu’on puisse confondre, j’en conviens. Il y a un petit air de ressemblance, avec le blanc et le bleu, mais différente avec de grands bulbes dorés.
Notre-Dame des Marins est en effet proche du Mariinsky
PATRICIA
10 mars 2021 @ 22:27
Merci Pistounette, votre article avait jeté le doute dans mon esprit. Vous avez beaucoup de chance d’avoir vos guides sur place (Comme Gilbert Bécaud avec « Nathalie »;)
PATRICIA
9 mars 2021 @ 21:37
Pistounette, merci pour cet article extrêmement bien documenté.
Caroline
9 mars 2021 @ 23:00
Ma-gni- fique !
Bien merci à Pistounette, notre ‘ chroniqueuse ‘ sur la belle ville de Saint- Petersbourg !!!
Ghislaine LPB
10 mars 2021 @ 10:49
Merci Pistounette grâce à vous je découvre terminé ce qui était en réfection quand j’ai visité St Petersbourg . C’est réussi .