Devant l’arsenal du Kremlin, trônent les 900 canons laissés par la Grande Armée de Napoléon au cours de sa déroute.Entré au Kremlin le 15 septembre 1812, Napoléon a dû se résoudre à se retirer de Moscou le 19 octobre avec ses 100 000 hommes français et alliés, ses armes et ses butins de guerre, tout en laissant derrière lui 8000 hommes chargés de faire sauter les édifices encore debout.
La retraite a duré plus de 3 mois et a été meurtrière pour les troupes assaillies par les soldats russes, la rigueur de l’hiver et la faim.
Le tableau du peintre russe Pryanishnikov, peint en 1874, exposé dans la galerie Tretiakov de Moscou, illustre la lente agonie des soldats rescapés.
Les canons de la Grande Armée attestent de la diversité des contingents de la Grande Armée (N de Napoléon ou couronnes étrangères gravés). Sur les 600 000 soldats partis en Russie, il y avait des français mais aussi des prussiens, des autrichiens, des italiens, des polonais…..
Les noms insolites donnés aux canons des troupes françaises ont insufflé un peu d’humour dans le désastre de cette guerre.(Merci à Agnès pour ce reportage à Moscou)
agnes
23 octobre 2014 @ 08:23
3 mois, c’est temps qu’il a fallu pour quitter le territoire russe à cause de :
la faim, la difficulté de se ravitailler, des combats contre les russes, la bataille de la Berezina et la traversée épique de la rivière de la Berezina grâce au sacrifices des pontonniers…..
COLETTE C.
23 octobre 2014 @ 08:50
Conservateurs, les russes ! merci, Agnès.
Philippe gain d'enquin
23 octobre 2014 @ 11:02
Voici une information qui détonne! Sans vouloir abuser de la gentillesse de « notre correspondante à Moscou », pourrait-elle nous dire où ces pièces ont été fondues? Sachant que dans le Septentrion, la fonderie de Douai (dpt. du Nord) fut l’une des principales de France. Si cela est possible ma reconnaissance sera grande. PGE
agnes
23 octobre 2014 @ 16:50
Quand je retournerai au Kremlin, je chercherai si on trouve l’info gravée sur les canons.
Philippe gain d'enquin
24 octobre 2014 @ 08:33
Grand merci à vous, généralement il est écrit « Duacum »,, nom latin de cette ville. J’en ai trouvé quelques uns cet été en visitant la citadelle de Spandau, près de Berlin, c’est comme cela que je les ai « identifiés »… PGE
Michèle
24 octobre 2014 @ 13:47
Si Agnès me le permet
Napoléon utilise trois sources d’approvisionnement pour l’armement de ses troupes.
1) Les manufactures d’Etat : Versailles, Tulle, Saint-Etienne, Liège et Turin pour les fusils, Kligenthal pour les baïonnettes, Douai, Indret, Ruelle, Le Creusot, Saint-Gervais pour les canons et cette liste n’est pas exhaustive.
2) L’industrie privée ; les de Wendel d’Hayange par exemple fourniront des boulets de canon et des essieux d’affûts et d’avant-trains.
3) Les magasins et arsenaux de l’ennemi qui seront les principaux pourvoyeurs de la Grande Armée en ce qui concerne l’artillerie.
Napoleon.org
Chaque canon est une pièce unique ayant une carte d’identité avec son calibre, son poids, son nom, celui du fondeur et les armes de France.
Indret, Le Creusot, Ruelle, Douai…. Fonderies royales, Napoleon Ier est venue en 1808 à Indret.
L’ancienne Fonderie de canons de Douai, construite à l’emplacement du donjon des comtes de Flandre.
Lorsque Louis XIV monte sur le trône en 1661, il décide de doter son armée d’une artillerie forte. En 1666 Louis XIV en confie l’exploitation aux frères Jean-Jacques Keller et Hans Johann-Balthazar Keller vom Steinbock, fondeurs suisses très réputés à Douai, ils proposent un modèle de canon en bronze décliné sur plusieurs calibres, qui deviendra le canon classique français. En 1696, la Fonderie passe à la famille Bérenger dont Jean-François Bérenger né à Douai en 1725 en reprend les rênes en 1747
La fonderie douaisienne, « Fonderie du Roi Soleil ».
Michèle
Lesot
1 septembre 2018 @ 08:53
Bonjour,
Je suis tombé sur votre article sur les fondeurs de canons sous Napoléon.
dans Noblesse & Royautés.
J’avais visité justement le Kremlin et j’ai vu tout ses canons dans une cour.
Dernièrement je viens de découvrir mon Nom gravé sur l’un des Canon de Napoléon.
Quel surprise de voir cela que je suis d’un descendant de Fondeur certainement de « La fonderie Douaisienne » en 1747, car je suis n’ atif du Nord de la France.
Une histoire que j’ai découvert et que j’ai passé à côté de ces canons aligné dans le Kremlin lors d’un voyage.
Photos : https://www.flickr.com/photos/20800336n08/albums/72157634890668112
Roger.
flabemont8
23 octobre 2014 @ 11:59
Tristes reliques d’un désastre …le tableau illustre parfaitement ce que l’on me disait dans mon enfance . Les Russes faisaient judicieusement remarquer qu’ils avaient orienté les canons vers la Douma …
Danielle
23 octobre 2014 @ 13:52
900 canons gardés, c’est tout de même impressionnant ! et toujours le N de Napoléon.
Francine du Canada
23 octobre 2014 @ 15:48
Merci Agnès pour cet excellent reportage et ces magnifiques photos et surtout pour celle de cette peinture de Pryanishnikov que je n’aurai peut-être jamais la possibilité de voir de mes yeux. Bonne journée à tous, FdC
Lady Chatturlante
23 octobre 2014 @ 19:04
J’en ai connu des canons, mais pas de ce calibre.
J’ai aussi connu des boulets. Chacun dans sa vie doit recevoir sa part de pluie…
Corsica
24 octobre 2014 @ 19:03
Notre chère lady est très en verve, pour notre plus grand plaisir .
Yannick
24 octobre 2014 @ 17:40
Engins de mort, mais belles pièces tout de même, j’apprécie beaucoup a qualité des gravures et le soin apporté à personnaliser chaque canon.
Corsica
24 octobre 2014 @ 19:06
Merci à Agnès pour son reportage et à Michèle pour ses précisions . Grâce à elles, je viens de découvrir que les canons avaient un » pédigrée » et surtout un nom .
Marie de Bourgogne
27 octobre 2014 @ 18:09
L’expiation (Victor HUGO)
Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
Pour la première fois l’aigle baissait la tête.
Sombres jours ! l’empereur revenait lentement,
Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.
Il neigeait. L’âpre hiver fondait en avalanche.
Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
Hier la grande armée, et maintenant troupeau.
On ne distinguait plus les ailes ni le centre.
Il neigeait. Les blessés s’abritaient dans le ventre
Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés
On voyait des clairons à leur poste gelés,
Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,
Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre.
Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs,
Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d’être tremblants,
Marchaient pensifs, la glace à leur moustache grise.
Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise
Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus,
On n’avait pas de pain et l’on allait pieds nus.
Ce n’étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre :
C’était un rêve errant dans la brume, un mystère,
Une procession d’ombres sous le ciel noir.
La solitude vaste, épouvantable à voir,
Partout apparaissait, muette vengeresse.
Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse
Pour cette immense armée un immense linceul.
Et chacun se sentant mourir, on était seul.
– Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ?
Deux ennemis! le czar, le nord. Le nord est pire.
On jetait les canons pour brûler les affûts.
Qui se couchait, mourait. Groupe morne et confus,
Ils fuyaient ; le désert dévorait le cortège.
On pouvait, à des plis qui soulevaient la neige,
Voir que des régiments s’étaient endormis là.
Ô chutes d’Annibal ! lendemains d’Attila !
Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières,
On s’écrasait aux ponts pour passer les rivières,
On s’endormait dix mille, on se réveillait cent.
Ney, que suivait naguère une armée, à présent
S’évadait, disputant sa montre à trois cosaques.
Toutes les nuits, qui vive ! alerte, assauts ! attaques !
Ces fantômes prenaient leur fusil, et sur eux
Ils voyaient se ruer, effrayants, ténébreux,
Avec des cris pareils aux voix des vautours chauves,
D’horribles escadrons, tourbillons d’hommes fauves.
Toute une armée ainsi dans la nuit se perdait.
L’empereur était là, debout, qui regardait.
Il était comme un arbre en proie à la cognée.
Sur ce géant, grandeur jusqu’alors épargnée,
Le malheur, bûcheron sinistre, était monté ;
Et lui, chêne vivant, par la hache insulté,
Tressaillant sous le spectre aux lugubres revanches,
Il regardait tomber autour de lui ses branches.
Chefs, soldats, tous mouraient. Chacun avait son tour.
Tandis qu’environnant sa tente avec amour,
Voyant son ombre aller et venir sur la toile,
Ceux qui restaient, croyant toujours à son étoile,
Accusaient le destin de lèse-majesté,
Lui se sentit soudain dans l’âme épouvanté.
Stupéfait du désastre et ne sachant que croire,
L’empereur se tourna vers Dieu ; l’homme de gloire
Trembla ; Napoléon comprit qu’il expiait
Quelque chose peut-être, et, livide, inquiet,
Devant ses légions sur la neige semées :
« Est-ce le châtiment, dit-il. Dieu des armées ? »
Alors il s’entendit appeler par son nom
Et quelqu’un qui parlait dans l’ombre lui dit : Non.
Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! morne plaine !
Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
La pâle mort mêlait les sombres bataillons.
D’un côté c’est l’Europe et de l’autre la France.
Choc sanglant ! des héros Dieu trompait l’espérance ;
Tu désertais, victoire, et le sort était las.
O Waterloo ! je pleure et je m’arrête, hélas !
Car ces derniers soldats de la dernière guerre
Furent grands ; ils avaient vaincu toute la terre,
Chassé vingt rois, passé les Alpes et le Rhin,
Et leur âme chantait dans les clairons d’airain !
Le soir tombait ; la lutte était ardente et noire.
Il avait l’offensive et presque la victoire ;
Il tenait Wellington acculé sur un bois.
Sa lunette à la main, il observait parfois
Le centre du combat, point obscur où tressaille
La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
Et parfois l’horizon, sombre comme la mer.
Soudain, joyeux, il dit : Grouchy ! – C’était Blücher.
L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme,
La mêlée en hurlant grandit comme une flamme.
La batterie anglaise écrasa nos carrés.
La plaine, où frissonnaient les drapeaux déchirés,
Ne fut plus, dans les cris des mourants qu’on égorge,
Qu’un gouffre flamboyant, rouge comme une forge ;
Gouffre où les régiments comme des pans de murs
Tombaient, où se couchaient comme des épis mûrs
Les hauts tambours-majors aux panaches énormes,
Où l’on entrevoyait des blessures difformes !
Carnage affreux! moment fatal ! L’homme inquiet
Sentit que la bataille entre ses mains pliait.
Derrière un mamelon la garde était massée.
La garde, espoir suprême et suprême pensée !
« Allons ! faites donner la garde ! » cria-t-il.
Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,
Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,
Comprenant qu’ils allaient mourir dans cette fête,
Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête.
Leur bouche, d’un seul cri, dit : vive l’empereur !
Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,
Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,
La garde impériale entra dans la fournaise.
Hélas ! Napoléon, sur sa garde penché,
Regardait, et, sitôt qu’ils avaient débouché
Sous les sombres canons crachant des jets de soufre,
Voyait, l’un après l’autre, en cet horrible gouffre,
Fondre ces régiments de granit et d’acier
Comme fond une cire au souffle d’un brasier.
Ils allaient, l’arme au bras, front haut, graves, stoïques.
Pas un ne recula. Dormez, morts héroïques !
Le reste de l’armée hésitait sur leurs corps
Et regardait mourir la garde. – C’est alors
Qu’élevant tout à coup sa voix désespérée,
La Déroute, géante à la face effarée
Qui, pâle, épouvantant les plus fiers bataillons,
Changeant subitement les drapeaux en haillons,
A de certains moments, spectre fait de fumées,
Se lève grandissante au milieu des armées,
La Déroute apparut au soldat qui s’émeut,
Et, se tordant les bras, cria : Sauve qui peut !
Sauve qui peut ! – affront ! horreur ! – toutes les bouches
Criaient ; à travers champs, fous, éperdus, farouches,
Comme si quelque souffle avait passé sur eux.
Parmi les lourds caissons et les fourgons poudreux,
Roulant dans les fossés, se cachant dans les seigles,
Jetant shakos, manteaux, fusils, jetant les aigles,
Sous les sabres prussiens, ces vétérans, ô deuil !
Tremblaient, hurlaient, pleuraient, couraient ! – En un clin d’œil,
Comme s’envole au vent une paille enflammée,
S’évanouit ce bruit qui fut la grande armée,
Et cette plaine, hélas, où l’on rêve aujourd’hui,
Vit fuir ceux devant qui l’univers avait fui !
Quarante ans sont passés, et ce coin de la terre,
Waterloo, ce plateau funèbre et solitaire,
Ce champ sinistre où Dieu mêla tant de néants,
Tremble encor d’avoir vu la fuite des géants !
Napoléon les vit s’écouler comme un fleuve ;
Hommes, chevaux, tambours, drapeaux ; – et dans l’épreuve
Sentant confusément revenir son remords,
Levant les mains au ciel, il dit: « Mes soldats morts,
Moi vaincu ! mon empire est brisé comme verre.
Est-ce le châtiment cette fois, Dieu sévère ? »
Alors parmi les cris, les rumeurs, le canon,
Il entendit la voix qui lui répondait : Non !
scamaroni
30 août 2019 @ 08:44
C’est bien regrettable avant aujourd’hui 30 août 2019 il n’y pas eu de commentaire depuis 2014. Alors qu’un cybervoyage ne coûte rien et reste très enrichissant.
Alors on y a va tous #znlr