Dernière partie de la série consacrée aux derniers grands mariages politiques Habsbourg-Bourbon avec ce sujet sur l’union de Ferdinand de Bourbon, duc de Parme et Marie-Amélie de Habsbourg-Lorraine, archiduchesse d’Autriche par Patrick Germain.

Ferdinand de Bourbon naquit à Parme le 20 janvier 1751. Il est le frère cadet d’Isabelle, épouse de Joseph II. Il est donc lui aussi petit-fils de deux rois. Mais son père n’est que duc de Parme. Ci-dessus, Ferdinand Ier duc de Parme par Ferrari.

Il perd sa mère à l’âge de sept ans et son père à l’âge de quatorze ans. Il devint souverain jeune.

La France et l’Espagne mettent tout en œuvre pour organiser le mariage de Ferdinand. Guillaume du Tillot, Premier ministre toujours en exercice, exprime sa préférence pour Marie Béatrice d’Este, fille du duc de Modène Hercule III : à la mort de celui-ci, les deux duchés auraient été réunis entre les mains de Ferdinand et Parme aurait un accès à la mer. Le duc de Choiseul propose Mademoiselle, la princesse d’Orléans, princesse du sang, particulièrement riche, mais l’Espagne repousse cette proposition. Pour sa part, l’empereur Joseph II calcule que si le duché reste sans héritier, il pourrait juridiquement faire retour aux possessions autrichiennes.

L’archiduchesse Marie-Amélie par Martin van Meyrtens

La France et l’Espagne tergiversant, la cour de Vienne fait converger les avis de tous en proposant l’archiduchesse Marie-Amélie, fille de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche et du défunt empereur François Ier et sœur de l’empereur Joseph II, veuf inconsolable d’Isabelle, de la reine Marie-Caroline de Naples et de Marie-Antoinette la future reine de France et épouse de Louis XVI.

Le 21 juin 1769, Ferdinand, âgé de 18 ans demande officiellement la main de Marie-Amélie âgée de 23 ans. Une fois obtenue la dispense papale nécessaire en raison de leur proche parenté, le mariage est célébré à Vienne par procuration le 27 juin 1769. Marie-Amélie n’a pas eu l’autorisation d’épouser le duc Charles II Auguste de Palatinat-Deux-Ponts qu’elle aimait.

Elle quitte donc l’Autriche le 1er juillet 1769 et arrive à Mantoue le 16 juillet, accompagnée de son frère l’empereur Joseph. Ferdinand va à leur rencontre accompagné du duc Sforza-Cesarini et du duc Grillo. Au cours d’une cérémonie, l’évêque confirme le mariage le 19 juillet dans le Palazzo Ducale de Colorno, s’ensuivent fêtes et spectacles. Le couple ducal rejoint Parme le 24 au matin.

Ferdinand n’eut pas une vie de souverain tranquille. La France, l’Espagne et l’Autriche s’arrogent le doit de contrôler son duché, en imposant des ministres à leurs soldes.

Il eut à affronter la Révolution française dont il se déclara l’ennemi à la mort de son cousin, Louis XVI et de sa belle-soeur, Marie-Antoinette. Il eut ensuite à subir les dictats de Bonaparte, premier consul. On lui imposa puis lui retira le grand-duché de Toscane. Il mourut le 9 octobre 1802, peut-être victime d’une empoisonnement

Il avait donc épousé sa belle-soeur. Née le 26 février 1746, l’archiduchesse Marie-Amélie est le huitième enfant de François-Etienne de Lorraine et de Marie-Thérèse de Habsbourg. Comme pour Joseph II, à sa naissance, la position politique de ses parents est loin d’être assurée, même si ses parents sont l’un empereur et l’autre “roi de Hongrie et de Bohême”.

Elle grandit à la cour de Vienne des Habsbourg-Lorraine entre la Hofburg et Schönbrunn. Considérée comme séduisante, l’archiduchesse est un peintre de talent, possède une jolie voix de soprano. Elle a aussi quelques talents d’écriture.

L’archiduchesse Marie-Amélie, duchesse de Parme

Elle souffre toutefois de l’attitude de sa mère qui ouvertement lui préfère ses aînées, l’intelligente Marie-Christine et la belle Marie-Elisabeth. Ses soeurs cadettes Marie-Josèphe, Marie-Caroline et Marie-Antoinette sont ses compagnes auprès desquelles elle trouve une véritable affection.

Toutes ses soeurs ont été mariées avant l’âge de seize ans, elle à vingt-deux ans attend toujours de voir son destin matrimonial scellé.

Cependant, considérée comme une jolie femme pleine de vivacité et très appréciée des Viennois, l’archiduchesse a enfin rencontré un homme de son âge avec qui elle connaît un sentiment partagé, Charles-Auguste, prince héritier du duché de Deux-Ponts.


Charles II Auguste, duc des Deux-Ponts (1746-1795)

Mais si Marie-Thérèse et son fils apprécient le jeune prince, ils considèrent qu’une telle union serait indigne d’une archiduchesse : le prince est destiné à régner sur une minuscule principauté rhénane aux confins de l’Empire et de la France. Il ne fait même partie du Collège Électoral et pire il n’est même pas catholique. Ses espérances de succéder à son lointain cousin l’Électeur de Bavière ne sont pas établies. Le mariage est donc refusé. A sa mort toutefois, en 1795, son frère Maximilien Joseph deviendra Electeur puis roi de Bavière.

Fidèle sa politique matrimoniale, Marie-Marie-Thérèse se tourne une fois de plus vers les Bourbons et porte son intérêt vers Ferdinand Ier. Ferdinand est plus jeune que Marie-Amélie de six ans et, d’une grande piété confinant parfois à la bigoterie – il aurait aimé être moine – il apparaît aux yeux de l’Europe des Lumières comme présentant quelques signes de déséquilibre mental. C’est contre sa volonté que Marie-Amélie est mariée à Ferdinand.

Le mariage est célébré à Vienne par procuration le 27 juin 1769 et confirmé le mariage le 19 juillet dans le Palais ducal de Colorno, qui est suivi de réceptions et de spectacles. Le couple ducal rejoint Parme le 24 au matin.


Devenue duchesse de Parme, elle veut substituer l’influence autrichienne à celle de la France et de l’Espagne, ce qui inquiète toutes les cours européennes.

Palais ducal de Colorno près de Parme

Les relations entre le duché de Parme, la France, l’Espagne et l’Autriche, ses puissances tutélaires, se détériorent, en grande partie sous l’influence de la nouvelle duchesse. Veut-elle leur faire payer à tous ce mariage qu’on lui a imposé ? Il semble que les Parmesans l’aient appréciée.

La famille ducale de Parme vers 1755 par Giuseppe Baldrighi

Marie-Amélie est restée très proche de ses sœurs cadettes, Marie-Caroline, reine de Naples et de Sicile et Marie-Antoinette, reine de France. Elle échangera avec cette dernière une importante correspondance et la dernière lettre écrite par Marie-Antoinette depuis sa prison – et transmise secrètement – sera pour Marie-Amélie. Comme sa soeur, Marie-Caroline, le destin du couple royal français fera d’elle une adversaire acharnée de la Révolution française.

Bien qu’ayant gardé la neutralité dans la guerre opposant la France à l’Autriche, le duché est occupé par les troupes de Bonaparte en 1796 puis en 1801.

Tandis qu’un royaume d’Étrurie est créé de toutes pièces par le futur Napoléon pour le prince héritier de Parme alors en Espagne, Ferdinand meurt en laissant la présidence du conseil de régence à sa femme. On soupçonnera un ministre francophile d’avoir empoisonné le duc. La régence dure peu. Quelques jours plus tard, le 22 octobre 1802, le conseil de régence est dispersé par les troupes françaises et le duché annexé.

Marie-Amélie et sa famille partent pour l’Autriche. Elle meurt en 1804 à Prague quelques mois après sa fille aînée et son fils, le roi d’Étrurie.

Les enfants princiers de Parme par Johan Joseph Zoffany

De son union, le couple ducal a neuf enfants dont quatre survivent à l’enfance. Caroline (1770-1804) devenue princesse Maximilien de Saxe, Louis Ier, roi d’Etrurie ( 1773-1803) qui épouse  sa cousine germaine Marie-Louise de Bourbon, infante d’Espagne, Marie-Antoinette ( 1774-1841) et Charlotte (1777-1813) toutes les deux moniales.

Louis Ier roi d’Etrurie par Goya

Les enfants de Marie-Amélie parent les prénoms de ses soeurs et non de ses parents ou grands-parents comme le voulait la tradition.
L’union de Marie-Amélie et de Ferdinand ne fut pas heureuse. Elle ne faisait aucun effort pour cacher son déplaisir à ce mariage. Leur vie privée respective fut scandaleuse, même selon les critères libertins de l’époque. Elle s’était entourée de beaux officiers, passant ses nuits dehors à jouer et probablement à tromper son mari. Il la trompait avec des femmes issues de la paysannerie. Elle n’était pas aimée de la noblesse parmesane. Mais généreuse avec le peuple, elle en était aimée.
Personnalité contrastée, Marie-Amélie fut la victime de la stratégie matrimoniale de sa mère, ce qu’elle ne lui pardonna pas.

Couple ducal de Parme en 1769