Les premières fontaines, étaient avant tout utilitaires. Les premières fontaines à boire étaient installées aux angles des rues, occupaient peu d’espace et étaient très peu décorées. Elles remplissaient leur fonction principale : rendre l’eau accessible à la population.
D’après Eau de Paris, qui gère la distribution d’eau potable à Paris, les plus anciennes fontaines publiques remonteraient au XIIIe siècle. Situées sur la rive droite, elles sont alimentées par les Sources du Nord, des eaux provenant des collines de Belleville et du Pré-Saint-Gervais.
Collectées à l’origine pour les besoins de communautés religieuses, le prieuré de Saint-Martin-des-Champs et les moines de la léproserie de l’enclos Saint-Lazare, ces eaux alimentent ensuite les premières fontaines publiques.
La plus ancienne aurait été installée dans le quartier des Halles. Il pourrait s’agir de l’ancêtre de la fontaine des Innocents, de la fontaine Maubuée ou de celle du Pilori. Durant plusieurs siècles, ces fontaines distribuent aux Parisiens une très faible quantité d’eau et de manière irrégulière.
Les fontaines étaient des lieux de retrouvailles, de discussions et d’échanges informels entre les habitants d’un quartier. Les plus riches envoyaient des porteurs d’eau chercher le précieux liquide. Quant aux autres, ils faisaient eux-mêmes cette corvée en croisant les doigts pour que l’eau ne cesse pas de couler une fois leur tour venu.
Les porteurs d’eau ont longtemps fait partie du quotidien des Parisiens. Ces « maîtres de l’eau » s’approvisionnaient dans la Seine ou aux fontaines publiques et vendaient leur butin dans les rues en criant : « A l’eau, à l’eau ! » Ils disparaissent en 1880 avec l’arrivée de l’eau courante dans les immeubles.
La fontaine Maubuée (ci-dessus). On la trouve mentionnée dès 1392 dans les lettres patentes du roi Charles VI destinées à mettre un terme aux concessions particulières accordées sur les eaux de Paris. Elle doit son nom – qui signifie « mauvaise buée » ou « mauvaise lessive » – à la mauvaise qualité de ses eaux.
La fontaine que l’on peut admirer aujourd’hui fut construite en 1733 par Jean Beausire et son fils Jean-Baptiste Augustin. . Elle fut démontée en 1937 pour rejoindre son emplacement actuel.
Elle se situait à l’origine dans un espace occupé maintenant par le Centre G. Pompidou (la rue Maubuée se plaçait dans le prolongement de la rue Simon Lefran. La moitié de cette ancienne rue, celle située entre la rue Brisemiche et la rue Beaubourg, a disparu lors de la destruction d’un Ilot Insalubre). L’eau n’y coule plus depuis de longues années.
Elle est décorée d’un bas-relief du XVIIIe siècle représentant un vase rocaille, entouré de roseaux et de plantes aquatiques dans sa partie basse, surmontée d’un cartouche rectangulaire destiné à recevoir une inscription (jamais gravée), lui-même placé sous un larmier mouluré orné d’un écusson ovale aujourd’hui sans inscription. La face latérale de la fontaine présente un panneau dénué de décor, mais également surmonté d’un larmier mouluré orné de la nef de la ville de Paris, sous la forme d’un navire à trois mâts et deux ponts percés de sabords.
La fontaine des Innocents
Parmi les rares fontaines de l’Ancien Régime qui subsistent encore de nos jours, la plus belle est sans conteste celle des Saints Innocents. En 1550, le roi Philippe Auguste dote Paris de trois fontaines publiques, qui puisent leur eau dans l’aqueduc de Belleville.
Majestueuse, la fontaine des Innocents est l’une d’entre elles. D’abord implantée à l’angle de la rue Saint-Denis et de l’actuelle rue Berger, la fontaine des Innocents est déplacée deux fois. Elle connaît de multiples modifications, pour être finalement reconstruite en l’honneur de Henri II par le sculpteur Jean Goujon et l’architecte Pierre Lescot.
Trois arcades d’ordonnance corinthienne s’encadrent dans des pilastres contre lesquels se dressent les corps voilés des nymphes et des naïades réalisées. En 1810, on ajoutera aux quatre coins des bornes pour que les porteurs d’eau à bretelles puissent s’approvisionner.
En 1858 enfin, l’architecte Gabriel Davioud déplacera la fontaine de quelques mètres jusqu’au square des Innocents érigé à la place du marché.
Classée monument historique en 1862, cette fontaine trône désormais au centre de la place Joachim-du-Bellay dans le 1er arrondissement de Paris. Elle a récemment fait l’objet de restauration.
La fontaine Médicis
Au XVIIème siècle, Marie de Médicis fait construire un important aqueduc afin d’alimenter le palais du Luxembourg et ses jardins sur le modèle de l’aqueduc gallo-romain de Rungis. La fontaine Médicis est située dans le jardin du Luxembourg.
Il s’agissait auparavant d’une grotte que Marie de Médicis, veuve d’Henri IV, avait fait construire dans les années 1630. Le parc, imaginé par l’ingénieur florentin Tommaso Francini, était inspiré des jardins de Boboli à Florence, rappelant à la reine sa ville natale.
Elle représente le cyclope, Polyphème, fou amoureux de Galatée, une belle nymphe marine. Polyphème lui offre chaque jour de nombreux présents comme un ours, un éléphant. La nymphe n’est pas séduite par les proportions gigantesques du cyclope, ni par ses cadeaux.
Elle préfère le berger Acis. La scène sur la Fontaine de Médicis, représente Polyphème qui découvre sa bien-aimée avec le berger. Après avoir découvert cette trahison, il écrase Acis avec un rocher.
Quelques siècles plus tard, la quiétude du jardin est bousculée. Le baron Haussmann veut faire percer la rue de Médicis et empiète sur une partie des dépendances du Sénat, dont la grotte Médicis. Cette dernière est déplacée vers le palais et est transformée en bassin long d’une cinquantaine de mètres.
Fontaine Colbert
Située au 6 rue Colbert (75002), la fontaine a été créée en 1708 par Jean Beausire. La fontaine Colbert avait, en sous-sol, une glacière. Son réservoir était au premier étage.
A l’époque, le monument était privé et servait à alimenter en eau l’hôtel situé au numéro 18 de la rue de Vivienne. Toutefois, en 1713, la fontaine est cédée à la ville. Elle a été entièrement rénovée et se trouve entourée de deux pilastres surmontés d’un fronton (resculpté au XIXème siècle) décoré d’un écusson aux armes de la ville de Paris, encadré de dauphins.
C’est par le mascaron de fonte à tête humaine que s’écoulait l’eau. Elle est inscrite aux Monuments historiques.
La fontaine Trogneux ou de Charonne a été construite en application de lettres patentes datant de 1719. Cette ordonnance royale envisage alors la création d’un ensemble de cinq fontaines à l’est de Paris, réparties à travers tout le Faubourg Saint Antoine alors dépourvu de points d’eau.
Dans le quartier des artisans du meuble où ébénistes, menuisiers, ferronniers se sont établis grâce aux franchises obtenues par l’abbaye de Saint Antoine leurs permettant de travailler en dehors des corporations, l’usage est de s’approvisionner auprès des porteurs d’eau.
Maître général triennal contrôleur et inspecteur des bâtiments de la Ville de Paris pour Louis XIV et Louis XV, Jean Beausire (1651-1743) est chargé du projet. (Merci à Guizmo)
tristan
15 janvier 2024 @ 03:51
Heureux de vous retrouver, Guizmo, vos reportages sont toujours tellement intéressants. Merci. Je suis toujours revi de voyager sans avoir à braver la neige..
😀Pistounette
15 janvier 2024 @ 07:42
Article vraiment très original et très intéressant… merci Guizmo
J’attends la suite avec impatience…
JAusten
15 janvier 2024 @ 08:00
Merci Guizmo pour vos reportages historiques toujours originaux et très instructifs.
aubepine
15 janvier 2024 @ 09:24
Très intéressant ce reportage sur les fontaines de Paris étayé par des photos
merci !
mousseline
15 janvier 2024 @ 09:27
merci pour ce reportage intéressant sur les fontaines parisiennes
Vittoria
15 janvier 2024 @ 09:39
Merci pour cet article !
(une erreur de date, pour la fontaine des Innocents : Philippe Auguste ne peut prendre de décision en 1550…)
Baboula.
17 janvier 2024 @ 11:40
Quand on copie on copie aussi les erreurs, on le sait depuis la communale .
Passiflore
15 janvier 2024 @ 10:06
Merci, Guizmo. J’imagine que c’est à dessein que vous n’ayez pas parlé des fontaines Wallace qui ne sont pas uniques mais, actuellement, au nombre de 107 à Paris. Richard Wallace, fils illégitime du 4e marquis de Hertford et de Mrs Agnes Jackson, avait fait don à la Ville de Paris de 50 fontaines à boire après avoir vu les Parisiens subir une pénurie d’eau durant le siège de Paris et la Commune en 1871. Il en financera 20 autres, ensuite.
Guizmo
15 janvier 2024 @ 17:04
Bonjour Passiflore, les fontaines Wallace seront abordées ultérieurement. Bonne journée
Passiflore
16 janvier 2024 @ 16:21
Oui, excusez-moi, Guizmo, je n’avais pas réalisé que vous aviez étudié les fontaines à travers les siècles. Je viens d’apprendre que les fontaines Wallace d’origine portaient des gobelets, il ne doit pas en rester beaucoup.
Leonor
15 janvier 2024 @ 10:14
Quelle bonne idée, que cet article. Merci, Guizmo.
Pierre-Yves
15 janvier 2024 @ 10:45
Merci Guizmo pour ce bel et intéressant article.
Petite précision, la restauration de la Fontaine des Innocents est toujours en cours, et ne sera achevée (en principe) qu’en juin prochain.
Perlaine
15 janvier 2024 @ 10:55
Superbe évocation , merci Guizmo dans ma période parisienne je suis allée à leur rencontre , je vois qu’il m’en manque à,ma collection.
Trianon
15 janvier 2024 @ 11:03
Merci Guizmo,c’est toujours très intéressant et instructif !
Mille mercis
Menthe
15 janvier 2024 @ 11:14
Guizmo, vous êtes extraordinaire 😘
Claudia
15 janvier 2024 @ 12:14
Article complet et fort intéressant. Merci !
Esquiline
15 janvier 2024 @ 12:33
Ce ne sont pas les fontaines de Rome …
Menthe
15 janvier 2024 @ 15:50
Non, puisque ce sont celles de Paris !
CQFD
Carole 007
15 janvier 2024 @ 12:35
Merci Guizmo,
Sujet (toujours) intéressant.
J’en découvre, pour celles que je connais, ma préférée est la fontaine Médicis.
Baboula.
15 janvier 2024 @ 17:00
Il n’y aurait aucune honte à citer vos sources avec celles des fontaines.
Brigitte Anne
15 janvier 2024 @ 18:02
Merci Guizmo , vos publications sont toujours très instructives . J ai appris beaucoup de choses sur ces fontaines que je connais pour la plupart.
Robespierre
15 janvier 2024 @ 19:32
Non seulement c’est intéressant, mais c’est touchant. Ces vestiges du passé me parlent…
Gam
15 janvier 2024 @ 22:24
Très intéressant, merci
luigi
16 janvier 2024 @ 19:57
Merci beaucoup Guizmo, très interessant !
Danielle
16 janvier 2024 @ 21:25
Les fontaines Médicis et des Innocents sont superbes et ne peuvent pas passer inaperçues dans le paysage parisien ; merci Guizmo.