C’est en 1718 que commence l’histoire de l’actuel hôtel d’Aurès, lorsque le bâtiment est acheté par Daniel Chaunel, riche apothicaire parfumeur. Il a acquis la charge de receveur général des tailles et décide de transformer l’ancienne demeure en profondeur.
La façade donnant sur la rue Dauphine, aujourd’hui rue Eugène Lisbonne, est reconstruite en retrait par rapport à l’édifice précédent. Du fait de l’étroitesse de la rue, le décor se concentre au rez-de-chaussée.
Les baies cintrées sont chacune surmontées d’une tête de caractère, illustrant les 4 tempéraments fondamentaux décrits par Hippocrate.
Le colérique tient son caractère de la prédominance de la bile jaune du foie, le mélancolique de la bile noire de la rate.
Le sanguin jovial tient son tempérament du sang et le flegmatique de la lymphe du cerveau.
On pénètre dans l’hôtel d’Aurès par une porte en plein cintre, elle-même surmontée d’une corniche de même forme et décorée d’un mascaron féminin au visage souriant.
L’entrée est ébrasée en niche, entre deux pilastres ornés de tableaux et portant un entablement à fronton circulaire. L’archivolte est ornée d’un motif se terminant latéralement par une chute florale.
La parcelle comprenant l’hôtel forme un quadrilatère avec une cour en fond de terrain. Cette cour est précédée d’un vestibule couvert d’un plafond en coupole ovale.
Il est largement ouvert sur toutes ses faces par de grands arcs en anse de panier et dessert les différentes parties de la demeure.
Sur le côté gauche s’élance le grand escalier avec sa rampe en fer forgé.
On peut y admirer les ferronneries, chef d’oeuvre des artisans languedociens.
En 1763, l’hôtel est vendu à Jean-Pierre Aurès. Travaillant au Parlement de Toulouse, il héberge l’évêque de Toulouse pendant les sessions des États
du Languedoc.
Le nouveau propriétaire entreprend des travaux d’aménagement intérieur, notamment le décor des salons du rez-de-chaussée.
L’ancien boudoir est remarquable par ses plafonds cintrés et ses murs ornés de gypseries.
Les dessus des portes présentent des scènes galantes et mythologiques comme le XVIIIe siècle en raffole.
L’une des scènes rappelle le mythe d’Eros et de Psychée.
Les quatre angles du boudoir sont ornés d’allégories des saisons. Le printemps est symbolisé par un angelot jouant avec une guirlande de fleurs.
Au-dessus, aux angles du plafond, sont représentés les outils utilisés lors des travaux agricoles au printemps.
L’été se présente sous les traits d’un amour portant une gerbe d’épis de blé. A ses pieds, un bouquet d’épis et de coquelicots jonche le sol.
Au-dessus, une fourche et un fléau noués ensemble par des épis de blés rappellent les moissons.
Un Bacchus enfant brandit tel un trophée une grappe de raisin : vous aurez reconnu l’automne. A ses pieds, des raisins et des poires, fruits de saison, débordent d’une corbeille.
A l’angle du plafond, une fourche et une gaule, servant à faire tomber les fruits des arbres, sont nouées par des feuilles de vigne.
Un enfant transi de froid symbolise l’hiver : enveloppé dans un manteau, il se réchauffe près d’un brasero.
Les ustensiles associés à cette saison sont bien sûr le tison nécessaire pour entretenir le feu et la pelle pour récupérer les cendres. Ils sont noués par des branches de feuilles de chênes et de glands, fruits récoltés à cette époque pour nourrir les cochons.
Les façades sur cour sont ornées de pilastres. La porte centrale de la façade sud ouvre sur un escalier en vis.
L’encadrement de la porte s’orne de pilastres nus portant de petites consoles décorées de perles et chute de feuilles. L’arc en plein cintre a pour clef une tête de femme délicatement sculptée.
Au-dessous, l’imposte en fer forgé présente un décor symétrique à base de volutes en C entrecroisées.
Reposant sur cette tête, un grand vase godronné laisse déborder un abondant bouquet de fleurs. De chaque côté ondulent des guirlandes accrochées à un encadrement de volutes.
En 1862, la reconstruction de l’église Sainte-Anne toute proche est intégrée au projet plus global de réaménagement de la rue Impériale (actuelle rue Foch), lancé par le maire Jules Pagézy.
Des démolitions sont envisagées, d’une part pour isoler l’église de tous côtés, d’autre part pour percer une rue dans l’axe de l’église, reliant celle-ci à la rue Impériale.
L’hôtel d’Aurès fait alors l’objet d’une expropriation et devient propriété de la ville. La municipalité abandonne finalement le projet de percement de la rue en 1874, en raison de l’hostilité de plusieurs propriétaires concernés.
L’origine des deux arches à décor antiquisant qui encadrent la terrasse donnant sur la place Sainte-Anne demeure quant à elle incertaine.
L’hôtel d’Aurès reçoit au fil du XXe siècle diverses affectations successives.
Prémonitoire, l’un des décors en gypserie du boudoir, présentant harpe et trompette, annonce l’une de ses fonctions. Il accueille en effet pendant très longtemps, le Conservatoire à rayonnement régional jusqu’à son récent déménagement à la Cité des Arts.
Il est aujourd’hui le siège du pôle Culture et Patrimoine de la métropole de Montpellier. (Merci à Francky pour ce sujet – Photos : Francky)
Caroline
6 octobre 2023 @ 10:12
Magnifique ! Tellement intéressant !
Ça nous donne une terrible envie de visiter la belle ville de Montpellier, n’ est- ce- pas ? Aussi à Aix- en- Provence, la capitale historique de la Provence !
Francky
7 octobre 2023 @ 09:07
Aaaaah ! Aix-en-Provence….
L’autre perle du Midi ! J’avoue regretter parfois de ne pas habiter Aix pour y exercer la même activité et y découvrir ses merveilles…
Benoite
6 octobre 2023 @ 10:31
A la lecture de ces récits-découvertes de ces demeures Historiques, une chose est sûre, j’ai enrichi mon vocabulaire en Architecture. Et je m’en félicite. Merci Francky. toujours ces beautés de merveilles forgées pour les escaliers monumentaux.
A mon arrivée à Paris, jeune débutante mutée, j’étais en admiration (en bus) devant les balcons, grilles en fer forgé de Paris, et de ses banlieues. J’ai profité de toutes mes « mirettes » de ces grilles légères ou moins de ce beau Paris.
Francky
7 octobre 2023 @ 08:51
Vous avez raison Benoîte: l’œil curieux et avisé voit de jolis détails partout, même au milieu de la jungle urbaine !
Danielle
6 octobre 2023 @ 11:06
Que de très beaux décors, les sculpteurs qui les ont réalisés ont fait un excellent travail.
laude Patricia
6 octobre 2023 @ 11:30
Merci Francky. Toujours agréable de voir vos reportages sur ces beaux bâtiments.
Bastide
6 octobre 2023 @ 11:51
Décoration d’une grande finesse.
DEB
6 octobre 2023 @ 13:38
J’aime les représentations des saisons et les tempéraments fondamentaux décrits par Hippocrate.
Ces hôtels particuliers sont beaux.
JAusten
6 octobre 2023 @ 15:45
Une des plus jolies cours à mon goût, très féminine : beaucoup de coubes et des sculptures très délicates
Francky
7 octobre 2023 @ 09:12
Vous avez raison Jausten: elle est simple mais très belle si l’on fait abstraction de quelques « verrues » contemporaines nécessaires au commodités de notre époque…
J’avoue avoir été bluffé par Beaulac… que je connaissais de nom mais découvert assez récemment… Je suis resté en lévitation dans sa cour pendant une bonne demi-heure…
C’est l’un des mieux entretenus et de fait, la magie opère…
JE
6 octobre 2023 @ 15:50
Grands mercis pour les dossiers sur les hôtels particuliers de Montpellier. J’adore. Un de mes projets de voyages.
JE
6 octobre 2023 @ 15:52
Grands mercis pour les dossiers sur les hôtels particuliers de Montpellier. J’adore. Un de mes projets de voyages. Il manque les hôtels Deydé, Manse, Périer et Sarret.
Francky
7 octobre 2023 @ 09:00
JE,
Il reste encore une bonne soixantaine d’hôtels présentant des intérêts architecturaux de premier ordre…
Je connais les hôtels que vous citez: vous pourriez être déçu par certains après avoir franchi leurs porches monumentaux… Grandeur et décadence vont parfois de pair lorsque les restaurations se chiffrent en budgets astronomiques pour des co-propriétaires peu enclins à investir dans la restauration d’une cour ou d’une façade…
Il y aura au moins une autre série d’hôtels, voire plusieurs…
Mais tout est question de temps et de disponibilité pour rédiger ces articles qui nécessitent, comme vous vous en doutez, beaucoup de temps.
JE
7 octobre 2023 @ 15:12
Mercis, Franky, pour votre commentaire. Je suis vraiment désolé pour ceux qui tombent en décadence sinon ruine par manque de moyens. Des nouveaux hôtels particuliers en cours de préparation? J’ai hâte de les visiter avec vous. Prenez votre temps pour bien préparer vos interventions mais j’ai hâte. A bientôt donc.
beji
6 octobre 2023 @ 21:29
Francky,je ne me doutais pas que cet hôtel était aussi beau.
Francky
7 octobre 2023 @ 09:03
Beiji,
Il fait pourtant parti des quelques hôtels ouverts partiellement au public en raison de ses différentes affectations. N’hésitez pas à faire un détour pour y jeter un coup d’œil… !
Agnese
7 octobre 2023 @ 09:20
Merci Francky pour tous vos reportages très détaillés sur ces beaux hôtels particuliers et qui me font voir Montpellier autrement.
Grâce à vous, je m’arrêterai plus longuement et différemment la prochaine fois que je passerai dans cette ville.
Kardaillac
7 octobre 2023 @ 09:29
Natif du cru, j’apprécie beaucoup ces reportages très bien faits sur les hôtels particuliers de Montpellier. Bravo.
Baboula.
7 octobre 2023 @ 09:41
Franky ,cette anthologie des hôtels de Montpellier est riche de ses textes ,d’une iconographie variée. Merci infiniment.