Dans le vieux Monptellier, au numéro 6 de la rue du Cannau, se cache l’un des plus beaux hôtels particuliers de la ville. Que dis-je, un hôtel particulier ? Ce serait plutôt le terme de palais urbain qui conviendrait pour qualifier cette demeure qui n’a rien à envier à ses consoeurs parisiennes…
C’est en 1667 que Francois de Beaulac, alors Trésorier Général de France et intendant des Gabelles, achète cet immeuble qu’il va transformer radicalement. Bâti sur les fondations d’une maison médiévale, il est réaménagé de 1670 à 1680 puis par son propriétaire suivant, Jean Rouzier,
conseiller à la cour des comptes en 1720.
Sa belle entrée, comme la façade donnant sur la rue, ont été remaniées au XVIIIe siècle. Le programme décoratif qui se concentre sur le portail monumental est particulièrement bien traité.
L’encadrement est ébrasé, formant une sorte de niche pour donner plus de volume à l’ensemble.
La clé de voûte est ornée, comme souvent, d’un beau mascaron à tête féminine coiffée d’épis de blé.
Elle est encadrée de deux superbes cornes d’abondance délicatement sculptées, des cornes d’abondances qui témoignent de l’opulence des propriétaires et qui annoncent la richesse de la cour intérieure.
Il en déborde une profusion de fruits produits sur la terre du Languedoc : des raisins, des figues, des grenades, des poires et des branches d’olivier.
De part et d’autres, d’élégantes consoles décorées de guirlandes de feuilles, supportent l’entablement du portail.
C’est par un vestibule couvert que l’on accède à la cour d’honneur. La première façade qui apparaît à nos yeux présente un bel ordonnancement classique avec son entrée principale surmontée d’un arc en anse de panier délicatement orné.
Si l’aménagement de l’hôtel de Beaulac a été réalisé dans ses grandes lignes au XVIIe siècle, des transformations importantes ont été menées au siècle suivant, lorsque Jean Rouzier lance une importante campagne de travaux à partir de 1720. L’ornementation des portes de la cour d’honneur
date de cette époque.
Une fois au centre de la cour, on se retrouve au coeur d’un ensemble à l’harmonie parfaite, à la symétrie absolue.
Chaque façade s’ouvre par une entrée en plein cintre, encadrée de part et d’autre de baies à l’italienne. Le porche s’ouvre de la même manière sur la cour et son entablement est traité de la même manière afin de ne pas rompre la symétrie.
Le rez-de-chaussée est séparé du premier étage par une corniche qui court sur les 4 côtés de la demeure. Le premier niveau, l’étage noble, est éclairé de fenêtres aux frontons triangulaires qui se succèdent à la manière d’un temple antique.
Le second étage s’ouvre par des fenêtre plus simples, surbaissées, mais surmontées d’une corniche qui court tout le long des façades. Elle est interrompue à intervalles réguliers par des mascarons aux gueules largement ouvertes pour faciliter l’écoulement des eaux de pluie.
Le programme décoratif de cet ensemble unique est à mettre en valeur. Chaque entrée est surmontée d’un entablement en anse de panier supportant l’étage supérieur avec beaucoup de légèreté.
La clé de voûte est occupée par une figure féminine d’où s’échappent des guirlandes ornées de fleurs à profusion.
A l’arc du porche d’entrée, correspond un arc à la composition similaire sur la façade opposée. Une gracieuse figure féminine coiffée de fleurs est encadrée de guirlandes florales où l’on reconnaît des spécimens de la flore méridionale : des roses, des marguerites mais aussi des tournesols, des
pivoines et des narcisses.
L’ensemble est délimité, de part et d’autre, par des consoles doubles qui soutiennent l’architrave. Le sculpteur a ici poussé le sens du détail à les orner de fleurs de tournesol, comme toutes les consoles
de la cour.
Une exception dans ce monde féminin réside dans la façade la plus étroite de cette cour rectangulaire. L’arc central est ici soutenu par la figure d’Hercule coiffé de la tête du lion de Némée et dont on distingue les pattes nouées autour du cou.
Les baies du rez-de-chaussée sont ornées de console à clé d’arc, servant tout à la fois de clé de voûte et de support à la corniche délimitant les deux niveaux des façades.
Elles servent également de prétexte au sculpteur pour y exposer les fruits les plus emblématiques du Languedoc : le raisin et la grenade.
Ce feu d’artifice architectural explose sur le côté ouest de la cour d’honneur. Ici, l’architecte, dont l’identité est malheureusement inconnue, a utilisé tout le volume de la façade pour élever à la fin du XVIIe siècle, un escalier d’honneur majestueux dont Montpellier n’en connaît que très peu d’une telle ampleur.
Le niveau inférieur est sensiblement identique aux trois autres afin de ne pas rompre l’harmonie d’ensemble.
Les consoles qui surmontent les trois baies ont ici reçu un traitement plus soigné, digne de l’apparat de la façade.
Au centre, on reconnaît le tournesol visible sur les autres consoles, mais au raffinement plus poussé.
Sa voisine, au visage gracieux, est coiffée d’un croissant de lune. Elle est identifiée à Diane, déesse de la chasse, et répond au héros Hercule qui lui fait face.
L’escalier s’élance dans une immense cage ouverte sur la cour d’honneur dans sa partie supérieure. Elle est soutenue par six puissantes colonnes corinthiennes, jumelées deux à deux dans la partie centrale.
L’entablement assez massif est ornée d’une succession de frises délicates où alternent perles, guirlandes et feuillages. Il soutient le majestueux fronton bordé par des frises identiques et dont le tympan porte les armoiries de son commanditaire.
Lorsque l’on pénètre à l’intérieur, on est surpris par la légèreté de l’escalier suspendu qui contraste avec la robustesse de sa façade.
Il conduit à la galerie qui dessert l’étage noble au premier niveau et d’où l’on peut apprécier l’ordonnancement classique des façades sur cour.
Au plafond, une toile ornée de l’allégorie de la Victoire s’inscrit dans un cartouche aux frises richement sculptées.
Une belle corniche court sur les quatre côtés. Son traitement reprend le thème floral des frontons du rez-de-chaussée. A intervalles réguliers, des têtes de lions symbolisent la puissance des propriétaires.
L’appartement de maître se compose de trois pièces principales décorées en enfilade : antichambre, grand salon et pièce contiguë. Le grand salon possède un décor remarquable, avec des boiseries lambrissées, des toiles peintes et un plafond peint.
A défaut d’y prendre le thé, nous nous contenterons d’apprécier le talent des ferronniers qui surent donner au garde-corps beaucoup de grâce et de légèreté.
Cet ensemble architectural unique témoigne, s’il en est besoin, du raffinement dans lequel vivait la noblesse languedocienne sous l’Ancien Régime. (Merci à Francky pour ce sujet – Photos : Francky)
Benoite
5 octobre 2023 @ 04:43
Un fabuleux reportage de nouveau à Montpellier ville des Demeures privées, de toutes beautés. Le bel escalier a régalé mes yeux, une dentelle de fer forgé digne des meilleurs ouvriers de France. un plaisir de plus dans la découverte de la ville, ici.
Baboula
5 octobre 2023 @ 05:50
Merci Franky pour vos explications détaillées sur le raffinement des décorations. Malgré leur finesse elles ont résisté au temps.
Guizmo
5 octobre 2023 @ 07:49
Magnifique ! Votre reportage donne envie d’aller faire le tour de ces hôtels
Cow
5 octobre 2023 @ 07:55
Una maravilla.
Iris Iris
5 octobre 2023 @ 08:13
Merci, Francky, pour vos articles d’ un grand intérêt. J’ apprécie énormément.
Elise
5 octobre 2023 @ 08:39
Toutes mes félicitations pour ces excursions dans les rues de Montpellier , le vocabulaire architectural que vous employé embellit le récit :
arc en anse de panier, encadrement ébrasé ,clé de voute, une architrave, console à clé d’arc etc etc ,sans compter les autres hôtels particuliers découvert ces jours derniers .
Quel bonheur pour moi, qui a fait Les Beaux Arts de Paris dans ma jeunesse .
Chapeaux bas Monsieur Francky !
Passiflore
5 octobre 2023 @ 08:41
Francky, si on passe devant ces hôtels, peut-on y entrer ou la visite étant réservée pour les Journées du Patrimoine ?
Gatsby
5 octobre 2023 @ 10:00
Bonne question ! Ces reportages donnent tellement envie. Y a t il un circuit guidé proposé par l’office du tourisme ou doit-on se contenter d’admirer toutes ces merveilles depuis l’extérieur ? Merci de nous répondre Francky.
Francky
5 octobre 2023 @ 10:48
Bonjour Passiflore,
Ces demeures sont aujourd’hui, pour la plupart, des « copropriétés ». Le terme est moins éloquent que celui « d’hôtel particulier »…
Certains d’entre-eux sont ouverts lors des Journées du Patrimoine. D’autres le sont pour le Festival des Architectures Vives ce qui explique la présence d’installations au milieu des cours (mais sans cela, on ne peut y accéder).
Les autres enfin peuvent se découvrir si l’on a quelques connaissances qui occupent l’un des appartements de la demeure… Il y a beaucoup de professions libérales qui y ont leurs bureaux: cela peut être aussi une occasion de s’y rendre…
Mais dans tous les cas, ils ne sont pas libres d’accès. Et les guides de l’office de tourisme ont très peu d’autorisations pour en pousser les portes… Ce qui est bien dommage, au vu des trésors patrimoniaux qu’ils recèlent.
Passiflore
5 octobre 2023 @ 17:54
Merci, Francky, autrement dit nous avons de la chance d’avoir un guide tel que vous !
Baboula
5 octobre 2023 @ 09:04
Élise,je partage votre commentaire.
Bastide
5 octobre 2023 @ 11:39
C’est le plus beau de tous ceux que Francky nous a montrés.
Aldona
5 octobre 2023 @ 10:42
L’escalier est magnifique, le fer à forgé est très fin
Jean Pierre
5 octobre 2023 @ 11:04
Magnifique !
On imagine mal aujourd’hui un collecteur d’impôts se construire un tel ensemble immobilier.
Fleur
6 octobre 2023 @ 03:31
L’un de mes ancêtres était collecteur d’impôts en Alsace, sous le règne de Louis XIV.
Il s’est fait construire une jolie maison à colombages, donc de style alsacien, qui existe toujours dans une petite ville à env. 25 km de chez moi.
Mais sa maison, si mignonne soit-elle, est effectivement de taille très modeste, comparée à cette demeure.
Fleur
6 octobre 2023 @ 03:35
Oui, magnifique ensemble immobilier Jean Pierre, de surcroît bien conservé on dirait.
Francky
6 octobre 2023 @ 22:03
Ah ah ah ! Entièrement d’accord Jean-Pierre !
Cela serait déplacé…
Perlaine
5 octobre 2023 @ 11:32
Franky je suis mortifiée , j’ai survolé Montpellier attirée parle modernisme de la cité , shame on me , j’ai en donc plein les yeux de tout ce que j’ai manqué et qui ne sont plus à ma portée maintenant . Vous avez toujours autant de talent – Merci !
Jacob van Rijsel
5 octobre 2023 @ 22:10
Merci beaucoup pour ces belles découvertes
Caroline
6 octobre 2023 @ 00:02
Encore une belle demeure ancienne à visiter à Montpellier !
Pas d’ autres villes comparables à la belle ville de Montpellier ? Peut- être Aix- en – Provence ?
Danielle
6 octobre 2023 @ 11:00
Cet hôtel est superbe ! dommage de ne pas pouvoir visiter toutes ces beautés car elles donnent envie de se rendre à Montpellier.
Un grand merci Francky pour toutes ces découvertes.
Hervé J. VOLTO
8 octobre 2023 @ 14:00
Très beau celui-ci également.
Fleur
14 octobre 2023 @ 11:59
Quand j’ai vu Montpellier, il y a une dizaine d’années, j’ai trouvé que c’était une jolie ville.