Cet extraordinaire hôtel particulier s’ouvre sur la place de La Canourgue, l’une des plus belles de Montpellier. Il a été construit pour Dominique Cambacérès, chef de la branche des Restinclières devenus plus tard Montlaur de Murles par mariage.
Conseiller à la cour des comptes, il fait édifier à partir de 1707 cet hôtel particulier, à l’emplacement d’une demeure familiale dont il hérite.
Attribuée à Jean Giral, la façade ne fut élevée qu’en 1723. Deux étages très hauts sous plafonds sont couronnés par une corniche surmontée d’une balustrade masquant la toiture.
La façade présente de nombreuses ouvertures ornées de mascarons qui allègent la structure. Les fenêtres du rez-de-chaussée sont ornées de virils visages masculins, sculptés à la manière de dieux antiques.
L’un d’eux, paré d’une tête de lion, fait immédiatement penser à Hercule.
La beauté du 18ème siècle montpelliérain s’y dévoile par le talent des artisans languedociens qui ont su allier les volutes et les décors végétaux des garde-corps en ferronnerie avec la finesse de la sculpture des mascarons sommant les grandes baies.
Répondant à cette série, les ouvertures du premier étage voient le triomphe de la féminité avec de jeunes filles souriantes, telles des vénus antiques.
Elles sont toutes différentes, joliment coiffées et parées de bijoux, et s’inscrivent sous les sculptures rocailles servant de sous-bassement aux fenêtres du 3e niveau.
En effet, à cet étage-ci, point de garde-corps en ferronnerie, mais de délicats sous-bassement sculptés de coquilles et de dentelles.
A l’attique, sous la balustrade, une alternance de têtes humaines et animales permet l’évacuation des eaux de pluies.
Un ensemble aussi riche de visages pourrait donner à la demeure le surnom de « maison des têtes ».
Cet hôtel a été conçu dans la tradition des ensembles de la seconde moitié du XVIIe siècle. La porte d’entrée désaxée conduit à la cour sur laquelle ouvre l’escalier en loggia qui occupe une surface plus grande que la cour elle-même. Cette disposition est fréquente à Montpellier comme nous l’avons déjà vu à l’hôtel de Mirman qui est antérieur à celui-là.
Le mur du fond de la cour est construit en plan courbe. Cette disposition a contraint le constructeur à user d’un artifice au premier étage. En effet, les deux fenêtres de gauche éclairent une seule pièce dont les murs sont droits.
La porte centrale est surmontée de cornes d’abondance où l’on reconnaît épis de blés, figues et raisins, symboles de la fertilité des terres du Languedoc. Elles sont accompagnées d’un vase de fleurs.
L’origine de la famille Cambacérès remonte à un obscur huissier du Vigan qui avait eu la jambe cassée par le bâton d’un débiteur récalcitrant, d’où son surnom de Camba-cessa et le nom de Cambacérès, qui fit une fort honorable carrière jusqu’à Jean-Jacques, duc de Cambacarès, Consul et archi-Chancelier de l’Empire.
On aimerait imaginer l’imposant gastronome et homme d’État descendre majestueusement les marches de ce degré, lui-même fort majestueux. Il est fait pour lui car, aux dires de ses contemporains, l’archi-Chancelier ne se promenait pas, il s’archi-promenait !
Malheureusement cet hôtel appartenait à ses cousins, Monsieur de Cambacérès n’y a dû faire que de rares visites.
Son harmonie est mise en relief par ce grand arc surbaissé que l’on appelle parfois « à la Davilerte » et, avec davantage de raison, « arc majorquin », ce qui paraît plus exact car on le trouve antérieurement à l’architecte Daviler. Il est une nouvelle preuve de l’influence exercée par le style des Baléares dans une ville qui fut rattachée à ce royaume jusqu’au milieu du XIVème siècle.
Les larges baies, la rampe de fer forgé ainsi que les mascarons qui décorent les clés de voûte sont une caractéristique des hôtels montpelliérains et par extension, languedociens.
Ces cours sont à la fois des symboles de l’ascension sociale de leurs propriétaires mais également, à l’image des patios andalous, des lieux de fraîcheur et de vie, à l’ombre de l’ardent soleil du Sud. (Merci à Francky pour ce reportage – Copyright photos : Francky)
milou
14 septembre 2023 @ 04:34
Ces hôtels particuliers sont de vrais joyaux!
Merci encore Francky pour vos très intéressants reportages!🌟
DEB
14 septembre 2023 @ 05:59
Ces mascarons sont très beaux mais comment quelqu’un a pu penser qu’un tuyau bleu sortant de la bouche d’une de ces têtes n’allait pas l’enlaidir …
Merci encore pour ces parcours .
Jean Pierre
14 septembre 2023 @ 11:14
La noblesse de robe savait assoir sa fortune dans la pierre.
Passiflore
14 septembre 2023 @ 11:19
Merci, Francky, pour ce passionnant reportage magnifiquement illustré.
Jean-Jacques-Régis Cambacérès, archichancelier de l’Empire, avait un frère, Etienne-Hubert Cambacérès, archevêque de Rouen, créé cardinal, en 1803, par le Pape Pie VII qu’il accompagna lors de son voyage en France pour couronner empereur Napoléon Ier. Il refusa d’assister au mariage de l’empereur avec l’impératrice Marie-Louise, s’appuyant sur ce motif que, prêtre d’une Église qui repousse le divorce, il ne pouvait par sa présence sanctionner cette union.
beji
14 septembre 2023 @ 12:04
Et en plus situé sur la place de la Canourgue,la plus belle place de Montpellier !
Perlaine
14 septembre 2023 @ 13:10
Je réitère mon propos qui n’est pas paru et je vous dis bravo et merci encore une fois Franky .
Danielle
14 septembre 2023 @ 18:29
Comme DEB, je suis stupéfaite de voir ce tuyau bleu que personne n’a encore enlevé !!
Un bel hôtel avec de jolies têtes, merci Franky.
Hervé J. VOLTO
14 septembre 2023 @ 21:00
D’accord avec milou.
Merci pour ce très intéressant reportage !