Derrière une façade d’apparence anodine se cache un remarquable hôtel construit en 1643 par l’architecte Simon de Levesville pour David de Fizes, trésorier payeur des gages à la Cour des Comptes, Aides et Finances.
Simon Levesville, moins connu que Daviler ou les Giral, n’en est pas moins une figure incontournable des chantiers de modernisations des hôtels particuliers de la classe dominante entre 1626, date de son arrivée à Montpellier et 1645, l’année de sa mort.
La demeure s’ouvre par un magnifique portail monumental réalisé quelques années après la construction de l’hôtel, en 1665, en même temps qu’une campagne de travaux commandée Pierre de Fizes, fils de David. Les aménagements sont confiés au maître maçon et architecte Massé Sébron.
Par son unique ouverture rectangulaire et son tore feuillagé, le portail appartient au style Louis XIV. Mais certains détails de la partie supérieure le rattachent encore au registre maniériste avec son
masque et ses cuirs découpés.
Le motif ornemental rappelle le métal enroulé en volutes du Moyen Age, caractéristique de la Renaissance maniériste, illustrée par les cartouches de cuir découpé introduits par Rosso Fiorentino (1494-1540) de l’école de Fontainebleau.
Au linteau, la scène, d’une grande qualité d’exécution, représente deux esclaves captifs. Ils sont représentés dos à dos dans un environnement de rinceaux. Ils rappellent certains bas-reliefs de l’aile Lescot du Louvre et les célèbres sculptures des esclaves de Michel Ange.
Des chutes de fruits et des têtes de lion, particulièrement bien traitées, habillent le haut des piédroits de part et d’autre du portail.
Une fois le portail franchi, on traverse le vestibule voûté de briques comme c’est le cas dans plusieurs des caves de cette rue. Si une belle grille ferme aujourd’hui l’accès à la cour d’honneur, ce n’était pas le cas à l’époque où il fallait que les carrosses puissent entrer et sortir aisément.
La cour intérieure abrite l’un des plus délicats escaliers d’honneur de la cité languedocienne. On se tord le cou pour partir à l’assaut, avec les yeux, de cette envolée spectaculaire qui dessert les étages de l’hôtel de Fizes.
Ce chef d’oeuvre architectural donne la mesure de l’élévation sociale de la famille de Fizes. Originaire du Languedoc, ses plus illustres représentants ont gravité dans l’entourage royal dès le XVIe siècle en occupant de hautes fonctions.
Parmi eux, Simon de Fizes, le grand-oncle de David (premier propriétaire de cette demeure), futl’un des ministres des rois Charles IX et Henri III.
On comprend mieux l’opulence donnée à cette noble demeure qui se voit d’abord sur le portail monumental, puis se poursuit en apothéose dans l’escalier.
Celui-ci est formé de quatre noyaux et repose, comme beaucoup de ses contemporains, sur des arcs en anse de panier.
A chaque étage, il dessert une magnifique loggia depuis laquelle on imagine aisément Pierre de Fizes contempler le chef-d’oeuvre enfin terminé et les allées et venues dans la cour.
On admirera les belles balustres de chaque loggia dont les tiges à renflement piriforme double semblent délimiter l’espace public de la cour et l’espace privé des appartements.
A l’intérieur, l’escalier est bordé par une magnifique rampe en ferronnerie où se découpent des coeurs entrelacés et des motifs floraux.
L’hôtel de Fizes est l’un des premiers de Montpellier à être doté d’une rampe en fer forgé dans le dernier quart du dernier quart du XVIIème siècle, vers 1680-1690. Son exemple sera suivi avec brio dans nombre d’hôtels montpelliérains, apportant beaucoup d’élégance à ces constructions. (Un grand merci à Francky pour ce sujet – Photos : Francky)
tristan
14 novembre 2023 @ 09:26
Encore plus beau que celui d’hier ! Merci pour cette belle série de reportages et de photos qui font rêver.
Passiflore
14 novembre 2023 @ 09:51
Simon de Fizes, baron de Sauve (1529-1579), était ministre et secrétaire d’Etat sous Charles IX, gouverneur de Montpellier (1573). Il s’était marié, le 16 juillet 1567, avec Charlotte de Beaune [dite Charlotte de Sauve] (1551-1617), considérée comme « la plus belle femme de son temps ». Elle fut Dame d’honneur de Catherine de Medicis, de Louise de Lorraine [épouse d’Henri III] et de Marguerite de Navarre.
Simon de Fizes avait acquis, vers 1560, l’hôtel de Montsoreau à Montpellier, à l’emplacement de l’actuel hôtel des Trésoriers de France, rue Jacques Coeur, où il reçut, en 1564, Charles IX. A sa mort il ne laissa rien à sa volage épouse, maîtresse des trois Henri : Henri III, Henri IV (entre 1572 et 1577) et Henri de Guise. En 1583, elle fut chassée de la cour pour « inconduite éffrénée » jusqu’à son remariage, en 1584, avec François II de La Trémoïlle. Maîtresse d’Henri de Guise, c’est avec lui qu’elle passa la nuit du 22 au 23 décembre 1588, avant l’assassinat du duc par Henri III.
Antoine1
14 novembre 2023 @ 10:52
Encore un très intéressant reportage. Merci. Escalier et galerie superbes, mais peu pratiques : en hiver, il fallait passer dehors pour aller d’un appartement à un autre. Il est vrai que le climat est doux. Dans la cour, je remarque un superbe aspidistra en pot. Cette plante, typique des intérieurs Henri II de nos arrière-grands-parents, revient en force dans la déco et les jardins, sans doute à cause de sa culture facile.
Francky
14 novembre 2023 @ 13:28
Merci Antoine pour vos précisions: j’ignorais le nom de cette plante qui, pourtant, était bien connue de nos grands-mères…
Et pour les communications entre les différents salons de l’hôtel, n’oubliez pas qu’ils communiquaient entre-eux, et qu’il existait aussi des escaliers de service à l’intérieur… Le grand escalier étant là, surtout, pour l’apparat…!
Charlotte (de Brie)
15 novembre 2023 @ 07:50
On appelle également l’aspidistra « langue de belle mère » comme le sanseveria. Pourquoi ? C’est vrai, oubliée pendant un temps, comme elle l’était d’ailleurs souvent chez nos aïeux, car peu gourmande en eau, elle revient en force dans les catalogues de plantes. Mais elle était présente chez les fleuristes, non en pots, mais en tiges pour agrémenter les compositions florales. Comme la mode les fleurs et plantes reviennent toujours. A quand l’asparagus ?
Menthe
14 novembre 2023 @ 10:53
Merci Francky pour vos reportages toujours très complets
J’ai une question, qu’est-ce qui fît que Montpellier comptât autant d’hôtels particuliers au 17ème siècle ? Cette ville avait-elle une importance particulière dans le royaume de France ou dans la région occitane ?
Francky
14 novembre 2023 @ 13:20
Bonjour Menthe,
Après les guerres de religion, Montpellier s’est reconstruite grâce à son nouveau statut de capitale du Languedoc. La ville s’est enrichi et les premiers hôtels particuliers apparaissent. Avec l’installation des Cours souveraines des Aides et des Comptes, du Présidial et d’autres instances juridiques, l’ascension sociale d’une famille passe souvent par l’acquisition d’une charge de magistrat dont les plus prisées sont celles de président ou de conseiller. Et bien évidement, les symboles visibles de cette ascension sociale s’affichent avec leurs hôtels particuliers. Au fil des siècles, la richesse de la noblesse s’affiche avec une profusion de décor, les fenêtres, les balcons, les façades des immeubles deviennent majestueuses. Les hôtels présentés ici en font partie.
Montpellier n’est pas un cas à part: Toulouse et Aix possèdent également une profusion de riches demeures…
Menthe
15 novembre 2023 @ 12:04
Merci beaucoup Franky, vous êtes très aimable.
J’avais l’impression que Montpellier était particulièrement bien dotée en hôtels particuliers.
Perlaine
14 novembre 2023 @ 11:28
Somptueuses décorations mais surtout mises en valeur par un photographe d’un sacré talent – Merci Francky
Francky
14 novembre 2023 @ 13:22
Merci Perlaine,
J’ai beaucoup de plaisir à mettre en valeur les œuvres du passé, devant lesquelles nous passons parfois sans les remarquer…
Perlaine
15 novembre 2023 @ 14:35
Francky ce fut mon cas il y a quelques années et maintenant après vos superbes reportages je m’en mords les doigts !
Alienor2
14 novembre 2023 @ 12:22
Magnifiques photos…
Je viens de regarder le portrait de Charlotte de Beaune… la plus belle femme de son temps? Décidément les canons de beauté n’étaient pas du tout les mêmes qu’aujourd’hui… :) Ou bien le peintre se vengeait-t-il de qch?
Francky
14 novembre 2023 @ 17:45
Aliénor,
J’ignorais que Charlotte de Beaune était ainsi qualifiée…
Son portrait est joli… Il y a pire, il y a mieux… ;)
DEB
14 novembre 2023 @ 12:59
Merci pour tous vos reportages très agréables à lire .
Menthe allo
14 novembre 2023 @ 14:34
Antoine 1. Aspidistra appelé aussi plante des marchands de vin me semble-t-il parce que peu exigeante en lumière. j’en ai eu un tout aussi beau sur une terrasse (plein nord) mais un jour un chevreuil en a fait son festin.
Brigitte Anne
14 novembre 2023 @ 16:53
Merci infiniment Francky pour ce nouveau reportage avec photos de ce bel hôtel particulier que je préfère au précédent.
gisèle T
14 novembre 2023 @ 17:44
Très beau reportage
Patricio
14 novembre 2023 @ 21:01
Merci francky, c’est très intéressant
Amitiés
Patricio
Liam
14 novembre 2023 @ 22:27
Plus je lis ces reportages sur les hôtels particuliers de Montpellier et plus je suis bluffée de toutes ces merveilles.
Je m’amuse à donner des indices à mon fils qui est étudiant ds cette ville.
Grand merci à vous Régine!
Francky
15 novembre 2023 @ 13:16
Bonjour Liam,
Quand vous irez voir votre fils, vous pourrez aller découvrir certains d’entre-eux de vos propres yeux !
Concernant l’hôtel de Fizes, si cela l’intéresse, il peut le voir partiellement. Le portail est en effet souvent ouvert et l’on peut s’avancer jusqu’à la grille qui sépare la cour du vestibule. On peut donc y admirer ce bel escalier.
Caroline
14 novembre 2023 @ 23:56
Francky,
Merci beaucoup pour votre très beau reportage- photos ‘ culturel ‘ et ‘ historique ‘ à la fois ! 🙌
Benoite
15 novembre 2023 @ 06:12
Un plaisir de lecture, de nouveau avec cette belle série des intérieurs de belles demeures de province. Merci Francky, de nous présenter vos articles.
Je note la lumière , la beauté des rampes d’escalier, la pierre, les décors, et les plantes, les pots d’Anduze. Tous contribuent à combler de compliments les articles ici, sur NR.
ps : si le roi Charles III nous lit, (son père le faisait) il doit aimer aussi, le cadeau que vous lui faites, ici pour son anniversaire.
Francky
15 novembre 2023 @ 13:21
Merci Benoîte pour vos appréciations.
Je ne savais pas que le duc d’Edimbourg lisait N&R. Est-ce qu’il y a eu un article à ce sujet sur le site de Régine ? Ou bien tenez-vous l’info d’une source royale ?
Dans tous les cas, je pense qu’il appréciera le superbe aspidistra dans son vase d’Anduze…
Charlotte (de Brie)
15 novembre 2023 @ 07:58
Francky, c’est mercredi ! le temps de déguster vos reportages de la semaine.
Textes documentés mais personnalisés, photos d’une précision de professionnel tout en étant le résultat d’évidents coups de coeur, font de ces hôtels à la fois une découverte et une plongée dans leur intimité.
Grand merci à vous.
Francky
15 novembre 2023 @ 13:22
Merci beaucoup Charlotte !
Vous allez me faire rougir… ;)
Danielle
15 novembre 2023 @ 13:20
Cet hôtel recèle un très bel escalier, superbes sculptures et jolies loggias ; merci Francky.