Derrière une façade sobre, si ce n’est le portail monumental, se cache un des joyaux de l’architecture montpelliéraine. Antoine de Saporta, ami d’enfance de Rabelais et médecin du roi et de la reine de Navarre, détient l’hôtel depuis 1554.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, Pierre de Sartre, receveur général des deniers de la bourse du Languedoc, ouvre une longue série de propriétaires successifs qui, jusqu’à la Révolution, se transmettent l’hôtel en même temps que la charge de Trésorier de la Bourse.
Cet hôtel s’organise autour de deux cours, une première que l’on peut qualifier de cour d’honneur, avec le grand escalier, et une seconde qui est occupée par un jardin et un parterre de dentelles.
La cour d’honneur est dominée par un des escaliers les plus fastueux de Montpellier. Plus que tout autre élément de l’exceptionnelle composition d’ensemble qui se déploie dans cette premier cour d’honneur, cet escalier raconte l’histoire de la maison, une histoire fastueuse où les puissants personnages qu’étaient les Trésoriers de la Bourse de la province de Languedoc, empruntaient ces marches d’un pas assuré, lent, officiel, voire cérémoniel. Il va sans dire que les Sartre, Joubert, Mazade, ou encore Bonnier de La Mosson, habitent encore les lieux…
Cette réalisation spectaculaire est à mettre à l’actif du maçon Antoine Laurens.
La réalisation est très soignée au rez-de-chaussée mais de moins en moins au fur et à mesure que l’on s’élève dans les étages. L’oeil avisé y découvre des erreurs de dessin et de construction.
Ce vaste escalier à jour s’organise autour de quatre volées de marches prenant appui sur quatre piliers centraux reliés entre eux et aux murs par des arcs rampants.
Mais il existe indéniablement un irrésistible attrait pour cet escalier « où la pierre domptée s’incurve en arceaux, se sculpte en guirlandes, sourit dans un minois mutin, s’étire en pilastres, monte en balustres, ouvre des vues et des balcons obliques », comme a si bien pu le dire Maurice Chauvet.
Pierre de Gallières conserva cet hôtel jusqu’en 1693, consentant à le céder à Pierre de Sartre, secrétaire du Roi, receveur de la bourse en Languedoc, qui le transforma en profondeur.
Il embaucha l’architecte Charles Augustin Daviler, auteur de la porte royale du Peyrou déjà évoquée dans Noblesse et Royauté. Celui-ci travailla sur le corps central qui abrite la galerie reliant la cour d’honneur au jardin.
Ce bel hôtel appartient ensuite au trésorier Pierre Louis de Reich de Pennautier, avant de tomber en 1712 dans le patrimoine de Bonnier de la Mosson qui acheva son remaniement pour en faire le plus vaste hôtel particulier de Montpellier.
On lui doit notamment une partie des décors de la première cour, faisant travailler des sculpteurs de talent, qui surent créer des guirlandes à contre-rythme et des amours fort graciles. On admire notamment, au-dessus de l’entrée du corps principal, quatre amours souriants ravis d’accueillir les visiteurs. Ils remplissent un vase d’abondance des produits symbolisant le Languedoc : grappe de raisins et coquillages.
Le mascaron ornant le porche d’entrée présente un visage de jeune fille au sourire plus triste, triste de voir partir le visiteur paraît-il…
Ces travaux dateraient de 1731 et seraient à mettre à l’actif de l’architecte montpelliérain Jean Giral qui travailla sur nombre de folies autour de Montpellier.
Les plus illustres occupants de la maison restent les Bonnier de la Mosson, père puis fils, qui organisent de somptueuses fêtes dans le grand jardin intérieur.
Celui-ci est entouré d’un quadrilatère de constructions par Charles Augustin Daviler qui fit aménager au fond, une très surprenante orangerie parée de ses pots à feu.
Par ses aménagements particuliers, entre cour et jardins, cet hôtel se hisse au rang des nobles demeures de la capitale du royaume. Il est aujourd’hui le siège de la Maison de Heidelberg, ville jumelée à la métropole languedocienne. (Merci à Francky pour ce reportage – Photos : Francky)
Baboula.
13 septembre 2023 @ 08:02
Maurice Chauvet,écrivain aux ”couleurs de Languedoc ”
Article très bien écrit qui éveille la curiosité. Très grand merci.
milou
13 septembre 2023 @ 08:37
Merveilleux! Merci!🌟
Joelle Iemma
13 septembre 2023 @ 10:13
Je connais bien Montpellier, la ville aux cent fontaines. Pendant des années, je suis allée travailler au Rectorat, dans la vieille ville. Mais je n’ai jamais vu ces magnifiques hôtels particuliers, chefs-d’oeuvres de l’architecture. Merci de nous les faire découvrir.
beji
13 septembre 2023 @ 11:33
Les Saporta propriétaires de La Mogère une des authentiques » folies » pas les tours bétonnées abusivement baptisées ainsi.
Perlaine
13 septembre 2023 @ 13:21
Merci Franky , je suis avec beaucoup d’intérêt cette visite en profondeur des trésors architecturaux de Montpellier .
Danielle
13 septembre 2023 @ 16:18
Magnifique !!
Cela change des horreurs vitrées que l’on voit maintenant.
Merci Franky.
neoclassique
13 septembre 2023 @ 17:29
Remarquable hôtel
Remarquable écriture
Vous savez, cher Francky, nous tenir en haleine en nous faisant découvrir et apprécier toutes les beautés cachées de ces escaliers à claire- voie qui constituent un des orgueils et non des moindres de cet extraordinaire patrimoine montpellierain.
L hotel n a t il pas eu pour propriétaire les Rodez-Bénavent?
Francky
14 septembre 2023 @ 17:15
Merci cher Néoclassique !
Vous avez parfaitement raison: l’hôtel est d’ailleurs parfois encore appelé ainsi, hôtel de Rodez Bénavent.
Hervé J. VOLTO
16 septembre 2023 @ 17:53
D’accord avec neoclassique.
On connaît tous les hotels particuliers de Paris, mais on connait bien ceux de province. Et celui-ci veut le détour…
Bravo Franky ! Et merci…