L’hôtel de Boulhaco, plus connu sous le nom d’hôtel de Belleval est un des plus prestigieux de la ville de Montpellier. C’est en 1128 que le seigneur Guilhem VI de Montpellier fait construire son château sur une colline avec vue imprenable sur garrigue et hameaux.
Quelques années plus tard, son successeur déménage un peu plus loin et cède sa demeure au prieur de St Firmin. Il entra par la suite dans le patrimoine du chapitre de Maguelone. Jusqu’aux guerres de religion et sa démolition, il accueillit les chanoines (canorga, en occitan), dont la place sur laquelle il se trouve a conservé l’étymologie occitane « la Canourgue ».
Pierre Richer de Belleval, savant naturaliste, médecin du roi, botaniste, venu en 1555 de Champagne pour suivre des cours de médecine à la faculté de Montpellier, habita sur la place.
Le roi Henri IV le chargea de créer le Jardin des Plantes. Il y cultivait entre les parterres du Jardin du Roi, du Jardin de la Reine et autres carrés, 1300 espèces de plantes.
Cet hôtel a été intégralement réaménagé à partir des années 1676 par Charles de Boulhaco, un conseiller à la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier. Il fut partiellement réaménagé par son héritier, Georges Richer de Belleval à la fin du 17ème siècle.
En 1709, le mariage de Gaspard de Belleval avec Élisabeth de Fressieux leur permettent d’acquérir par dot les maisons médiévales attenantes et d’agrandir le bâtiment.
En 1751, Joseph-Philibert de Belleval hérite des biens de sa mère et effectue de grands travaux dont diverses décorations intérieures. Il hérite également de la maison de Pierre Richer de Belleval.
Après la Révolution, la ville loue l’hôtel pour y installer ses bureaux, puis y aménage l’hôtel de ville en 1813. Ce ne fut réellement qu’en 1816 que la municipalité en devint propriétaire.
A partir de 1976, suite au déménagement de l’hôtel de ville dans des locaux modernes, il devint une annexe du Palais de Justice.
En 2017, la mairie vend l’hôtel à la société de promotion immobilière Helenis pour réaliser le projet d’un Art hôtel, dont le concept est d’associer des chambres d’hôtes personnalisées et décorées de manière artistique par des designers, à une galerie d’art contemporain pour une clientèle touristique haut de gamme.
Le bâtiment est inscrit en totalité au titre des monuments historiques. Il a été conçu comme un lieu conciliant patrimoine et art contemporain.
Ce bel immeuble présente un très beau décor ordonnancé sur la place de la Canourgue qui s’étend au devant de sa façade, notamment les deux atlantes qui soutiennent la partie centrale de l’un des plus grands balcons de Montpellier.
On pénètre dans l’hôtel Richer de Belleval par un péristyle composé de douze colonnes néoclassiques installées pour consolider l’édifice en 1827.
Sous la voûte d’entrée, des dizaines de coeurs colorés parsèment le plafond et tracent un chemin quadrillé vers la cour intérieure. Derrière ce signe empli d’amour, les amateurs d’art contemporain reconnaîtront immédiatement la signature de l’Américain Jim Dine, qui le décline régulièrement au fil de ses toiles et de ses sculptures. Sur cette mosaïque monumentale de plus 30m², composée de carreaux de grès, 105 coeurs se déploient en une infinité de couleurs.
Pour que son oeuvre s’intègre harmonieusement au sein de l’hôtel particulier du XVIIe siècle, Jim Dine a opté pour une technique ancestrale, celle des émaux, sous le parrainage de la Manufacture de Sèvres.
La cour d’honneur, couverte d’une verrière, abrite les décors historiques minutieusement restaurés.
En lieu et place des carrosses qui y déposaient les notabilités locales au XVIIIe siècle, elle accueille un restaurant bistronomique ouvert par les Frères Pourcel et la Fondation d’entreprise GGL-Helenis pour l’art contemporain.
Le bâtiment accueille un hôtel Relais & Châteaux de 20 chambres.
Il conserve des éléments d’architecture remarquables et des décors historiques, sculptures, fresques et gypseries uniques datés de différentes époques et réalisés par le peintre Jean de Troy et les sculpteurs P. Vaneau, Jean Sabatier ou encore Jacques-Louis Guigues…
Comme dans beaucoup de demeures construites ou décorées au XVIIIe siècle à Montpellier, le bâtiment s’enorgueillit de mascarons évoquant les saisons et des figurines se détachent sur les murs et observent les visiteurs.
De nombreux visages enjoués ornent les consoles qui supportaient autrefois des bustes de divinités.
Dans la cour d’honneur de l’hôtel particulier, une joueuse de flûte de pan au joli visage rond est sculptée dans la pierre. Cette fontaine est l’oeuvre du sculpteur Jacques-Louis Guigues, réalisée entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle.
Excellent musicien et sculpteur de talent, Jacques-Louis Guigues fut également directeur de l’école des Beaux-Arts de Montpellier et conservateur du Musée Fabre.
L’une des salle voûté du rez-de-chaussée présente des créations de Voglio Bene. Ce sont des oeuvres de Bénédicte Piccolillo, designer, diplômée en photographie et graphiste autodidacte.
Après un bref passage aux beaux-arts, elle décide de tout quitter pour devenir photographe. Quelques aventures plus tard, elle tombe amoureuse d’Adobe Photoshop et ne le quittera plus. Elle se lance alors corps et âme dans le design et la création, en y incorporant un mix de ce qui la passionne : le tattoo, l’univers baroque, l’onirique et le mystique.
Les éléments de décor que l’on retrouve dans les trois salles voûtées du restaurant gastronomique sont contemporains de l’édification de l’hôtel particulier, à la fin du XVIIe siècle.
Dans la « salle aux gypseries » se trouve un décor d’une grande richesse esthétique et sémantique, probablement daté de la construction du bâtiment (1676-1678). Les peintures sont attribuées à Jean de Troy et les gypseries à Pierre Vaneau.
Elle abrite le restaurant gastronomique des frères Pourcel : le Jardin des Sens.
Cet hôtel particulier est devenu un lieu régénéré, restauré avec cohérence par des équipes soucieuses d’une réhabilitation réussie.
Le cabinet Philippe Prost, l’Atelier de Ricou, Christian Collot, les frères Pourcel, tous architectes, metteurs en scène d’ambiance, restaurateurs, chefs cuisiniers ont travaillé dans l’exigence sans contrarier l’origine du bâtiment, ils ont conservé planchers, fresques et peintures et mis en place installations, ouvrages d’art contemporain et objets qui réveillent l’émotion, donnent ce cachet intemporel qui traversera le temps.
La cour d’honneur s’ouvre sur un escalier à double révolution qui se termine par une seule volée de marches dans sa partie supérieure.
Il porte également le nom d’escalier aux douze Césars en raison des douze bustes d’empereurs romains qui trônent au sommet de la cage d’escalier.
Les bustes sont datés du XVIIe siècle et attribués au sculpteur Jean Sabatier. En accord avec l’oeuvre de Suétone La Vie des douze Césars, ils représentent les douze premiers dirigeants de Rome ayant porté le titre de César, de Jules César à Domitien. Sous chacun, un cartouche illustrant une scène marquante de leur règne permet de les identifier.
La cage d’escalier est coiffée par une oeuvre de Marlène Mocquet intitulée Longue Vue. Composée sur plusieurs panneaux de bois, dorés à la feuille de laiton par l’atelier Ulgador, l’oeuvre a été conçue spécialement aux dimensions du caisson.
À l’aide d’une longue-vue, les visiteurs peuvent admirer l’oeuvre dans ses détails les plus infimes : Marlène Mocquet y a représenté de minuscules flamants roses et de nombreux oiseaux, perchés dans les branches d’un Salix, gravure botanique de Pierre Richer de Belleval, qui donna son nom au bâtiment. L’oeuvre poursuit ainsi l’hommage rendu à l’histoire du lieu.
Mais le joyau de l’hôtel, s’il en est un, se découvre une fois l’escalier franchi. Le bar a été aménagé comme un cabinet de curiosité, un salon à l’italienne remarquable par ses volumes, ses décors et ses portes à vantaux Louis XV.
Le mur central, outre ses nombreux objets, est toujours occupé par le buste de Marianne. Cette salle est chère au coeur de nombreux montpelliérain car elle était la salle des mariages de l’ancien hôtel de ville.
La création la plus impressionnante de cet édifice reste sans doute celle de Jan Fabre. Cet artiste flamand, arrière-petit-fils du célèbre entomologiste aveyronnais Jean-Henri Fabre, s’est déjà illustré dans la décoration d’un plafond du palais royal de Bruxelles.
Il a créé Hommage à un esprit libre : une oeuvre inspirée des planches botaniques de Pierre Richer de Belleval, créateur, rappelons-le, du premier Jardin des Plantes de France.
Sertis dans les angles du lanternon qui éclaire la pièce au plafond, quatre panneaux en bas-relief composés de milliers d’élytres de scarabée, assemblés durant de longs mois, y composent une histoire de Montpellier.
Ils mêlent gravures botaniques, figure de serpents et motifs symboliques évoquant les armoiries des Guilhem, le caducée de la médecine, l’anneau du mariage et la balance de la justice. Tous font écho à une période de l’histoire de l’édifice.
Le coeur du lanternon est occupé par une impressionnante composition en bas-relief émeraude où deux phoenix accrochent leurs griffes au corps d’un serpent. Un travail d’orfèvre composé de milliers d’élytres de scarabée aux multiples reflets violacés et orangés, que l’artiste a utilisé tels quels, en exploitant leurs couleurs fascinantes.
Des phoenix qui symbolisent aussi la renaissance de cet hôtel particulier à travers les siècles. » (merci à Francky pour ce reportage – Photos : Francky et DR)
😀Pistounette
12 septembre 2023 @ 05:41
Magnifique reportage, merci Francky.
Je le relirai tranquillement ce soir pour en savourer tous les détails : il le mérite.
Lorsque je suis venue à Montpellier en septembre 2022, il y avait Place de la Canourgue des « oeuvres » de l’artiste japonais Tadashi Kawamata.
Ceci étant, pour avoir mangé au Jardin des Sens il y a une dizaine d’années, je trouve les frères Pourcel un peu surfaits… Je leur préfère d’autres adresses gastronomiques… mais ils ont une bonne com… et un beau site.
Francky
13 septembre 2023 @ 12:45
Merci Pistounette ! ;)
Il y a effectivement d’autres très bonnes et belles adresses gastronomiques…
Les frères Pourcel ont néanmoins le mérite d’avoir réhabilité un des trésor du patrimoine montpelliérain. Même si j’espérais secrètement qu’ils rachètent le château Bon, l’une des folies montpelliéraines qui se dégrade de plus en plus et qui vient d’être rachetée par un promoteur pour y construire des appartements de luxe et des villas contemporaines dans le jardin… Un véritable scandale avec la bénédiction des pouvoirs publics…
Philippe H.
12 septembre 2023 @ 05:48
Absolument passionnant !!!
Merci Francky…
DEB
12 septembre 2023 @ 06:59
Cet hôtel ne me séduit pas.
Je n’aime pas les restaurants car je trouve que la décoration n’a pas su tirer parti des magnifiques plafonds anciens en mettant des éléments trop modernes dans des tons froids sauf la salle voûtée, écrasée par l’excès de photographies très colorées.
Ne parlons pas des sapins de noël en désordre qui, pour moi, gâchent l’escalier.
Les têtes en façade sont très bien restaurées.
Article très intéressant et bien illustré.
Perlaine
12 septembre 2023 @ 07:52
Lieux brillamment présentés sur ce sujet par le talent de Franky que je remercie vivement .
Baboula.
12 septembre 2023 @ 08:04
Quelle magnifique iconographie pour cet article bien construit .
Jan Fabre est vraiment talentueux.
Merci à vous Francky .
laude Patricia
12 septembre 2023 @ 09:36
Bonjour à toutes et à tous
Une belle ville. Je n ai pas eu le temps de l explorer comme j aurai dû.
Les études avec 40 h de travail par semaine.
Antoine
12 septembre 2023 @ 10:54
Magnifique Reportage
Bravissimo
Marie DM
12 septembre 2023 @ 14:03
HORS SUJET pourquoi ne parle t on pas du mariage du duc d’Anjou. ils étaient rayonnants et les vêtements de Naomi étaient magnifiques.
Régine
13 septembre 2023 @ 10:40
Exclusivité des photos
Snoopy
12 septembre 2023 @ 17:05
Merci pour ce beau reportage et ces belles photos Régine.
Bien à vous.
Caroline
12 septembre 2023 @ 18:00
Vraiment magnifique ! Cet hôtel était régulièrement restauré au cours des siècles passés avec beaucoup de classe !
Un grand merci à Francky pour son reportage détaillé avec de belles photos !
Domin
12 septembre 2023 @ 18:22
Très belle réhabilitation !
Ambroisine
12 septembre 2023 @ 20:04
oh que de richesses et de travail, c’est magnifique
Opaline
12 septembre 2023 @ 23:31
Un vrai régal. Habitant dans l’agglomération de Montpellier et ayant désertée la ville (merci mr Delafosse pour sa superbe gestion visionnaire) cela va me forcer à y retourner car Montpellier sera toujours la Surdouée.
Et il est vrai, nous avons beaucoup de châteaux et de beaux domaines : châteaux de Flaugergues, de la Mogère, de Castries ( le Versailles du Languedoc), domaine de Biar…
Jean Pierre
13 septembre 2023 @ 11:04
Un hôtel particulier qui est devenu un hôtel tout court. La boucle est bouclée.
Danielle
13 septembre 2023 @ 20:31
Merci Franky pour votre travail sur cet hôtel.
Hervé J. VOLTO
16 septembre 2023 @ 18:42
Plus beaux à l’intéreur qu’à l’extérieur.