Les lois somptuaires ou le grand désastre de l’orfèvrerie française, tel est le sujet de cet article sous la plume d’Hélène R. Pour en saisir la portée, il faut se replonger dans le contexte historique de l’époque.
Seul le roi, le haut clergé et la noblesse étaient en possession d’immenses quantités de vaisselle d’or et d’argent. Ces pièces n’avaient pas que valeur d’apparat, considérées comme les biens mobiliers les plus sûrs, thésaurisées au-delà du raisonnable au détriment de la monnaie courante, qui verra son poids et son titre chuter au cours des siècles, sous Charlemagne la livre pesait 408 gr; 5 gr en 1789…
A l’origine, ces lois étaient promulguées pour tenter de limiter la possession d’objets précieux. N’ayant pas l’impact voulu, en 1311 Philippe le Bel en interdit toute fabrication pendant un an. Puis seules les personnes possédant plus de 6000 livres de rente, purent en garder une partie, le reste étant fondu à l’hôtel des monnaies.
L’infortuné dupé recevait en échange un reçu, une espèce de certificat de civisme. Bout de papier sans aucune valeur, si ce n’est de lui rappeler qu’il s’était fait dépouiller pour consolider la grandeur du royaume.
Ces masses de métaux précieux permettaient ainsi de financer le trésor royal en prévision de nouvelles guerres.
Il y avait un ordre bien précis, on fondait d’abord la vaisselle d’or, apanage des plus grandes familles, puis celle d’argent avec un distinguo. Venaient en premier les pièces plates comme les couverts, les plats etc.
La raison en est simple, elles ne n’ont pas de soudure (brasure), le métal est plus pur. Suivait la vaisselle « dite » montée, qui à l’inverse en nécessite de part ses fonctions et ses décors, comme les sucriers, verseuses, chocolatières et autres pièces de forme.
Dès 1294, Philippe IV le Bel institue des lois somptuaires pour réprimer l’extravagance des costumes. Ces lois moins connues perdureront.
Un courtisan suivant le Dernier Édit de 1633 remisant ses dentelles, rubans, broderies et manches crevées pour un habillement plus sobre conforme à la loi. (Bibliographie : Abraham Bosse)
François 1er – Teston du Dauphiné 2ème type (Romans). Monnaie d’antan, Laurent Fabre, numismate
La salière de Benvenuto Cellini (1540)
Le 24 février 1525, François 1er est fait prisonnier par Charles Quint. Il sera libéré un an plus tard le 14 janvier 1526 par le traité de Madrid qui stipulait l’abandon de la Bourgogne, des villes de la Somme et du Milanais, la restitution d’une une fleur de lys décorée de pierres précieuses, un morceau de la Sainte Croix et la promesse d’épouser la sœur de l’empereur.
A ces exigences vint s’ajouter une somme colossale 1.200.000 écus d’or, «la rançon de Bayonne ».
Méfiant, Charles Quint prendra en otage les enfants de France, François le dauphin et Henri, âgés de 10 et 8 ans. Leur détention durera quatre ans, le temps de réunir la rançon, et sera terrible.
De nombreux chefs d’œuvre furent fondus, par chance la merveilleuse salière en or de Benvenuto Cellini rejoindra les collections des Habsbourg.
Considérée comme une œuvre majeure de la Renaissance, c’est une allégorie célébrant les amours de François et de Diane de Poitiers, figurée par Neptune porté par des chevaux et Cybèle déesse de la terre assise sur un animal fantastique en vis à vis.
Boîte à portrait de Louis XIV ornée de diamants de la Couronne pour un corsaire malouin (1695) – Exposition privée- maison Rouillac
« La guerre est un Art qui détruit tous les autres » déclara Louis XIV.
Un grands nombre lois somptuaires furent promulguées par le monarque, et si comme le disait avec humour Saint-Simon, « Sa Majesté fait part à son bon peuple de ses énormes volontés », il n’en reste pas moins que c’est sous le règne du roi Soleil, célébrait pour sa magnificence, que les Beaux-Arts connurent une des périodes les plus dramatiques de leur histoire, période qui dura une dizaine d’années.
En décembre 1689, le roi informe les courtisans que tout son mobilier d’argent, tables, consoles etc. allait être fondu.
En mai 1690, de ces somptueuses pièces ne restera que 20 tonnes de métal. L’étoile des orfèvres pâlit, celle de ébénistes et des doreurs se mit à luire.
Bassin de toilette aux armes de la duchesse d’Orléans, fille légitimée de Louis XIV et de Madame de Montespan – Département des Objets d’art : XVIIe siècle – Louvre
Allégorie révolutionnaire (1793) – Musée Carnavalet (Paris)
La Révolution sera le dernier coup de boutoir porté à l’orfèvrerie, et quel coup de boutoir ! 58 tonnes d’argent fondu…
Petite consolation, le pays d’Oc sera toujours moins touché que celui d’Oïl en raison de sa situation géographique. La nouvelle se répandant comme une traînée de poudre, les gens avaient le temps de cacher leur argenterie avant l’application de la loi.
Il s’est murmuré qu’une paire de consoles d’époque XVIIIe en argent massif, serait toujours la possession d’une famille toulousaine. (merci à Hélène R.)
Luiston de Borbléans
8 octobre 2020 @ 07:07
Nous tenons à exprimer notre reconnaissance à Dame Hélène R. pour cet original et très intéressant article.
Elle Nous fait souvenir que Nos Glorieux Ancêtres n’ont pas toujours su sauvegarder le Trésor Royal, et se sont même employés à le dilapider, non pas pour bâtir la Paix mais pour nourrir la Guerre.
Baia
8 octobre 2020 @ 12:57
Que de majuscules …
Robespierre
8 octobre 2020 @ 07:42
Un jour Louis XIV où se vantait de son sacrifice : avoir dû faire fondre toute son argenterie, pour la guerre, un courtisan rétorqua : « oui, mais quand Jésus Christ mourut il savait qu’il ressusciterait dans trois jours »
Leonor
8 octobre 2020 @ 11:28
Une de mes petites-filles (10 ans) avait à faire récemment un exposé sur Versailles. Cette histoire de faire fondre l’argenterie y figurait . Elle a pris soin de préciser que els pots de chambre en argent y ont passé aussi.
Hilarité de la classe. Aucun des marmots n’oubliera désormais que Louis XIV faisait pipi-caca-prout dans de l’argent !
De l’art de tenir son public.
Robespierre
8 octobre 2020 @ 07:43
pardon… un jour où Louis XIV…
Leonor
8 octobre 2020 @ 09:11
Bien bel article, merci, Hélène R.
marianne
8 octobre 2020 @ 09:15
Merci beaucoup Hélène R pour cet page d’ histoire et les photos.
Menthe
8 octobre 2020 @ 09:46
Très intéressant cet article, j’ignorais totalement l’existence de ces lois somptuaires.
Anto
8 octobre 2020 @ 09:54
Merci Hélène R.! Très instructif!! Le conjoint de ma soeur a trouvé une pièce d’or en faisant des rénovations sur la maison de famille sur l’île d’Oléron; de nos jours, une seule pièce d’or représente un véritable trésor!!! J’ai hâte à votre prochain texte, Hélène! Merci Régine!
Catherine
8 octobre 2020 @ 10:17
C’est passionnant ,
Merci Hélène R 🙏
Pastelin
8 octobre 2020 @ 10:50
Un seul mot : passionnant…
De telles pépites, j’en redemande.
Merci beaucoup pour cet article.
Guizmo
8 octobre 2020 @ 12:10
Merci beaucoup pour cet article. Combien de magnifiques oeuvres d’art ont ainsi disparu pour financer les guerres.
AG
8 octobre 2020 @ 12:21
Un tout grand merci pour cet article
Francois
8 octobre 2020 @ 12:45
j’aime l’orfevrerie plus que de raison , souvent fondue elle renait de ses cendres.
Alix-Emérente
8 octobre 2020 @ 13:58
Merci infiniment Hélène R. pour ce passionnant article : moi aussi j’ignorai…
Danielle
8 octobre 2020 @ 16:06
Merci Hélène R pour cet article intéressant.
Teresa2424
8 octobre 2020 @ 22:13
Muchas gracias Helene R muy interesante artículo
Gracias Regine por compartirlo