Noblesse et Royautés : Madame, Monseigneur, commençons par le commencement. Comment le prince Achille Murat a-t-il rencontré la princesse Salomé Dadiani qu’il a épousée à Paris en 1868 ?
Prince Alain Murat : La rencontre entre mon aïeul le prince Achille Murat et la princesse Salomé Dadiani a eu lieu à Paris.
Princesse Véronique Murat : La reine Catherine de Mingrélie était honorée par le tsar à Saint Pétersbourg avant que celui-ci ne la mette en résidence surveillée. Elle avait réussi à quitter le pays pour s’établir en France où elle espérait obtenir l’appui de l’empereur Napoléon III afin que son royaume redevienne indépendant.
Elle s’est très bien entendue avec l’impératrice Eugénie qu’elle connaissait en fait avant que celle-ci ne soit l’épouse de Napoléon III.
Prince Alain Murat : La reine Catherine (ci-dessus) était établie avec une cour de 80 personnes au Louvre et aux Tuileries. Nous sommes alors en pleine période post guerre de Crimée.
Princesse Véronique Murat : Le premier prince de Mingrélie fut en 1143. La famille fit fortune grâce à l’or et aux droits de passage car c’était la route de la soie. On n’imagine pas mais encore en 1914-1918, Tbilissi était un lieu de passages pour cette fameuse route de la soie avec des caravanes comptant des chameaux !
Prince Alain Murat : La reine Catherine est accompagnée par sa fille la princesse Salomé. Il est alors décidé de favoriser un mariage entre la princesse et la famille impériale. Par extension, le choix se porte sur le prince Achille Murat qui est le petit-fils du prince Joachim Murat et de la princesse Caroline Bonaparte, sœur de l’empereur Napoléon I.
C’est clairement un mariage arrangé mais qui fonctionnera. Les noces sont célébrées à Paris en 1868.
Noblesse et Royautés : Comment se passe l’installation du prince Achille et de la princesse Salomé en Mingrélie ?
Prince Alain Murat : Dans un premier temps, le couple princier vit à Paris puis très fidèle à l’empereur, le suit dans son exil en Angleterre. Achille Murat sert en tant qu’aide de camp de l’empereur Napoléon III. A son décès, il est décidé de s’installer en Mingrélie.
Princesse Véronique Murat : La reine Catherine avait eu trois enfants. Elle est la dernière souveraine régnante de Mingrélie, annexée par le tsar Alexandre II. Son fils Nicolas (ci-dessus) a renoncé à ses droits en 1867 et s’est rapproché du tsar. Il n’a ensuite forcément plus mis un pied en Mingrélie. Son autre fils ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance. le prince Nicolas eut un fils également prénommé Nicolas qui mourut, sans descendance, de faim et de soif dans les prisons Mencheviks de Saint Pétersbourg en 1917.
La seule et unique descendance est donc celle de sa fille la princesse Salomé Dadiani et de son époux le prince Achille Murat.
Prince Alain Murat : En 1876, Achille et Salomé avec leurs enfants viennent à Zougdidi ancienne capitale du royaume de Mingrélie. Ils viennent clairement pour prendre possession de cet héritage centenaire et des propriétés.
Noblesse et Royautés : En 1895, leur palais de Zougdidi brûle et le prince Achille est accusé d’être l’auteur de l’incendie. Il se suicide au relais de chasse de Chkadouache à l’âge de 48 ans. Que deviennent alors son épouse la princesse Salomé et leurs trois enfants dont le prince Lucien, votre grand-père ?
Prince Alain : La reine Catherine fait construire des palais dont l’un à Zougdidi pour Achille et Salomé. Ce sont de belles bâtisses mais pas des châteaux comme on peut le concevoir en France.
Ils font comme l’on dit souche en Géorgie. En 1895, le palais de Zougdidi brûle, la rumeur populaire laisse entendre que c’est le prince qui a mis volontairement le feu afin de toucher l’assurance. La fierté du prince Achille est touchée au plus profond. Il se suicide à son relais de chasse de Chkadouache au bord de la Mer noire où il est inhumé.
Au moment de la mort du prince Achille, son fils le prince Lucien étudie en Angleterre à Oxford. Il termine ses études et est rappelé par sa mère la princesse Salomé afin de prendre la succession.
Princesse Véronique Murat : En 1897, le prince Lucien épouse Marie de Rohan-Chabot (ci-dessus). C’est en voyage de noces que la nouvelle princesse découvre la Géorgie. Elle va en fait détester le pays. Son journal intime en témoigne largement ! Elle ne se voit en aucune manière vivre sur le long terme en Géorgie. Enceinte, elle décide de retourner à Paris pour accoucher. Elle met au monde un fils prénommé Achille comme son grand-père paternel défunt. Marie de Rohan-Chabot n’a pas bien vécu sa grossesse et son accouchement. Elle décrète qu’elle n’aura plus d’enfant.
Prince Alain Murat : Dès ce moment, le couple vit séparé. Le prince Lucien réside en Géorgie tandis que son épouse est à Paris. Elle vit avec leur fils dans un hôtel particulier du boulevard des Invalides. (à suivre…)
DEB
28 mai 2019 @ 07:24
Récit très intéressant.
Je ne connaissais que très peu l’histoire de cette famille.
Merci à Régine et aux princes.
corentine
28 mai 2019 @ 07:46
Merci Régine et merci au prince et à la princesse Murat
début passionnant , je découvre et j’attends la suite impatiemment
Charles
28 mai 2019 @ 08:22
Merci Regine pour ce sujet très intéressant
Sophie
28 mai 2019 @ 08:38
Comme très souvent, les histoires d’amour sont passionnées mais en chemin deviennent terriblement compliquées.
aubert
28 mai 2019 @ 08:42
Marie-Augustine Josèphe de Rohan-Chabot
Elle fut l’amie de Robert de Montesquiou qui écrivit: « le jour de son mariage je lui offris une chose innommable, un éventail peint par Son Altesse (Mathilde Bonaparte) et dont on n’a jamais bien pu savoir s’il représentait des rognons de veau ou des orchidées. Je le fis encadrer avec une magnificence qui faisait ressortir son indigence; quand la peintresse se vit remettre sous le nez cet antique péché contre l’art, la botanique et la viande de boucherie elle faillit en rendre de colère, au diable qui l’attendait, sa vieille âme corse « .
Marcel Proust : » c’est l’une des femmes les plus intelligentes, les plus fines mouches et les plus amusantes que je connaisse… »
En deuxièmes noces elle épousa Louis-Charles de Chambrun.
Marie de Rohan-Chabot fût peintre de talent, portraitiste et paysagiste, elle fut l’auteur de plusieurs ouvrages historiques. Elle fut membre du jury du prix Fémina.
Sources: Histoire et généalogie des Maisons de Rohan et de Rohan-Chabot. Georges Martin.
Corsica
28 mai 2019 @ 09:05
Excellente première partie qui me fait découvrir une région dont la géographie et la politique me sont plus ou moins connues et plutôt moins que plus ! Je viens ainsi de découvrir que la Mingrélie fut une province puis une principauté de la Géorgie.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mingrélie
L’histoire du prince Achille, bel homme de haute stature comme son grand-père, montre que les rumeurs peuvent avoir des conséquences dramatiques. Les tabloïds et les réseaux sociaux, qui relaient n’importent quoi pour salir, devraient en prendre de la graine.
Pierre-Yves
28 mai 2019 @ 09:15
La princesse Lucien Murat, Marie de Rohan-Chabot, est une figure de la vie mondaine d’avant 1914. L’abbé Mugnier, qui dînait un soir sur deux en ville et connaissait à peu près tout Paris, la cite fréquemment dans son journal.
Jean Pierre
28 mai 2019 @ 11:32
Une femme de lettres plongée dans la vie mondaine parisienne ne peut décemment pas vivre en Mingrelie.
Mais cela aurait eu du panache de découvrir dans Proust, la reine de Naples rencontrant la reine de Mingrelie.
Patricio
28 mai 2019 @ 11:53
Très intéressant, merci Régine
Amitiés
Patricio
Mayg
28 mai 2019 @ 13:13
Très intéressant. Je n’avais jamais entendu parler de ces souverains de Mingrélie.
Claudia
28 mai 2019 @ 13:47
J’avoue que je n’avais jamais entendu parler de la Mingrélie….
Alinéas
28 mai 2019 @ 14:17
Merci pour cette première partie détaillée, fort intéressante.. C’est avec impatience que j’attends la suite !!!
Julie W.
28 mai 2019 @ 23:04
C’est très émouvant, pour moi, de lire cet échange. Car mon arrière-grand-oncle – un français installé à Zougdidi – était très proche des princes Dadiani. Il avait épousé une cousine de Niko 1er et Salomé. Cette « tante de Géorgie » m’a beaucoup intriguée, plus jeune… On la disait d’une beauté incroyable.
Merci à Noblesse & Royautés pour ces précieux témoignages ! On parle si peu de cette famille, liée à d’intéressants personnages – comme Bertha von Suttner (1843-1914), première femme Prix Nobel de la Paix.
Anne-Cécile
29 mai 2019 @ 06:55
Ce que l’on oublie souvent de préciser, c’est que les principautés géorgiennes demandèrent la protection de la Russie tsariste et devinrent volontairement des protectorats.
Puis les familles régnantes de ces principautés, et plus encore la noblesse, en virent à demander leur incorporation dans la noblesse d’Empire (pour leur permettre d’accéder à des fonctions rémunératrices, car beaucoup étaient « pauvres » – un dicton géorgien : est prince celui qui a sa propre grotte et des chèvres). La conséquence juridique fut qu’ils signèrent la fin de leur indépendance.
On peut voir encore le document (certains princes ne sachant écrire signèrent d’une croix) demandant leur rattachement à la noblesse d’Empire à la Bibliothèque nationale parlementaire de Géorgie.
Philippe
29 mai 2019 @ 08:36
Totale solidarité avec Marie de Rohan-Chabot.
La pauvre … quel cauchemar !
ABER
1 juin 2019 @ 20:21
Oui à l’époque çà devait être quelque chose….parce qu’ encore aujourd’hui, c’est un autre monde….Il faut supporter. En Afrique, j’ai vu des expats tomber en dépression permanente….faire abstraction de ses habitudes est impératif.