C’est le 5 avril 1811 que voit le jour Marie Brignole-Sale, fille du marquis Antoine de Brignole-Sale, descendant d’une importante famille patricienne comptant dans ses rangs des diplomates, des sénateurs, des ambassadeurs et même des doges. Le marquis est préfet de la république ligurienne sous le règne de l’empereur Napoléon I, puis ambassadeur de Sardaigne en France sous le règne du roi Louis-Philippe avec qui il tisse des liens de grande proximité.
La petite Marie passe beaucoup de temps à la Cour aux Tuileries avec les enfants du souverain. En 1828, elle épouse le marquis Raphaël de Ferrari issu d’une importante famille de Gênes, qui fut de plus l’un des promoteurs de la ligne ferroviaire Paris-Lyon-Méditerranée ainsi que du Canal de Suez.
De cette union naissent trois enfants : Livia (1828-1829), Andrea (1831-1847) et Philippe (1850-1917). Le décès d’Andrea, jeune adolescent, est un grand drame pour le marquis et la marquise de Ferrari. Cette dernière reporte alors sa tendresse maternelle sur le prince Antoine d’Orléans, duc de Montpensier (fils cadet du roi Louis-Philippe et de la reine Marie Amélie), qui était si proche de son défunt fils.
Philippe, le seul enfant survivant du marquis et de la marquise, est un jeune homme très brillant qui s’intéresse beaucoup à la philatélie mais qui vit en révolte par rapport aux siens.
On considère à cette époque que le couple est le plus fortuné de France. En 1837, ils achètent le domaine de Galliera en Emilie. L’année suivante, le pape Grégoire XVI confère au couple le titre de duc et duchesse de Galliera. Il s’agit d’un titre que Napoléon I avait octroyé à sa petite-fille mademoiselle de Beauharnais mais qui avait ensuite réintégré les Etats de l’Eglise en 1915.
Le duc et la duchesse de Galliera rachètent en 1852 l’hôtel de Matignon au duc de Montpensier qui connaît de graves difficultés financières suite à l’exil de sa famille.
La duchesse de Galliera donne tout son lustre à l’hôtel de Matignon où elle reçoit l’élite de la vie culturelle et politique de Paris, entourée par une cohorte de domestiques, estimée à 200 personnes !
En 1861, le duc et la duchesse sont titrés prince et princesse de Lucedio par le roi Victor Emmanuel II de Savoie suite à l‘achat quelques mois plus tôt en Italie du domaine de Lucedio.
En 1876, le duc de Galleria s’éteint à Gênes. Son seul fils Philippe refuse à la fois le titre ducal et l’héritage familial.
On estime que la duchesse se retrouve au moment de son veuvage à la tête d’une fortune estimée à 225 millions de francs or. Consciente que son fils la rejette totalement, elle décide de se lancer à corps perdu dans des actes de mécénat et philanthropies comme par exemple en créant un orphelinat à Meudon, un hospice pour personnes âgées ou un don d’un million pour créer ce qui est aujourd’hui l’institut d’Etudes politiques de Paris.
La duchesse de Galliera se met alors en tête d’avoir son propre musée où sa collection parisienne pourrait être mise en valeur. Mais la loi d’exil de 1886 qui s’applique aux princes de France, provoque son indignation. A sa manière, elle proteste en décidant de léguer sa riche collection comptant des porcelaines de Sèvre, des objets des Gobelins mais aussi de nombreuses toiles de peintres italiens, flamands et espagnols au Palazzo Rosso de Gênes.
Toutefois, la construction de son musée se poursuit. La duchesse de Galliera souhaite que ce palais-musée soit entouré d’un square et que deux rues adjacentes soient créées portant respectivement les noms de Galliera et Brignole (son nom de jeune fille). Elle entend aussi léguer ce musée à l’Etat français mais en conserve évidemment la jouissance de son vivant. Mais son notaire commet une erreur et retranscrit que le legs est destiné à la Ville de Paris…
Marie Brignole-Sale, duchesse de Galliera, princesse de Lucedio et marquise de Ferrari s’éteint à Paris à l’âge de 77 ans le 9 décembre 1888. Elle transmis le titre de duc de Galliera au prince Antoine de d’Orléans, duc de Montpensier.
Dan son testament, on notera aussi qu’elle a fait don de cinq millions de francs à l’impératrice douairière Victoria d’Allemagne, ce qui permettra à cette dernière de construire le château de Kronberg.
Son palais musée est hérité par la Ville de Paris qui peut, comme le testament le stipule, en faire ce que bon lui semble puisque les collections de la défunte sont parties à Gênes. Le bâtiment n’est pas encore achevé mais la duchesse a laissé les dispositions financières en ce sens. Les travaux se poursuivront pour s’achever six ans plus tard par l’architecte Paul-René Ginain.
Le musée tant désiré par la duchesse devient un musée d’Art industriel qui accueille des expositions d’arts décoratifs qui commencent alors à être en vogue.
Au milieu des années 1950, le musée présentera des expositions de peintres comme Matisse, Léger, Braque ou Picasso puis sera occupé par la Compagnie des commissaires-priseurs
Aujourd’hui, le Palais Galliera abrite le musée de la mode de Paris. Une exposition présentant une rétrospective de Jeanne Lanvin s’y tient actuellement. La prochaine grande exposition sera consacrée à la garde-robe de la comtesse de Greffulhe. Un parc comme le souhaitait la duchesse est ouvert au public.
Zeugma
12 juillet 2015 @ 10:06
Un grand merci à « Noblesse & royautés » pour ce reportage très intéressant.
Je vais souvent voir les expositions du Musée Galliera, souvent magnifiques, y compris celle qui se déroule en ce moment, consacrée à Jeanne Lanvin.
(Un seul immense regret : il n’y a pas de réduction pour les personnes âgées.)
Nous attendons avec impatience l’exposition sur les toilettes de la comtesse Greffulhe – je crois qu’on prononce « gréfeuille » – qui va naturellement attirer une foule très nombreuse. (L’exposition « Jeanne Lanvin » montre déjà quelques vêtements de celle qui fut l’égérie de Marcel Proust.)
patricio
12 juillet 2015 @ 11:50
Merci Régine , je ne connaissais pas l’histoire de cette famille.
Je ne connaissais le titre de Galiera que par l’Infante Eulalia duchesse de Galiera,tante du roi Don Alfonso XIII.
Amitiés
Patricio
Jean Pierre
12 juillet 2015 @ 12:26
Aumale eût les Condé et Montpensier les Galliera.
Danielle
12 juillet 2015 @ 14:11
Beau musée qui offre de superbes expositions.
Marcel
12 juillet 2015 @ 14:12
Philippe De Ferrari né à Paris le 11 janvier 1850 et mort à Lausanne le 20 mai 1917, est un célèbre collectionneur de timbres-poste, né et résidant en l’hôtel Matignon (ancien Hôtel Galliera) à Paris.
Fils de Raffaele De Ferrari et de Maria Brignole Sale, duc et duchesse de Galliera, il a pour parrain le prince Philippe d’Orléans, comte de Paris et prétendant orléaniste au trône de France.
Philippe De Ferrari fit de brillantes études au lycée Louis-le-Grand, et à l’École centrale après avoir réussi le concours d’entrée. Il travailla comme répétiteur, puis sera professeur à l’École libre des sciences politiques.
Après la mort de son père, à sa demande, il fut adopté par le comte autrichien de La Renotière von Kriegsfeld et prit la nationalité autrichienne. Il se fait alors appeler baron Philippe de La Renotière von Ferrary ou Philippe-Arnold Ferrari de La Renotière ou encore Philipp von Ferrary.
Philippe De Ferrari est l’héritier de la fortune de sa mère, Maria Brignole Sale, et de celle de son père, Raffaele De Ferrari, bien qu’il ait refusé ses titres de noblesse et en partie son héritage au décès de ce dernier. Membre d’une des plus riches familles de l’époque, il put acheter les timbres-poste les plus rares, et les monnaies les plus recherchées.
Sa mère, Maria, est la fille du marquis Antonio Brignole Sale, ambassadeur de Sardaigne en France, et ancien conseiller de Napoléon Ier, intime de la famille d’Orléans et du Comte de Paris. Elle offrit le palais Galliera à la ville de Paris, pour en faire un lieu d’exposition d’œuvres rares, et elle fait don à sa mort (1888) de sa résidence, l’Hôtel Matignon, à l’Autriche-Hongrie pour en faire son ambassade. Philippe gardera la jouissance du pavillon (de droite) de l’Hôtel Matignon et y demeurera jusqu’à son départ en 1914 pour la Suisse.
Son père, Raffaele, est un riche négociant génois, fait duc de Galliera par le pape Grégoire XVI et prince de Lucedio par le roi Charles-Albert de Sardaigne, il a participé financièrement à la reconstruction du port de Gênes. À son arrivée en France, il devient actionnaire principal du réseau de chemins de Fer Paris-Lyon-Marseille (PLM), et est aussi fondateur du Crédit immobilier de France avec les frères Pereire, rivaux des Rothschild, il décéda en 1876.
Un collectionneur avisé
Collectionneur dès sa jeunesse, la philatélie devint sa raison de vivre, et il utilisa sa fortune pour se procurer les timbres les plus rares. Il se soignait peu et habitait Paris où, escorté de son secrétaire, il passait ses journées à rencontrer des marchands de timbres qu’il payait rubis sur l’ongle.
Ne discutant pas les prix quand des timbres lui plaisaient, il avait gagné la faveur de ces commerçants qui lui réservaient ce qu’ils avaient de mieux, en en gonflant quelque peu les prix. Il n’hésitait pas à voyager, en France ou à l’étranger, chaque fois qu’il espérait obtenir une pièce particulièrement rare. Mais il n’était pas aussi naïf que ses fournisseurs le croyaient, et, conseillé par Pierre Mahé, il savait choisir, même en les payant cher, les pièces qui avaient le plus de chances de monter. Le marchand Victor Robert note ainsi dans ses souvenirs que Philippe de Ferrari fut pris de tremblement lorsqu’il acheta pour 7 500 francs-or de l’époque la seule paire tête-bêche de 15 centimes vert type Cérès connue.
C’est ce personnage fantasque et maladif qui contribua à faire de la philatélie une activité « sérieuse » en acceptant de payer des sommes importantes pour les timbres qui l’intéressaient, et en obligeant du même coup les autres collectionneurs à élever leurs efforts financiers, lorsqu’ils voulaient acquérir des raretés.
À noter qu’il a possédé aussi une importante collection de monnaies anciennes (papales notamment).
Soucieux de rendre sa collection accessible au public, il en fait don par testament au musée postal de Berlin, seul musée postal existant alors, le 30 janvier 1915. Cependant, étant sujet autrichien résidant en France, il se réfugia en Suisse pendant la Première Guerre mondiale. Mais il avait eu en 1914 la mauvaise idée de laisser ses albums de timbres à l’ambassade d’Autriche (Hôtel Matignon) de Paris. Aussi, à sa mort en 1917, sa collection placée sous séquestre reste entre les mains des autorités françaises jusqu’à sa dispersion entre 1921 et 1926, par 14 ventes aux enchères, en paiement des dommages de guerre dus par l’Allemagne et l’Autriche à la France. Le produit de ces enchères sera de plus de 30 millions de francs de l’époque. Sa collection de monnaies sera dispersées chez Sotheby, Wilkinson & Hodge à Londres, durant une vente qui dura 5 jours en 1922.
Parmi les timbres rarissimes qu’il a possédés s’est trouvé l’unique exemplaire du « One cent magenta (de 1856) de Guyane britannique, l’unique exemplaire neuf connu du Two cents bleu de Hawaï de 1851, l’unique Tre skilling jaune suédois et l’enveloppe dite « de Bordeaux avec les deux Post Office, 1 penny rouge et 1 deux pence bleu, de l’Ile Maurice (Mauritius), unique affranchissement connu de ce type sur lettre. Sa collection de timbres-poste de France comprenait l’unique paire tête-bêche du 15 centimes vert de 1850 connue, des paires avec tête-bêche de un franc vermillon, etc.
Quelques-unes des plus célèbres pièces de l’ancienne collection Ferrari
L’unique One cent magenta » de Guyane britannique, un des timbres les plus chers du monde.
L’unique tre skilling jaune de Suède.
Un exemple de deux cents bleu de l’émission des Missionnaires de Hawaï.
L’erreur de couleur : kreuzer noir sur bleu-vert du Duché de Baden, connu en deux exemplaires.
L’enveloppe dite de Bordeaux : Post-office de l’Ile Maurice (Mauritius)
COLETTE C.
12 juillet 2015 @ 14:35
Une famille que je découvre. Merci !
Que de drames dans cette famille, deux décès précoces, et un troisième enfant très particulier !
flabemont8
12 juillet 2015 @ 15:53
Merci, Régine , pour l’histoire de ce palais , très intéressante à découvrir .
j21
12 juillet 2015 @ 16:15
Je ne rate aucune exposition, ma préférée celle consacrée à Azzedine Alaïa.
Gustave de Montréal
12 juillet 2015 @ 16:19
De cette famille nous trouvons Marie-Catherine de Brignole-Sale (1737-1813) épouse d’Honoré III de Monaco. Elle est l’arrière-grand-mère du prince Albert Ier, arrière-grand-père du prince Albert II. Pas trop compliqué?
Figaro
12 juillet 2015 @ 17:52
Au lieu de reporter son amour maternel sur le duc de Montpensier, la marquise aurait mieux fait de s’intéresser à son fils Philippe. Lui était bien vivant mais seul comptait Andréa et son substitut. Je peux comprendre que Philippe soit entré en rébellion.
Caroline
12 juillet 2015 @ 22:09
Merci pour votre article intéressant sur le Palais Galliera!
C’est rarissime qu’un prince abandonne tout y compris l’argent!A-t-il eu une descendance?Quel était son nom de famille?
Francine du Canada
12 juillet 2015 @ 22:35
Mais c’est horrible ce que vous nous racontez Régine, j’en conclu que les dernières volontés de la duchesse de Galliera n’ont pas été respectées; l’erreur de son notaire est impardonnable : « l’État français », ce n’est pas la « Ville de Paris »? Grrrr!
Une erreur s’est produite dans le testament d’une de mes vieilles tantes (+ 90 ans), il y a quelques années et après mûres réflexions, j’ai décidé de l’aider à rétablir la situation et c’était délicat car je faisais partie des héritiers légaux et je ne voulais pas me retrouver dans une situation « oiseuse » de conflit d’intérêt mais… j’ai demandé conseil à un juge de paix et il a pris les choses en mains : Son testament a été modifié (sans frais) pour refléter ses volontés et elle est toujours en vie et j’espère qu’elle vivra encore longtemps et qu’elle dépensera tout son argent hahahahaha! FdC
Galliera
29 mai 2019 @ 19:03
Merci de raviver le souvenir de cette noble dame