Commencée dès 1490, sur l’emplacement de deux maisons léguées à la Ville par Jean Loutrel en 1397 (il les lui louait depuis 1367), l’édification de l’hôtel de ville de Compiègne est confiée vers 1504-1505 à Pierre Navyer, dit Pierre de Meaux, un maître-maçon qui collabora avec Pierre Chambiges.
L’édifice marque une transition entre le gothique finissant et la première Renaissance, construction, entièrement en pierres de Saint Leu, transportées par la rivière.
Il témoigne d’abord de la prospérité retrouvée du Compiègne de la fin du XVe siècle, renouvelant alors un patrimoine municipal auparavant négligé. La première moitié de ce siècle a vu en effet s’accumuler les désastres : Compiègne au milieu du XVe siècle est en partie en ruine après avoir subi plusieurs sièges et perdu les deux tiers de ses habitants. Toutefois, l’administration communale, très sollicitée lors de la guerre de Cent Ans, s’est développée et pris une importance jusqu’alors jamais atteinte .
La fin du XVe siècle, portée par une reprise économique urbaine florissante, est la grande époque des constructions édilitaires municipales : hôtels de ville et halles. Leurs formes sont généralement empruntées au vocabulaire architectural des édifices religieux à quelques exceptions près : ainsi les fenêtres le plus souvent rectangulaires et non ogivales, les charpentes sont toujours très importantes. Signe des temps, la façade du bâtiment est monumentale. L’édifice est le symbole de la puissance bourgeoise avec son beffroi qui se dresse en rival des clochers des églises.
Au-dessus, se dégage du toit, entre deux belles lucarnes, cet élégant beffroi, haut de 47m.30 avec sa flèche et flanqué de tourelles à poivrières. Le beffroi renferme la « Bancloque », datant de 1303. La Bancloque était autrefois le nom donné à la cloche du beffroi communal. Utilisée pour sonner l’alarme, rassembler les habitants, annoncer un évènement, c’est une des plus anciennes cloches connues. Elle porte une inscription attestant de son nom et de sa fabrication en 1303, par maîtres Gilles de Bliki et Guillaume de Croisilles, au temps de Foucart Harel, l’un des derniers maires médiévaux.
D’abord placée dans le clocher de l’église Saint-Jacques, la Banclocque gagna le nouveau beffroi en 1517. Elle. Le beffroi était sommé d’un lion en guise de girouette, il sera descendu en 1793. L’escalier de pierre quant à lui fut remplacé par un escalier de bois par l’architecte Adrien Mouton lors de l’installation de l’intendant dans le bâtiment en 1778.
Le 12 octobre 1530, une horloge est installée au sommet du beffroi. Dès cette l’époque, elle animait tous les quarts d’heure trois jaquemarts en bois, les premiers Picantins figurant des lansquenets à la mode de François Ier.
En frappant les cloches du beffroi avec leurs marteaux ils « piquent le temps », ce qui est devenu, en patois picard, « picantins ». Les Compiègnois leur donnèrent très vite trois surnoms correspondant aux ennemis de cette époque : Langlois pour les Anglais, Flandrin pour les Flamands et Lansquenet pour les Allemands
Au fil des époques, les automates ont été remplacés. Les anciennes générations de Picantins sont visibles au musée d’art et d’histoire Antoine Vivenel notamment les automates féminines, en place entre 1768 et 1875. La 5e génération de personnages est arrivée en 2002, copie conforme de celle placée en 1875. L’horloge fonctionne encore aujourd’hui. Son mécanisme est entretenu par un horloger spécialisé, il permet de faire retentir tous les quarts d’heure un son bien connu des Compiégnois.
L’ancienne décoration de la façade avait disparu à la Révolution; elle se composait primitivement de sept statues, qui avaient été payées 19 livres à Nicolas d’Estrées, tailleur de pierres; la principale représentait l’Annonciation et l’Ange devant la Vierge agenouillée occupait le grand cadre où est aujourd’hui la statue de Louis XII. Mais, en 1635, la Ville faisant restaurer sa façade grâce aux libéralités de Louis XIII, remplaça le groupe par la statue équestre de Louis XIII.
L’Ange et la Vierge furent séparés et placés dans deux niches les plus voisines du cadre qu’ils occupaient précédemment. Ils y demeurèrent jusqu’au 17 août 1792, où le Directoire fit enlever tout ce qui rappelait la Royauté. On brisa la statue de Louis XIII qui n’était qu’en pierre bronzée et toutes les autres statues.
La Révolution a eu raison du reste des décors extérieurs et intérieurs. Mais l’on doit l’élégance actuelle aux restaurations du XIXe siècle. Compiègne est alors de nouveau une ville impériale, Napoléon III étant fréquemment présent. L’Hôtel de ville regagne alors de sa superbe grâce aux architectes Aymar Verdier, puis Auguste Lafollye, sous la direction d’Eugène Viollet-le-Duc à qui l’on doit la majesté du château de Pierrefonds.
Auguste Laffolye, élève de Viollet-le-Duc travaille de longues années à l’achèvement du chantier, rétabli un escalier à vis de pierre en 1878 et les dernières statues ne sont mises en place qu’en 1882. Elles représentent les mêmes personnages qu’avant la Révolution auxquels s’ajoutent Jeanne d’Arc par H. H. Plé et Charles VII.
Parmi les exécutions modernes, domine une statue en bronze de Louis XII à cheval, qui date de 1869, sculptée par Alfred Jacquemart. C’est sous le règne du souverain en effet qu’est élevé le monument. Elle est flanquée des effigies de Charles VII et de Jeanne d’Arc, de Saint-Denis et de Saint-Louis, du cardinal Pierre d’Ailly et de Charlemagne, ainsi que des principales figures de l’histoire de la ville.
Alors que la Première Guerre mondiale s’achève, 1918 est une année terrible pour l‘édifice, car de mars à septembre, à la suite de l’offensive allemande, Compiègne se retrouve à quelques kilomètres du front et doit être évacuée sous le feu des batteries ennemies qui détruisent alors plus de 400 maisons. Par contre, l’Hôtel de Ville de Compiègne a été épargné par les bombardements de la seconde guerre mondiale.
Il ne reste plus grand-chose aujourd’hui du décor intérieur d’origine de l’hôtel de ville réalisé autour de 1500. Au rez-de-chaussée, l’ancienne salle de la justice de paix, aujourd’hui Salle du Conseil Municipal, présente une série de neuf tableaux de Raymond Fournier-Sarlovèze (1836 – 1916) retraçant les grands moments de l’histoire de Compiègne.
Ces peintures, achevées en 1907, forment un ensemble assez remarquable, caractéristique des décors historiques, à vocation autant décorative que didactique, parmi lesquels la réception de Napoléon et de Marie-Louise au palais de Compiègne le 27 mars 1810 ou la défense de la ville par le major Othenin le 1er avril 1814. D’une esthétique historiciste conventionnelle, on peut y remarquer divers anachronismes, parfois savoureux : telle la présence de la reine en 1153, alors que le roi Louis VII était déjà séparé d’Aliénor d’Aquitaine mais pas encore remarié à Constance de Castille.
Classé au titre des monuments historiques depuis 1840, l’hôtel de ville de Compiègne bénéficie, comme tout le centre ville historique, d’une protection particulière puisqu’inclus dans la ZPPAUP (zone de protection paysagère et architecturale, obtenue par la Sauvegarde de Compiègne).
Abritant aujourd’hui le siège de l’administration de la ville de Compiègne, l’édifice est cependant ouvert aux touristes à l’occasion de visites guidées proposées par l’Office de Tourisme de Compiègne et lors des Journées européennes du patrimoine. (Merci à Guizmo)
marianne
30 septembre 2020 @ 04:36
Merci infiniment pour cette description !
Phil de Sarthe
30 septembre 2020 @ 06:09
Très belle découverte, une fois de plus….dommage pour les pertes révolutionnaires !
Merci.
Pallas
30 septembre 2020 @ 08:02
Merci infiniment Guizmo. L’Oise, et en particulier Compiègne, regorgent de trésors à découvrir ou à revoir.
Muscate-Valeska de Lisabé
30 septembre 2020 @ 13:36
J’aurais parié que c’était signé Guizmo…quel talent !!…😘👌👍
L’Oise,c’était mon fief,le département où j’ai vécu le plus longtemps…
Pallas
30 septembre 2020 @ 20:13
Dans ce cas, Chère Muscate, l’Oise demeurera toujours un peu votre fief…
Muscate-Valeska de Lisabé
1 octobre 2020 @ 16:53
Je le sens comme ça aussi😉.
Laurent F
30 septembre 2020 @ 09:14
Très joli édifice que j’ai eu la chance de visiter
Mary
30 septembre 2020 @ 09:21
Guizmo devrait organiser des voyages, intitulés » découvertes insolites », même si Compiègne est connue, grâce à Napoléon III . Je m’inscris !
ciboulette
30 septembre 2020 @ 14:40
Encore une fois merci , Guizmo , pour cette promenade dans l’espace et le temps , bien documentée et intéressante comme toujours .
Malgré les pertes , destructions et remaniements , l’extérieur de cet hôtel de ville est magnifique , le beffroi avec ses personnages aussi ! Bravo !
Naucratis
30 septembre 2020 @ 19:14
Alors je m’inscris aussi (sous réserve que cela soit pendant les vacances scolaires) afin d’avoir le plaisir de vous rencontrer chère Mary !
Leonor
30 septembre 2020 @ 12:25
Guizmo, je n’arrive plus à suivre. Z’avez bouffé du lion ? ;-)
Gigi
30 septembre 2020 @ 12:49
Que de beaux souvenirs, j’ai eu plusieurs fois la chance de visiter Compiègne et c’est une belle ville.
Danielle
30 septembre 2020 @ 14:54
Si j’avais su qu’il était possible de le visiter, je l’aurais fait le même jour que le Palais, dommage ; la façade est superbe.
Merci Guizmo.
Jakob van Rijsel
30 septembre 2020 @ 15:39
Merci pour cet excellent article.
Teresa2424
30 septembre 2020 @ 21:10
Gracias Guizmo
Brigitte - Anne
1 octobre 2020 @ 09:06
Merci beaucoup Guizmo, votre article me donne envie de visiter à nouveau Compiègne.
Brigitte et Christian
1 octobre 2020 @ 10:18
bonjour à tous
Merci pour ce reportage qui fait chaud à notre cœur puisque nous sommes originaire d’un village à 4 km de Compiègne, là ou La Reine Berthe aux grands pieds, la mère de Charlemagne, a été enterrée en premier .
Amitiés du sud ouest sous un ciel gris et brumeux
ciboulette
1 octobre 2020 @ 13:39
Pardon , chers amis , mais il convient d’écrire : » Berthe AU GRAND PIED » . Un de ses pieds était grand , en effet , mais l’autre , de taille normale .
Amitiés du Nord-Est sous un ciel gris et pluvieux .
Karabakh
5 octobre 2020 @ 12:09
Tout à fait!