Elle a eu ses inventeurs, ses théoriciens, ses propagateurs et dans cette grande conquête de l’humanité, c’est Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826) qui a, de loin, joué le premier rôle.
Magistrat issu d’une longue lignée de juristes de Belley (Ain), député, conseiller à la Cour de cassation, poète et essayiste, polyglotte, musicien talentueux, ami fidèle et délicat, il fut un gourmet aux connaissances encyclopédiques et aux curiosités toujours renouvelées, sans cesse désireux d’aller au-delà des habitudes et des conventions, exigeant comme on ne l’avait jamais été avant lui sur la qualité et la fraîcheur des aliments, sur l’assemblage des saveurs, sur l’accord mets-vins, sur l’équilibre des repas et mille choses encore.
La publication de sa célébrissime Physiologie du goût juste au moment de sa mort est venue à point pour accompagner un mouvement en cours depuis la Révolution : la bonne chère n’était plus l’apanage de la noblesse, la bourgeoisie désormais aux manettes voulait aussi s’emparer de ce signe extérieur de prestige. Brillat-Savarin, éducateur du goût, est le père de la grande cuisine qui s’est développée en France (et ensuite dans le monde entier) au XIXe siècle.
Roselilas
30 mai 2024 @ 06:17
Je serais curieuse de savoir ce qu’il penserait de nos futurs grands chefs participants à TopChef car parfois les préparations extravagantes s’approchent du ridicule.
Un peu comme dans la mode : se faire remarquer en créant de l’immettable ou tout simplement du farfelu.
Fleur
30 mai 2024 @ 10:18
Vous avez raison. Perso j’aime bien une touche d’originalité, mais quand c’est délicieux. Car original et pas savoureux, non merci.
Fleur
30 mai 2024 @ 14:23
Je ne regarderai plus cette émission où l’on aime faire le buzz. Et après avoir lu le livre d’Anne Alassane, la gagnante de Top Chef 2010 je crois, j’ai peu d’estime pour ces chefs qui prennent un malin plaisir à faire aux candidats des injonctions ou leur imposer des situations qu’un chef de cuisine a peu de chances de rencontrer dans la vraie vie dans son restaurant. Finalement il aurait mieux valu qu’Anne Alassane ne gagne pas la finale. Elle en a payé le prix fort. Une vie privée gâchée par tout ce qu’elle « avait sur le dos » après avoir gagné.
Pardon d’être un peu hors sujet, mais ce que j’ai lu dans ce livre m’a définitivement détournée de cette émission de Top Chef.
Lili3
31 mai 2024 @ 17:50
Vous êtes dure avec cette émission
Passiflore
30 mai 2024 @ 06:47
Jean-Robert Pitte nous a donné, à l’Institut, en janvier dernier, une conférence sur Brillat-Savarin dans le cycle « Regards sur la culture gastronomique française ».
Jean-Anthelme Brillat-savarin est né à Belley (Ain), le 1er avril 1755. Il avait fait des études de droit et de médecine et parlait plusieurs langues. Quand sa famille émigra pendant la Révolution, il donna des cours de français à Londres puis fut premier violon à New York. Il fut nommé, en 1800, Conseiller à la Cour de Cassation, poste qu’il garda jusqu’à sa mort. Il était amoureux de Madame Récamier dont on peut penser qu’elle était la fille de Jacques Récamier mais il ne se maria jamais.
En 1782, il racontait un repas au monastère Saint-Bernardin de Saint-Sulpice, dans la montagne, où il se rendait souvent : « Là tous nos sens furent envahis par l’apparition du déjeuner le plus séduisant (…) Au milieu d’une table spacieuse, s’élevait un pâté grand comme une église ; il était flanqué au nord par un quartier de veau froid, au sud par un jambon énorme, à l’est par une pelote de beurre monumentale, et à l’ouest par un boisseau d’artichauts à la poivrade (…) En un coin du réfectoire, on voyait une pile de plus de cent bouteilles, continuellement arrosée par une fontaine naturelle, qui s’échappait en murmurant Evoë Bacche ; et si l’arôme du moka ne chatouillait pas nos narines, c’est que dans ces temps héroïques on ne prenait pas encore de café si matin. Le révérend cellérier (…) nous adressa l’allocution suivante (…) : “Messieurs, dit-il, je voudrais pouvoir vous tenir compagnie, mais je n’ai pas encore dit ma messe, et c’est aujourd’hui jour de grand office ».
Robespierre
30 mai 2024 @ 10:47
Merci pour cette anecdote, c’était très intéressant, et j’ai appris quelque chose, ce qui me fait toujours plaisir.
Camille
30 mai 2024 @ 15:16
Oui, cet ouvrage ne peut être que passionnant. Il concerne un personnage clé du renouveau de la gastronomie française. De plus, son auteur Jean Robert Pitte est un professeur émérite à la Sorbonne et spécialiste de la géographie culturelle et de l’alimentation.
Un livre passionnant à coup sûr.
Merci pour cette anecdote Passiflore.
Passiflore
31 mai 2024 @ 10:21
Camille, Jean-Robert Pitte est membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, ce qui nous vaut les conférences à l’Institut par des membres de diverses académies. Par ailleurs, il est président de la Société de Géographie et organise des voyages gastronomiques.
Camille
1 juin 2024 @ 19:50
Bonjour Passiflore,
Oui, j’ai eu l’occasion d’assister à ses conférences et j’ai lu certains de ses livres. Il fait vraiment aimer la géographie.
Charlotte (de Brie)
30 mai 2024 @ 06:57
Eh bien voilà un ouvrage qui devrait plaire à nombre d’entre nous., un beau duo à la manoeuvre !
Jean Robert Pitte à qui l’on doit l’inscription du repas gastronomique français sur la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité
Erik Orsenna qui a collaboré au Gault et Millaut et préfère avoir dans son assiette » du cochon plutôt que des moustiques… »
Réunis pour célébrer le magistrat gastronome que fut Brillat-Savarin qui dans sa « Phisiologie du goût ou méditations de gastronomie transcendante » fait l’éloge du bien manger. Il préconise « l’art de se nourrir en faisant de chaque reoas un moment sublime »
Jean Robert Pitte lui a d’ailleurs rendu hommage en faisant graver sur son épée d’académicien cette phrase qu’affectionnait Brillat-Savarin, empruntée à saint François de Sales » il faut soigner le corps pour que l’âme s’y plaise »
Nini Plume
30 mai 2024 @ 14:56
« Il faut soigner le corps pour que l’âme s’y plaise » Avec des repas gastronomiques ?! Je voudrais bien que ce fut vrai.
Baboula
31 mai 2024 @ 10:17
Sans faire de repas gastronomiques je sais que cuisiner chaque jour avec soin et avec goûts montre que je vais bien .la perte de l’envie de manger est un des signes avant-coureurs de la dépression des vieillards.
Fleur
30 mai 2024 @ 08:16
Tout ce que je connais de Brillat-Savarin c’est le fromage qui porte son nom et que j’achète régulièrement depuis quelques mois, car il est vraiment fameux. Un peu comme le chaource, mais en plus crémeux. Un délice.
Je suppose que le fameux « savarin » qu’on nomme en dehors de l’Alsace et même actuellement en Alsace, « baba au rhum » doit son nom également à Brillat-Savarin.
Lunaforever
30 mai 2024 @ 19:10
Je connais aussi ces 2 fromages. Très gras mais le sandwich est plus vite fait : pas de beurre, une tranche de fromage ,puis une de jambon et des tranches de tomates pour humidifier l autre côté. Ça, c’est quand j’emmène mon déjeuner au travail. J’en ai converti déjà au moins 2 à ce système !
Caroline
30 mai 2024 @ 09:26
Le gastronome ‘ hors pair ‘ ?
Leonor
30 mai 2024 @ 10:22
Sur N&R, il avait déjà été question de Brillat-Savarin :
http://www.noblesseetroyautes.com/histoire-et-recette-du-gateau-brillat-savarin/
LORD BHJ
30 mai 2024 @ 12:42
C’est Brillat-Savarin et pas Savrin…
Lili3
31 mai 2024 @ 17:49
Oui
Berlioz
30 mai 2024 @ 15:40
Dans le film Les saveurs du Palais ,une recette est mentionnée: L’oreiller de la Belle Aurore,recette crée par le cuisinier de la famille Brillat Savarin,apparemment un pâté.
Passiflore
31 mai 2024 @ 10:30
Berlioz, voici la recette de la Belle Aurore, commentée d’abord par J.-R. Pitte:
« L’oreiller de la belle Aurore » était un pâté en croûte : une garniture composée des plus beaux gibiers à plumes et à poils, des plus belles volailles, d’une farce de cochon, de morilles (en septembre, octobre et novembre) ou de truffes (en janvier) et de foie gras de canard, le tout sous un dôme mordoré grand comme un oreiller ! Il était un fou de truffes. Truffes épluchées, coupées en quatre et sautées au beurre.
Assaisonner de poivre et sel. Brider le faisan, le barder et le mettre en broche. Préparer avec les entrailles des deux bécasses, ainsi que les foies et deux truffes pilées, une farce dans laquelle on mélangera un peu de lard râpé, un anchois dessalé (passé au tamis) et un morceau de beurre frais. Tartiner de cet appareil un croûton de pain grillé taillé de la dimension du faisan. Aux deux tiers de la cuisson du faisan, placer ce croûton sous le faisan, de façon à ce qu’il se nourrisse du jus qui en découle.
Lunaforever
31 mai 2024 @ 10:57
Un massacre de pauvres bêtes !
ISA D
30 mai 2024 @ 16:25
La gastronomie, comme la mode ou le rire, vieillit mal, ainsi que la présentation des plats. Des recettes intemporelles subsistent bien sûr, mais revisitées, au goût des papilles et de l’oeil d’aujourd’hui, bravo Top Chef ! Reste qu’on peut déguster avec plaisir et curiosité la personnalité d’ Anthelme Brillat-Savarin et son époque…
Benoite
31 mai 2024 @ 06:21
merci Leonor d’avoir « retrouvé » cet article de 2022. jour pour jour pile !
Berlioz
31 mai 2024 @ 14:23
Passiflore,merci.
J’avais lu cette recette il y a longtemps. Elle paraissait très riche et très compliquée. Il me semble qu’elle est encore réalisée à Lyon au moment des fêtes de fin d’année mais certainement en beaucoup plus simple.