Revenons sur la parution d’une biographie consacrée à Charles de Bestegui plus en détails. C’est la biographie d’un homme d’une époque désormais révolue « Charles de Bestegui, le prince des esthètes« par Thomas Pennequin.
Fils de Juan Antonio de Beistegui, ancien ministre plénipotentiaire du Mexique à Madrid et de Maria Dolores de Yturbe, Charles voit le jour den 1895 dans l’élégant hôtel de maître de ses parents avenue d’Iéna à Paris.
La famille d’origine basque avait émigré au Mexique qu’elle dut quitter en 1867 au terme du bref règne de l’empereur Maximilien et de l’impératrice Charlotte, née princesse de Belgique.
La famille de Bestegui tire sa fortune de l’exploitation de mines d’argent. Cette aisance dès le berceau permit à Charles de Bestegui de se consacrer entièrement à ses passions : la décoration, l’achat de maisons et l’organisation de fêtes -tel un metteur un scène- qui comptent parmi les plus élégantes du 20ème siècle.
Son enfance se passe à Paris, à la villa Zurbiac à Biarritz et le palais Bestegui de la Castellana à Madrid. Scolarisé à Eton, il entreprend au cours de la Première Guerre mondiale un tour en Asie avec son frère Juan Francisco.
Âgé de 25 ans, il devient rapidement l’un des membres les plus convoités de ce que l’on nomme la Cafe Society. Composée à la base d’aristocrates dont les Noailles, les Beauvau-Craon, les Polignac mais aussi une société cosmopolite issue des grandes fortunes industrielles, tous tournés vers l’avant-garde et les arts. Ce petit monde entre soi se retrouve aux quatre coins du monde en fonction des saisons et de l’agenda mondain.
Le rythme de vie de Charles de Bestegui divise son année comme suit : le printemps à Paris, Madrid et Londres, Cannes et Biarritz l’été, l’automne à Venise et l’hiver à Saint-Moritz.
Il se lance corps et âme dans la rénovation d’une grande bâtissedu 19ème siècle le château de Groussay à Montfort-l’Amaury, dotée d’un parc de 29 hectares. Le chantier dure tout au long de la Seconde Guerre mondiale, il a obtenu l’extraterritorialité de son bien en sa qualité d’attaché d’ambassade d’Espagne. Charles de Bestegui se soucie comme d’une guigne des restrictions liées à la guerre. Lui veut créer le beau et faire la fête.
En 1948, nouveau projet avec l’acquisition du Palais Labia à Venise. Il convoque les meilleurs artisans et architectes pour redonner tout son lustre à ce palais qui abrite des fresques de Tiepolo.
Le 3 septembre 1951 se tient Le Bal du Siècle, plus de 400 gondoles apportent les 1000 invités triés sur le volet, accueillis par leur hôte et 75 valets de pied en livrée.
Lui est costumé en Procureur Dolfino. Ses amis (Dali, Orson Welles, la vicomtesse Jacqueline de Ribes, Pierre et Marie-Laure de Noailles, l’Aga Khan, le baron Alexis de Redé, les princes de Faucigny-Lucinge,…) se prêtent au jeu avec une succession de différents « tableaux » à la chorégraphie minutieusement exécutée et longuement répétée.
En 1960, il inaugure un théâtre de 300 places en son château de Groussay, le princesse Paola est présente comme le duc et la duchesse de Windsor mais c’est déjà le chant du cygne de l’ère de la Cafe Society.
Charles de Bestegui ne se reconnaît plus dans ce « nouveau » monde. Il sort très diminué de deux attaques. Il vend le Palais Labia puis fait disperser ses collections d’art. Il avait déjà fait don d’une importante partie en 1942 au musée du Louvre.
Il s’est éloigné aussi progressivement de son noyau d’amis fidèles qui ne supportent plus ses sautes d’humeur. Il est emporté par une nouvelle attaque en janvier 1970 au château de Groussay à l’âge de 74 ans. Il est inhumé au cimetière de Passy. Le Palais Labia sur le Campo San Geremia est devenu le siège de la RAI, tandis que Groussay est classé monument historique depuis 1990.
« Charles de Bestegui, le prince des esthètes », Thomas Pennequin, Tallandier, 2023, 224 p.
milou
13 mars 2023 @ 06:41
Ici aussi la période est révolue….
De naissance aisée il aurait pu faire tout autre chose de sa vie!!!!
Philibert
13 mars 2023 @ 07:09
« Charles de Bestegui ne se reconnaît plus dans ce « nouveau » monde » : je veux bien croire !
La génération qui l’a suivi est celle de la jet-set de Saint-Tropez, du rock, de la drogue et de l’amour « libre », bref de la décadence…
ISA
13 mars 2023 @ 07:21
Parce qu’il faut de tout pour faire un monde, il faut aussi des hédonistes pour exprimer le Beau sous toutes ses facettes. Hélas, ils ont disparu, les grandes fortunes d’aujourd’hui ne traduisent plus que l’arrivisme et le mauvais goût assortis d’inculture…
Cosmo
13 mars 2023 @ 07:57
Que dire d’un personnage qui semble n’avoir consacré sa vie qu’au plaisir ? Sans aller en première ligne lors des deux guerres mondiales, il aurait pu faire autre chose que de parcourir le monde lors de la première et restaurer un château lors de la seconde.
Leonor
13 mars 2023 @ 11:32
Merci d’avoir si bien exprimé ce que je pense aussi, cher Cosmo.
Vitabel
13 mars 2023 @ 13:30
D’accord avec vous Cosmo et Milou.
Mayg
13 mars 2023 @ 14:09
Bien dit Cosmo.
alceste
13 mars 2023 @ 09:18
la donation au Louvre en 1942 c’est son oncle et non pas lui
Erato deux
13 mars 2023 @ 09:20
Je lui reconnaît le mérite d’avoir sauvé et restauré des chefs d’œuvre de l’ architecture ainsi que l’ élégance d’ avoir légué des œuvres majeures au Musée du Louvre.
Pour le reste beaucoup de fatuite à mon sens, le goût du beau et de l’ art ne justifie pas une vie de superficialitées.
particule
13 mars 2023 @ 09:59
Cette époque est révolue et tout l’intérêt de ce livre et de nous retremper dans le « charme discret ou pas » de ces dandys flamboyants.
Pacific
13 mars 2023 @ 10:22
Connaîtriez-vous le nom de la villa de Ch de Beistegui à Cannes ? ou sa localisation ?
Gatienne
13 mars 2023 @ 10:33
Un monde englouti et une existence assez vaine finalement, même si la recherche et la sauvegarde du « beau » ont animé le personnage.
Aujourd’hui le mécénat d’art émane de personnalités solides, de capitaines d’industrie (Pinault, Arnault…) qui ont fait autre chose de leurs vies qu’une quête effrénée d’un plaisir tout personnel, menant immanquablement à la déception et à la solitude l’âge venant.
Leonor
13 mars 2023 @ 11:35
Vanitas vanitatum.
Vanité des vanités, tout est vanité .
Ecclésiaste 1:2
Jean Pierre
13 mars 2023 @ 12:06
Petit contre sens Léonor. Du moins si je me rappelle mes cours d’histoire des religions antiques.
Cette phrase veut dire « à quoi bon ! » et ce quoi que vous fassiez, donc autant jouir de la vie puisqu’elle partira en fumée. Elle vaut pour Bestegui comme pour mon boulanger du coin.
C’est le déterminisme (d’autres diraient le fatalisme) des protestants.
Charlotte (de Brie)
20 mars 2023 @ 14:33
La citation complète est : « Sic transit gloria mundi. Vanitas vanitatum et omnia vanitas » « Ainsi passe la gloire du monde, vanité des vanités tout est vanité »
Vanité étant pris dans le sens : non réalité, faux semblant, frivolité, légèreté…
Maintenant, elle fut diversement interprétée dans l’histoire, dans les religions et on peut lui adjoindre pour rejoindre la signification que vous lui donnez ce vers d’Horace : Odes 1-11-8
« Carpe diem quam minimum credula postero » « Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain »
Qui convient assez bien à Charles de Beistegui
Quant au déterminisme protestant, on le doit à Calvin, qui le définit dans « Institution de la religion chrétienne » : Chaque individu est destiné d’une façon infaillible et éternellement vraie à être sauvé ou damné » c’est à dire la prédestination.
Ce qui pour ma part est éminemment optimiste et encourageant…
carmina burana
13 mars 2023 @ 14:50
Consacrer sa vie au plaisir durant les deux guerres mondiales, à l issue de la seconde faire à Venise une fête mémorable alors que l Europe vivait avec les tickets de rationnement, qu on decouvrait l horreur nazie avec les camps de concentration, cette personne n attire aucune sympathie, plutôt un rejet.
Parfait qu il est fini sa vie seul.
Maria
14 mars 2023 @ 01:40
Venezia in bianco e nero, ancora non rovinata dalle barche a motore e dalle navi da crocera .Iggi poveri canali e povera Venezia! Traduzione di Google:Venise en noir et blanc, encore épargnée par les bateaux à moteur et les bateaux de croisière. Aujourd’hui, pauvres canaux et pauvre Venise !
Hervé J. VOLTO
20 mars 2023 @ 11:23
Le Prince Charles de Bestegui ne s’est pas conscré qu’au plaisir de la vie : il fut également un grand Mécène. Il s’est lancé corps et âme dans la rénovation du château de Groussay puis du Palais Labia à Venise. On lui reconnaît le mérite d’avoir sauvé et restauré des chefs d’œuvre de l’ architecture ainsi que l’ élégance d’ avoir légué des œuvres majeures au Musée du Louvre.