Ce lundi, il y aura exactement 80 ans qu’Albert I, roi des Belges perdait la vie en faisant de l’escalade à Marche-les-Dames. Il allait avoir 60 ans. Marié depuis 33 ans avec la duchesse Elisabeth en Bavière, nièce de l’impératrice Sissi, le couple avait définitivement conquis le cœur des Belges de par son attitude cours de la Première Guerre Mondiale. Le souverain que l’on baptisera ensuite le Roi chevalier, présent avec ses troupes sur le front de l’Yser et la reine Elisabeth s’investissant totalement pour le soin des soldats blessés à l’hôpital de l’Océan à La Panne.

En cette année 2014, le monde se souviendra du conflit qui a précipité l’Europe dans l’abîme. L’occasion de se souvenir du destin exceptionnel d’Elisabeth de Belgique (1876-1965), arrière-grand-mère du nouveau roi des Belges, anticonformiste et artiste, entrée dans la légende comme “la reine infirmière” et incarnation de la résistance belge en 1914.

Patrick Weber qui publie le livre « Elisabeth de Belgique. Une reine entre guerre et paix » aux Editions Payot, a répondu aux questions de Noblesse et Royautés.

 

Noblesse et Royautés : Elisabeth de Belgique, épouse du roi Albert I a laissé une empreinte importante dans l’Histoire de la monarchie et de la Belgique. Artiste dans l’âme, elle était aussi la « reine infirmière » lors de la guerre 14-18. Comment définiriez-vous la personnalité à multiples facettes de la troisième reine des Belges ?

Patrick Weber : J’ai toujours été fasciné par le destin de cette femme hors du commun. Ce qui la caractérise le plus, c’est son double visage. Elle était à la fois une véritable Wittelsbach (nièce et filleule de Sissi), anticonformiste, inattendue et parfois rebelle. En même temps, elle respectait les codes et avait une haute opinion de sa fonction ainsi qu’un sens parfait du devoir. C’était aussi une femme curieuse qui a utilisé sa position pour rencontrer tous les plus grands esprits de son temps.

Noblesse et Royautés : Albert I et Elisabeth formaient-ils un tandem royal pour leur époque ?

Patrick Weber : Oui, ce fut d’ailleurs le premier tandem royal de l’histoire de la dynastie belge. Même si ce n’était pas un mariage d’amour dans le sens moderne du terme, ils ont été présentés, ils ont appris à s’apprécier, à s’estimer et à s’aimer. Avec beaucoup de sincérité et parfois même de la passion, en tout cas du côté d’Elisabeth. Albert était plus timide. Pour la première fois, la reine des Belges est apparue à l’avant-plan de la scène publique, comme son époux.

Noblesse et Royautés : Née en Bavière, comment la reine a-t-elle vécu la guerre 14-18 qui opposait sa nouvelle patrie à son pays natal ?

Patrick Weber : Elle a vécu cette période comme un déchirement. En vérité, elle n’a jamais hésité entre deux fidélités. Devenue reine des Belges, elle se sentit belge jusque dans les tréfonds de son âme. Elle a été profondément blessée par ce qu’elle qualifiait de « barbarie germanique ». En aucun cas, elle ne voulait être assimilée au comportement de ses anciens compatriotes. A ce titre, les témoignages qu’ont apporté les princesses Esmeralda de Belgique et Marie-Gabrielle de Savoie m’ont été très précieux lors de la rédaction de l’ouvrage.

Noblesse et Royautés : Avez-vous l’une ou l’autre anecdote à nous raconter à propos de la reine au cours de la guerre ?

Patrick Weber : Ce qui est formidable quand on travaille sur un personnage comme la reine Elisabeth, c’est la mine de sources dont nous disposons. Elisabeth est une femme qui a beaucoup écrit et beaucoup photographié. Je me souviens d’une de ces notes manuscrites où elle décrit la famille du bourgmestre de Saint-Nicolas qui avait accueilli les souverains lors de leur retrait vers la côte. Elle s’amuse en décrivant l’univers balzacien de cette maison et qualifie les filles de l’édile de bruyants dindons. Même dans les situations les plus tragiques, Elisabeth reste une femme d’humour, d’humeur et d’esprit. J’aime sa liberté de parole… même si elle peut aussi se montrer très grinçante.

Noblesse et Royautés : Au sortir de la guerre 14-18, quel était le degré de popularité de la reine Elisabeth aux côtés de son époux « le roi chevalier » ?

Patrick Weber : Immense! Jamais la popularité de la famille royale n’a été aussi importante. On peut même dire que la Belgique et sa dynastie vont connaître une forme d’apogée entre 1918 et 1934, date de la mort du roi Albert. Chose rare, Albert et Elisabeth sont entrés dans le mythe dès leur vivant.

Noblesse et Royautés : Elisabeth est née au sein de la famille de Bavière où les destinées tragiques ne manquent pas (Louis II, Sissi, Sophie-Charlotte, duchesse d’Alençon,…) de même que les personnalités fantasques et artistes. Comment s’est-elle adaptée à la vie plus austère de la Cour royale de Belgique ?

Patrick Weber : Cela n’a pas été simple… Elle a même été assez déprimée au début de son mariage. Il faut dire que Léopold II comprenait mal le choix matrimonial de son neveu Albert. Il considérait Elisabeth comme une femme étrange, dont il se méfiait un peu et qu’il jugeait peu séduisante. En revanche, le vieux roi lui savait gré d’avoir donné un héritier au trône en la personne de Léopold, le futur Léopold III.

Noblesse et Royautés : A quel moment a été prise la photo qui illustre la couverture de votre livre ?

Patrick Weber : J’adore cette photo! Pleine d’élégance, à la fois très présente et discrète, à l’image de la reine Elisabeth. C’est un cliché qui date du 4 août 1911. La reine se trouve sous son ombrelle, sur la plage d’Ostende. J’image cette pose comme un moment de grâce avec le chaos du premier conflit mondial. Même lorsqu’elle se révèle en ombre chinoise, Elisabeth est reconnaissable entre toutes. Elle fut vraiment une femme exceptionnelle et je me réjouis que la future reine des Belges porte son prénom.

« Elisabeth de Belgique. Une reine entre guerre et paix », Patrick Weber, Editions Payot, 2014, 208 p.