Résumé : « Madame du Deffand, Catherine II, Julie de Lespinasse, Madame Roland, Marie-Antoinette, Germaine de Staël… Les neuf femmes réunies dans ce livre ont vécu la plume à la main.
Qu’elles soient aristocrates ou bourgeoises, favorites ou chefs d’État, richissimes ou de condition modeste, intellectuelles ou frivoles, toutes ont, par goût ou par nécessité, écrit des centaines de lettres. Le XVIIIe est bien le siècle des épistolières.
Ces femmes, qui écrivent lettre sur lettre, ont néanmoins intériorisé un contrat social construit sur des inégalités : elles peuvent écrire dans l’espace de leur chambre, de leur cabinet, mais leurs mots ne doivent en aucun cas occuper l’espace public, alors exclusivement masculin.
Par la lettre, ces femmes magnifient leur seul espace de liberté. C’est pourquoi Cécile Berly propose un livre tout à fait inédit : réunir les épistolières incontournables de ce siècle et dresser le portrait de chacune. Toutes, et chacune à sa manière, incarnent une forme de modernité.
Les lire, c’est leur donner enfin la place qu’elles méritent : celle de la postérité ». (Merci à Pistounette)
« Elles écrivent. Les plus belles lettres de femmes au XVIIIe siècle. », Cécile Berly, Passés/Composés, 2024, 288 p.
Benoite
5 mars 2024 @ 06:55
J’ai eu le bonheur de voir dans une vitrine d’un musée de Martel (Lot 46) une copie d’une lettre d’adieu de Marie-Antoinette à ses enfants. Elle était lisible pour moi, à travers la paroi de verre. J’ai de la facilité pour les écritures ‘anciennes », j’ai découvert celà par hasard. Je ne réussis pas toujours, car il y a souvent des ratures, des taches, des gribouillis indéchiffrables, mais j’aime ces lectures ((pas toujours romantiques), il est vrai.. C’est souvent triste.
mais ces Dames couchaient sur papiers leurs sentiments, leurs tristesses et les envies pour elles que la condition des femmes évolue un jour.
Hier, en était à Versailles, une preuve sociale reconnue, et saluée enfin.
mousseline
5 mars 2024 @ 08:25
Un livre qui doit être fort intéressant. Merci Pistounette
Philibert
6 mars 2024 @ 09:42
Malheureusement, dans cet ouvrage, il manque Angélique de Rouillé, la « marquise de Sévigné belge », bien oubliée de nos jours.
DEB
6 mars 2024 @ 13:03
Étonnant que vous en parliez.
J’ai trouvé, à la vente de la croix rouge, « Une épistolière en Hainaut, Angélique de Rouillé, châtelaine d’Ormeignies.»
Je l’ai lu avec plaisir.
Sa correspondance, de plusieurs centaines de lettres, a été déposée aux archives de l’état à Mons.
Elle écrivait donc à des proches, essayait de sauver les reliquats de sa fortune et avait ce style inimitable de l’époque ( seconde moitié 18eme,révolution, émigration, jusqu’à environ 1830).
J’ai bien aimé .
Charlotte (de Brie)
5 mars 2024 @ 09:49
Ce livre paru le 14 février dernier, je l’ai savouré pendant les vacances. Merci de l’avoir présenté ici.
Si vous me le permettez, toutefois, au mot « résumé », je préfère celui de « présentation » c’est à dire, en général la 4ème de couverture, qui tel un paratexte, est un faire valoir du livre rédigé souvent par l’éditeur, avec pour but de le vendre en le « rendant présent »
.
Aux 5 épistolières évoquées ici, ajoutons : Madame de Pompadour, l’impératrice Marie-Thérèse et aussi Isabelle de Bourbon-Parme, dont le livre que lui avait consacré Elisabeth Badinter avait fait l’objet d’un article sur le site en juin 2023
Ces femmes n’écrivent pas pour être lues, ni pour revendiquer une place ou des droits, même Madame Roland. Pourtant chacune sans en avoir conscience est sur la voie de l’émancipation.
Madame de Pompadour a une vision politique sur tous les sujets. Quand la relation physique cesse avec le roi, elle reste à la Cour et au plus haut sommet, elle sait le rassurer, l’écouter, le guider et peut-être …. le manipuler ( et de nos jours ?)
Julie de Lespinasse est à part, née bâtarde, elle ne peut même en rêve accéder au cercle des épistolières tenant salon ou autre. Sans Madame Du Deffand elle ne peut exister. Elle lui sert de dame de compagnie lorsque cette dernière devient aveugle, elle se rapproche du « cercle » mais hors de question qu’elle échappe à sa condition de « pauvresse » : il faut maintenir l’ordre ! Ses disputes avec sa protectrice sont savoureuses et ses relations avec D’Alembert…
On peut se poser la question : Madame de Staël est-elle une écrivaine féministe ?
Madame Du Deffand reçoit et admire Voltaire mais rejette ses idées.
Madame Roland se veut rousseauiste alors que ce dernier prétend qu’éduquer les femmes comme les hommes est dangereux pour la société !
Ce livre est passionnant mais malheureusement m’a rendue nostalgique, à l’heure des SMS, des emojis, des courriels, que restera t il de nos émotions, de nos colères ?
Il est regrettable que l’on ait perdu le temps d’écrire, pas pour être publié, peut-être même pas lu, mais pour se créer un espace de liberté.
L’Ecrit est devenu un accessoire, heureusement, il nous reste les leurs
Robespierre
5 mars 2024 @ 15:12
Mademoiselle de Lespinasse a écrit des lettres d’amour brûlantes au comte de Guibert. Je disais l’autre jour que les plus belles lettres d’amour sont celles où le scripteur est plus amoureux(se) que le destinataire. C’était le cas de Julie. J’ai lu ces lettres il y a longtemps.
Dans cet ordre d’idées, j’ai aussi lu les lettres passionnées qu’écrivit pendant plusieurs années Mitterrand à Marie Louise Terrasse, la future Catherine Langeais de la télévision, qu’il rencontra quand elle avait 16 ans et qu’il était étudiant en droit. Evidemment elle n’était pas vraiment au diapason et s’éprit d’un autre, qu’elle trouvait plus beau que le pauvre François. Si cet amour avait été réciproque les lettres auraient été moins belles. C’est un neveu qui a publié cette correspondance et la biographie de la célèbre speakerine dont le second mari fut Pierre Sabag (pas sûr de l’orthographe). Le jeune architecte pour lequel elle avait quitté Mitterrand éperdu d’amour, elle s’ennuya avec lui et le quitta.
Je vois que Passiflore écrit un très bon résumé sur Julie de Lespinasse, qui en vaut la peine.
Robespierre
6 mars 2024 @ 13:45
J’ajouterai que la liaison entre Julie et le comte de Gibert, au désespoir de d’Alembert qui était fou de Julie dura un certain temps. Elle finit avec le mariage de Guibert et la jeune femme vécut un enfer à cause de ça. Ce fut pour elle le déclin.
C’est l’histoire éternelle des amours inégales. Le jeune comte de Mora vécut aussi un enfer et mourut de maladie sans doute avivée par son désespoir.
Il faut tout de même signaler que Julie de Lespinasse était la fille illégitime du frère de Madame du Deffant et traitée avec condescendance. Sa bâtardise lui a quand même empoisonné la vie et influencé son destin. Jamais compris pourquoi elle n’a pas épousé ce jeune comte de Mora. Etait-ce à cause de cette bâtardise ? Des sentiments stupidement élevés qui l’empêchaient de faire se mésallier son soupirant ? Il faut quand même prendre en compte les éléments sociologiques d’une époque quand on l’étudie.
Passiflore
5 mars 2024 @ 09:50
Chère Pistounette, vous nous régalez avec les sujets que vous nous proposez.
Julie de Lespinasse (1732-1776) était la nièce secrète de Mme du Deffand (née d’une liaison « passagère » de son frère Gaspard). Elle était très séduisante. Quand Mme du Deffand se rendit compte que ses invités passaient, d’abord, deux heures chez Julie avant d’arriver chez elle (à 20 h) elle la chassa. Mme Geoffrin vendit, alors, trois tableaux à l’Impératrice de Russie et constitua une rente pour Julie.
Celle-ci s’était liée avec d’Alembert, enfant naturel comme elle. Elle l’hébergea et, deux fois par semaine, ils dînaient chez Mme Geoffrin. Julie décida d’ouvrir un salon. D’Alembert veillait aux soins du ménage. Elle entama une correspondance avec le jeune Condorcet. Julie fit la connaissance, en 1766, de Gonzague de Mora qui la fascinait. Elle avait 12 ans de plus que lui. Il l’oublia mais la revit à Paris et ce fut le coup de foudre . Mais elle refusa de l’épouser. Elle tomba amoureuse du colonel de Guibert, grand séducteur. Il vint la voir chaque jour. Mora, qui voulait toujours l’épouser, mourut de désespoir. Entre Julie et Jacques-Antoine de Guibert, 800 lettres ont été sauvées (par la femme de celui-ci) sur les 1.400 de « délire amoureux ». Elle prenait de l’opium à la moindre contrariété. Guibert lui porta un coup fatal en lui annonçant son mariage. Elle eut une phtisie. D’Alembert était fou de désespoir. Elle passa son agonie entre Turgot, Condorcet et d’Alembert. Elle demanda pardon à d’Alembert, quelques jours avant sa mort, de l’avoir mal traité et lui laissa ses meubles. Il ne se remit jamais de ne pas avoir été aimé par Julie.
😀Pistounette
5 mars 2024 @ 14:46
Merci, chère Passiflore
J’ai simplement de nombreuses alertes pour des livres qui paraissent, je reçois les newsletters de tous les musées/sites que j’ai visités… et j’ai quelques « relais » par-ci, par-là qui me tiennent au courant d’expos qui semblent intéressantes.
Tous les « compléments » documentés que vous nous communiquez demandent certainement plus de travail 😀
Robespierre
5 mars 2024 @ 15:15
Je crois que Julie s’empoisonna pour en finir plus vite avec la vie. Mais c’est vrai qu’elle avait toujours été de santé fragile. La femme de Guibert fut très sympathique et ne jeta pas les lettres. Quand on lit la correspondance, on, enfin moi, est étonné de voir qu’après le mariage, il y eut un retour de flamme de Guibert mais que Julie ne céda pas. Elle mourut peu après aidée par je ne sais plus quelle substance. Laudanum ?
Passiflore
5 mars 2024 @ 10:21
Mme du Deffand (1696-1780) échangea avec Voltaire (alors à Ferney) avant 1759, une centaine de lettres, leur correspondance devenant plus nombreuse ensuite. Les lettres étaient, en fait, la suite des conversations dans les salons. Et, bien qu’absent, Voltaire écrivait : « Je tiens salon », « je suis devenu l’aubergiste de l’Europe ».
Elle rencontra Walpole, écrivain, diplomate, auteur du roman gothique. Le 10 juin 1765, recevant à dîner toute la France, soit 24 personnes – dont le duc et la duchesse du Châtelet, ainsi que le duc de Liancourt – il s’amusa à étonner les domestiques de ses hôtes en portant une extraordinaire cravate en bois sculptée par Grinling Gibbons (visible au Victoria et Albert Museum.
Horace Walpole allait à « Saint Joseph », la maison de Mme du Deffand, dans l’ancien couvent de Saint-Joseph, rue Saint-Dominique. Il parlait d’elle comme d’une « vieille aveugle débauchée d’esprit » tout en appréciant cette « fine fleur de l’aristocratie, intéressante et spirituelle ».
Bien qu’âgée, elle allait à l’opéra, au spectacle, à Versailles, composait des chansons, se promenait dans Paris jusqu’à 3 heures du matin.
Elle qu’il traitait de « vieille toquée » lui avait légué une tabatière qu’on peut voir dans sa demeure de Strawberry Hill House.
Sur les 1.500 lettres qu’ils se sont échangées, plusieurs centaines écrites par elle ont été détruites, Walpole, qui était homosexuel, ayant honte d’avoir une correspondance si intime avec une femme, alors qu’en France ils se voyaient tous les jours.
Robespierre
5 mars 2024 @ 15:22
Madame du Deffant était « dingue » de Walpole. Il en parlait mal à ses amis mais tenait à cette correspondance parce qu’elle lui racontait tous les potins de Paris. Il la ménageait donc.
Oui, elle fut amoureuse de l’Anglais, elle qui disait auparavant qu’elle n’avait « ni tempérament ni roman » pour expliquer qu’elle était froide et n’avait jamais aimé. Elle changea quand elle eut perdu sa jeunesse et sa beauté. Ce qui ne veut pas dire qu’elle fut farouche dans ses belles années. Mais le coeur restait froid.
Antoine 1
5 mars 2024 @ 10:46
Le XVIIIe est sans doute le siècle des épistolières de la société. Mais le XIXe est celui de la vulgarisation de l’écriture, le moment où la correspondance a pénétré dans tous les foyers, même les plus modestes. L’apothéose a été la mise en circulation de la carte postale qui a permis aux moins lettrés d’écrire des messages brefs qui relataient l’essentiel. Nos greniers regorgent d’albums et de correspondances qui sont des témoignages uniques. Il importe de les préserver. Mon souci est de savoir à quel organisme les léguer.
Charlotte (de Brie)
5 mars 2024 @ 15:38
Evidemment, Antoine 1, on pense d’abord aux descendants directs, pas toujours évident. Soit on n’en n’a pas, soit ils regardent cela de loin;
Sans parler des Archives Nationales qui ne sont intéressées que par les documents ayant un intérêt national ce qui n’est pas toujours le cas, il faut penser aux Associations départementales voire communales, les musées locaux, les Amis de…
Quand fut décidé le Musée de la Grande Guerre de Meaux, un appel avait été lancé à l’échelon national pour recueillir les lettres, cartes des soldats à leurs familles et vice versa;
Le Musée des Arts et Traditions Populaires lorsqu’il était à Paris avait un fond de cartes postales régionales et organisait des expositions temporaires.
Même les petites communes peuvent être intéressées, dans les environs de Coulommiers, le syndicat d’initiative pompeusement rebaptisé « Office du Tourisme des 2 Morins » a collationné d’anciennes cartes postales et des écrits concernant la vie des habitants, fin XIXè , début du XXè jusqu’ aux années 60 environ et a créé une sorte de jeu de piste, jalonné de reproductions de cartes et un livret avec les écrits permettant de reconstituer la vie des habitants : dates de fêtes paroissiales, mariage de untel, menus de l’auberge pour tel ou tel évènement etc etc avec un succès certain.
Bonne semaine
Antoine 1
6 mars 2024 @ 11:00
Grand merci, Charlotte de Brie, pour votre réponse documentée. Je vais creuser vos pistes. Effectivement, les archives départementales ont collationné la correspondance de mon grand-père mort sur le front de Somme en 1916, et celle de mon arrière-grand-père (plus au calme dans les Vosges) qui écrivait quasi quotidiennement à sa femme pour lui donner les instructions de gestion du domaine. Mais dans une famille où l’on conservait tout, je suis très emprunté devant l’ampleur de la tâche, sans parler d’une montagne de faire-part qui feraient le bonheur des généalogistes.
Lobre
5 mars 2024 @ 12:49
Quelle belle idée. Je vais l’acheter en plusieurs exemplaires pour moi , mes filles et ma petite fille je leur offrirais le 8 mars. Nous sommes toutes des lectrices assidues.
Kalistéa
5 mars 2024 @ 16:52
Merci chère Passiflore pour tous ces détails croustillants peu ou pas connus qui mettent une fleur sur ce qu’on connait de ces correspondances d’un autre siècle: celui où l’ordinateur et le smartphone étaient inimaginables.
Passiflore
6 mars 2024 @ 09:34
Chère Kalistea, je me suis constitué un dossier « Cours et Conférences », alors je « pioche » dedans. J’avais assisté à des conférences sur Julie de Lespinasse et Mme Dudeffand. Je prends des notes, les retape chez moi et vérifie, ensuite, l’orthographe des noms de personnes et de lieux que nous n’avons pas bien compris.
Alix du A
6 mars 2024 @ 08:37
Beaux commentaires riches et enrichissants,merci, vous me poussez à chercher l aventure des mots.amicalement,les gens de lettres sont des gens de l être, bon c est assez pour la journée….
Lobre
6 mars 2024 @ 13:06
Ce livre appel un deuxième et peut-être un troisième plus on avance dans le siècle et le suivant les « Épistolières « mot inventé par l’auteur je crois, se multiplient.
Benoite
7 mars 2024 @ 08:07
L’écriture et la pensée, les deux autres vertus d’une Education véritable et qui rime aussi avec un autre mot pesant lourd, celui de Liberté.