Voici un ouvrage que les amateurs d’architecture attendaient depuis longtemps : pas moins de 35 auteurs pour retracer l’existence mouvementée de François-Joseph Bélanger (1744 – 1818) et dépeindre les multiples facettes de son art. Porté au pinacle sous le règne de Louis XVI, ce « touche-à-tout » échappa de justesse à la guillotine, se rétablit progressivement et fut témoin des premières années de la Restauration.
La Halle au blé à Paris reçoit les honneurs de l’illustration de couverture. C’est à Bélanger en effet que revient, en 1809, le projet fort novateur d’une coupole en fonte et fer forgé pour couvrir la cour de cet édifice circulaire construit une quarantaine d’années auparavant. Cette structure sera remplacée à la fin du XIXe s. par une autre coupole qui surmonte toujours le bâtiment de la Bourse de Commerce face au jardin des Halles.
Projet pour le serre-bijoux de Marie-Antoinette, 1769, BnF
La familiarité de Bélanger avec le milieu de la Cour est venue assez tôt. À peine âgé de 23 ans, notre jeune dessinateur entre au service des Menus-Plaisirs, administration chargée du décor des résidences royales et des grands évènements liés à la Couronne.
Il se voit confier la conception d’un meuble prestigieux, le serre-bijoux de la future dauphine Marie-Antoinette. La valeur « politique » du meuble n’échappera pas à Madame Vigée Le Brun qui le représente à l’arrière-plan de son grand portrait de Marie-Antoinette avec ses enfants (1787).
Salle à manger de la maison de Mademoiselle Dervieux, rue Chantereine, vers 1792-1793
Salle de bains et boudoir de la maison de Mademoiselle Dervieux, rue Chantereine, vers 1792-1793
Si la formule n’était aussi anachronique, on qualifierait volontiers Bélanger d’architecte-designer. L’artiste sait manier avec raffinement toutes les échelles, du meuble d’ébénisterie au décor mural, de la maison de plaisance au grand jardin pittoresque. Mondain, il met en confiance les clients les plus exigeants, tels le comte d’Artois à Bagatelle ou Baudard de Sainte-James à Neuilly. Homme à femmes, il peut compter sur la publicité de ses belles clientes.
L’une d’elles, Mademoiselle Dervieux, est une célébrité qui pratique avec un talent égal la danse, le chant et l’art de la courtisane. Elle fera de Bélanger son amant et l’histoire, pour une fois, connaîtra un épilogue heureux avec le mariage des tourtereaux au lendemain de la Terreur.
L’architecte réalise pour la maison qu’elle occupe rue Chantereine, dans le quartier de la Chaussée d’Antin, un merveilleux décor à arabesques. Cet ouvrage, fort bien illustré, nous en conte l’histoire. Ce n’est pas le moindre de ses mérites. (Merci à Benoît-Henri pour cet article)
« François-Joseph Bélanger, artiste architecte (1744 – 1818) », Sous la direction de Alexia Lebeurre et Claire Ollagnier, Picard, 2021, 237 p.
Beque
2 novembre 2021 @ 09:34
Protégé du comte de Caylus, François-Joseph Bélanger fut le disciple de David-Leroy et de Contant d’Ivry. En Angleterre, il fait la connaissance de lord Shelburne pour qui il exécutera des projets (galerie de son hôtel à Berkeley Square, 1779). À son retour, il aura l’occasion de faire apprécier ses talents spécialement dans l’entourage du comte d’Artois où il est introduit par sa maîtresse, la célèbre cantatrice Sophie Arnould. Nommé premier architecte de ce prince, Bélanger partage ses activités entre cette charge, celle de dessinateur des Menus Plaisirs (1767), et une clientèle privée fort abondante Pour le comte d’Artois, il construit l’hôtel des Écuries à Versailles, le pavillon de Bagatelle et ses jardins (1777), la maison d’Artois et les écuries de Vincennes (1778-1780). Recommandé par son protecteur, Bélanger travaille en Belgique pour le prince de Ligne, aménageant son parc de Belœil (1771), celui de Baudour (1775) et l’hôtel d’Épinay à Bruxelles (1772). Parmi ses nombreuses constructions privées, à Paris ou dans la proche banlieue, citons : l’hôtel de la Chaussée d’Antin pour Sophie Arnould (1773), l’hôtel de Sainte-Foix (1777), la maison Bélanger (rue du Bois), une maison rue Neuve-des-Capucines, une maison à Sèvres, la Folie Saint-James à Neuilly (1777), la maison La Ballu à Pantin (1785).
Caroline
2 novembre 2021 @ 23:19
Beque,
Merci pour votre commentaire détaillé sur les belles réalisations de cet architecte !
Je n’ avais jamais entendu parler de Francois-Joseph Bélanger. On sait qu’ il est né et décédé à Paris d’ après Tonton Google. Son nom de famille me fait penser à son ascendance alsacienne.
Beque
3 novembre 2021 @ 09:52
Merci, Caroline.
François
2 novembre 2021 @ 10:49
Merci à Benoît-Henri, pour les photos et le texte, toujours aussi intéressants.
HRC
2 novembre 2021 @ 12:08
Toujours !
Merci à lui.
Ciboulette
2 novembre 2021 @ 16:34
Merci , Benoit-Henri , ce personnage est passionnant .
Beque
2 novembre 2021 @ 21:44
Mademoiselle Dervieux vivait au 98 bis, rue de Chantereine. Cette rue connut des heures de gloire. En 1776, Pérard de Montreuil, architecte du comte d’Artois, fait l’acquisition d’un terrain situé rue Chantereine (actuelle rue de la Victoire). Entre 1776 et 1778, il édifie trois petits hôtels particuliers dont le troisième, au numéro 9, sera mis en location. Il est, d’abord loué en 1780 au vicomte de Ségur qui y installe sa maîtresse, la comédienne Julie Carreau, qui l’achètera en 1781. A partir de 1791, elle y vit avec Talma qu’elle vient d’épouser et dont elle se séparera en 1794. En 1795, l’hôtel est loué par Joséphine, veuve du vicomte de Beauharnais. Napoléon Bonaparte, promu général, s’y installe avec elle après leur mariage. La rue sera d’ailleurs rebaptisée « rue de la Victoire », en 1797, en l’honneur de la victorieuse campagne d’Italie. En 1798, Bonaparte rachète l’hôtel à Julie Carreau. Il y prépare le coup d’état du 18 Brumaire. En 1806, l’hôtel de Beauharnais (ne pas confondre avec l’hôtel acheté pour Eugène, et qui est l’actuelle résidence de l’ambassadeur d’Allemagne en France) est offert par Napoléon en cadeau de mariage à Charles Lefebvre Desnouettes et à son épouse Marie-Louise Rollier, nièce à la mode de Bretagne de Napoléon. Vendu en 1857 à un agent de change, l’hôtel est démoli en 1862. Dans la cour du 60, rue de la Victoire, subsiste l’hôtel du marquis de Saint-Chamas ou vécut Marie Walewska.
Teresa2424
2 novembre 2021 @ 23:36
Muchas gracias Benoit-Henri