Parution de ce livre « La monarchie de Juillet » publié en 1921 par Sébastien Charléty et qui reste l’ouvrage de référence sur le régime du roi Louis-Philippe. L’auteur dépeint un monarque soucieux de réconcilier la France mais aussi un politique manipulateur.
Une France alors d’apparence prospère mais où les différences entre les classes sociales se creusent chaque jour davantage.
Pour l’auteur « Louis-Philippe fut à bien des égards un roi courageux et tenace qui avait longtemps vécu et appris avant d’accéder au pouvoir, et régna tout de même près de 18 ans sur une France qui ne savait plus vraiment ce qu’elle espérait de la politique. »
« Histoire de la monarchie de Juillet. 1830-1848″, Sébastien Charléty, Perrin, 2018, 576 p.
neoclassique
22 janvier 2018 @ 08:38
« Un politique manipulateur », comme cela est bien dit et d’emblée!
Le personnage est ainsi d’entrée mis à nu puisque le régime du « roi citoyen » ( et Dieu merci, non pas roi de France et de Navarre, le beau titre de nos souverains légitimes au moins n’en sera pas souillé!) est né d’une habile manipulation de l’abdication de Charles X et s’est construit sur une trahison, celle qui bafouait les droits légitimes du duc de Bordeaux
Voilà qui va sérieusement contrarier certains orléanolâtres qui s’efforcent, en toute occasion, de chanter les louanges de la branche cadette
Jul
22 janvier 2018 @ 12:59
Je partage votre avis néoclassique. Cet ouvrage doit être fort intéressant.
gone
22 janvier 2018 @ 14:04
si le règne précédent avait été brillant cela se saurait et de Louis-Philippe il n’y aurait pas eu .
Leonor
22 janvier 2018 @ 19:02
Pas mal, comme logique, pas mal… J’aime la logique.
Gérard
22 janvier 2018 @ 20:44
En effet Gone. Il me semble que l’histoire doit se méfier des positions de principe, des points de vue manichéens.
Après toutes ces années nous devrions pouvoir considérer l’histoire telle qu’elle fut plutôt que telle que nous aurions voulu qu’elle fût.
Danton
22 janvier 2018 @ 19:57
En attendant, sauf erreur de ma part, nous n’avons toujours pas recu les voeux de Louis XX.
Geoffroy
22 janvier 2018 @ 22:40
Le peuple en révolte contre la politique ultra de Charles X, n’avait que faire des « droits légitimes du duc de Bordeaux ». D’ailleurs il n’en n’avait aucun, puisque selon vos sacro-saintes lois fondamentales du royaume, Charles X ne pouvait disposer de la couronne, donc pas abdiquer, ni demander à son fils le duc d’Angoulême de le faire et encore moins transmettre le trône à son petit-fils le duc de Bordeaux. L’accession du duc d’Orléans était la seule solution pour prolonger la monarchie, encore pour vingt ans.
Naucratis
23 janvier 2018 @ 14:56
Il n’a pas prolongé la monarchie de vingt ans, il l’a enterrée définitivement. En usurpant la couronne, il recrée et approfondit la coupure entre les ai es et les cadets au sein de la famille royale française. Cette coupure existent toujours puisque ses descendants osent encore prétendre.
Les républicains ne peuvent que remercier Louis-Philippe et les Orléans.
sugerss11
23 janvier 2018 @ 19:33
si le prince royal n’était pas mort la monarchie de juillet ne serait pas tombé en 1848
Gérard
24 janvier 2018 @ 17:25
En effet Sugerss11.
Au demeurant la prétendue coupure entre les aînés et les cadets de la maison de Bourbon n’a eu aucun incident sur la politique française au XIXe siècle puisqu’aucun membre de la maison espagnole ne prétendit au trône de France à l’époque considérée.
Gérard
24 janvier 2018 @ 18:56
Il faut tout de même replacer la révolution de 1848 dans son contexte européen, certes elle intervient en février mais elle n’est pas la première de l’année et fait suite à la révolution de Palerme, mais déjà l’Europe entière bouillonnait et bientôt s’enflammerait dans ce qu’on a pu appeler le printemps des peuples.
En France les problèmes n’étaient pas d’ordre national ou identitaire mais tenaient en particulier à la révolution industrielle qui avait donné de plus en plus de pouvoirs économiques à la bourgeoisie qui dès lors souhaita participer de plus en plus à la vie politique tandis que les milieux ouvriers réclamaient plus de justice sociale.
Mais parallèlement il y eut une crise économique venue de mauvaises récoltes et de la surproduction industrielle. Ce ne sont pas par ailleurs les légitimistes qui ont été à l’origine de cette révolution mais clairement les républicains comme on l’a vu dans sa suite.
En France comme en Angleterre en effet les récoltes avaient été mauvaises en 1846 et 1847 en particulier pour la consommation ordinaire avec un recul considérable de la production de céréales et de pommes de terre, l’épuisement des stocks faisant grimper les prix en 1847 et beaucoup de Français n’ayant plus grand-chose à manger.
Les prix augmentèrent de 13 % en deux ans. Les crues furent impressionnantes en particulier celles de la Loire des 21, 22 et 23 octobre 1846 alors que la Levée de la Loire apparaissait indestructible, et à Orléans l’eau monta de 3 m 10 en 14 heures. Les crues devaient se répéter en 1847 et 1848.
La même année 1847 une crise du crédit avait mis en difficulté de grandes entreprises du fait de la spéculation sur les constructions ferroviaires ce qui donna lieu à beaucoup de faillites et conséquemment à du chômage qui atteignit des seuils jamais atteints et en particulier dans la région parisienne. La colère dans les quartiers populaires de Paris était très visible.
Le duc d’Orléans n’était plus là pour donner son avis à son père. Madame Adélaïde était morte l’année précédente. Le roi accordait encore sa confiance à Guizot qui était aux affaires depuis trop longtemps mais dont le roi, vieillissant et si meurtri par la mort de son fils, connaissait l’habileté, et Guizot qui catalysait les rancœurs ne se résolut à démissionner que trop tard quand il vit aussi qu’une partie de la famille royale ne le soutenait plus et que le roi lui-même s’inquiétait de son impopularité. On savait aussi que Guizot gouvernait en partie à l’aide d’une corruption habile dont il ne tirait pas de profit personnel car il était personnellement désintéressé. Quand il démissionna il était déjà bien tard.
L’hebdomadaire britannique The Spectator du 18 mars 1848 pouvait écrire avec sévérité : « La corruption officielle ne manquait pas de sujets à corrompre. M. Guizot était parvenu à un tel degré de manipulation de tous ceux qui l’approchaient que lui et son maître se réjouissaient probablement à l’idée d’un pourrissement généralisé. L’apparence de ces éléments les plus proches leur dissimulait l’état réel de la France dans son ensemble. Cette ignorance eut pour effet qu’un beau jour le roi astucieux et son philosophe de ministre se retrouvèrent en Angleterre sans couronne ni poste. »
Le gouvernement, inquiet de la montée de l’opposition, décida d’interdire le banquet prévu le 22 février 1848. Le journal républicain Le National appela à manifester. Une vingtaine de morts causées par la répression policière des manifestants qui voulaient s’en prendre à Guizot rendit la situation totalement insurrectionnelle.
Quant aux légitimistes s’ils avaient souhaité l’élargissement du suffrage et soutenu la campagne des banquets, ils s’inquiétèrent de la révolution à l’issue de laquelle la plupart d’entre eux se réunirent aux orléanistes pour créer le parti de l’ordre.
Robespierre
22 janvier 2018 @ 08:59
Bonne idée de rééditer ce livre. Louis-Philippe était un homme instruit, qui eut une éducation de haut niveau et il voulut que ses enfants aient la même. Pour discuter d’égal à égal, il n’avait que sa soeur Adelaïde, parce que son épouse, comme toutes les princesses napolitaines, dont la duchesse de Berry, avait peu d’instruction. Madame de Genlis son ancienne gouvernante dit qu’elle lui apprit à s’améliorer en tout, même en courage (il était un peu poltron au départ) mais elle ne put jamais en faire un homme généreux. Il etait très attaché à l’argent.
Jul
22 janvier 2018 @ 12:58
Ah Robespierre
Je crois qu’au contraire Louis Philippe d’Orléans pouvait se montrer généreux vis-à-vis des démunis, certes moins que Charles X, M. le Dauphin ou Madame la Dauphine, mais les journaux de l’époque rapportent souvent des actes de bienfaisance de sa part.
C’est une de rares qualités que je lui trouve.
Robespierre
22 janvier 2018 @ 16:28
L’argent laissé à ses neveux par Madame Adelaïde, il en a gardé l’usufruit, et les actes de bienfaisance étaient peut-être financés par des fonds d’état. Sa cassette personnelle, j’en doute.
Danton
22 janvier 2018 @ 19:59
Manifestement vous n’avez pas lu ce ouvrage…
Gérard
22 janvier 2018 @ 20:46
C’était un homme bon et sensible au malheur d’autrui mais la vie avait été dure pour lui et il en avait gardé la peur de manquer ou de perdre et il avait beaucoup d’enfants.
Gérard
24 janvier 2018 @ 17:29
Camille, comte de Montalivet qui fut ministre de l’intérieur et intendant général de la liste civile de Louis-Philippe, que l’on a prétendu aussi petit-fils de Louis XV, a longuement évoqué les largesses du roi et a fait observer qu’à dater du jour où il est rentré pour la première fois en France il n’a fait à l’étranger aucun placement de fonds ne laissant à Londres chez MM. Coutts que le dernier reste des économies de son modeste ménage depuis son mariage.
Il ajoute que les embarras de la liste civile et du domaine privé remontent aux premiers jours qui suivirent la révolution de 1830 :
« À cette époque de souffrance publique, où la cherté du pain et la stagnation des affaires précédaient de si peu de mois l’invasion du choléra et de la guerre civile, les revenus du roi furent largement employés non pas seulement à des travaux féconds pour les ouvriers, pour les entrepreneurs et pour les artistes, mais encore d’une manière plus directe au soulagement des misères publiques et des infortunes particulières. Là fut la première et bien noble origine des dettes de la liste civile et du domaine privé.
Le premier de nos souvenirs par sa date est aussi le plus important par le profond respect que commande la grande infortune à laquelle il se rattache. Au moment même où il allait monter sur le trône pour épargner à la France les malheurs qui devaient fondre sur elle dix-huit ans plus tard, le duc d’Orléans apprit, par un message signé du roi Charles X, que ce prince avait besoin de six cent mille francs en or, et que le porteur devait faire en sorte de les lui procurer. (Ce sont à peu près les termes de ce message précis et laconique.) Le duc d’Orléans répondit au général envoyé par le roi Charles X que la somme d’argent qu’il venait chercher allait être mise à sa disposition. Il écrivit sur-le-champ au baron Louis, ministre des finances, pour l’inviter à remettre au général*** 600,000 fr. en or destinés au roi Charles X. « Je couvrirai, ajoutait-il, le trésor public de cette
avance. » Les 600,000 fr. furent remis en effet le jour même entre les mains du général, qui put repartir aussitôt annoncer au roi qui s’éloignait le succès de sa mission.
Trois semaines après, le roi Louis-Philippe apprend que M. le duc d’Angoulême, pressé de supprimer les charges considérables que lui imposait l’entretien du haras de Meudon, créé par lui en 1821, s’apprêtait à le faire vendre. Inspiré par une double sympathie pour l’auguste fondateur et pour l’institution même qu’il regardait comme éminemment utile au pays, le roi Louis-Philippe donna l’ordre de l’acquérir. Dès le 15 septembre, le haras tout entier était devenu sa propriété personnelle moyennant un prix de 250,00 francs. Cette somme fut payée comptant entre les mains de M. le duc de Guiche, naguère administrateur habile du haras de Meudon, devenu pour la vente le mandataire spécial du prince. Toutefois, en consentant à cette vente, M. le duc de Guiche avait fait la réserve de réclamer auprès de qui de droit le prix de travaux de main-d’œuvre et de construction que M. le duc d’Angoulême avait fait faire à ses frais sur les terrains du domaine de la couronne affectés au haras. Ces travaux de diverses natures avaient tous profité à l’État : par suite de la révolution récente, le domaine de la couronne faisait retour à
l’État ; l’État devenait donc le débiteur naturel du prince. Les travaux avaient d’ailleurs été l’objet d’une évaluation régulière et administrative fort éloignée de celle de l’auguste vendeur. Les deux questions furent soumises au nouveau roi. Il les trancha l’une et l’autre au profit de M. le duc d’Angoulême et de l’État. Il fit payer entre les mains du mandataire, et sur les fonds de sa cassette particulière, une somme de 100,000 francs, qui s’élevait au double de l’évaluation présentée par l’administration.
En 1831, presque une année, jour pour jour, après la première preuve de la sollicitude empressée du roi Louis-Philippe pour les intérêts du roi Charles X, sa sympathie fut éveillée de nouveau par la lecture d’un journal anglais. Ce journal annonçait qu’un warrant avait été rendu en Écosse contre le roi Charles X : une portion de ses effets était déjà saisie, et sa liberté même était mise en péril. Un de ses créanciers de la première émigration, M. de Pfaffenhoffen, après avoir vainement fatigué de ses réclamations les chambres françaises pendant de longues années, poursuivait maintenant le royal débiteur jusque sur le sol étranger. Il s’armait à la fois de toute la rigueur des lois de France et d’Angleterre. Profondément ému de ces poursuites qu’il avait ignorées et des conséquences qui en pouvaient résulter, Louis-Philippe mandata immédiatement son trésorier M. Jamet. Il lui donna l’ordre de rechercher, sans perdre un seul instant, M. de Pfaffenhoffen, et de traiter à tout prix avec lui. Deux conditions étaient imposées au négociateur : une promptitude qui ne ménageât rien pour le succès et le secret le plus absolu. Peu de jours après, grâce aux soins du trésorier de la couronne et par les bons offices de M. Casimir Périer, dont l’intervention se cacha sous le nom d’un ami, M. Édouard Arnold, la volonté du roi était accomplie. Au moyen du paiement immédiat d’une somme de 100,000 francs et de la constitution d’une rente annuelle et viagère de 10,000 francs payable de trois mois en trois mois et par avance, le comte de Pfaffenhoffen renonça au bénéfice du jugement qu’il avait obtenu en Écosse contre le roi Charles X. Nous croyons devoir citer textuellement les termes mêmes de l’article 1er de la transaction : « M. le comte de Pfaffenhoffen renonce de la manière la plus expresse au bénéfice du warrant et par suite à exercer actuellement et à l’avenir toute contrainte par corps qu’il pourrait avoir obtenue contre la personne de Charles X, soit toute saisie et autres actions généralement quelconques sur tous les biens et effets mobiliers de Charles X hors de France, sous la réserve de ses droits pour les exercer en France. En conséquence, il se désiste sans réserve de la saisie de ses voitures et autres effets mobiliers, et de l’action intentée à Édimbourg contre Charles X, et il renonce à donner à ces saisie et action aucune espèce de suite. » Ainsi le créancier impitoyable fut désintéressé, sans même que l’auguste débiteur pût connaître la main qui écartait l’inquiétude de sa retraite et les périls de sa personne.
Quelques mois plus tard, le roi Louis-Philippe luttait de toute la force de sa prérogative constitutionnelle contre l’adoption de la loi qui bannissait la branche aînée des Bourbons, et qui imposait à chacun de ses princes l’obligation de vendre dans le délai d’une année les propriétés qu’il possédait en France. Le roi avait déjà obtenu que la nouvelle loi fût dépouillée du caractère violent et de la sanction odieuse (la peine de mort) introduite dans la loi dite d’amnistie, rendue en 1816 contre la famille Bonaparte. Néanmoins cette modification était loin de suffire au roi Louis-Philippe : son vœu le plus ardent eût été de rayer la loi elle-même des codes français, et de ne laisser entre les royautés déchues et la royauté nouvelle d’autres barrières que celles de la volonté de la France. Membre de son conseil, où j’avais l’honneur de siéger comme collègue de Casimir Périer, je fus témoin des longues luttes que le roi soutint avec une infatigable habileté contre l’énergique insistance de son premier ministre, engagé sur cette question avec, son parti dans les deux chambres, non par ses passions, mais par les nécessités de la politique. La résistance opiniâtre et prolongée du roi dut céder enfin, après cinq mois de combats, à l’argument suprême de tout ministre constitutionnel, la démission. Le roi s’arrêta devant la retraite certaine de Casimir Périer, retraite qui eût été si funeste aux intérêts de la France, et sacrifia une fois de plus ses sentiments intimes à ses intérêts sacrés. Du moins le roi ne cessa de veiller avec un soin religieux à ce que cette loi de bannissement ne fût qu’une sorte de protestation écrite, et ne devînt jamais une arme offensive dans les mains de son gouvernement.
Louis-Philippe se considérait comme le premier gardien d’intérêts que les princes exilés ne pouvaient plus défendre. Il fit bientôt proposer et adopter, pour la liquidation des dettes de la liste civile de Charles X, une loi dont l’article 1er est ainsi conçu : « L’ancienne liste civile sera liquidée, aux frais et pour le compte de l’État. »
Nous citons cet article, d’une précision si généreuse et si équitable, non pour la vaine satisfaction d’adresser à qui que ce soit une leçon inutile, mais pour signaler une fois de plus cette honorable et vive sollicitude qui ne s’est jamais lassée. Ainsi seize années se sont écoulées sans que M. le comte de Chambord ait été forcé de vendre aucune des propriétés apanagères ou autres qu’il possédait en France, et dont la loi l’obligeait à se défaire avant le délai d’une année révolue. Il les possède toutes encore aujourd’hui, grâce à la complicité généreuse d’un gouvernement noblement inspiré.
Il ne suffit pas cependant de raconter la lutte soutenue par le roi Louis-Philippe contre la loi de bannissement des princes de la branche aînée ; il faut aussi montrer la famille de l’empereur Napoléon protégée tantôt contre les douleurs de l’exil par l’autorisation donnée à plusieurs de ses membres de revoir la France, tantôt contre elle-même par un généreux pardon, comme à l’époque de la tentative de Strasbourg, tantôt enfin contre les embarras d’une position malheureuse, comme en 1847 et 1848, au moment où les ministres avaient reçu du roi l’ordre de demander aux chambres un crédit annuel de 150 000 francs pour constituer au profit du prince Jérôme, l’ancien roi de Westphalie, une pension réversible en partie sur son fils, Jérôme Napoléon. Il y a plus : la munificence personnelle du roi avait déjà protégé un autre Bonaparte. Le sacrifice d’argent ne fut pas considérable sans doute ; il eut du moins, par la pensée qui l’inspirait, une véritable grandeur. Un membre de la famille de l’empereur, jeune encore, éloigné des siens et voyageant en Belgique, était pressé par des créanciers exigeans et sur le point d’être mis en prison pour dettes. Il eut la pensée de faire connaître au roi Louis-Philippe les embarras d’une position qui s’aggravait chaque jour, et bientôt la cassette royale sauva la liberté du neveu de l’empereur.
Ainsi, par un privilège unique peut-être dans l’histoire, la Providence faisait du roi Louis-Philippe le protecteur des familles princières au nom desquelles d’implacables factions s’efforçaient incessamment de le perdre dans l’opinion du pays.
Le cœur du roi n’était pas seulement ému par le spectacle des grandes infortunes politiques : les souffrances du peuple attiraient surtout sa sympathie et occupaient sans cesse sa pensée. Dès 1830, pendant que ses ministres proposaient par son ordre aux chambres des mesures destinées à rendre la sécurité au commerce, le mouvement aux affaires et le travail aux ouvriers, Louis-Philippe, donnant l’exemple, établissait de vastes chantiers de travail et de charité dans ses domaines privés ou dans les domaines de la couronne, dont il avait la jouissance provisoire. Sa main surtout s’ouvrait largement pour secourir toutes les misères populaires, que la cherté des subsistances rendait plus cruelles encore. Pendant l’hiver de 1830 à 1831, une somme de plus de 2 millions fut consacrée par lui à des distributions de pain, de soupes, de viande, de vêtemens, de literie et de secours en argent à la population indigente de Paris et des départements qui souffraient le plus de la disette et de la stagnation des affaires. Ah ! Si cette charité, systématiquement enveloppée dans une simplicité discrète, mérite jamais que quelques critiques viennent se mêler aux louanges de l’histoire, c’est pour n’avoir pas souvent fait une part plus large à la publicité, que lui conseillait la politique. Dans ses bonnes œuvres comme en toutes choses d’ailleurs, Louis-Philippe réprouvait le charlatanisme et l’apparat ; le secret lui paraissait le plus indispensable auxiliaire de la charité royale.
On sait que les souffrances du commerce avaient fixé, dès les premiers jours de son avènement, toute l’attention du roi. 30 millions avaient été consacrés par une loi spéciale à faire des avances au commerce en général, surtout aux industries dont la stagnation momentanée mettait en péril l’existence des grandes populations ouvrières. Cependant plusieurs établissemens industriels n’avaient pas seulement un pressant besoin d’avances : quelques uns, et des plus considérables, ne pouvaient se maintenir qu’à l’aide de subventions permanentes. Le principe de ces subventions n’avait pas été admis par la loi, qui n’autorisait que des avances remboursables à échéances fixes. Le roi n’hésita pas à venir au secours de l’État, et à compléter les bienfaits de la loi par des sacrifices personnels qui s’élevèrent à plusieurs millions.
D’autres malheurs restaient encore à soulager. Justement avare des deniers publics, la loi ne dispensait, ainsi que nous venons de le dire, ses générosités qu’au commerce et à l’industrie : l’ébranlement de certaines fortunes particulières n’y trouvait aucun appui. La bonté de Louis-Philippe ne resta pas sourde à de douloureuses confidences. Dans cette première crise, le roi consacra plus de 1,200,000 francs à réparer des ruines honorables, à soutenir certaines existences menacées. Parmi ses obligés de cette époque, nous pouvons, sans inconvénient aujourd’hui, citer en première ligne Benjamin Constant. Dès long-temps détourné de ses intérêts personnels par les travaux de la pensée, et plus tard par les luttes de la tribune, Benjamin Constant voyait arriver à la fois les infirmités de la vieillesse et les angoisses d’une pauvreté qu’il n’avait pas prévue. La liberté de ce brillant esprit pouvait y périr. Le secret de ses embarras fut mal gardé pour le roi qui envoya immédiatement au grand publiciste un bon de 200,000 fr. sur sa cassette.
Deux autres noms bien connus figurent encore parmi ceux des capitalistes ou des négociants qui durent à Louis-Philippe de ne pas subir les rigoureuses conséquences d’un naufrage commercial, ce sont ceux de MM. Audry de Puyravau et Jacques Laffitte. M. Audry de Puyraveau, associé d’un honorable négociant, M. Gallot, avait vu sa maison de commerce ébranlée par la secousse révolutionnaire. Des indemnités reçues de la ville de Paris pour réparation des dommages éprouvés pendant les journées de juillet, une part dans la distribution du fonds de 30 millions accordés par la loi spéciale, n’avaient pas suffi à raffermir son crédit. Une main secourable pouvait seule l’arrêter sur le penchant de sa ruine : cette main fut celle du roi, qui, par une largesse de 200,000 francs, sauva la maison Audry de Puyraveau, Gallot et compagnie.
[…] Le roi n’hésita point à sauver M. Laffitte.
Malgré les embarras personnels qui allaient en résulter pour lui, malgré des frais d’acte estimés à près d’un million, malgré la dépréciation d’une propriété dont, à une époque des plus prospères, M. le comte Roy avait refusé de donner 5 millions et demi, le roi consentit à se rendre acquéreur de la forêt de Breteuil, et il en offrit tout d’abord un prix qu’on ne lui demandait pas, les 10 millions que M. Laffitte avait jugé indispensables à son salut. […]
C’était en 1834. Devenus, antérieurement déjà, les adversaires passionnés de la politique du roi, MM. Laffitte et Audry de Puyraveau s’étaient bientôt rangés parmi les ennemis déclarés de la royauté de juillet. M. Laffitte, pour sa part, avait déjà demandé pardon à Dieu et aux hommes de ce qu’il avait fait pour elle. Le souvenir des bienfaits passé aurait bien pu, dans sa légitime amertume, dresser une barrière infranchissable entre le cœur de Louis-Philippe et la détresse de M. Laffitte : il n’en fut rien, et le roi, qui, de tous les rois, a le plus souvent pardonné, donna l’ordre à l’intendant général de la liste civile de tout faire pour sauver son ancien ministre. À la suite de laborieuses conférences avec les fonctionnaires supérieurs de la Banque, l’intendant général conclut enfin une convention par laquelle, moyennant un dernier paiement consenti par le roi aux lieu et place de M. Laffitte, la Banque s’obligeait à accorder tous les délais convenables à son débiteur pour la réalisation des diverses valeurs composant son actif. Le roi paya donc encore à la Banque 1,200,000 fr. Cette somme, réunie à celle de 300,000 francs d’intérêts déjà payés pour lui en mars 1832, portait au chiffre total de 1,500,000 fr. le nouveau sacrifice accompli par une sollicitude supérieure à toutes les passions du cœur humain. C’est ainsi qu’il a été donné à M. Laffitte de terminer avec calme et profit une liquidation qui, sans l’aide de la générosité royale, eût été deux fois sa ruine. »
Montalivet rappelle également la position de M. Dupin sur le droit de la maison d’Orléans : « Ainsi, comme on le voit par les lettres patentes de l’édit de Louis XIV de mars 1661, enregistré au Parlement le 10 mai de la même année, l’apanage de la maison d’Orléans n’a pas été constitué à titre gratuit, mais à titre successif, pour tenir lieu au chef de cette branche, alors mineur, de sa part héréditaire dans la succession du père commun. Cet apanage constituait la légitime de la branche d’Orléans ; il formait le prix de sa renonciation au profit de l’aîné (Louis XIV) aux domaines, terres et seigneuries, meubles et effets mobiliers échus par le trépas de feu leurdit seigneur et père. Par-là le vœu de la nature avait été rempli, et la royauté avait acquitté ses obligations comme le dirent plus tard les lettres patentes du 7 décembre 1766. » C’est en s’appuyant aussi sur la science de l’histoire et sur l’étude du contrat primitif que Casimir Périer disait à la tribune de la chambre des députés le 3 octobre 1831 : « Les biens apanagers sont ceux que Louis XIV avait constitués en faveur de son frère mineur pour lui tenir lieu de sa part héréditaire dans la succession au trône du roi leur père. » La chambre, surprise par un amendement improvisé, se borna à voter un article qui statuait que des dotations seraient accordées aux princes et aux princesses de la famille royale en cas d’insuffisance du domaine privé. »
Et l’exécuteur testamentaire du roi conclut : « D’après tout ce qui précède, on peut dire que les embarras financiers du roi Louis-Philippe avaient une double origine, fidèle à résumer en peu de mots et en ces termes : le roi avait fait plus qu’il ne pouvait, l’État moins qu’il ne devait. »
Gérard
24 janvier 2018 @ 17:43
Dans la suite de son exposé le comte de Montalivet rappelle également quelles furent les largesses du roi pour les domaines de la couronne qui ne lui appartenaient donc pas et auquel il consacra une grande partie de sa dotation royale afin de les embellir et les accroître, ceci concernant les palais, les forêts, les manufactures royales, les arts et permit l’aménagement des galeries historiques de Versailles, la restauration et la décoration du palais, des chapelles de Saint-Louis à Tunis, des parcs et jardins et l’accroissement du domaine de l’État aux frais du roi lui-même.
Gérard
24 janvier 2018 @ 19:08
On se souvient également de ses innombrables visites à Versailles pour suivre par tous les temps le chantier.
ghislaine-Perrynn
22 janvier 2018 @ 10:19
Qu’il est le bienvenu cet ouvrage , l’histoire ne se répète pas mais en l’occurrence en ce moment elle bégaie .
A la lecture de ce qui précède on a l’impression d’être revenus à cette période de l’histoire .
– Réconcilier la France
– politique manipulateur
– une France qui paraît prospère mais où les différences se creusent
le dernier paragraphe ne s’applique pas au pouvoir actuel .
J’ajouterai le pouvoir donné aux bourgeois nantis .
Merci Régine , vous êtes révolutionnaire (rire)
Jul
22 janvier 2018 @ 12:58
Bravo pour votre commentaire Ghislaine-Perryn, :)
Jul
22 janvier 2018 @ 13:00
Je crois même savoir qu’il soit son modèle avoué !
framboiz 07
22 janvier 2018 @ 23:28
Pas mal vu, la France ne sait pas ce qu’elle doit attendre de la et des politique (s) , On est dans le « Enrichissez-Vous « , sans trop nous aider à le faire , pour les retraités , c’est râpé …Mr Macron ne tiendra pas 18 ans, à cause de la Constitution …
Olivier d'Abington
23 janvier 2018 @ 10:25
Chère Ghislaine-Perrynn,
J’allais écrire un commentaire allant exactement dans votre sens!
Merci de l’avoir fait!
ghislaine-Perrynn
22 janvier 2018 @ 13:54
Merci Jul !
Mary
23 janvier 2018 @ 00:04
Que n’a – t – il su garder son poste !!!
Naucratis
23 janvier 2018 @ 15:00
Chère Mary,
Il a réussi à s’aliéner les légitimistes et les républicains. Il ne pouvait se maintenir dans ces conditions. Lui-même a reconnu l’échec de sa tentative.
Duc d'Enghien
23 janvier 2018 @ 19:23
C’est l’histoire d’une grosse poire qui prétend être une pomme et qui pendant dix-huit ans empoisonne un beau verger millénaire …
Gérard
24 janvier 2018 @ 19:07
Louis-Philippe a été le premier de nos chefs d’État à respecter la majorité issue des élections. Il a voulu restaurer l’unité nationale après tant d’années tumultueuses, tant du point de vue religieux que du point de vue national. Malgré les difficultés économiques de la fin du régime ce fut une grande époque, la plus grande du siècle de croissance démographique, une grande époque de développement économique, avec l’apparition des premières lois sociales ou scolaires, des premiers grands équipements collectifs. Mais il fut en bute à une opposition multiforme et à une sorte de désenchantement faute de rêve. Il est probable que le duc d’Orléans qui était très populaire aurait sauvé le régime.
Guy Coquille
26 janvier 2018 @ 12:34
Cher Charles, je partage totalement votre fidélité envers la Maison de France, mais il me semble qu’il ne faut pas pour autant devenir aveugle à l’égard de Louis-Philippe et de sa famille. La volonté du Duc d’Orléans de réconcilier la monarchie et la révolution était une illusion, il l’a d’ailleurs compris…après février. Ses ambitions familiales n’étaient pas très pures, et son attitude de dépit indécent au moment de la naissance du Duc de Bordeaux le montre bien. Quant à sa famille…Je vous rappelle la haine irrationnelle de sa soeur Adélaïde pour les légitimistes avec un seul détail: il y a eu trois tentatives d’assassinat contre Louis-Philippe. Toutes étaient le fait des républicains, mais Adélaïde a commencé chaque fois par soupçonner et poursuivre les royalistes. Et je ne partage pas du tout votre opinion sur Ferdinand qui aurait été un Napoléon III en pire: « je me montrerai toujours, »disait-il »un défenseur attentif et passionné de la France et de la Révolution. » Tout est dit.
Sigismond
27 janvier 2018 @ 09:56
Gérard serait Charles et Charles serait Gérard ? Et Hélène, et Arthur, et Roch ? On ne nous dit pas tout, dirait Anne Roumanoff :-))
Un lien de parenté avec l’acteur Charles Gérard ?
Gérard
27 janvier 2018 @ 12:16
Non Sigismond ce n’est pas une mystification, c’est un complot, que dis-je un complot ? Une révolte, une révolution.
Gérard
26 janvier 2018 @ 11:57
Sébastien Charléty, l’auteur de l’ouvrage qui vient d’être réédité, est né à Chambéry en 1867 et il y est décédé en 1945. Il était agrégé d’histoire et de géographie, il fut professeur, directeur de l’Instruction publique et des Beaux-Arts à Tunis puis à Strasbourg enfin recteur de l’Académie de Paris et il présida la Commission supérieure des Archives nationales. Il fut membre de l’Académie des sciences morales et politiques ainsi que de l’Académie des sciences coloniales qu’on appelle aujourd’hui des sciences d’outre-mer. Comme recteur à Paris il a été à l’origine de la Cité universitaire et c’est pourquoi le stade voisin porte son nom et qui est dû à Bernard Zehrfuss.
Arnaud Teyssier du présent ouvrage et les hauts fonctionnaires historiens auteur notamment de Louis-Philippe : Le Dernier Roi des Français, Perrin, 2010, explique que l’ouvrage réédité montre qu’un régime qui se veut porteur d’optimisme et de prospérité peut s’effondrer subitement s’il oublie non seulement la « charpente
sociale » et son tissu nécessaire de solidarités, mais aussi la part de rêve et de passion qui, pour un peuple, fait la « véritable nourriture de son âme ».
Duc d'Enghien
26 janvier 2018 @ 12:25
Pourquoi la Comtesse de Chambord finissait son Notre Père par « …Et delivrez-nous des Orléans ?
Gérard
27 janvier 2018 @ 12:24
Pourriez-vous nous citer votre source en ce qui concerne cette phrase que vous indiquez périodiquement ? La comtesse de Chambord paraissait généralement dénuée d’humour et donc évidemment cette phrase ajoutée au Pater paraîtrait étrangement peu chrétienne pour cette présumée sainte femme.
Sigismond
28 janvier 2018 @ 10:35
Ne serait-ce pas plutôt une boutade de la duchesse della Grazia, anciennement de Berry, la trop zélée mère du duc de Bordeaux ? Mais elle disait « des d’Orléans », en conservant la particule, comme on dit d’Artagnan ou d’Ormesson.
Gérard
4 février 2018 @ 19:01
Ah c’est possible et plus vraisemblable. Il faut dire que son équipée au demeurant sympathique lui valut quelques ennuis.
Duc d'Enghien
28 janvier 2018 @ 19:47
A chacun son Roi ! Les partisans incultes de la branche regicide ont le … leurre !
Gérard
4 février 2018 @ 19:03
Vous êtes vraiment l’antithèse du duc d’Enghien.
Bibonne de Tinguy
22 octobre 2020 @ 20:17
Le roi Louis-Philippe n’a jamais été, ô grand jamais, un usurpateur. Il n’a jamais été le fomenteur des journées de Juillet, ce sont les libéraux très en vue de l’époque, à savoir, le banquier Lafitte, Odilon Barrot et l’homme de tous les régimes, cette canaille de Lafayette, qui ont été les artisans des émeutes parisiennes, et qui sont allés rencontrer le roi, pour lui proposer le trône, sous ceraines conditions constitutionnelles. Louis-Philippe ne souhaitait absolument pas prendre la place de Charles X, et son épouse ne se voyait pas en future reine des français. C’est sur l’insistance des députés et de la propre fille de Louis-Philippe qu’il accepta à reculons.
Louis-Philippe fut un reconcialteur, un modéré, dont le règne n’a connu aucune guerre, à l’inverse de Louis XVI, de Napoleon I ou de Napoleon III qui eux étaient des souverains béllicistes. Ce fut une période de prospérité qui dura, je dois l’admettre, jusqu’au début des années 1860. C’est pratiquement la seule époque de l’histoire contemporaine française, où n’avons pas eu affaire un régime socialiste!! Oui, oui, j’ai bien dit un régime socialiste, un régime où l’Etat intervient dans l’économie, et impose ses régles économiques (et sociétales) par la force. Cet Etat interventioniste, que nous connaissons, est source de toutes les calamités qui nous frappent, il n’y a qu’à voir les dégats que cause l’Etat interventioniste avec Macron (retraite, travail, taxes…). A contrario le libéralisme économique est un régime où l’Etat n’intervient pas dans l’économie. Par exemple, le sytème libéral ne permet pas, si j’ose dire, que l’on renfloue une banque ou un hedge funds. C’est pourquoi, contrairement aux inepties répandues couramment, Macron n’est pas un liberal, encore mois un “ultra-libéral”, mot qui n’a jamais existé, c’est un socialiste comme tous ses prédecesseurs, CQFD… C’est pas moi qui le dit, mais des éminents économistes. Hors sujet, je sais, mais il est tout de même bon de rappeler certaines vérités