Parution de ce très bel ouvrage « Histoire de la Transylvanie » sous la plume de l’historien et critique d’art Jan De Maere. L’auteur détaille avec minutie l’histoire de la Transylvanie au fil des siècles, une région qui a toujours suscité mystères, mythes et légendes. Jan De Maere revient forcément sur Dracula mais fait aussi découvrir grâce à une riche iconographie et des archives nombreuses la culture et la toponymie.
Retenons notamment un chapitre consacré au baron Samuel von Brukenthal (1721-1803) qui était un contemporain d’Emmanuel Kant. Né au sein d’une famille luthérienne de Leschkirch/Nocrich en Transylvanie, son père est alors juge royal sous le règne de l’empereur Charles VI. Après des études à Iéna en sciences politiques, philosophie et histoire, il entame une carrière de fonctionnaire à Hermannstadt/Sibiu. Il se marie avec la fille du maire Katharina von Klockner.
Dans les bonnes grâces de l’impératrice Marie Thérèse, il est nommé gouverneur de Transylvanie, poste qu’il assumera jusqu’en 1787.
Veuf et sans descendance, il s’implique d’autant plus dans sa collection de livre et de numismatique. Il achète plusieurs tableaux auprès de marchands à Vienne. La grande partie de sa collection se compose de tableaux flamands qui sont alors moins chers que les tableaux italiens.
De 1778 à 1786, le baron fait construire sur la grand place de Hermannstadt/Sibiu une résidence pour abriter sa collection. Il s’est inspiré de la galerie impériale de Vienne pour exposer ses tableaux.
Il dispose aussi d’un cabinet de curiosités avec 2000 minéraux et 17150 pièces de monnaie. Sa bibliothèque compte 13000 ouvrages répartis dans 5 pièces.
N’ayant pas d’enfant, le baron Samuel von Brukenthal souhaite que sa collection revienne au collège évangélique pour éduquer les générations futures. Par testament, il indique que sa résidence devra être un musée accessible au public.
Les collections et sa demeure ont été gérées jusqu’en 1948 par un consortium évangélique avant d’être confisquées sous l’ère communiste. Depuis 2007, elles ont été restituées à la communauté évangélique.
Le Palais Brukenthal est le plus ancien musée de Roumanie.
« Histoire de la Transylvanie », Jan De Maere, Editions Avant-Propos, 2018, 288 p.
Philippe Gain d'Enquin
12 février 2018 @ 08:23
Une lecture vampirisante, je le sang…
Olivier d'Abington
12 février 2018 @ 13:25
JOLIIIIIII!!!
Clément II
12 février 2018 @ 16:39
Bien joué.
Philippe Gain d'Enquin
13 février 2018 @ 15:21
Propos mordant !
Muscate-Valeska de Lisabé
13 février 2018 @ 21:06
Oh que ouiiii…bravo PGE!! ;-)))…TOP!
Damien B.
12 février 2018 @ 09:29
Voilà un livre prometteur qui évoque la Transylvanie, terrain d’enjeu entre le Hongrie et la Roumanie, assez méconnue dans nos pays de l’ouest.
L’auteur est le galeriste renommé de la rue des Minimes spécialisé dans les maîtres flamands et déjà auteur de plusieurs publications qui font autorité en la matière.
Clément II
12 février 2018 @ 16:41
Je ne sais quelle est votre position à ce propos mais c’est important de le rappeler. Trop souvent, l’Occident ignore ou oublie (selon les personnes) qu’il existe encore des conflits territoriaux à ses portes.
Damien B.
13 février 2018 @ 12:59
Je m’y intéresse en tant qu’historien. Ces territoires de l’est font trop souvent figure de parents pauvres des livres d’Histoire francophones.
La connaissance de leur passé permet pourtant d’éclairer bien des sujets qui concernent l’Europe entière.
La Belgique a des liens historiques très forts avec la Roumanie. Comme vous le savez c’est Philippe comte de Flandre qui avait été élu en 1866 comme prince souverain des principautés de Moldavie et de Valachie. Sa renonciation a permis à Carol Ier (frère de la comtesse de Flandre, et donc oncle du roi Albert Ier) d’installer les Hohenzollern sur le trône roumain définitivement reconnu en 1881.
J’ajouterai que les historiens roumains sont ravis de partager leur savoir dès qu’on les sollicite.
Clément II
15 février 2018 @ 23:01
Je suis d’accord avec vous.
Muscate-Valeska de Lisabé
12 février 2018 @ 10:11
Oui,beaucoup d’imaginaire,de superstition et de légendes dans cette région qui n’en est que plus intéressante et grandiose. C’est beau, l’Europe de l’Est.
Clément II
12 février 2018 @ 17:06
Il ne faut pas confondre avec la Valachie, qui est la terre sur laquelle régnèrent les Drăculea (issus de la dynastie Basarab) et la province où cette famille acquis une légende assez monstrueuse mais sans lien avec le vampirisme, ou tout autre truc approchant de près ou de loin la magie.
Le seul lien entre la Transylvanie et le vampirisme se situe dans l’oeuvre littéraire de Abraham « Bram » Stoker, lequel s’est inspiré d’une légende gothique victorienne qui faisait se dérouler des faits paranormaux en pays transylvain. L’association avec le château de Bran est entièrement due à Stoker.
Historiquement, il n’existe pas de légendes surnaturelles en Transylvanie, de même qu’il n’y a pas de chauves-souris vampires (Desmodus rotundus) dans ce pays.
C’est toutefois très beau !
Muscate-Valeska de Lisabé
13 février 2018 @ 21:08
Ben me voici déçue, cher Clément. …:-(.
Mais chut,Margaux nous observe!.;-))
Margaux ?
14 février 2018 @ 16:31
J’affûte mes canines. ?♀️
Clément II
15 février 2018 @ 23:05
Elle nous observe tout le temps, prête à croquer celui qui transgressera la mémoire des Dracula. ?
Margaux ?
19 février 2018 @ 19:41
Qu’il est bête…
Margaux ?
12 février 2018 @ 10:43
Ce livre doit être intéressant
Margaux ?
12 février 2018 @ 10:49
Ce livre doit être intéressant, bien que je regrette que celui-ci entende comme ses prédécesseurs, s’attarder sur le « cas Dracula » qui n’a rien d’historique… J’espère que c’est rattrapé par la vraie histoire du prince Vlad, et aussi de son père. Il y a des choses à dire!
Alinéas
12 février 2018 @ 11:02
Très intéressant.. Formidable, il est écrit en français..!
Clément II
12 février 2018 @ 17:09
Jan De Maere est belge, spécialiste des arts flamands et plus largement, fin connaisseur des arts d’Europe du Nord. Il est bilingue néerlandais-français.
Caroline-mathilde
12 février 2018 @ 12:29
Bonjour ,
juste pour informations ,je possède ce livre qui est déjà paru en 2015
sous le même titre et avec une couverture (presque )similaire.
la différence se situe au niveau du « portrait » en médaillon qui
en 2015 se situe en haut à droite (et coloré)
en 2018 en bas à gauche (esquisse?).
le contenu du livre de 2015 est extrêmement intéressant bien que laissant un goût de trop peu (environ 250 pages).
Celui-ci semble être une version « améliorée ».
Caroline-mathilde
Daina Guiliana
12 février 2018 @ 14:43
J’ai eu à lire pleines d’histoires sur la Transylvanie en bibliothèque; j’espère que celui ci sera plus riche et plus concret.
marianne
12 février 2018 @ 15:10
Pour moi, la Transylvanie, c’ est Vlad l’ empaleur, mais bien sûr c’ est certainement plus que cela !
Margaux ?
13 février 2018 @ 16:47
Ce n’est surtout pas cela. Vlad III l’Empaleur était valaque (voïvode de Valachie), c’est Dracula – un mythe élaboré au XIXème siècle, qui est transylvain. Le personnage du comte-vampire Dracula est inspiré par la mémoire de Vlad III mais aussi de son père, Vlad II. Lesquels sont passés à la postérité comme des monarques sanguinaires. Les comparaisons s’arrêtent là. L’histoire et la fiction ne se rejoignent pas.
leonor
13 février 2018 @ 21:33
Oui mais bon, il n’a pas empalé tant que ça. Juste un petit peu .
Clément II
16 février 2018 @ 16:56
Faites le compte mais n’en rajoutez pas un de plus, mon épouse risque de mordre. ?
Cosmo
13 février 2018 @ 18:05
La Transylvanie est la pomme de discorde entre les Roumains et les Hongrois. Faisant partie de l’ancien royaume de Hongrie ( il faut lire la « Trilogie de la Transylvanie » de Miklos Bannfy ), elle fut attribuée par le Traité de Trianon à la Roumanie qui la revendiquait comme roumaine. Il y a en Transylvanie des villages qui ne parlent que le hongrois, comme il y a de l’autre côté de la frontière des villages qui ne parlent que le roumain. Il est difficile de s’y retrouver. Il semble qu’historiquement la Transylvanie est hongroise, comme étant des berceaux de la monarchie hongroise, mais elle était peuplée d’une importante population roumaine à laquelle le gouvernement hongrois refusait tout droit politique avant 1914, comme il le refusait aux Slaves du nord ou du sud, leur imposant la magyarisation . La Roumanie ayant pris fait et cause pour les Alliés en 1916, la population roumaine de Transylvanie, majoritaire, obtint le rattachement à ce qui sera appelé la Grande Roumanie.
L’attitude intransigeante des différents gouvernements hongrois semble être en partie responsable de cette situation.
Un conseil, si vous avez des amis roumains et des amis hongrois ne les invitez pas ensemble, ou alors évitez de mettre le sujet sur la table. Il en ressortirait un pugilat, chaque communauté étant persuadée de son bon droit. Pour les Hongrois la Transylvanie est hongroise, pour les Roumains, elle est roumaine. La manipulation de l’histoire ne fait peur ni à l’un ni à l’autre et vu de France, il est difficile de dire qui a raison et qui a tort…Probablement les deux !
Une chose est certaine. Dracula n’était ni roumain, ni hongrois. Il n’a tout simplement pas existé. Il est sorti de l’imagination de Bram Stoker, un écrivain anglo-irlandais fasciné, comme d’autres auteurs britanniques, par les histoires noires et morbides du mouvement néo-gothique.
Clément II
16 février 2018 @ 17:58
Abraham (Bram) Stocker s’est effectivement inspiré d’une légende néo-gothique de l’époque victorienne ; il en a extrait le personnage d’un comte et vampire transylvain, auquel il donna le nom de Dracula, s’inspirant en cela de Vlad III Basarab, surnommé Țepeș (« l’Empaleur ») ou Drăculea (« le fils du Dragon »). La proximité s’arrête là.
Drăculea a donc bien existé mais n’a effectivement rien en commun avec le personnage de Stocker, hormis le nom qui est une simplification de son surnom – phonétiquement, quelque chose comme : « dracouliéa ».
Clément II
16 février 2018 @ 18:00
Pour aller plus loin…
Drăculea ou Drăculești est le nom d’une dynastie appartenant à la famille Basarab, qui en comptait deux autres : Dănești et Craiovești (plus tard Brâncovenești).
Les Drăculești sont issus de Mircea Ier l’Ancien, fils de Radu Ier et père de Vlad II Drăcul – « le Dragon », ainsi appelé après avoir reçu l’ordre de chevalerie du même nom. Vlad II est le père de Vlad III Țepeș ou Drăculea. La dynastie fut ainsi appelée Drăculești après le décès de Vlad III.
Les Dănești sont issus du fils aîné de Radu Ier, le voïvode de valachie Dan Ier. Ils sont les aînés de la maison Basarabi.
Quant aux Craiovești, ils sont issus de Neagoe, un boyard qui fut mare ban de Craiova et ban de Turnu-Severin, en Olténie ; son fils, Pîrvu Ier est le père officiel de Neagoe Basarab V qui revendiquait être le fils illégitime de Basarab IV, ce qui le rattache aux Dănești. Si leur ascendance directe est douteuse, ils sont quand même affiliés aux Basarbi par les femmes.
Ils sont donc tous des descendants de Basarab Ier Întemeietorul (le Fondateur).
Le mot dynastie se traduit par lor en roumain, d’où : Basarabilor, Dăneștilor, Drăculeștilor et Craioveștilor (puis Brâncoveneștilor), que l’on croise parfois dans les références bibliographiques.
Quoi qu’il en soit, aucun n’est effectivement roumain, hongrois ou transylvain. Les Dănești et les Drăculești sont valaques, et les Craiovești sont oltènes avant d’être eux aussi valaques.
Clément II
16 février 2018 @ 18:01
Voilà. J’espère avoir bien préparé mon laïus, sinon Draculette me croquera avant de corriger mes bévues. ?♀️ ?
Cosmo
17 février 2018 @ 14:19
Merci pour ces explications, Clément II. Il me semble avoir lu que la famille royale d’Angleterre a un lien avec eux. Un des mes amis est un lointain parent d’Erszebet Batthoryi…Elle aussi n’a pas été gâtée dans sa légende.
Bon weekend
Cosmo
Margaux ?
19 février 2018 @ 19:55
Il semble qu’ils aient des liens avec la famille royale britannique, comme avec tous les Saxe-Cobourg-Gotha. D’autres grandes familles semblent entretenir de tels liens, dont les Wittelsbach ou les Habsbourg. En toute honnêteté, partant de ce postulat généalogique, quelque chose comme trente-cinq générations sépareraient Vlad III Basarab et Elizabeth II de Grande-Bretagne ; à ce stade, la dilution est telle que n’importe qui se réclamerait d’une parenté avec les Drăculești, ne saurait être contredit. Dans la mesure où il n’existe pas d’archives permettant d’établir ce lien avec toute la rigueur historique et généalogique, c’est d’autant plus net que mon voisin peut se dire descendant de « Dracula » demain matin, il aura gain de cause. ?
Il est nettement plus simple d’établir une filiation avec Élisabeth Báthory, plus proche de nous en dates.
Margaux ?
19 février 2018 @ 19:56
Clément, t’as la vie sauve… pour cette fois. ?♀️
Leonor
16 février 2018 @ 23:36
Bref, c’est comme l’Alsace !
Pour les Français, l’Alsace est française, pour les Allemands, elle [était ] allemande.
Et là aussi, la manipulation de l’histoire n’a fait peur à personne, et ça continue d’ailleurs.
Et puis, poursuivons l’analogie : en guise de Dracula, nous, on avait Hans Tràpp , équivalent du Père Fouettard. Un grand méchant qui , à Noël, venait chercher et emporter les enfants pas sages.
Là aussi, personnage irréel, mais sur fonds de vérité , à savoir un certain Hans von Trotha, chevalier de son état, qui a réellement existé, lui.
Bon, revenons à la Transylvanie. Pour l’Alsace, de toute façon, c’est foutu.
Margaux ?
19 février 2018 @ 20:18
Hans von Trotha, avant d’être un croquemitaine et une âme en errance dans la Wasgau, est le maréchal des princes électeurs de Palatinat. Hans Trapp est né de la réputation brutale et sanguinaire de Trotha, qui fut surtout un rançonneur très habile.
Lorsque j’étais petite, je recevais chaque année la visite du Père Fouettard. C’est le « cousin » de Hans Trapp et de Schmutzli, et il me faisait très peur !! ?
L’Alsace recèle de légendes : l’homme de feu, les fantômes du Kronthal et les rois mages au même endroit, l’ondine du lac de la Largue, les dames blanches du Sundgau… ou l’esprit de Charles le Téméraire qui erre dans les rues de Wasselone… Il y en a une quantité impressionnantes. Les Alsaciens ont une imagination débordante, j’adore !