Elle fut la dernière souveraine de France et régna presque 18 ans en tant qu’épouse de l’empereur Napoléon III. Connue sous le nom d’Eugénie de Montijo même si ce n’était pas son réel patronyme, l’impératrice (1826-1920) fut une réelle femme d’Etat, qui assura même la régence de l’empire.
D’une beauté qui fascina, d’une grande causerie, aimant les Arts, façonnant une autre manière d’aborder la majesté, mais très consciente de son devoir, Eugénie a laissé des traces dans l’Histoire de France même si après la chute de l’Empire, on a eu tendance à la cantonner à un rôle d’intrigante ou de folle dépensière pour ses tenues.
L’ouvrage « L’impératrice Eugénie. Une vie politique » sous la plume de Maxime Michelet remet l’impératrice dans son contexte. L’ouvrage est d’autant plus intéressant qu’il examine la vie de l’épouse de Napoléon III dans sa ligne du temps, sachant que 50 ans de sa vie furent en exil.
A sa mort, le journal « La Croix » écrivait : « C’est une page d’histoire, une longue page d’une histoire brillante, tragique et, par endroits, touchante, qui prend fin ».
Née à Grenade, Eugenie est la fille de don Cipriano de Guzman Palafox y Portocarrero et de dona Manuela Kirkpatrick y Grévignée, comte et comtesse de Teba qui devinrent ensuite comte et comtesse de Montijo. Appelée Eugenie de Montijo, l’impératrice était au moment de son mariage comtesse de Teba.
C’est dans un discours prononcé le 22 janvier 1853 que Napoléon III annonce ses fiançailles. Il n’a pas été possible de nouer une alliance diplomatique avec une princesse issue d’une famille royale européenne malgré quelques tentatives. Son choix est donc un choix personnel, met-il en exergue. « J’ai préféré une femme que j’aime et que je respecte à une femme inconnue dont l’alliance eût eu des avantages mêlés de sacrifices. »
Le mariage est célébré à Notre-Dame de Paris. La future impératrice a refusé (geste peu commun à cette époque) un collier cadeau de la ville de Paris qui avait débloqué un budget de 600.000 francs. Eugénie explique au Préfet de Paris : « J’éprouve néanmoins un sentiment pénible, en pensant que le premier acte qui s’attache à mon nom, au moment de mon mariage, soit une dépense considérable de la ville de Paris ».
Eugénie charme indéniablement les assistances où elle évolue. Elle parvient à se mettre au diapason des petits gestes qu’on lui témoigne lors de ses visites, comme à Reims en 1858 où elle reçoit un foulard produit de l’industrie locale, retirant aussitôt son cachemire ou en 1866 à Nancy où l’on remarque qu’elle porte une tenue en mousseline brodée des fabriques locales.
En 1856, elle met au monde son seul enfant Louis-Napoléon, prince impérial et avenir de la dynastie impériale qui reçoit pour parrain et marraine le pape Pie IX et la reine Victoria d’Angleterre, devenue sa grande amie. Un fils chéri élevé avec raffinement et rigueur.
Au temps du règne du couple impérial, la vie à la Cour se passe au gré des saisons dans différents châteaux et palais : les Tuileries, Compiègne, Saint-Cloud, Fontainebleau et Biarritz.
Sans la ramener uniquement à cette facette, l’impératrice lançait clairement des tendances vestimentaires et fut la fidèle cliente du créateur Worth, considéré comme le père de la Haute Couture.
Malgré les aventures extraconjugales notoires de l’empereur, Eugénie tiendra toujours avec dignité son rang et sera une épaule indéfectible pour son époux qui lui témoigne en retour une totale confiance. A ce titre, elle assure dans le strict respect de la Constitution la régence notamment lors de la guerre franco-prussienne de 1870 qui engloutira le Second Empire.
Eugénie avait toujours entretenu une ferveur et une admiration pour la reine Marie-Antoinette. Au moment où la couronne vacilla à Paris, elle prit la décision de fuir pour ne pas connaître un destin aussi funeste. Une erreur qui lui fut reprochée, une de plus et injustement.
La famille impériale s’exila en Angleterre à Camden Place. L’empereur mourut en 1873.
Le 1er juin 1879, le prince impérial âgé de 23 ans et considéré comme Napoléon IV par les Bonapartistes tombe sous le coup de 17 lances au Zoulouland où il combattait dans les rangs de l’armée britannique.
Un an plus tard, l’impératrice se rendit en Afrique du Sud. Ce périple lui permit alors de commencer une dernière et longue étape de sa vie (ponctuée par des voyages) jusqu’à sa mort en 1920 au palais de Liria à Madrid, résidence du duc d’Albe, son neveu.
L’impératrice repose aux côtés de son époux et de leur fils en la chapelle de l’abbaye Saint-Michel de Farnborough. Il a parfois été question de rapatrier Napoléon III et les siens mais la famille Napoléon n’y est pas favorable, respectant les ultimes volontés des défunts.
Dernière souveraine des Français, Eugénie ne connut pas la fin tragique et depuis sublimée de Marie-Antoinette, n’est pas associée au règne prestigieux d’un époux comme l’impératrice Joséphine mais c’est la seule qui tout en se tenant dans son rang, eut un rôle politique trop souvent oublié et/ou injustement décrié.
Cette biographie finement rédigée replace enfin l’impératrice face à l’Histoire.
« L’impératrice Eugénie. Une vie politique », Maxime Michelet, Editions du Cerf, 2020, 407 p.
Régine ⋅ Actualité 2020, France, Livres, Napoléon 27 Comments
yode
4 mai 2020 @ 07:28
Existe-t-il de nos jours un comte ou une comtesse de Teba ? Et, auquel cas, qui porte ce titre ? Allez, bonne semaine, et, pour moi, c’est : le lundi au soleil !
LPJ
4 mai 2020 @ 11:23
On peut légitimement penser que les titres de la famille soit aujourd’hui dans la descendance de la soeur de l’impératrice et donc des Ducs d’Albe.
Gérard
5 mai 2020 @ 15:55
L’impératrice Eugénie (1826-1920) était la 20e comtesse de Teba. L’actuelle comtesse (le 29 janvier 1998) est la 23e, Macarena de Mitjans y Verea née en 1936.
Elle a épousé don Francisco de Borja Patiño y Arróspide, comte del Arco.
Le 22e comte fut son père Carlos Alfonso de Mitjans y Fitz-James Stuart né en 1907 et mort en 1997. Il était également comte de Baños et grand d’Espagne.
La 21e comtesse fut par cession de son frère, le duc d’Albe, Eugenia María Fitz-James Stuart y Falcó née en 1880, morte en 1962.
La 20e comtesse fut donc l’impératrice Eugénie, María Eugenía Palafox y Kirkpatrick qui était aussi la 15e marquise de Ardales.
Elle avait succédé à la 19e comtesse, María Francisca de Sales y Kirkpatrick Portocarrero de Guzmán y Zuñiga, née en 1825 et morte en 1860, qui était aussi 10e marquise de La Algaba.
À l’impératrice succéda donc sa nièce fille du duc d’Albe par cession de son frère.
Le titre de Teba avait été créé pour Diego Ramírez de Guzmán y Ponce de León deuxième seigneur de Teba et de Ardales qui naquit vers 1450. Il était le fils du premier seigneur de Teba, aujourd’hui dans la province de Malaga, et il reçut de Charles Ier roi d’Espagne (Charles Quint comme empereur) le titre de comte le 22 octobre 1522. Teba et Ardales avaient été conquises par son père le maréchal de Castille.
Son fils Luis de Guzmán y Cordoba fut le premier marquis de Ardales.
Le titre de Teba est ensuite passé des Ramírez de Guzmán aux Portocarrero puis aux Fitz-James Stuart puis aux Mitjans.
Muscate-Valeska de Lisabé
4 mai 2020 @ 08:56
Encore plus classe que belle.
Jean Pierre
4 mai 2020 @ 13:57
C’est exactement cela, elle jouait en seconde division.
PATRICIA
4 mai 2020 @ 10:19
J’ai hâte de pouvoir lire ce livre sur cette impératrice mal connue et qui a eu la douleur de voir son enfant mourir, il me semble qu’elle disait qu’elle était morte avec lui. Il est difficile d’imaginer qu’elle est décédée 41 ans plus tard.
berton
4 mai 2020 @ 10:48
Pour moi, Napoléon III et Eugénie c’est Biarritz et Chamonix. Deux villes chères à mon coeur !
PATRICIA
4 mai 2020 @ 14:07
A Biarritz, effectivement, le second empire est très représenté, dans les noms de rue, l’architecture. Dans les Pyrénées, aussi, se trouvent, à Luz-Saint-Sauveur, le pont Napoléon III et une petite obélisque dédiée à la Reine Hortense.
Il est même dit que les thermes aidaient les femmes en difficultés pour avoir des enfants. Je crois que l’impératrice Eugénie y a fait un séjour (à vérifier). Les gynécolgoues ont une autre version moins « médicale ».
Nico
4 mai 2020 @ 11:26
Un autre livre est sorti sur l’Impératrice cette année, à mon humble avis bien supérieur :
« Dans l’ombre d’Eugénie » d’Etienne Chilot :
https://www.lecharmoiset.fr/ouvrages/ombredeugenie/
Louis-Napoléon
4 mai 2020 @ 13:57
La biographie de Maxime Michelet est consacrée au règne d’Eugénie jusqu’en 1870 et le livre d’Étienne Chillot à son exil après 1870, c’est étonnant de les comparer ainsi alors qu’ils traitent deux périodes différentes de la vie de l’Impératrice. Ils semblent surtout être deux ouvrages précieusement complémentaires.
Nuage Pâle
4 mai 2020 @ 15:26
Louis-Napoléon ??? Suis-je au Paradis ?
Nico
4 mai 2020 @ 17:01
J’avoue que le livre de Maxime Michelet, pas son traitement, m’a laissé grandement sur ma faim. Je n’ai vraiment rien appris de nouveau …
Par contre j’ai trouvé « L’Ombre d’Eugénie » tout simplement plus beau, dans son texte et ses photos pour la plupart inédites.
Mais l’un est une bibliographie classique et l’autre un beau livre. Ils peuvent se compléter en effet, vous avez parfaitement raison !
Nico
4 mai 2020 @ 17:14
Il est vrai que l’un est une biographie classique et l’autre un beau livre. Ils peuvent être complémentaires, vous avez tout à fait raison.
Kalistéa,
9 mai 2020 @ 14:18
Nico reconnait son étourderie: ce n’est pas si courant . (applaudissements nourris ;)
Vassili
4 mai 2020 @ 13:19
La princesse de Metternich donne un beau portrait de l’impératrice dans ses Mémoires (Je ne suis pas jolie, je suis pire, Souvenirs 1859-1871, éditions Tallandier 2008). J’ai beaucoup aimé aussi la référence à l’impératrice de Ghislain de Diesbach dans Les Secrets du Gotha (Perrin, 2012): «… l’image qui survivra toujours de cette longue existence est celle d’une jeune femme peinte par Winterhalter, dans toute l’éblouissante splendeur de sa beauté et de son triomphe». Apparemment l’impératrice Eugénie, comme l’impératrice Joséphine d’ailleurs, était une fervente admiratrice de Marie-Antoinette, comme nous sommes tous.
PATRICIA
4 mai 2020 @ 14:12
En effet, la pauvre Marie-Antoinette les livrait surtout à la peur d’un destin identique. Cette angoisse hantait beaucoup de souverains, l’archiduchesse Sophie de Habsbourg, mère de François-joseph d’Autriche, et donc belle -mère d’Elisabeth d’Autriche y fait souvent allusion dans son carnet.
aubert
5 mai 2020 @ 12:15
Quelles sont les raisons qui vous permettent d’écrire que nous sommes tous de fervents admirateurs de Marie-Antoinette ?
Kalistéa,
9 mai 2020 @ 14:21
C’est ce que j’allais dire aussi Aubert .J’ai pitié du sort affreux de cette reine , je trouve qu’on lui a fait porter une trop lourde responsabilité , mais je ne l’admire pas.Trop de légèreté l’a perdue .
Sheiley
4 mai 2020 @ 15:44
Les Invalides s’imposeraient il me semble pour un éventuel retour des cendres.
COLETTE C.
4 mai 2020 @ 17:09
Elle eut une vie privée des plus tristes, elle ne devait pas ignorer les écarts de conduite de son époux.
Bambou
4 mai 2020 @ 17:28
Son fils lui ressemblait énormément….
Manon M.
4 mai 2020 @ 21:29
Perdre son unique enfant: quel calvaire pour une mère. J’ai lu qu’elle a recousu chaque trou de l’uniforme de son fils après sa mort.
Maxime Michelet
5 mai 2020 @ 01:29
Merci à Noblesse & Royautés d’ouvrir ainsi ses pages à la promotion du premier ouvrage d’un jeune historien lui-même lecteur assidu de ce blog depuis de longues années ! ;)
En espérant que la figure de l’Impératrice Eugénie soit redécouverte, elle qui est – encore aujourd’hui – l’objet de haines farouches aussi brutales qu’injustifiées.
Merci Madame Salens pour ce coup de projecteur !
Maxime Michelet
Eugénie Grandet
5 mai 2020 @ 14:23
Vous avez bonne assurance.
Vous pourriez également assurer sur la gestation des ourses.
PATRICIA
6 mai 2020 @ 16:24
Je vous souhaite beaucoup de succès pour cet hommage rendu à l’impératrice.
PHIL DE SARTHE
7 mai 2020 @ 12:11
Bel ouvrage, plus » technique » sur le rôle politique de l’ Impératrice, si décriée.
C’est tout de même à elle qu’on doit le retour de l’Alsace et de la Lorraine….
Vassili
5 mai 2020 @ 13:16
Félicitations Monsieur Michelet, bonne chance à votre ouvrage!