Nièce et épouse de rois, la princesse Marie Louise d’Orléans (1662-1689) est une grande oubliée de l’Histoire. Son destin malheureux était cependant le lot assez commun de princesses dont les mariages étaient arrangés parfois dès leur enfance avec en toile de fond les alliances stratégiques et diplomatiques, quitte à y laisser souvent la vie en couches.
Marie Louise d’Orléans est la fille de Philippe, duc d’Orléans, dit « Monsieur », frère du roi Louis XIV, et de sa première épouse Henriette d’Angleterre. La petite princesse n’a que 4 ans lorsque sa mère décède. Elle bénéficiera ensuite de la grande affection de sa belle-mère la princesse Palatine.
Marie Louise est élevée dans le faste de Versailles et grandi au sein d’une famille aimante au château de Saint-Cloud. Très bonne cavalière, elle est la coqueluche de son père avec qui elle partage la passion des bals.
Son père le duc d’Orléans verrait bien un mariage avec son cousin le Dauphin mais la mort de Marie Thérèse, l’une des filles de Louis XIV va faire basculer le destin de Marie-Louise. Ce sera donc elle qui épousera le roi Charles II d’Espagne, fils du roi Philippe IV.
Si le statut de reine d’Espagne est bien évidemment prestigieux, le futur époux ne suscite pas l’enthousiasme de la jeune princesse. Charles II (1661-1700) est devenu roi à l’âge de 4 ans. Doté d’une santé plus que fragile et d’un physique ingrat, conséquences de la longue série de mariages consanguins à la Cour, le roi que l’on affuble du sobriquet de « L’ensorcelé » est aussi probablement stérile.
Le départ de Versailles en 1679 pour Madrid est une terrible épreuve pour Marie Louise qui verse toutes les larmes de son corps, tout comme son père. Dans un premier temps, elle peut garder un entourage français qui sera au fur et à mesure congédié.
La reine Marie Louise se retrouve vite dans une posture des plus délicates entre bruits et rumeurs de complots, tentatives d’accusation d’adultère, éminence grise de Louis XIV, exerçant son influence sur les choix politiques de son mari, suscitant d’autant plus rivalités et jalousies mais surtout dans l’incapacité de donner l’héritier tant attendu.
Charles II lui voue une sincère passion et sera son grand appui tout au long de leurs 10 ans de mariage.
Le 12 février 1689 à l’âge de 26 ans, elle rend son dernier soupir après 4 jours d’agonie. On parle rapidement d’empoisonnement mais cette mort précoce est plus probablement le résultat d’une hygiène de vie et d’alimentation qui auraient tué un cheval. Marie Louise souffre d’une frénésie de nourriture, pouvant avaler des dizaines d’huîtres crues, raffolant de pâtisseries espagnoles et ingurgitant toutes les décoctions possibles et imaginables qu’on lui prépare dans l’espoir d’être enceinte.
Elle repose à l’Escorial, loin de cette terre de France qu’elle avait quittée à jamais pour un destin royal qui s’apparentait davantage à un cercueil.
Le roi Charles II sincèrement affecté par la mort de son épouse, se remaria, pressé par son entourage, quelques mois plus tard avec Marie-Anne de Neubourg. Il s’éteignit en 1700 sans héritier.
« Marie Louise d’Orléans, la princesse oubliée, nièce de Louis XIV », Elisabetta Lurgo, Perrin, 2021, 380 p.
Bambou
8 juin 2021 @ 04:52
Encore un destin tragique pour une jeune princesse…..
Benoite
8 juin 2021 @ 06:23
il est vrai, que le portrait de ce roi est terrible.. De quoi repasser la porte, et partir en courant… on ne faisait pas grand cas, des princesses royales, on les sacrifiait pur et dur.
Kalistéa
8 juin 2021 @ 15:36
Difficile d’être plus laid , par… hérédité .
DEB
9 juin 2021 @ 12:22
Et, sans doute, l’artiste l’a enjolivé.
Kaloutine
8 juin 2021 @ 07:02
Je ne la savais pas décédée si jeune. Sa titulature est impressionnante. Je pense que je lirai avec plaisir cet ouvrage cet été !
Opaline
8 juin 2021 @ 07:20
Ça fait plaisir de voir le terme « cavalière » pour la danse. Ça me manque 😩😭Fichu covid!
Beque
8 juin 2021 @ 08:24
Le 15 décembre 1679, la Palatine écrit à la duchesse de Hanovre : « Mais, à propos des enfants de Monsieur, j’allais presque oublier de vous parler de la reine d’Espagne [Marie-Louise est mariée depuis le 31 août]. J’ai reçu aujourd’hui même des lettres d’elle ; autant que je peux en juger par ces lettres et par tous les récits que m’ont faits ceux de ses gens qui sont revenus ici, l’Espagne est le pus affreux pays du monde ; les manières sont les plus insipides et les plus ennuyeuses qu’on puisse imaginer. La pauvre enfant ! Je la plains de tout mon coeur de passer sa vie dans un pays pareil. Elle n’aura pour toute consolation que ses petits chiens qu’elle a emmenés avec elle. On l’a mise déjà au régime de gravité si sévère qu’on ne lui permet pas de parler à son ex-escuyer, elle ne peut que lui faire signe de la main et de la tête, et cela en passant. Les femmes de chambre françaises ne pouvaient pas, au commencement, s’accoutumer à être enfermées ; elles voulaient toutes revenir en France. »
Elisabeth-Louise
8 juin 2021 @ 13:39
En effet, Beque, cette excellente femme au grand coeur qu’était « Liselotte » avait en affection la jeune fille; mariée comme elle pour raison d’état, elle ne connaissait que trop le sort de ces Princesses « déplacées » ; évocation pleine d’émotion et très humaine;
Chantal Thomas évoque son sort avec un ton très différent dans son livre « L’échange des Princesses » ; Marie-Antoinette sera elle aussi une Princesse « déplacée »;
Kaloutine
8 juin 2021 @ 14:37
Merci pour cet extrait, qui nous permet de retrouver le magnifique français classique et le talent d’écriture de la Princesse Palatine. Ces lettres n’étaient pas destinées à être connues du public. On y trouve donc des propos sans fioriture et sincères. La Princesse Palatine devait être une personne droite et honnête, ce qui manquait certainement à la cour… On retrouve bien sûr cette verve parfois mordante dans les lettres de Mme de Sévigné, plus connues du grand-public, bien sûr… J’ai eu plaisir à lire la Palatine, grâce à vous, merci encore.
Beque
9 juin 2021 @ 18:29
Merci beaucoup, Elisabeth-Louise, et Kaloutine. « Notre » Palatine est tout de même assez sévère avec l’Espagne et les Espagnols ! Comme vous dites, ces lettres n’étaient pas destinées à être publiées, elles l’ont été par le Mercure de France (1981 et 1985), collection Le Temps retrouvé.
Karabakh
8 juin 2021 @ 08:55
La petite histoire retient de Charles II d’Espagne, l’image d’un homme charmant, sûrement aussi charmeur par sa gentillesse mais profondément dégénéré (sans vulgarité de termes). Il était l’ultime agnat d’une lignée qui s’est dégradée au fil du temps, par l’addition de mariage consanguins, implexes sur lesquels venaient se greffer des pathologies vraisemblablement héréditaires. Bref. Ensorcelé était sans doute exagéré mais bien mal en point dès sa venue au monde.
La médecine de l’époque mettait toujours la stérilité d’une union sur le compte de la femme. Depuis, la science a fait des progrès, la médecine aussi.
La consanguinité augmente ainsi les risques de stérilité.
Claude
9 juin 2021 @ 11:49
« Ensorcelé » car sujet à des crises d’épilepsie qui allèrent en s’intensifiant.
Cette pathologie était sans doute mal connue à l’époque.
Martine
8 juin 2021 @ 09:28
Pauvre jeune femme………
Menthe
8 juin 2021 @ 10:24
Quand les rois et reines n’étaient que les moyens de faire prospérer les biens de la dynastie, sans autre considération !
Ces enfants royaux ne connaissaient certes pas le dénuement matériel, comme beaucoup de leurs sujets, mais vivaient une effarante pauvreté affective, la preuve, la boulimie compensatrice de la pauvre Marie-Louise.
Corsica
9 juin 2021 @ 22:28
Chère Menthe, je partage votre propos et trouve monstrueux ce que l’on a fait subir à ces petites princesses, cadets des soucis des hommes de leurs familles qui les traitaient comme des pions sur l’échiquier des alliances.
Je viens de lire une biographie de François 1er qui fait part de la rébellion de sa nièce, Jeanne d’Albret et future reine de Navarre, osant refuser d’épouser Guillaume de Clèves. Elle a juste 13 ans et écrit « je préférerais entrer au couvent ou me jeter dans un puits » ce qui a le don d’attiser la fureur du roi qui a besoin de cette alliance dans la guerre contre Charles Quint. Après avoir subi maintes pressions, voici ce qu’écrit cette jeune fille à l’aube du mariage « si je refusais, je serais tant fessée et maltraitée que l’on me ferait mourir…Le mariage que l’on veut faire de moi au duc de Clèves est contre ma volonté, que je n’y ai jamais consenti ni consentirai jamais et que tout ce que je pourrais dire et faire, dont l’on pourrait dire que j’y ai consenti, ce sera par force, contre mon gré et vouloir, et par crainte du roi de France, du roi mon père et de la reine ma mère qui m’a menacée de me faire fouetter par la baillie de Caen, ma gouvernante… qu’on m’en ferait mourir et que je serai cause de la perte et destruction de mes père et mère et de leur maison » !
Cette très jeune fille qui refuse ce mariage et relève d’une hépatite aura tellement de mal à marcher que le roi oblige le connétable de Montmorency à la porter jusqu’à l’autel où le prêtre posera trois fois la question rituelle avant de prendre pour un oui, le murmure de la jeune Jeanne. Heureusement vu son état, le mariage ne sera pas consommé cette nuit là et il sera finalement annulé en 1546.
Pauline de Roby
8 juin 2021 @ 10:52
Que ce soit du côté des princesses, plutôt mal mariées ou de celui du duc d’Orleans et du Régent , on peut dire qu’il y a eu beaucoup de déconvenues dans cette lignée. Le roi s’est arrangé pour les tenir éloignés du trône et s’en servir à d’autres moments, notamment quand il a fait épouser une de ses filles illégitimes au même Régent.
Ciboulette
8 juin 2021 @ 18:50
Je ne savais pas que le premier mariage de Monsieur avait vu la naissance d’une princesse . La pauvre eut un destin bien malheureux , prisonnière d’une étiquette rigide . Qu’elle ait compensé par la nourriture n’est pas étonnant .
Lionel
9 juin 2021 @ 23:01
Le premier mariage de Monsieur vit la naissance de deux princesses. Anne-Marie d’Orléans, duchesse de Savoie et reine de Sardaigne est finalement plus importante que sa sœur. Elle a vécu nettement plus longtemps et, sans elle, pas de Louis XV !
Claude
8 juin 2021 @ 12:29
Il semblerait que Marie-Louise ait commencé une grossesse qu’elle ne put mener à son terme.
Charles II était souvent présenté comme un homme charmant, bien que sa vie ait été un long calvaire.
Clara
8 juin 2021 @ 16:15
plus oubliée encore ; sa soeur qui épousa le duc de Savoie..; aucun livre sur elle, que je sache !
COLETTE C.
8 juin 2021 @ 16:19
On comprend le peu d’enthousiasme de la princesse….
Mayg
8 juin 2021 @ 17:08
Comment le roi et son frère ont pu obligé leur fille et nièce a épousé un homme aussi laid.
Mademoiselle Heloïse
9 juin 2021 @ 19:14
j’ai bien peur qu’elle n’aie été qu’un « ventre » et rien d’autre …
Trianon
9 juin 2021 @ 22:06
´Était une autre époque, Mayg, la raison d’Etat primait sur le reste .
On ne peut juger avec nos yeux des XX et XXI siècles ..
Mayg
10 juin 2021 @ 17:10
Désolée mais même pour son époque il reste laid. Mais les princesse n’ayant pas leur mot à dire concernant le choix du futur mari, elle devait se résoudre à épouser parfois des hommes aux physique repoussant. Je n’ose même pas imaginer la nuit de noce…
Caroline
8 juin 2021 @ 22:51
La pauvre princesse ‘ sacrifiée ‘ ! Pas de guerres, ni frictions entre la France et l’ Espagne durant la situation matrimoniale de la princesse Marie- Louise d’ Orléans ???
Ce livre doit être intéressant à lire.
Val
9 juin 2021 @ 07:12
Nombres de Princesses ont été malheureuses, j’aurai choisi le voile mon Dieu quelle vie !
framboiz07
9 juin 2021 @ 20:05
L’Espagne reste ennemie de la France durant 3 guerres consécutives de 1672 à 78 , de 1683 à 84 et de 1688 à 1697, donc pendant le mariage …
Pauvre enfant !