Le nouveau numéro de L’Essonne en Auteurs, loin de L’Essonne, nous ouvre les portes du château d’Amfreville-sur-Iton, dans l’Eure, et nous permet d’aller à la rencontre d’Anne de Lacretelle, auteur et Présidente-fondatrice du Prix Sévigné.
Si le dernier ouvrage d’Anne de Lacretelle, intitulé Tout un monde et publié aux Éditions de Fallois, appartient bien au genre biographique, il n’est ni une biographie, ni une autobiographie, ni des mémoires.
Anne de Lacretelle, à partir du souvenir particulièrement marquant de ses parents, l’écrivain et académicien français, Jacques de Lacretelle et son épouse, Yolande de Lacretelle (née Jacobé de Naurois) fait revivre tout le cercle d’amis de ses parents qui se confond avec ce que la littérature, les arts et les arts décoratifs ont produit de mieux au XXe et XXIe siècles.
Nous voici invités au bal Beistegui, au palais Labia, à Venise. Le très controversé Paul Morand – grand ami de la famille – nous apparaît tout autre : convive délicieux, attentif aux enfants et facétieux. Marie Laurencin après avoir été l’amante, reste l’amie de Jacques de Lacretelle et lui adresse de charmante lettre qu’elle orne de dessins aussi poétiques que sa peinture. Jean d’Ormesson n’est pas insensible au charme de la jeune Anne… Effectivement, Tout un monde !
Mais ce livre est aussi l’aveu, parfois douloureux, d’une petite fille qui est à la fois fascinée et terrifiée par la personnalité de ses parents. Son père, qu’elle juge inquiétant, arrogant et mystérieux, a des goûts intimes divers, « enlevant aussi bien Ganymède qu’Europe » et la terrifie par des colères foudroyantes qui la font le surnommer « Zeus ».
Yolande de Lacretelle est une épouse réellement éprise de son mari, une femme entreprenante et un astre de la vie mondaine. Mais à mesure qu’Anne de Lacretelle devient une jeune fille, un sentiment de rivalité féminine parfois violent nait en elle.
Avec le recul du temps, Anne de Lacretelle revient sur cette relation, la remet en perspective de manière franche et pudique.
C’est aussi l’occasion de raviver la mémoire littéraire de Jacques de Lacretelle, romancier psychologue, dont les livres, un peu oubliés aujourd’hui, sont pourtant très en phase avec des sujets préoccupant la société contemporaine : La Vie inquiète de Jean Hermelin (1920) est déjà une évocation de l’autisme. Silbermann (1922), qui reste son roman le plus connu, aborde aussi bien le harcèlement scolaire que l’antisémitisme. La Bonifas (1925) tourne autour de l’homosexualité féminine.
Un point commun rassemble tout « ce monde », l’amour du patrimoine, de l’art et du beau. La vie des Lacretelle, mais de bien de leurs amis aussi, est jalonnée par des châteaux : châteaux paradis-perdus, châteaux qu’on rêve de reconquérir, château qu’on ramène à la vie.
C’est tout cela qu’aborde Emmanuel Couly avec Anne de Lacretelle dans ce nouveau numéro de L’Essonne en Auteurs, tourné dans la bibliothèque du château d’Amfreville. Cliquez ici pour voir le reportage de L’Essonne en Auteurs.
« Tout un monde. Jacques de Lacretelle et ses amis », Anne de Lacretelle, Éditions de Fallois, 2019, 360p.
Laure-Marie Sabre
7 mai 2019 @ 07:57
Ex belle-mère d’Arnaud Montebourg.
Antoine
7 mai 2019 @ 09:36
Merci pour cet article qui attire l’attention sur un écrivain injustement oublié. Sa fille n’est pas en reste. Il faut prendre le temps de visionner le reportage en lien. Anne de Lacretelle (mariée au défunt comte Antoine de Labriffe) est la quintessence de l’aristocrate française, tout comme sa superbe maison est l’archétype du château de famille et son vocabulaire celui de son milieu. Son oeuvre personnelle est loin d’être négligeable : « Encore une journée divine » est un petit joyau. Pour l’anecdote, une de ses filles a été mariée avec Arnaud Montebourg.
Jean Pierre
7 mai 2019 @ 10:27
On retrouve les Lacretelle dans les journaux de Morand ou de Mathieu Galley, dans les lettres de Chardonne.
Morand, homme à la dent dure s’il en fût, restera admiratif du fait qu’à leur age très avancé ils aient entrepris la rénovation du château d’Ô et choisi de quitter Paris.
Aujourd’hui, il est un peu oublié.
DEB
7 mai 2019 @ 10:35
Je vais essayer de me procurer ce livre.
Pierre-Yves
7 mai 2019 @ 11:03
Anne de Lacretelle a été mariée avec Antoine de Labriffe. Leur fille Hortense a été l’épouse de l’ancien minisitre socialiste Arnaud Montebourg, dont elle a eu deux enfants.
Clara
7 mai 2019 @ 18:30
Preuve, s’il en fallait encore une, que la littérature aussi est aux mains de lobbys qui distribuent honneurs et encens en fonction de la loyauté de l’impétrant plus (ou pour le moins autant) que de son talent… Que Lacretelle survive encore dans quelques mémoires plus pour sa participation au bal que pour son œuvre littéraire n’est en somme que la manifestation d’une justice divine.
Leonor
9 mai 2019 @ 21:22
Oui. Bien formulé.
Caroline
7 mai 2019 @ 22:56
Merci pour cet article littéraire !
Kamila
8 mai 2019 @ 14:34
Merci pour cet article qui replace en perspective la vie et l’oeuvre de Jacques de Lacretelle. Toute jeune adolescente, j’avais lu Silbermann. Je me souviens encore de l’émotion ressentie pendant la lecture de ce livre.
Francois
8 mai 2019 @ 14:44
La recherche du temps perdu !!!
Ces personnages parlent tous ou presque dans une émission
sur Proust datant des années 1960
C’est bien évidemment passionnant
Ici ce me semble ce serait la recherche du temps apres l’avoir perdu
Les derniers soubresauts de ces mondes engloutis
La recherche de ces vestiges de l’ultime douceur de vivre
La saveur inimitable de ces personnes extrêmement bien élevées
l’évocation de lieux etc
Dorénavant tout cela est hélas un passé réellement perdu
Il en reste si peu de traces que les remarquer encore accentue davantage
leurs disparitions
Car cette fois la recherche du temps perdu se nommerait
Celle du temps révolu
emy
8 mai 2019 @ 15:28
Très intéressant, je suis allée écouter cette émission que je ne connaissais pas, et je tâcherai d’en écouter d’autres… Merci de nous l’avoir fait découvrir !