Le livre « Vivre la belle Epoque à Paris. Olga Paley et Paul de Russie » n’est pas une banale biographie de l’un des couples les plus en vue de la famille impériale de Russie. C’est surtout sous la plume de Wilfried Ziesler, Docteur en Histoire de l’Art et conservateur en chef au Hillwood Estate Museum à Washington (où l’on compte notamment une importante collection d’œufs Fabergé) l’occasion de pouvoir s’immerger dans le Paris de la Belle Epoque au gré de la vie mondaine et culturelle de la princesse Olga Paley et du grand-duc Paul de Russie.
Deux esthètes, deux êtres dotés du plus fin des raffinements esthétiques, qui avaient le goût du beau et surtout les moyens de se le permettre. Le lecteur plonge ainsi dans le tourbillon qu’est de décorer en partant de zéro un hôtel particulier au gré des visites chez les antiquaires, des salles de ventes, de commandes auprès des plus élégants orfèvres et artisans dont certains ont traversé le temps comme Louis Vuitton, Guerlain, la maison Prunier, Boucheron et Cartier,…
Le grand-duc Paul de Russie est le 8ème enfant du tsar Alexandre II. Il est l’oncle du tsar Nicolas II, dernier empereur de Russie assassiné en 1918 avec son épouse et leurs cinq enfants.
Paul épouse en 1889 la princesse Alexandra de Grèce. Un mariage d’amour qui se termine deux ans plus tard en tragédie. Enceinte de son deuxième enfant, Alexandra fait une chute au moment de monter à bord d’une barque. Elle donne naissance à un fils Dimitri et meurt une semaine plus tard. Alexandra venait de fêter ses 21 ans. Le grand-duc âgé de 29 ans, se trouve veuf et père de deux enfants dont un bébé. Le jour des funérailles, de désespoir, il veut se jeter dans la tombe. Ses enfants Maria et Dimitri (qui participa adulte à la conspiration pour assassiner Raspoutine) sont confiés à l’un de ses frères le grand-duc Serge et à l’épouse de celui-ci la grande-duchesse Elisabeth (sœur de la tsarine Alexandra) qui n’ont pas d’enfants.
Olga Karnovitch est la fille d’un médecin de la Cour impériale. Elle grandit à l’ombre des somptueux palais impériaux. Elle épouse en 1884 un officier de la garde impériale Erich von Pistohlkors avec qui elle a 4 enfants.
Le grand-duc Paul, veuf éploré, est un ami d’Erich von Pistohlkors. Il rejoint de plus en plus régulièrement le couple dans sa résidence de Tsarskoïe Selo ou lors de vacances au bord de la Mer baltique. Au fil des mois, les liens entre le grand-duc et Olga se font de plus en plus proches. Pour sauver les apparences, Paul de Russie se fait souvent accompagner par une nièce.
En 1897, Olga donne naissance à un fils Vladimir qui est celui du grand-duc alors qu’elle est toujours mariée ! Le scandale est énorme. Le tsar Nicolas II somme son oncle de rompre. Ayant finalement obtenu le divorce, Olga épouse en secret le grand-duc à Livourne. Lorsque la famille impériale apprend cette union, c’est tout simplement le bannissement qui attend Paul. Deux filles naissent en 1903 et en 1905 : Irina et Natalie. Olga est titrée comtesse de Hohenfelsen par le prince de Bavière, mais n’est pas pour autant admise à la Cour impériale.
Le couple fait alors le choix de s’installer à Paris. Ils achètent un hôtel de maitre à Boulogne, qui abrite aujourd’hui la célèbre école privée Dupanloup.
A l’occasion du mariage de la fille aînée de Paul, la grande-duchesse Maria avec le prince Guillaume de Suède, le couple est autorisé à paraître à la Cour de Saint-Pétersbourg. Il s’en suit un rapprochement avec le tsar qui ne peut qu’admettre la vie heureuse et rangée de son oncle depuis son mariage avec Olga qui est, dès lors titrée princesse Paley, comme ses trois enfants.
Olga et Paul font le choix de venir s’établir plusieurs mois par an en Russie tout en conservant leur hôtel particulier de Boulogne. Ils s’adjoignent les services des meilleurs artisans pour la mise en état de leur palais à Tsarskoïe Selo.
Ils n’ont guère le temps d’en profiter que la révolution russe éclate. Ils pensent que celle-ci ne durera quelques mois,… Elle emportera avec elle la dynastie des Romanov et plusieurs de ses membres.
Pour essayer de préserver au mieux ses œuvres d’art, la princesse négocie avec le soviet local et sa demeure devient temporairement le musée d’Art et d’Histoire français. Elle y joue les guides jusqu’à ce qu’elle soit évincée et contrainte de quitter les lieux qui seront vidés de leur riche contenu (les bouteilles grand cru de la cave à vins seront détruites une à une) au gré de ventes.
Ironie de l’histoire, c’est l’un des véhicules du grand-duc Paul, saisi par le gouvernement provisoire, qui servira à transporter Lénine à son arrivée à la gare de Finlande en avril 1917. Les domestiques qui étaient au nombre de 64, seront tous remerciés.
Le prince Vladimir Paley qui n’a que 20 ans est poussé dans une fosse commune avec d’autres membres de la famille où les bolchéviques jettent des grenades sur leurs victimes qui agoniseront pendant des jours.
Le grand-duc Paul est fusillé en janvier 1919 en la Forteresse Saint-Pierre et Paul. La princesse Olga Paley qui a miraculeusement réussi à fuir avec ses filles Irina et Natalie via la Finlande, rentre en France. Mais privée de ses revenus, ayant dû abandonner la plus grande partie de ses objets de valeurs, elle est contrainte de vendre son hôtel particulier.
Elle assiste impuissante pendant près de 10 ans à plusieurs ventes de biens et œuvres d’art qui lui avaient été confisqués et qui furent rachetés par ceux qui étaient autrefois ses fournisseurs…
La princesse Paley s’est éteinte à Paris en 1929, épuisée par une décennie de deuils et la perte d’un monde qui était le sien.
« Vivre la Belle Epoque à Paris. Olga Paley et Paul de Russie », Wilfried Zeisler, Editions Mare et Marin, 2018, 277 p.
Antoine
1 avril 2019 @ 10:09
Ce résumé intéressant et bien illustré donne envie d’acquérir l’ouvrage.
Corsica
2 avril 2019 @ 00:59
Tout à fait Antoine. Je suppose que le couple a espéré longtemps la fin de son bannissement et que c’est avec une grande joie qu’il regagna la Russie. Pour le meilleur mais surtout pour le pire…
Jean Pierre
1 avril 2019 @ 11:10
Dans la famille d’Olga Paley on n’aimait pas trop Raspoutine puisque dans le complot pour l’assassiner on trouve bien sûr Dimitri le fils du grand duc Paul mais aussi Marianne von Pistohlkors comtesse von Zarnekau sa demi-sœur issue du premier mariage d’Olga.
Laurent F
1 avril 2019 @ 12:59
l’époux de Marianne, Nicolas de Zarnekau était le fils du prince Constantin d’Oldenbourg, petit-fils de la grande-duchesse Catherine Pavlovna, fille du tsar Paul 1er.
Olivier d'Abington
2 avril 2019 @ 07:38
Cher Jean-Pierre,
Merci de rappeler que, comme toujours dans ces moments de résistance, ou de révolution, des femmes étaient présentes et en première ligne…
Ce qu’étrangement l’Histoire tend trop souvent à oublier (parfois de façon très volontaire!!).
framboiz 07
1 avril 2019 @ 12:25
Les fiches Wikipédia montrent que ces gens ont sombré d’un monde privilégié
à l’horreur la plus immonde !
Mayg
1 avril 2019 @ 13:47
Et bien, quelle vie riche en rebondissements pour cette princesse.
Robespierre
3 avril 2019 @ 16:23
Riche en rebondissement, mais avec une pauvre fin…
Je regarde la dame et me dis que tous les goûts sont dans la nature. Cette Circé mère de 4 enfants qui rend fou d’amour un jeune veuf, me laisse perplexe. Je vois un visage de gouvernante , mais bon, elle avait peut-être des qualités cachées. Triste fin avec des débuts si prometteurs.
Baboula
1 avril 2019 @ 14:05
Sur la photo de couverture je crois reconnaître,porté en devant de corsage, le diadème dont on a la photo ci-jointe . Je modifie mon commentaire,c’est un grand diadème avec 7 pierres de très grande taille . Dommage que la reine Mary n’ait pas pu le « sauver «
Caroline
1 avril 2019 @ 22:17
Merci pour cet article !
Ce serait une bonne idée pour réaliser une série historique TV tirée de ce livre.
Antoine
2 avril 2019 @ 09:41
Il me semble que les diamants du diadème sont cousus sur le devant de corsage de la princesse. Cartier était passé maître dans l’art des pierres amovibles que l’on pouvait utiliser ainsi de plusieurs manières.
Baboula
2 avril 2019 @ 11:17
Tout le diadème est sur le corsage ,pas seulement les diamants .