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Cet article met à l’honneur l’onomastique capétienne. Jul qui en est l’auteur,  va nous résumer ce qu’il a appris en essayant de répondre aux questions suivantes : comment expliquer les noms que portaient nos rois et nos princes ? Quels étaient les choix et réflexes les plus fréquents ?

1) Le système classique : le parrain et la marraine donnent leurs noms lors du baptême d’un jeune prince ou d’une jeune princesse. Ils sont mis au masculin ou au féminin en fonction du sexe de l’enfant.

Ainsi notre Roi Louis XV a nommé plusieurs dizaines de filleuls ce qui donna autant de Louis, Louise ou Marie Louise, dont voici une liste non-exhaustive. Marie fait référence à Marie Leczinska, son épouse, quand elle était conjointement marraine.

-Louis Joseph, Duc de Bourgogne (son petit-fils)

-l’Infant Louis, fils de son oncle le Roi d’Espagne

-l’Infante Marie Louise, fille de son cousin le Roi Charles III d’Espagne, future Grande-Duchesse de Toscane

-l’Infante Marie Louise, Princesse de Parme future Reine d’Espagne (sa petite-fille)

-la Princesse Louise, fille du Ferdinand Ier des Deux-Siciles (nièce de la précédente)

-l’Infant Louis, Prince héréditaire de Parme (son premier arrière-petit-fils)

-Louise Diane d’Orléans, Mademoiselle de Chartres (dernière fille du Duc d’Orléans)

-Louis Philippe d’Orléans, Duc de Chartres puis d’Orléans

-Louis Philippe Joseph d’Orléans, Duc de Montpensier puis de Chartres (Philippe Egalité, fils du précédent)

-Louise Marie Thérèse Bathilde d’Orléans, sœur du précédent.

-Louise Françoise de Bourbon, Mademoiselle du Maine (fille de son grand-oncle)

-Louis Jean Marie de Bourbon, Duc de Penthièvre (fils de son grand-oncle)

-Louis Alexandre Joseph de Bourbon, Prince de Lamballe (fils du précédent)

-Louis de Bourbon, Comte de Clermont (fils cadet du Duc de Bourbon)

-Louis Joseph de Bourbon, Prince de Condé (fils du Duc de Bourbon)

-Louis Henri Joseph de Bourbon, Duc de Bourbon (fils du précédent)

-Louis François de Bourbon, Prince de Conty

-Louis François Joseph de Bourbon, Comte de La Marche (fils du précédent)

Des non capétiens :

– Marie Caroline Louise de Lorraine, Archiduchesse d’Autriche (fille de Marie Thérèse) future Reine des Deux-Siciles.

Et même des protestants :

-Le Prince Louis de Prusse

Louis XVI et Marie Antoinette puis Louis XVIII conjointement à sa nièce Madame la Duchesse d’Angoulême nommèrent plusieurs princes de leur Maison, ce qui multiplia encore les Louis et Louise. J’épargnerai au lecteur une longue énumération.

Il en va de même avec les nombreux Charles/Charlotte/Caroline. Le Roi d’Espagne Charles III était le parrain de beaucoup de ses petits-enfants, neveux et nièces à Madrid, Naples et Parme.

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Il était aussi très proche de son cousin Louis XV, échangeant une correspondance quasi-quotidienne pour s’entretenir des intérêts de leurs états. Il n’est donc pas étonnant que son parent le désigne pour parrain de son dernier petit-fils le Comte d’Artois (futur Charles X). Ce prince, devenu à son tour jeune père de famille, demanda ensuite à son parrain de réitérer cet engagement pour son second fils le Duc de Berry. Comme on l’a vu, avec Louis XV, c’était une démarche assez habituelle dans la famille de suivre le père puis le fils. Louis XVI avait aussi fait appel au Roi Charles III pour sa fille aînée Marie Thérèse Charlotte. Son aïeul bien aimé étant mort, le Roi catholique devenait le plus proche mâle d’un âge et d’un rang assez considérable pour exercer cette fonction.

D’autres noms sont entrés dans la famille de France par l’intermédiaire des grands-parents maternels ou arrière-grands-parents maternels des princes, parrains et marraines. On pense à Auguste (de Saxe) et Stanislas (Leczinski).

Les aïeux et bisaïeux tenaient en général sur les fonts les premiers enfants.

Le Roi Alphonse XIII et la Reine Victoire-Eugénie ont ainsi nommés beaucoup de leurs petits-enfants d’où une multiplication d’Alphonse/Alphonsine, Victoire-Eugénie/Victor dans leur descendance.

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Ici le Roi Alphonse tenant son petit-fils, le futur Duc d’Anjou et de Cadix.

Comme on l’a vu, il est habituel que les aînés tiennent sur les fonts les princes des branches cadettes. Cette tradition s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui comme le montrent les exemples suivants :

-l’Infante Margarita, Duchesse de Soria doit son nom Jacobé, à son oncle Jacques de Bourbon, Duc d’Anjou et de Ségovie

le Prince Alphonse n’a pas tenu à ajouter Alphonsine aux noms de l’Infante Cristina, Duchesse de Palma de Majorque. Cependant Cristina lui venait de sa grand-tante.

Les Princes de la branche cadette d’Orléans ont toujours cherché des parrains et marraines chez leurs aînés et perpétué cette référence, de manière plus ou moins inconsciente.

Déjà Philippine Elisabeth d’Orléans devait ses noms au Roi Philippe V et son épouse Elisabeth Farnèse.

Puis au XXème siècle, ce furent le Comte et la Comtesse de Barcelone qui tinrent sur les fonts Claude d’Orléans. Sa jeune sœur Chantal fut quant a pour marraine l’Infante Alice de Bourbon, Duchesse douairière de Calabre.

Ce réflexe s’est manifesté encore chez Michel d’Orléans : sa fille Adélaïde reçut son nom de Jeanne de son parrain le Roi d’Espagne. Sa petite-fille Isabelle fut quant à elle tenue sur les fonts par le Prince des Asturies.

Sans oublier Charles de Bourbon, Duc de Castro, parrain de Gaston d’Orléans.

Ce système classique permet de retracer la généalogie spirituelle des personnes princières

Ainsi Isabelle d’Orléans et Bragance, Comtesse de Paris doit-elle son nom à sa grand-mère la Princesse impériale de Brésil laquelle le devait à sa grand-mère l’Infante Isabelle de Bourbon, Reine des Deux-Siciles, fille de Charles IV d’Espagne et de la Reine Marie Louise.

 

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2) La référence à un aïeul illustre.

Les nombreux Louis se réfèrent au Roi Louis IX (Saint Louis). Ainsi le Duc d’Anjou, né 760 ans jour pour jour après son aïeul, lui doit son nom.

La même chose s’est produite en observant les nombreux Alphonse, rappelant le Roi de Castille Alphonse X le Sage (XIIIème siècle).

La même chose chez les Hohenzollern avec Frédéric pour le Roi Frédéric II.

La famille de Béthune a connu une multiplication de Maximilien et Maximilienne (même à l’intérieur de fratries) en référence au Duc de Sully, ministre d’Henri IV.

A partir de l’époque romantique, les aïeux de l’époque médiévale et moderne devinrent un réservoir dans lequel puisèrent les Bourbons, comme leurs confrères européens.

Le retour des noms Henri (pour Henri IV) et Alphonse en son l’illustration.

Le prétendant Henri d’Orléans, Comte de Paris choisît pour quelques-uns de ses enfants des références dans l’entourage du Roi de la Renaissance Henri II auquel il s’identifiait probablement : Henri, Anne (de Bretagne), François (Ier), Diane (de Poitiers, de Valois), Claude (de France)… ou le Moyen Age avec Thibaud (probablement le Comte de Champagne).

Cette mode, perçue hélas comme nationaliste, fut peu à peu délaissée en dehors de quelques exceptions comme Felipe et Léonor en Espagne. Seul le fils du Comte de Paris osa choisir le nom du Roi des Francs du IXème siècle, Eudes, pour son cadet. Désormais, les princes semblent apprécier davantage leurs aïeux du XIXème et du XXème siècles, plus proches affectivement ou grâce à la mémoire orale.

 

3) La référence à un proche.

Certains personnages, en général de la génération des bisaïeux ou des aïeux ont marqué leur famille. Les petits Alphonse, Eugénie, Gaston, Thérèse, Pierre et Isabelle du XXIème siècle sont là pour le rappeler.

On le voit déjà au XVIIIème siècle pour la quatrième fille de Louis XV qui selon le système classique se serait appelée Louise Charlotte mais pour laquelle le Roi préféra le nom de la Duchesse de Bourgogne (Adélaïde).

Il y eut même une période (début du XXème siècle) où on n’hésitait pas à appeler ses enfants d’après des oncles ou une première épouse disparus trop tôt.

 

4) Les lignées homonymes.

Il était habituel de nommer le fils aîné comme le grand-père ou le père (ce qui revient souvent au même), d’où de longues lignées homonymes de Louis ou d’Alphonse. Mais les Bourbons ont aussi conçu des lignées homonymes féminines.

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Ainsi la fille aînée de la Comtesse de Barcelone Marie des Grâces de Bourbon a-t-elle été nommée Marie du Pilier (Maria del Pilar). Celle-ci a eu une fille Marie de Fatima (mais appelée par son deuxième nom Simonette) et cette dernière a appelée sa propre fille comme l’arrière grand-mère, ce qui fait une suite ininterrompue de quatre Maries.

Même chose chez sa sœur la Princesse Pierre d’Orléans et Bragance née Marie de l’Espérance de Bourbon. Sa fille : Marie de Gloire d’Orléans et Bragance suivie de Marie de la Blanche de Medina (appelée par son premier nom Sol). On atteint donc une lignée homonyme de trois générations et on peut espérer que cela continuera.

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Leur père l’Infant Charles avait perdu sa première épouse, la Princesse des Asturies, sœur aînée du Roi Alphonse XIII. Les épithètes mariales lui permirent de retracer les émotions qu’ils avaient ressenties depuis cette épreuve : les douleurs, la grâce et l’espérance au fil des naissances des trois filles de son second lit avec Louise d’Orléans.

Les petites princesses s’appelaient Maria de los Dolores, Maria de las Mercedes (rappel du nom de sa première femme), Maria de la Esperanza.

Une branche de la famille a battu tous les records en matière d’homonymie : celle d’Orléans. Ainsi l’ancien Comte de Paris avait sa grand-mère, sa mère, sa sœur, sa femme, sa fille qui s’appelaient Isabelle. Hélas cette lignée isabelline ne s’est pas perpétuée à la génération suivante et on peut se réjouir du retour de ce prénom dans celle des arrière-petites-filles.

 

5) Les dévotions particulières.

Les Bourbons, Fils aînés de l’Eglise ont aujourd’hui à la fin de la liste de leurs noms un complément lié à une dévotion particulière de leurs parents.

Le de Jésus des trois enfants du Duc et de la Duchesse d’Anjou,

de Tous les Saints dans la descendance du Comte et de la Comtesse de Barcelone,

Et Marie chez les Orléans depuis le XIXème siècle.

La fréquence du nom de Joseph parmi les filleuls du Roi Louis XV laisse imaginer qu’il aimait particulièrement le père nourricier du Christ.

Le Roi Louis XV semblait aussi apprécier les figures royales et chrétiennes mérovingiennes : avec Clotilde, pour sa petite-fille mais aussi Bathilde, pour sa filleule, fille du Duc de Chartres.

Même chose dans la famille des Rois Charles III et Charles IV d’Espagne avec François/Françoise et Thérèse qui reviennent très souvent.

Ces religieux chrétiens servirent à nommer en général les derniers enfants des grandes fratries, une fois le stock des noms des bisaïeux, aïeux et autres parents prestigieux épuisé.

Chez Charles III on a Gabriel (d’après la marraine, sœur Gabrielle une religieuse carmélite de Capoue, amie de la Reine) Antoinette et Antoine (d’après Antoine de Padoue) sans parler des Xavier/Xavière, Gaétan/Gaétane, Janvier/Janvière, Pascal, Julien/Julienne, Justinien, Joachim/Joachime, Isidore etc…

Même chose au XIXème siècle chez le Duc Robert Ier de Parme avec Sixte, Zite, Xavier, Félix, Gaétan.

La dévotion conduisit certains Bourbons à donner une cinquantaine de noms à leurs enfants comme c’est le cas du petit Gabriel, fils de l’Infant Sébastien d’Espagne et de Portugal ou le petit Pascal, fils du Roi Ferdinand II des Deux-Siciles.

Enfin, la fréquence des Laurent/Laure dans la descendance de la première Comtesse de Paris (Orléans, Autriche-Este) laisse songeur… (Merci à Jul)