La reine Margrethe de Danemark a visité une exposition consacrée aux 200 ans de la séparation entre le Danemark et à la Norvège, qui se tient jusqu’en janvier au château de Frederiksborg. (Copyright photos : scanpix)
Je pensais que la Norvège s’était séparée de la Suède en 1905.
En tout cas, l’Ecosse – elle – ne quitte pas le Royaume-Uni.
La reine doit être contente.
Exposition
1814- Spillet om Danmark og Norge – 1814 – Jeu du Danemark et de la Norvège
du 18 septembre 2014 au 4 janvier 2015
L’exposition du Musée National d’Histoire naturelle de Frederiksborg marque le 200e anniversaire de la séparation du Danemark et de la Norvège et met en scène les événements dramatiques de 1814, quand tant de choses étaient en jeu et des liens séculaires brisés entre le Danemark et la Norvège dans un contexte historique mais propose aussi une série unique d’éléments divers marquant cette période.
En Janvier 1814, le roi danois-norvégien Frédéric VI a été contraint de céder la Norvège à la Suède. Mais les Norvégiens voulaient différemment, ils ont choisi le neveu du roi, ancien gouverneur de la Norvège, le prince Christian Frederik, et ont établi une constitution démocratique. Sous la pression des grandes puissances et d’une brève guerre avec la Suède, Christian Frederik a dû abdiquer et les Norvégiens ont obtenu le troisième roi dans tout juste un an, quand le Suédois Karl XIII devient également roi de Norvège.
L’exposition illustre le partage dano-norvégien. Vous pouvez voir des exemples de nombreux soldats Norvégiens qui vivaient dans la capitale, Copenhague, et un espace donne des exemples des nombreux biens et produits que la Norvège a fourni l’état avec, par exemple, le bois, le fer, le cuivre, argent et le verre.
L’exposition a été préparée en collaboration avec le musée folklorique norvégien et donne un aperçu de ce qui s’est passé en 1814, ce qui était avant et ce qui est venu après.
National historiske Museum
Politiken
Je vous propose une petite « ballade » en Norvège pour marquer et célébrer cette séparation.
Haakon VII ou Haakon IX (1 juin 1907)
Quand, le 18 novembre 1905, S.M. Haakon VII second fils du roi de Danemark Frédéric VIII, fut appelé par les vœux et les votes des libres citoyens de la Norvège à placer sur sa tête la couronne de Saint-Olaf, un problème aussi imprévu qu’il est demeuré peu connu, se posa pour ce prince danois de trente-trois ans:
Quel nom allait-il choisir?
Pour qui se rappelle les longues et pénibles négociations qui aboutirent enfin à la scission de la Suède et de la Norvège, l’exaspération des Norvégiens devant les résistances suédoises, l’irritation et même les menaces des Suédois en face des prétentions norvégiennes, nul ne doutera qu’une très grande prudence fût indispensable au prince qui devenait dans ces conditions, roi de Norvège. Si l’on ajoute que des liens de parenté rattachaient personnellement le prince Charles de Danemark à la Suède (puisque sa mère, Louise de Danemark, est la fille du roi Oscar II de Suède, et qu’une de ses sœurs, la princesse Ingeburge de Danemark est l’épouse d’un petit-fils d’Oscar II, le prince Georges de Suède) on comprendra combien il était difficile au nouveau roi de concilier les désirs de ses sujets avec ceux de sa famille.
Et tout le monde l’attendait à sa première décision, dont on espérait déduire une indication pour l’avenir : à la question du nom.
Pour comprendre l’intérêt de ce problème, il faut d’abord savoir que l’histoire de la Norvège se partage en sept périodes :
– période mythologique;
– période mi – historique mi – légendaire marquée par le règne d’Olaf « le défricheur », l’ancêtre de tous les rois scandinaves,
– période de l’indépendance (836-1397)
– période dano-suédo-norvégienne où la Norvège est soumise ainsi que la Suède aux rois danois (1397-1523)
– période dano-norvégienne où la Norvège est seule asservie au Danemark (1523-1814)
– période suédo-norvégienne où la Suède devient prépondérante en Scandinavie
– seconde période de l’indépendance avec l’avènement de Haakon VII. Il était naturel que le nouveau roi allât choisir son nom parmi les noms des rois appartenant à la période de l’indépendance. Cependant trente rois sont monté sur le trône norvégien entre 836 et 1397. On compte huit Haakon, trois Erik, trois Harold, huit Magnus, trois Sigurd, trois Olaf, un Sverrer, un Gutthorm. Chacune de ces séries est, en général, marquée par une personnalité saillante. C’est ainsi que parmi les Harold se trouve Harold Harfager qui, le premier, constitua l’unité norvégienne, en plaçant sous son sceptre les vingt quatre comtés de Norvège; dans la série des Olaf est Olaf II ou saint Olaf, le patron de la Norvège; dans celle des Magnus, on rencontre Magnus VIII le célèbre réformateur du code norvégien. Le nom de Sigurd est inséparable, dans l’histoire norvégienne de la croisade qu’il entreprit en terre sainte. Cette expédition d’un roi norvégien, expédition qui mériterait de porter un numéro d’ordre dans la liste des croisades, dura quatre ans de 1107 à 1111. Sigurd, avec soixante vaisseaux et dix mille aventuriers norvégiens, partit du port d’Oslo, le futur Christiania, ravagea en 1108 la côte du Portugal qui appartenait encore aux Maures du Maroc. Après avoir passé quelques jours auprès de Roger II, comte de Sicile, qui le reçut comme un compatriote, il débarqua à Joppé, visita Jérusalem, contribua à la prise de Sidon (1110). Enfin Sigurd se rendit, de là, dans l’île de Chypre et en 1111, à Constantinople. Ayant fait présent de ses vaisseaux et de ses marins à Alexis Comnène, empereur d’Orient, il retourna dans son pays.
Mais tous ces noms glorieux de Harold « aux longs cheveux », d’Olaf, de Sigurd, etc, sont déparés aux yeux de l’histoire, par l’incapacité de tous les autres rois du même nom. Des trente rois de la Norvège indépendante il n’y a que les huit rois du nom de Haakon qui se soient tous montrés tous remarquables à divers titres. Ainsi, par exemple, il est intéressant de signaler que c’est sous le premier et le second des Haakon que se déroule la période héroique.
Vers l’an 1000, la Norland-ainsi s’appelait la Norvège, en souvenir de Nor, son fondateur légendaire, l’Anchise des Scandinaves-était à l’apogée de sa grandeur. Elle comprenait la Scotland (l’Ecosse), les îles voisines : Orcades, Shetland, l’archipel de la Frisland (îles Féroé), la Snoland ou « Terre des Neiges » qui devait plus tard changer son nom en Islande, ou « Terre de Glaces » , le Groenland, ou « Terre Verte » avec ses trois divisions administratives de l’Asterbydt, de l’Utbydt et du Westerbydt, l’Estotiland (mot à mot: la terre au delà de l’est), plus tard Terre-Neuve; enfin un pays arrosé par un grand fleuve libre de glaces que les indigènes du pays appelaient Gaspé et qui était probablement le Saint-Laurent, parce que le pays qu’il arrosait avait des jours de huit heures de durée, ce qui correspondrait au 49° de latitude. Il n’est donc pas douteux que les Norvégiens aient découvert l’Amérique plus de cinq siècles avant Christophe Colomb.
Si l’on admet que le nouveau roi ait choisi le nom de Haakon en considération de la gloire acquise dans l’histoire norvégienne par cette lignée de monarques, on s’étonnera qu’il n’ait pas suivi intégralement l’ordre dynastique. Il devrait être logiquement Haakon IX, puisque Haakon VIII a régné de 1350 à 1380. Pourquoi a-t-il voulu s’appeler Haakon VII?
C’est ici qu’apparaît un trait curieux de son caractère. Malgré les liens de parenté qui l’attache à la maison royale de Suède, malgré les raisons qui pouvaient l’engager à ne pas compromettre la neutralité de la maison royale danoise, il n’a pas hésité à épouser les sentiments nationaux de ses nouveaux sujets, jusqu’à leurs méfiances à l’égard de la Suède. Les deux Haakon supprimés, Haakon V et Haakon VIII pour la raison que les pères étaient Suédois, les mères Norvégiennes. Il ne reste plus alors que six Haakon, et le prince Charles de Danemark, a pu se dire Haakon VII.
Ce petit problème dynastique et politique, au lointain pays de Norvège, intéressera les Français pour un double motif : non seulement parce que Haakon VII était hier notre hôte, mais encore parce que l’une de nos provinces, la Normandie, a été peuplée, colonisée par les Norvégiens d’il y a mille ans, que Rollon, premier duc de Normandie, était l’oncle de Haakon Ier, et qu’un grand nombre de Français peuvent se dire qu’ils ont de lointains ancêtres dormant l’éternel sommeil sous les neiges du cercle polaire, aux rayons blafard du « soleil de minuit ».
Zeugma
19 septembre 2014 @ 08:13
Je pensais que la Norvège s’était séparée de la Suède en 1905.
En tout cas, l’Ecosse – elle – ne quitte pas le Royaume-Uni.
La reine doit être contente.
Michèle
19 septembre 2014 @ 09:28
Exposition
1814- Spillet om Danmark og Norge – 1814 – Jeu du Danemark et de la Norvège
du 18 septembre 2014 au 4 janvier 2015
L’exposition du Musée National d’Histoire naturelle de Frederiksborg marque le 200e anniversaire de la séparation du Danemark et de la Norvège et met en scène les événements dramatiques de 1814, quand tant de choses étaient en jeu et des liens séculaires brisés entre le Danemark et la Norvège dans un contexte historique mais propose aussi une série unique d’éléments divers marquant cette période.
En Janvier 1814, le roi danois-norvégien Frédéric VI a été contraint de céder la Norvège à la Suède. Mais les Norvégiens voulaient différemment, ils ont choisi le neveu du roi, ancien gouverneur de la Norvège, le prince Christian Frederik, et ont établi une constitution démocratique. Sous la pression des grandes puissances et d’une brève guerre avec la Suède, Christian Frederik a dû abdiquer et les Norvégiens ont obtenu le troisième roi dans tout juste un an, quand le Suédois Karl XIII devient également roi de Norvège.
L’exposition illustre le partage dano-norvégien. Vous pouvez voir des exemples de nombreux soldats Norvégiens qui vivaient dans la capitale, Copenhague, et un espace donne des exemples des nombreux biens et produits que la Norvège a fourni l’état avec, par exemple, le bois, le fer, le cuivre, argent et le verre.
L’exposition a été préparée en collaboration avec le musée folklorique norvégien et donne un aperçu de ce qui s’est passé en 1814, ce qui était avant et ce qui est venu après.
National historiske Museum
Politiken
Michèle
Claude-Patricia
19 septembre 2014 @ 15:40
Chère Michelle,
Tout ceci est passionnant!! Merci pour vos explications!!
flabemont8
19 septembre 2014 @ 20:48
Merci, Michèle, pour toutes ces précisions toujours très intéressantes . Cordialement .
COLETTE C.
19 septembre 2014 @ 11:07
Par qui fut portée cette belle robe à traîne ?
Claude-Patricia
19 septembre 2014 @ 15:37
Je vous propose une petite « ballade » en Norvège pour marquer et célébrer cette séparation.
Haakon VII ou Haakon IX (1 juin 1907)
Quand, le 18 novembre 1905, S.M. Haakon VII second fils du roi de Danemark Frédéric VIII, fut appelé par les vœux et les votes des libres citoyens de la Norvège à placer sur sa tête la couronne de Saint-Olaf, un problème aussi imprévu qu’il est demeuré peu connu, se posa pour ce prince danois de trente-trois ans:
Quel nom allait-il choisir?
Pour qui se rappelle les longues et pénibles négociations qui aboutirent enfin à la scission de la Suède et de la Norvège, l’exaspération des Norvégiens devant les résistances suédoises, l’irritation et même les menaces des Suédois en face des prétentions norvégiennes, nul ne doutera qu’une très grande prudence fût indispensable au prince qui devenait dans ces conditions, roi de Norvège. Si l’on ajoute que des liens de parenté rattachaient personnellement le prince Charles de Danemark à la Suède (puisque sa mère, Louise de Danemark, est la fille du roi Oscar II de Suède, et qu’une de ses sœurs, la princesse Ingeburge de Danemark est l’épouse d’un petit-fils d’Oscar II, le prince Georges de Suède) on comprendra combien il était difficile au nouveau roi de concilier les désirs de ses sujets avec ceux de sa famille.
Et tout le monde l’attendait à sa première décision, dont on espérait déduire une indication pour l’avenir : à la question du nom.
Pour comprendre l’intérêt de ce problème, il faut d’abord savoir que l’histoire de la Norvège se partage en sept périodes :
– période mythologique;
– période mi – historique mi – légendaire marquée par le règne d’Olaf « le défricheur », l’ancêtre de tous les rois scandinaves,
– période de l’indépendance (836-1397)
– période dano-suédo-norvégienne où la Norvège est soumise ainsi que la Suède aux rois danois (1397-1523)
– période dano-norvégienne où la Norvège est seule asservie au Danemark (1523-1814)
– période suédo-norvégienne où la Suède devient prépondérante en Scandinavie
– seconde période de l’indépendance avec l’avènement de Haakon VII. Il était naturel que le nouveau roi allât choisir son nom parmi les noms des rois appartenant à la période de l’indépendance. Cependant trente rois sont monté sur le trône norvégien entre 836 et 1397. On compte huit Haakon, trois Erik, trois Harold, huit Magnus, trois Sigurd, trois Olaf, un Sverrer, un Gutthorm. Chacune de ces séries est, en général, marquée par une personnalité saillante. C’est ainsi que parmi les Harold se trouve Harold Harfager qui, le premier, constitua l’unité norvégienne, en plaçant sous son sceptre les vingt quatre comtés de Norvège; dans la série des Olaf est Olaf II ou saint Olaf, le patron de la Norvège; dans celle des Magnus, on rencontre Magnus VIII le célèbre réformateur du code norvégien. Le nom de Sigurd est inséparable, dans l’histoire norvégienne de la croisade qu’il entreprit en terre sainte. Cette expédition d’un roi norvégien, expédition qui mériterait de porter un numéro d’ordre dans la liste des croisades, dura quatre ans de 1107 à 1111. Sigurd, avec soixante vaisseaux et dix mille aventuriers norvégiens, partit du port d’Oslo, le futur Christiania, ravagea en 1108 la côte du Portugal qui appartenait encore aux Maures du Maroc. Après avoir passé quelques jours auprès de Roger II, comte de Sicile, qui le reçut comme un compatriote, il débarqua à Joppé, visita Jérusalem, contribua à la prise de Sidon (1110). Enfin Sigurd se rendit, de là, dans l’île de Chypre et en 1111, à Constantinople. Ayant fait présent de ses vaisseaux et de ses marins à Alexis Comnène, empereur d’Orient, il retourna dans son pays.
Mais tous ces noms glorieux de Harold « aux longs cheveux », d’Olaf, de Sigurd, etc, sont déparés aux yeux de l’histoire, par l’incapacité de tous les autres rois du même nom. Des trente rois de la Norvège indépendante il n’y a que les huit rois du nom de Haakon qui se soient tous montrés tous remarquables à divers titres. Ainsi, par exemple, il est intéressant de signaler que c’est sous le premier et le second des Haakon que se déroule la période héroique.
Vers l’an 1000, la Norland-ainsi s’appelait la Norvège, en souvenir de Nor, son fondateur légendaire, l’Anchise des Scandinaves-était à l’apogée de sa grandeur. Elle comprenait la Scotland (l’Ecosse), les îles voisines : Orcades, Shetland, l’archipel de la Frisland (îles Féroé), la Snoland ou « Terre des Neiges » qui devait plus tard changer son nom en Islande, ou « Terre de Glaces » , le Groenland, ou « Terre Verte » avec ses trois divisions administratives de l’Asterbydt, de l’Utbydt et du Westerbydt, l’Estotiland (mot à mot: la terre au delà de l’est), plus tard Terre-Neuve; enfin un pays arrosé par un grand fleuve libre de glaces que les indigènes du pays appelaient Gaspé et qui était probablement le Saint-Laurent, parce que le pays qu’il arrosait avait des jours de huit heures de durée, ce qui correspondrait au 49° de latitude. Il n’est donc pas douteux que les Norvégiens aient découvert l’Amérique plus de cinq siècles avant Christophe Colomb.
Si l’on admet que le nouveau roi ait choisi le nom de Haakon en considération de la gloire acquise dans l’histoire norvégienne par cette lignée de monarques, on s’étonnera qu’il n’ait pas suivi intégralement l’ordre dynastique. Il devrait être logiquement Haakon IX, puisque Haakon VIII a régné de 1350 à 1380. Pourquoi a-t-il voulu s’appeler Haakon VII?
C’est ici qu’apparaît un trait curieux de son caractère. Malgré les liens de parenté qui l’attache à la maison royale de Suède, malgré les raisons qui pouvaient l’engager à ne pas compromettre la neutralité de la maison royale danoise, il n’a pas hésité à épouser les sentiments nationaux de ses nouveaux sujets, jusqu’à leurs méfiances à l’égard de la Suède. Les deux Haakon supprimés, Haakon V et Haakon VIII pour la raison que les pères étaient Suédois, les mères Norvégiennes. Il ne reste plus alors que six Haakon, et le prince Charles de Danemark, a pu se dire Haakon VII.
Ce petit problème dynastique et politique, au lointain pays de Norvège, intéressera les Français pour un double motif : non seulement parce que Haakon VII était hier notre hôte, mais encore parce que l’une de nos provinces, la Normandie, a été peuplée, colonisée par les Norvégiens d’il y a mille ans, que Rollon, premier duc de Normandie, était l’oncle de Haakon Ier, et qu’un grand nombre de Français peuvent se dire qu’ils ont de lointains ancêtres dormant l’éternel sommeil sous les neiges du cercle polaire, aux rayons blafard du « soleil de minuit ».
Article signé J.Delaporte.
Francine du Canada
20 septembre 2014 @ 15:42
Merci Claude-Patricia; très intéressante cette page d’histoire qui nous (les canadiens) rapproche de l’histoire de la Norvège. Bonne journée, FdC