Chaque année, le rituel est immuable. L’Empereur présente ses voeux à ses sujets qui se pressent en foule pour le saluer au balcon spécialement aménagé pour cette occasion. Cette année (comme mes photos peuvent en témoigner), la foule était immense, plusieurs centaines de milliers de personnes se sont déplacées pour saluer l’Empereur et la famille impériale.
Le souhait formulé par l’Empereur l’été dernier de céder sa place a sans doute eu un impact sur la fréquentation de cette année à cet événement. Les gens, toutes nationalités confondues (il y avait beaucoup d’étrangers ce matin dans la foule…) se sont pressés et ont fait preuve d’une immense patience afin de pouvoir admirer la famille impériale (pour ceux arrivés à 9h30, il ne fallait pas compter pouvoir accéder à l’enceinte « sacrée » avant 11h, pour repartir 10 minutes après.
Chaque année, l’Empereur se présente donc à la foule… Mais, cela se fait en plusieurs fois. L’espace devant le balcon d’honneur n’étant pas suffisant pour accueillir tous les visiteurs en une seule fois. Les « apparitions » (traduction littérale de l’anglais employé pour parler de chaque présentation de voeux) de la famille impériale ont lieu à 10h10, 11h, 11h50, 1h30 et 2h20.
Il faut cependant être matinal si l’on souhaite voir la famille au grand complet, car celle-ci ne participe pas à toutes les séances de la journée. Seul l’empereur, sa femme et les deux princes impériaux, leurs épouses ainsi que les princesses Mako et Kako saluent à chaque fois. Les numéros que l’on voit sur certaine photos sont les numéros des queues dans lesquelles les spectateurs sont invités (au Japon on est toujours « invité » à faire quelque chose, même quand c’est obligatoire) à emprunter, et où ils sont invités (bis) à attendre leur tour de passage.
Tous les spectateurs ont pu noter cette année l’absence de la princesse Aiko (fille du Prince héritier et de la Princesse Masako) ainsi que celle du petit Prince Hisahito. Ce qui ne laisse pas d’interroger l’état de leur santé, après le retrait de la princesse du lycée Gakushuin il y a deux mois, et après l’accident de voiture du prince avec sa mère le mois dernier.
Enfin, avec la disparition du Prince Mikasa le 27 octobre dernier, on constate que la famille impériale se réduit dramatiquement et que son avenir ne tient plus qu’à un fil.
Cependant, l’enthousiasme général était soutenu par un temps magnifique (heureusement, il n’aurait plus manqué qu’il pleuve le jour des voeux du 125ème descendant de la Déesse du Soleil Amaterasu… Et oui, au Japon le soleil est féminin!!).
Ces voeux représentent une occasion rare, surtout, de pouvoir accéder à un espace du parc impérial normalement fermé au public. Bon, qu’on ne s’y trompe pas, impossible, même sur le parcours, ne serait-ce que d’entre-apercevoir le palais impérial, soigneusement protégé des regards. Le lieu des voeux se situe dans un pavillon qui a été aménagé spécialement pour ces salutations publiques.
Comme chaque année, les tenues vestimentaires de la famille sont on ne peut plus strictes, et on notera, au passage que les robes des princesses sont toutes exactement coupées de la même façon, seules les couleurs changent. En présence du peuple, il faut savoir être vêtue sobrement.
Pour une majorité des personnes venues saluer l’empereur, la suite de la journée se poursuit par une visite au sanctuaire shintô qui jouxte le parc du palais: le Yasukuni, qui défraie la chronique politique depuis les années 70.
En fait, les Japonais (et beaucoup d’étrangers encore une fois) ne se rendent pas à Yasukuni pour rendre hommage aux criminels de guerre, mais en réalité pour payer leur respect aux ancêtres devenus des Kami (autrement dit des dieux). La foule est donc tout aussi importante, et la même patience tout autant de rigueur.
Enfin, dans ce sanctuaire, se tient aussi le cerisier point de référence de l’agence de météorologie japonaise qui annonce chaque année le retour des cerisiers en fleurs en s’appuyant exclusivement sur la floraison de cet arbre et aucun autre (voir photo).
Sur la photo où l’on peut voir la famille impériale au complet, se trouvent donc, de gauche à droite : La Princesse Hanako (épouse du Prince Hitachi), le Prince Hitachi, la Princesse Masako, le Prince Naruhito (Prince héritier), l’Empereur Akihito, l’Imperatrice Michiko, le Prince Fumihiko (Akishino), la Princesse Kiko (son épouse), les princesses Mako et Kako (leurs filles).
Mais, en réalité, cette tradition des voeux n’est pas si vieille, contrairement à la célébration de la nouvelle année… Il s’agit, en ce dernier cas, d’une tradition ancestrale, qui a été « occidentalisée » (depuis 1873) avec l’adoption du calendrier Grégorien. Le festival du nouvel an japonais: O Shogatsu (traduction: le mois bon, juste, droit) se célébrait en fait à l’origine à peu près en même temps que le nouvel an chinois (puisqu’il en était dérivé) entre le 20 janvier et le 21 février, selon l’année, afin de célébrer le retour du printemps (d’après le calendrier luni-solaire alors en vigueur). Avec la réforme de l’Ère Meiji, cette tradition s’est transposée au 2 janvier (car le 1er est férié pour tout le monde… Même pour l’Empereur!).
Un grand merci à Olivier pour ce reportage depuis Tokyo
Cosmo
2 janvier 2017 @ 22:17
Tout ceci est bien formel et bien triste.
Juliette d
2 janvier 2017 @ 22:57
Quel beau reportage Olivier. Plusieurs photos et de l’information des plus intéressante sur cette coutume de la famille impériale. Vous nous faites vraiment un beau cadeau.
J’ignore si cette coutume plait à la famille, pour ma part je me sentirais comme en
démonstration dans une cage de verre.
framboiz 07
2 janvier 2017 @ 23:01
Merci, Olivier , un monde étrange …Sait-on comment va le petit prince ? A t’il été blessé ?
Caroline
2 janvier 2017 @ 23:52
Olivier, un grand merci pour votre reportage exceptionnel au Japon!
C’est étonnant de voir ces vitres sécurisées, inexistantes chez les royaux du Gotha européen!
Anne-Cécile
3 janvier 2017 @ 01:37
En réalité ne sont présents que les membres adultes. D’où la présence de Kako et Mako.
L’absence du frère et de la cousine semble donc ainsi plus logique.
teddy
4 janvier 2017 @ 10:50
il manque la princesse nobuko et ses deux filles yoko et akiko
l’absence c’est qu’ils n’ont pas 20 ans ou ils tiendront leurs premiers engagements officiels et la princesse aiko portera une parure de diamant et la robe de cour blanche, l’eventail et les gants de rigueurs et à son mariage elle perdra sont titre de princesse impériale et sera une roturière.
et elle ne sera pas impératrice régnante
teddy
4 janvier 2017 @ 10:51
je parlais de la princesse aiko de toshi et du prince hisahito d’akishino
DEB
3 janvier 2017 @ 06:44
C’est comme si on y était !
Merci à Olivier d’avoir partagé ses impressions et ses photos avec nous.
Damien B.
3 janvier 2017 @ 07:44
Voilà un récit très plaisant à lire Olivier. Votre style est très agréable et votre propos érudit. J’espère que nous aurons davantage le plaisir de vous lire cette année.
Guewagram
3 janvier 2017 @ 08:21
Merci pour ce reportage, texte et photos…. Historique si le nouveau statut de l’empereur est publié en avril.
Francky
3 janvier 2017 @ 09:47
Un grand merci, Olivier, pour ce beau reportage sur la présentation des vœux et vos belles photos. Grâce à vous, nous avons une idée plus précise des abords du palais impérial car habituellement, nous voyons toujours la même cage de verre où salue l’empereur et sa famille.
Ce rituel, ces apparitions toutes les heures me font un peu penser aux horloges astronomiques de Strasbourg, de Prague et d’Allemagne, et où de petits personnages apparaissent à une fenêtre toutes les heures pour saluer, bénir ou défiler, ceci devant une foule de spectateurs comme c’est le cas ici…
Au plaisir de vous lire, Olivier: vous m’avez captivé !
Et tous mes vœux pour 2017.
Jean Pierre
3 janvier 2017 @ 11:22
Merci pour cet envers du décor.
Patricio
3 janvier 2017 @ 13:35
Merci Olivier, très intéressant article.
Amitiés
Patricio
Sarita
3 janvier 2017 @ 13:40
Merci pour ce reportage où se mêlent humour et informations!
Leonor
3 janvier 2017 @ 13:52
Une commission de travail est à l’oeuvre au Japon pour étudier la possibilité pour l’empereur, voire els empereurs venir, d’abdiquer.
Non, cet » interdit » n’est pas ancestral.
Il date du XIXe siècle seulement.
Ce fichu XIXe siècle, qui a tant figé de choses de par le monde, pas qu’au Japon. Ou plutôt, qui a cru pouvoir figer des choses pour l’éternité.
Daniel
7 janvier 2017 @ 01:15
Un empereur retiré
Avant l ère meiji l empereur retiré pouvait tirer les ficelles du pouvoir quasi symbolique car les shogun tokugawa détenaient le réel pouvoir
Pierre-Yves
3 janvier 2017 @ 15:03
Merci à Olivier des explications détaillées qu’il nous donne.
Je ne suis allé que deux fois au Japon dans ma vie, ce qui est peu, mais suffisant pour comprendre qu’il vaut mieux ne pas aborder ce pays avec sa mentalité occidentale. Il faut essayer d’oublier qui on est, ses réflexes habituels, et d’être disponible pour observer ce qui se passe, comment les gens se comportent et agissent. Laisser ses idées préconcues à la maison et simplement regarder et s’imprégner.
Le jugement ne sert à rien. En particulier pour les traditions impériales. L’essentiel est qu’elles aient un sens pour les Japonais. Que nous les comprenions mal et y adhérions encore plus mal n’a finalement que peu d’importance.
Corsica
3 janvier 2017 @ 18:06
Olivier, je vous remercie infiniment d’avoir partagé avec nous ce moment important du Nouvel An de votre pays d’adoption. J’ai été très surprise d’apprendre qu’il y avait plusieurs « séances » d’apparition de la famille impériale et, pour nous, habitués aux apparitions des monarchies occidentales, cela paraît presque incongru.
Pour les Japonais, un Nouvel An sans visite à un temple est impensable car il faut y prier, faire une donation et boire un saké spécial sensé éloigner les maladies pour les prochains 12 mois. Lors de ma visite au temple shintoïste de l’empereur Mejii, on m’avait expliqué que, lors du Nouvel An, plus de 3 millions de personnes s’y succédaient et ce, à partir de minuit. J’ai toujours trouvé ce chiffre excessif, qu’en pensez-vous ? Si c’est vrai, la cassette du temple doit déborder…