« En Italie, durant 30 ans, ils ont eu les Borgia, la guerre civile et la terreur. On vous tuait pour un rien, mais ils ont produit Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. Tandis qu’en Suisse, ils ont pratiqué la fraternité, ils ont connu durant 500 ans la démocratie et la paix, et ils ont produit une pendulette… qui fait coucou. » Je ne ferai pas aux lecteurs de N&R l’injure de leur rappeler de quel film est extraite cette réplique, et je prie les lecteurs suisses de me pardonner d’avoir ravivé ce stéréotype.
Si le lien entre les Borgia et les massacres, la terreur et autres réjouissances est évident, il l’est beaucoup moins avec Michel-Ange, Léonard et la Renaissance, dont le rayonnement aurait de toutes façons fini par éclater. Par contre, il est un lien qu’on ne peut nier et c’est celui qui existe entre les Borgia et Pinturicchio.
« Pinturicchio » signifie tout simplement « petit peintre ». C’est le surnom qu’on avait donné à Bernardino di Betto (1454-1513), qui l’avait accepté puisqu’il l’utilisait comme signature.
Natif de Pérouse, de petite taille et sourd, il avait servi des personnages prestigieux, comme le cardinal Francesco Piccolomini qui l’avait invité à peindre sa bibliothèque et la cathédrale de Sienne, et qui, une fois devenu pape sous le nom de Pie III, lui avait commandé la fresque de son couronnement. Il avait aussi servi la famille Della Rovere et la famille Colonna, mais c’est le plus célèbre des Borgia, le pape Alexandre VI, qui a véritablement assuré sa notoriété.
Sur les fresques des appartements pontificaux qu’il avait réalisées pour lui au Vatican, on trouve des portraits de nombreux membres de cette famille : Alexandre VI, bien sûr, mais aussi ses fils César et Giovanni, sa fille Lucrèce, sa maîtresse Julia Farnese (qui y est représentée sous les traits de la Vierge, avec Alexandre VI en adoration) et une quantité d’autres membres de la famille ou d’alliés. Ci-dessous le plus célèbre portrait de Lucrèce Borgia, peint par Pinturicchio.
Pinturicchio a également peint un certain nombre de pièces du Château Saint-Ange, dans lesquelles on retrouve des membres des familles Borgia et Orsini.
Pour en revenir à la pièce de Saint-Marin qui célèbre en 2013 le 500e anniversaire de sa mort, voici le modèle dont elle s’est inspirée.
Il s’agit d’une œuvre peinte pour la Collégiale Sainte-Marie-Majeure de Spello, en Ombrie : « La dispute de Jésus avec les Docteurs ». La pièce n’a retenu que les cinq personnages à droite de Jésus qui est au centre, neutralité religieuse oblige.
Il m’est arrivé, quand la journée de travail avait été particulièrement stressante, de regarder l’un ou l’autre épisode de la série télévisée « Borgia ». J’y ai vu défiler les noms que je viens d’évoquer : Piccolomini, Farnese, Della Rovere, Orsini, Colonna, mais aussi Medicis, Sforza et d’autres. Il se fait que dans un épisode, un peintre apparaît, dans une mise en scène qui n’est pas sans évoquer Velásquez. Il demande par deux fois à Lucrèce Borgia de prendre la pose. C’est évidemment Pinturicchio.
Je suis la dernière à pouvoir le juger, mais certains critiques artistiques ne sont pas tendres avec Pinturicchio, lui reprochant son utilisation abusive de feuilles dorées (« pour duper les âmes qui n’y connaissent rien en art »), certaines erreurs de perspective qu’ils jugent impardonnables, et surtout le fait qu’il se soit fait aider par une quantité d’assistants (dont Raphaël) mais qu’il ait toujours revendiqué seul la paternité de ses œuvres. Une sorte d’arriviste, pourrait-on dire.
Bref, si l’artiste originaire de Pérouse avait parfaitement sa place sur une pièce de Saint-Marin, l’arriviste, si c’en était un, avait parfaitement sa place à la télévision aux côtés des Borgia.
De très belles fêtes de fin d’année à toutes et à tous, et merci à celles et ceux qui m’ont encouragée ! (Merci à Sedna pour cet article)
Jean Pierre
26 décembre 2016 @ 08:47
Sedna ou l’érudition heureuse !
Sedna
26 décembre 2016 @ 11:11
Je ne sais pas si je mérite votre compliment, Jean Pierre, mais il me fait immensément plaisir !
Juliette
26 décembre 2016 @ 16:43
Je suis tout à fait d’accord avec Jean-Pierre. Merci à Sedna pour ce nouvel article tout aussi passionnant que les précédents.
Bonnes fêtes à vous.
Sedna
27 décembre 2016 @ 18:37
Merci à vous, Juliette, et tous mes voeux pour 2017 !
Marie1
26 décembre 2016 @ 08:58
Merci, Meilleurs vœux Sedna pour la nouvelle année…continuez, c’est toujours un plaisir pour moi de lire vos articles.
Sedna
26 décembre 2016 @ 11:12
Merci de votre commentaire, Marie1. Meilleurs voeux à vous aussi !
Severina
26 décembre 2016 @ 09:18
Belle fêtes à vous Sedna et merci pour vos récits toujours très intéressants et agréables.
Sedna
26 décembre 2016 @ 11:16
Grazie a Lei e felice anno nuovo, Severina !
HRC
26 décembre 2016 @ 09:51
Oh merci, Sedna.
Sedna
26 décembre 2016 @ 11:17
Merci à vous HRC, et meilleurs voeux !
Esquiline
26 décembre 2016 @ 14:54
Pour avoir fait de fréquents séjours et avoir parcouru en long et en large le sud de la Toscane et l’Ombrie, Siena et Spello la Romaine ayant été pendant des années mes points de chute, je vous remercie de cet article qui ravive mes souvenirs.
Pour l’anecdote :
1. Gianni Agnelli avait surnommé Pinturicchio je ne sais plus quel footballeur de la Juve, son équipe, pour la délicatesse de ses touches!
2. Le coucou est originaire paraît-il de la Forêt Noire en Allemagne.
Pauvres petits Suisses il ne nous reste même pas ça!
Ce n’est pas tragique remarquez, il nous reste tout de même la modestie et l’ouverture d’esprit des pays multiculturels.
C’est dans cette optique que je vous remercie Sedna pour vos articles si intéressants, documentés et superbement écrits, j’espère vous lire encore l’année à venir.
Tanti auguri
ciboulette
26 décembre 2016 @ 18:01
Grand merci , Sedna , avec vous on s’instruit joliment ! Et on découvre des pièces dont on ne soupçonnait pas l’existence !
Je vous adresse mes vœux les meilleurs pour l’an nouveau , et surtout , continuez à nous enchanter !
Sedna
27 décembre 2016 @ 18:33
Merci encore une fois de votre fidélité, Ciboulette. Recevez tous mes voeux pour 2017!
Cosmo
26 décembre 2016 @ 18:16
Bravo et merci à Sedna pour cet article qui nous amène au coeur d’une histoire troublée, mais si riche.
Cosmo
Sedna
27 décembre 2016 @ 18:34
Merci beaucoup de votre commentaire, Cosmo
Sedna
26 décembre 2016 @ 18:36
Bonsoir Esquiline, et merci beaucoup pour ces anecdotes. Je vous retrouverai avec plaisir l’année prochaine. Meilleurs voeux à vous !
Carole 00
26 décembre 2016 @ 21:46
Je suis un peu étonnée, qu’à cette époque, le fait d’avoir des assistants et de revendiquer seul la paternité des œuvres soit répréhensible.
Il me semble que tous les ateliers des peintres fonctionnaient de cette façon.
Évidemment, quand l’un des apprentis s’appelle Raphaël, ça peut sembler incongru, cependant ils avaient 29 ans d’écart, donc rien d’étonnant à cela.
Pour celles ou ceux que ça intéresse, le livre de Jacques Maroger « A la recherche des secrets des grands peintres » est une référence.
Pour en revenir au sujet de Sedna, que je remercie pour ses explications, j’ai aussi regardé cette série en DVD assez récemment, et je trouve ce sujet intéressant, il ne reste plus qu’à mettre la main sur une de ces pièces.
Bonnes fêtes de fin d’année Sedna.
Carole 007
26 décembre 2016 @ 21:47
Oups, j’ai perdu mon chiffre 7 ! ?
Sedna
27 décembre 2016 @ 18:41
Bonsoir Carole, et merci pour cette mise au point concernant Raphaël.
J’ai bien peur, malheureusement, que vos chances de mettre la main sur cette pièce soient proches de zéro, à moins de la commander chez un spécialiste. Les pièces de Saint-Marin ont un faible tirage et sont immédiatement recherchées et thésaurisées.
Très bonnes fêtes de fin d’année à vous aussi !
Carole 007
29 décembre 2016 @ 14:58
Très bonne année à vous aussi Sedna !
Caroline
26 décembre 2016 @ 23:11
Sedna,
Votre rubrique est l’une de mes préférées dans le site N&R, tellement intéressante avec de nouveaux détails géo-historiques et des explications minutieuses!
Très bonnes fetes de fin d’année en joyeuse compagnie!
Cordialement,
Caroline
Sedna
27 décembre 2016 @ 18:35
Bonsoir Caroline,
C’est à moi de vous remercier pour tous vos commentaires positifs et encourageants !
De très belles fêtes à vous aussi !
DEB
27 décembre 2016 @ 08:55
Ce qu’il y a de formidable avec vos articles, Sedna, c’est qu’ils nous font sortir de la pure numismatique pour nous entraîner dans les meandres de l’histoire.
J’ai appris grâce à eux .
Merci.
Sedna
27 décembre 2016 @ 18:36
Je suis heureuse que vous ayez apprécié mes articles, DEB, et je vous remercie de vos commentaires. Tous mes voeux pour l’an nouveau !
June
28 décembre 2016 @ 15:02
Depuis que je lis vos articles Sedna, je regarde mon porte monnaie différemment ? et j’ai mis quelques jolies pièces de côté… Je ne trouverai peut être pas celle-ci dans la monnaie rendue par ma boulangère mais qui sait ?..
Merci pour vos articles toujours intéressants et agréables à lire ? .
Merci pour
Sedna
29 décembre 2016 @ 18:15
Merci de votre commentaire, June, et tous mes voeux pour 2017 !