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Le Portugal a été la première république de la zone euro à faire figurer un monarque sur une de ses pièces, le roi Afonso Henriques, en 2012. Mais à quelles conditions?

Je cite le Journal officiel de l’Union européenne : « Sujet de commémoration : la désignation de Guimarães (ville du nord du Portugal) comme ‘capitale européenne de la culture 2012’ ». Le nom de la ville de Guimarães figure sur la partie droite de la pièce, sous une représentation de son monument le plus emblématique : le très beau château de Guimarães. Le nom et même le prénom du graveur apparaissent en toutes lettres et caractères aussi grands que celui du pays émetteur. C’est rarissime sur une pièce en euros et cela s’explique sans doute par le fait qu’il s’appelle, providentiellement, José de Guimarães. On l’aura compris, Guimarães est bien le thème de la pièce : le cahier des charges a été respecté.

Mais graphiquement, la place centrale revient au Roi Afonso Henriques. Il y est représenté d’une manière extrêmement stylisée : on ne voit de lui que son heaume, son épée divise la pièce en deux en couvrant une partie de son visage et l’absence de tout attribut royal pourrait le faire passer pour un chevalier ordinaire. Simplicité radicale dans la symbolique et dans le design, que personnellement j’aime beaucoup.

En fait, Afonso Henriques et Guimarães sont deux sujets étroitement liés. Si Afonso Henriques, roi de 1139 à 1185, a été le fondateur de la nation portugaise, Guimarães en a été le berceau. La ville a été la capitale du Portugal depuis le début du règne d’Afonso Henriques jusqu’en 1255, date à laquelle le Roi Afonso III l’a transférée à Lisbonne. Guimarães appelle, en quelque sorte, la présence du roi sur sa pièce et lui donne sa légitimité.

Cette légitimité est d’autant plus forte que le thème de la pièce est une rareté, tant les pièces commémoratives portugaises sont engagées dans des sujets sociaux et républicains. Je citerai, entre autres, la présidence portugaise de l’Union européenne (2007), le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (2008), le 100e anniversaire de la République portugaise (2010, voir ci-dessous), le 40e anniversaire de la Révolution des Œillets (2014) et l’année internationale de l’agriculture familiale (2014).

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Dans une telle ambiance numismatique, frapper une pièce à l’effigie d’un roi du XIIe siècle faisait figure d’exception et ne pouvait en aucun cas passer pour de la dissidence vis-à-vis de la république. C’est pourquoi on peut dire que cette pièce portugaise résume les conditions qui permettent de rendre acceptable la présence d’une figure royale sur une pièce républicaine :

– prendre un personnage royal fédérateur, exempt de toute controverse

– le choisir assez loin dans le temps pour éviter toute nostalgie (dans le cas présent, il y a une distance de plus de 800 ans, c’est parfait)

– le représenter de manière à ce qu’il figure plus comme un symbole que comme un personnage de chair et de sang

– ne pas faire de lui le sujet officiel de la pièce, mais s’en servir plutôt comme faire-valoir du sujet officiel

– frapper cette pièce au milieu d’une série d’autres qui ne peuvent aucunement être soupçonnées de complaisance vis-à-vis de la royauté.

Cette recette, en variant les ingrédients et les proportions au gré des sensibilités nationales, devrait pouvoir servir à toutes les républiques qui souhaiteraient honorer une personnalité royale. (Merci à Sedna pour cet article)