Andorre a l’intention de mettre en circulation en 2017 une pièce consacrée au 100e anniversaire de l’adoption de son hymne national « El Gran Carlemany » (« le Grand Charlemagne ») par le Parlement andorran le 2 avril 1917. C’est la pièce d’ouverture de cet article, qui représente la légende en catalan « 100 anys de l’himne d’Andorra » ainsi qu’un extrait de la partition et, en caractères de type gothique, le texte « Himne Andorrà » (« Hymne andorran »).
Andorre s’y réclame comme « l’única filla de l’Imperi Carlemany / Creient i lliure onze segles » (« la fille unique de l’Empereur Charlemagne / croyante et libre onze siècles »). Pour ceux qui veulent l’écouter, le fichier audio est ici : https://soundcloud.com/user-162358631/hymne-national-andorran.
Une des pièces en euros les plus explicites concernant l’hymne national est sans doute la pièce commémorative luxembourgeoise de 2013, ci-dessous.
En l’agrandissant, on pourrait presque jouer la partition. Le titre de l’hymne est « Ons Heemecht » (« Notre patrie »). C’est un chant lent et profond, un hymne à la Vierge, dont l’ambiance est très éloignée de l’esprit de corps de garde de certains autres hymnes nationaux. On peut le voir et l’entendre ici, chanté entre autres par la famille grand-ducale à l’occasion du mariage du Prince Guillaume et de la Princesse Stéphanie en 2012 : https://www.youtube.com/watch?v=s4MrFV3_nMw.
La Slovénie aussi parle de son hymne national sur des pièces en euros. Sa pièce courante de 2 EUR représente le poète slovène France Prešeren (1800-1849) et le texte « Živé naj vsi narodi » (« Que tous les peuples vivent ») écrit de sa main. Il s’agit du 7e vers de sa poésie « Zdravljica » (« le Toast »), qui est l’hymne national slovène. Il est chanté ici : https://www.youtube.com/watch?v=Zc7aLyhZ94c.
En 2016, l’Allemagne célébrait le 175e anniversaire de son hymne national et a frappé à cette occasion une pièce de collection de 20 EUR. La pièce, sans grande originalité, représente l’auteur des paroles de l’hymne, August Heinrich Hoffmann von Fallersleben et les premiers mots du texte : « Einigkeit und Recht und Freiheit » (« Unité, droit, liberté »).
La musique, on le sait, est le deuxième mouvement du quatuor en ut majeur op 76 no 3 de Joseph Haydn, quatuor surnommé « L’Empereur » puisque ce mouvement avait aussi été l’hymne national de l’Empire des Habsbourg.
Les premiers mots de l’hymne allemand actuel, « Einigkeit und Recht und Freiheit », étaient en Autriche en 1791 « Gott erhalte Franz den Kaiser » (« Dieu protège l’Empereur François »). Ils ont été changés en « Gott erhalte, Gott beschütze / unsern Kaiser, unser Land » (« Dieu conserve, Dieu protège / notre Empereur, notre pays ») jusqu’en 1918.
C’est ici que je ne peux m’empêcher d’évoquer les funérailles de Otto de Habsbourg le 16 juillet 2011.
Quand l’Autriche a enterré celui qui était officiellement Otto Habsburg (donc dépossédé de son titre et de sa particule), la parole du cardinal Schönborn (lui aussi dépossédé de son titre et de sa particule) pendant la cérémonie a été un exercice parfaitement maîtrisé de diplomatie : il s’agissait d’un grand écart entre l’éloge funèbre d’un membre (et lequel !) de la famille impériale et le respect des valeurs de la république autrichienne – le président, le chancelier, le maire de Vienne et un grand nombre de notables autrichiens étaient dans l’assistance.
Dans ce contexte, il fallait presque marcher sur des œufs pour inviter l’assemblée à entonner l’hymne impérial. Mais le prélat a réussi l’exercice en parlant non d’hymne impérial mais de chant populaire (« Volkslied » : le thème serait en effet un air populaire croate), et en se sentant presque obligé d’expliquer les paroles « Innig bleibt mit Habsburgs Throne » par les liens qui unissaient la famille au pays.
On peut trouver ici l’hymne impérial chanté (ou non, c’est intéressant) par les principales familles régnantes lors des funérailles en question : https://www.youtube.com/watch?v=M5V98E3e9eA.
Musicalement, c’est le plus bel hymne national que je connaisse. (Merci à Sedna pour cet article)
clementine1
27 novembre 2017 @ 06:18
dernière partie émouvante. Article comme toujours très instructif. Sedna m’a ouvert de nouveaux horizons.
Sedna
27 novembre 2017 @ 22:52
Merci, Clémentine
Guy Coquille
27 novembre 2017 @ 09:12
Vous avez parfaitement raison, Sedna, l’hymne impérial autrichien est le seul à grouper dans une même mélodie le recueillement, la majesté, la connexion à l’âme collective, et la force du lien reçu. Il est sublime.
Sedna
27 novembre 2017 @ 22:55
Merci de votre message, Guy. L’hymne impérial a vécu pas mal de changements de textes, mais la musique est restée la même. C’est pour moi ce qui en fait le plus beau.
Alienor
27 novembre 2017 @ 10:21
Absolument passionnant !!!
Je ne connaissais pas ces pièces.
De nouveau un grand merci pour ces articles qui ne peuvent amener que des remarques intéressantes et qui nous poussent à creuser le sujet. Et enfin ils nous changent très heureusement des sempiternelles critiques sur le botox, les muscles, la sale mine ou pas de certaines dames…
Sedna
27 novembre 2017 @ 22:56
Merci de votre commentaire, Alienor
Patricio
27 novembre 2017 @ 12:56
Passionnant comme toujours, merci Sedna de me faire découvrir toutes ces pièces. Amitiés
Patricio
Sedna
27 novembre 2017 @ 22:56
Recevez toutes mes amitiés, Patricio
Mélusine
27 novembre 2017 @ 15:58
Merci pour ce bel article nous montrant la pertinence du lien entre ces différents pays (Andorre, Luxembourg, Slovénie, Allemagne) commémorant la naissance de leurs hymnes nationaux respectifs par de très originales pièces en euros.
Je trouve aussi très beau et émouvant l’hymne impérial, chanté lors des funérailles de l’archiduc d’Autriche Otto de Habsbourg-Lorraine, en 2011.
Sedna
27 novembre 2017 @ 22:58
Bonsoir, Mélusine,
C’est justement ce que je trouve intéressant dans la collection de pièces en euros : les pièces font des rapports parfois évidents mais aussi parfois inattendus entre les pays, ce qui devrait contribuer à la cohésion et à la poursuite du projet européen. Merci de votre commentaire.
Margaux ?
27 novembre 2017 @ 17:18
Merci pour à Sedna pour cet article et pour la mémoire de mon regretté Otto. Cet air est effectivement magnifique. ?
Sedna
27 novembre 2017 @ 23:00
Oui, Margaux, cet air est magnifique.
Et il est à noter que la musique des funérailles de Otto de Habsbourg était du frère de son auteur, Michael Haydn.
Margaux ?
29 novembre 2017 @ 00:05
Ah oui, ça je l’ignorais (ou je ne m’en souvenais plus). Merci. ?
DEB
28 novembre 2017 @ 06:37
Je suis toujours surprise par la richesse d’inspirations diverses de ces pièces.
Merci Sedna.
Esquiline
29 novembre 2017 @ 13:44
Encore une fois merci Sedna pour cet intéressant article.
Quelle belle idée de partir d’une pièce de monnaie pour illustre l’histoire des pays européens. Vos recherches doivent être passionantes.