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C’est un personnage haut en couleurs qui a régné sur le Saint-Empire, la Bohême et la Hongrie au XVsiècle : la Reine Barbe de Cilley, épouse de Sigismond de Luxembourg. En 2014, la Slovénie célèbre le 600e anniversaire de son couronnement sur une pièce commémorative. On est en droit de se demander quels méfaits cette personne a dû commettre pour mériter un tel traitement numismatique.

Barbe de Cilley était un membre de la famille des comtes dont le patronyme a aussi été orthographié Celje, Cilli, Cillei ou Cille. La ville de Celje se trouve actuellement en Slovénie, ancienne province du Saint-Empire.

Quand Claude-Louis-Michel de Sacy nous présente le personnage dans son « Histoire générale de Hongrie » (1778), c’est sans équivoque : « Barbe de Cilley empoisonna les jours de Sigismond par le scandale de sa conduite, & les intrigues sourdes qu’elle tramait dans sa cour. Elle conspira plusieurs fois contre ses jours. (…) Cette princesse donnait à la cour l’exemple de tous les vices ; elle avait commencé par céder aux instances des hommes, et finit par leur en faire ; chaque jour elle changeait d’amant ; elle donnait des leçons publiques d’athéisme, & chassait avec ignominie toutes les femmes de sa suite qui osaient afficher la vertu. Elle mérita le nom de Messaline d’Allemagne. (…) On ne sait qui l’on doit plus mépriser, ou de la princesse qui commettait de pareils excès ou du prince qui les souffrait. »

La fille de Barbe et de Sigismond, Élisabeth de Luxembourg, épousera en 1421 Albert de Habsbourg, duc d’Autriche, qui deviendra Roi de Bohême et Roi de Hongrie.

Un portrait de la Reine Barbe a été peint en 1493, qui a de toute évidence servi de base au graphisme de la pièce. Elle y figure couronnée et tenant un sceptre.

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Le tableau est assez neutre, contrairement à la pièce : le graveur semble avoir tout fait pour rendre son sujet antipathique.

–          Ce qui était une couronne sur le tableau ressemble sur la pièce à un chapeau, et ce chapeau véhiculé à travers l’Europe contemporaine évoque immanquablement Harry Potter chez les plus jeunes – j’ai fait le test. Le graveur ne pouvait l’ignorer, mais il n’a rien fait pour éviter la comparaison.

–          Les armes des comtes de Cilley (d’azur, aux trois étoiles d’or, qui se retrouvent aujourd’hui sur les armes et le drapeau de la Slovénie) ne figurent pas sur le tableau. Le graveur avait l’embarras du choix pour leur taille et leur emplacement sur la pièce : ce n’est certainement pas par hasard qu’il a placé les branches des deux étoiles supérieures juste sous les yeux de la Reine Barbe ; et j’ignore comment interpréter la pointe de l’étoile inférieure qui arrive juste sous le bas très angulaire de son menton.

–          Son regard sur la pièce est rendu beaucoup plus sombre que sur le tableau.

–          Sa silhouette est cambrée à la limite du naturel sur le tableau, mais sur la pièce, elle est dessinée par des lignes obliques interrompues à droite de manière encore moins naturelle pour faire place à la légende « Barbara Celjska 1414 – 2014 ».

–          Finalement, il y a bien une reine et un sceptre sur la pièce, mais entre les deux, il y a la mention oblique « Slovenija » : contrairement à ce qui est représenté sur le tableau, on ne voit pas que c’est la reine qui tient le sceptre.

Entre le tableau et la pièce, la filiation est aussi évidente que la distance avec laquelle le graveur a voulu revisiter la scène. Il s’agit peut-être d’humour numismatique. (Merci à Sedna pour cet article)