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L’Irlande fête cette année le 100e anniversaire de l’Insurrection de Pâques. Elle frappe à cette occasion sa première pièce commémorative. L’événement a croisé le parcours de la Reine Elizabeth II et la référence est historique et populaire.

L’Insurrection de Pâques est d’une telle importance en Irlande qu’elle a eu raison de la torpeur numismatique du pays, qui consistait jusqu’à 2016 à ne frapper aucune pièce commémorative, hormis les émissions communes à tous les États de la zone euro.

Que s’est-il passé en 1916, sous le règne de George V, dans cette Irlande extrêmement pauvre et occupée par les Britanniques ? Une insurrection qui fut clairement un échec.

Le 24 avril 1916, des membres de l’Irish Citizen Army et de l’Irish Volunteers Force ont assailli divers endroits stratégiques de Dublin et ont proclamé unilatéralement la République irlandaise. Mais la population irlandaise n’a guère adhéré au mouvement, particulièrement du fait que nous étions en 1916 et que nombre d’Irlandais se battaient en France contre l’ennemi allemand aux côtés des forces britanniques.

Les chefs de l’Insurrection de Pâques ont même parfois été perçus comme des traîtres. Le mouvement, par ailleurs, n’a jamais rayonné au-delà de Dublin, contrairement à ce qui avait été anticipé. L’Insurrection n’aura duré que 5 jours : le 29 avril 1916, c’est la reddition sans condition, puis, plus tard, la condamnation à mort de ses instigateurs.

La République d’Irlande ne verra le jour qu’en 1921, et ses relations avec le Royaume-Uni connaîtront un grand nombre d’épisodes orageux, comme l’assassinat de Lord Mountbatten en mer d’Irlande. Et il semble que le souvenir de l’Insurrection de Pâques soit demeuré particulièrement vivace.

En 2011, la Reine Elizabeth II lors de son voyage en Irlande a déposé une gerbe en mémoire des chefs de l’Insurrection. Un geste de paix qu’on ne peut que saluer, tout autant qu’on doit saluer les autorités irlandaises de l’avoir organisé ou à tout le moins accepté.

Voilà pour l’Histoire. Pour ce qui est de la numismatique, la pièce fait naître en moi deux réflexions.

La première concerne le visuel. Il s’agit d’une statue d’Hibernia, allégorie de l’Irlande, qui figure sur le fronton de la poste centrale de Dublin, cet endroit ayant servi de quartier général aux insurgés. Personnellement, je suis totalement imperméable au lyrisme de ce genre de visuel (un élément d’architecture en angle, une sculpture en contreplongée et des rayons qui semblent en sourdre), mais je dois avouer que la réalisation technique est bien maîtrisée.

La seconde réflexion concerne la langue et le type d’écriture. Comme sur toutes les pièces irlandaises, le nom du pays, « éire », est écrit en lettres semi-onciales et en irlandais. Le mot « Ireland » ne figure en fait sur aucune pièce irlandaise en euros. Ci-dessous la pièce commémorative commune de 2012 et la pièce courante de 2 EUR portant toutes deux cette mention « éire ».

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Sur la pièce commémorative de 2016, le nom du pays est aussi écrit en latin : « Hibernia », dans une police de caractères manuscrite inspirée du Livre de Kells – la référence à l’écriture du Livre de Kells fait explicitement partie de la description de la pièce dans le Journal officiel de l’Union européenne, ce qui n’est évidemment pas anodin. Je présente ci-dessous deux pages de ce superbe évangéliaire réalisé vers l’an 800 et conservé au Trinity College de Dublin. On peut y voir entre autres la forme caractéristique du « A » reprise sur la pièce commémorative.

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Irishness… J’ai du mal à traduire le terme (je ne vais quand même pas dire « irlandicité »), mais il me semble qu’il parle de lui-même. Par son graphisme, par le choix de ses polices de caractères, par sa dramaturgie et surtout par son refus de la langue anglaise sur ses légendes alors que le nom du pays y figure deux fois, la pièce qui célèbre les 100 ans de l’Insurrection de Pâques véhicule une très puissante irishness. (Merci à Sedna)